Le Voyage dans l’antiquité grecque

Voir aussi : Voyage et littérature en Grèce antique.

Pourquoi voyage-t-on ?

Pour les Grecs, le voyage, par voie terrestre et surtout maritime, est toujours une aventure périlleuse, voire tragique. On ne voyage donc pas par plaisir, du moins dans les périodes les plus anciennes, mais contraint et forcé.

Pour le voyageur grec, les raisons sont multiples :

  • La guerre et la conquête, suivies d’un retour plus ou moins périlleux : c’est ce que relatent les premiers récits de voyage, de l’aventure des Argonautes aux héros de l’Iliade, à commencer par Ulysse. De la même façon, on peut considérer que l’Anabase de Xénophon, qui raconte le périple des mercenaires grecs en Perse et leur retour en Grèce, au Vème siècle avant J-C, comme un récit de voyage ; et parmi les voyages extraordinaires qui ont marqué l’imaginaire grec, et le nôtre, figure bien sûr l’aventure d’Alexandre le Grand.
  • L’économie et la colonisation : la terre grecque était exigüe et peu généreuse, et très tôt, dès le VIIème siècle, les Grecs furent contraints d’aller chercher loin de chez eux des lieux où s’installer et fonder une cité : sur les bords de la Mer Noire, au Proche-Orient, au sud de l’Italie, en Sicile, en Gaule…
  • Le commerce : les Grecs ont toujours été des commerçants avisés, comme avant eux les Crétois et les Phéniciens ; le commerce est d’ailleurs lié à la guerre, car l’origine des conflits est souvent la conquête ou la défense des voies commerciales. La Méditerranée a toujours été un lieu d’échanges intensifs.
  • Les voyages religieux et/ou médicaux : les grands sanctuaires panhelléniques étaient des lieux de rassemblement de la Grèce entière, et les pèlerins venaient parfois de fort loin : Delphes et sa Pythie, Olympie et ses jeux quadriennaux, Épidaure et son dieu guérisseur Asclépios attiraient les foules.
  • Les voyages diplomatiques ou officiels : dans la Grèce antique, il s’agit essentiellement d’ambassades ; puis, à l’époque hellénistique, de voyages administratifs (tournées d’inspection de magistrats) ou de voyages officiels des rois, dans des territoires devenus immenses.
  • Les voyages scientifiques : Ils sont de deux sortes.
    • Les voyages d’exploration, dans le but de connaître le monde, les pays étrangers, la configuration de la terre : la première exploration connue est celle du Marseillais Pythéas, parti en Atlantique à la recherche du royaume nordique de Thulé (peut-être l’Islande) ; citons aussi Hérodote, qui parcourut le bassin méditerranéen. Par la suite, Pausanias et Strabon ont décrit leurs voyages – mais c’est déjà l’époque romaine.
    • Les voyages des savants et des artistes :
      • poètes et philosophes parcouraient inlassablement le monde grec, d’une ville ou d’une cour à l’autre ; ce fut le cas de philosophes tels que Parménide d’Abdère, venu à Athènes où le jeune Socrate put l’entendre. Ce sera surtout le cas des Sophistes, perpétuels voyageurs, qui se rendaient là où ils trouvaient un public assez riche pour entendre leurs leçons. On peut dire que tous les philosophes, à l’exception de Socrate, définitivement attaché à sa cité, furent des voyageurs, parfois contraints, lorsque les aléas politiques leur valaient d’être exilés…
      • Ce fut aussi le cas des artistes : sculpteurs et peintres au gré des commandes qu’ils recevaient, troupes de théâtres, musiciens et danseurs, aèdes…

Le monde grec antique n’était donc pas un monde sédentaire : il était constamment parcouru en tous sens, à pied, ou plus rarement à cheval ou en charrette, et surtout en bateau, par des soldats, des marchands, des ouvriers en quête de chantier, des pèlerins, des artistes… et aussi des brigands et des pirates !

Les modes de transport

La voie maritime

La navigation est un mode de transport qui dépend étroitement des connaissances techniques et des conditions matérielles (bois, chanvre pour les cordages…) pour la construction des navires, mais aussi la connaissance des vents, des courants, des rivages et des ports. Les textes antiques et la découverte de nombreuses épaves en Méditerranée nous renseignent sur l’existence d’une marine marchande à l’époque grecque.

Un exemple de navire pour le cabotage : la Gyptis

La Gyptis au port de Marseille (photo Michèle Tillard, 2018) – cliquez sur l’image pour agrandir

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Les navires de commerce

Construits en bois de cyprès ou de pin, les navires marchands destinés à la haute mer étaient ronds et lourds (voir par exemple l’épave d’Ulburun, en Turquie), à un seul mât, et munis d’une voile carrée ; ils étaient pontés, et assez hauts au-dessus de la ligne de flottaison, ce qui les rendait assez stables par gros temps. Ils disposaient d’une petite cambuse à l’avant, et d’une cabine à l’arrière. Ils disposaient également de vingt rames environ, pour les manœuvres dans les ports notamment. Ils avaient des ancres, d’abord en pierre, puis, à l’époque classique, en bois lesté de plomb.

La plupart des navires mesuraient 14 à 15 mètres de long, pour un chargement d’une vingtaine de tonnes ; mais à l’époque classique, les navires deviennent plus grands, mesurant plus de quarante mètres, et capables d’embarquer 3000 amphores, soit plus de 100 tonnes. (pour donner un ordre de grandeur, l’Hermione, au XVIIIème siècle, mesurait 44 m de long.) Capables de naviguer contre le vent, ils allaient à une vitesse d’environ 4 à 6 nœuds. (7 à 10 km/h). À l’époque hellénistique, les navires deviendront de plus en plus gros.

Naviguer dans l’Antiquité grecque

  • Les marins grecs ne possédaient ni carte marine, ni instruments de navigation. Ils naviguaient « à l’estime », en se fiant aux vents, aux étoiles, et aux descriptions des navigateurs ; ils empruntaient le plus souvent des routes connues, dont ils avaient repéré les amers, les dangers, les points de mouillage et de ravitaillement… On pense que l’Odyssée était, en partie, un « périple » destiné aux marins. (voir Le Périple d’Ulysse, de Jean Cuisenier).
  • Les dangers de la mer : tempêtes et naufrages. La Méditerranée est une mer particulièrement dangereuse et imprévisible, avec ses changements brutaux de vents, ses tempêtes soudaines et cassantes. Les naufrages étaient fréquents, et meurtriers.
  • Autres dangers : les pirates, et les flottes ennemies. La mer était un champ de bataille, où s’affrontaient des puissances hostiles les unes aux autres : Grecs, Perses, Égyptiens en Méditerranée orientale, Romains et Carthaginois en Méditerranée occidentale, et partout les pirates…

La voie terrestre

Quand ils le pouvaient, les Grecs préféraient éviter de s’aventurer en mer : ils privilégiaient les voies terrestres, et voyageaient à pied, où avec des mulets ; et pour cela des chemins suffisaient. Mais il existait aussi des routes, destinées au charroi.

L’hébergement se faisait chez l’habitant ; de véritables réseaux s’établissaient entre hôtes, fondées sur des échanges de cadeaux. La relation d’hospitalité entre deux familles avait un caractère sacré.
Il existait aussi des auberges, en général assez mal famées et de piètre réputation.
Enfin, une véritable hôtellerie s’était développée dans les grands sanctuaires, Delphes, Olympie ou Épidaure.