Introduction historique
146 av. J-C : prise de Carthage par Scipion Emilien
133 : prise de Numance. La Gaule méridionale devient Provincia Romana, d’où un afflux de blé qui ruine les paysans romains. Les chevaliers et les sénateurs s’enrichissent, les uns en pillant les provinces, les autres en usurpant l’Ager publicus. Tiberius et Caïus Gracchus proposent des lois agraires et frumentaires : en 133, Tiberius est assassiné.
121 : assassinat de Caïus Gracchus.
121-109 : Le gouvernement est aux mains des propriétaires fonciers, « optimates », qui s’opposent au parti populaire. Sylla, qui appartient aux premiers, mène la guerre sociale ; Marius est le chef du parti populaire.
108 : naissance de Catilina
107 : consulat de Marius, qui réforme l’armée, termine la guerre contre Jugurtha, les Cimbres… Sylla, lui, fait la guerre contre Mithridate.
Catilina grandit sous le gouvernement populaire de Marius, qu’il admire.
88 : Sylla est consul : proscriptions contre les Marianistes.
83 : Au retour de Sylla, Catilina, qui a 25 ans, veut se concilier les grâces des vainqueurs : On prétend qu’il a tué un marianiste, parent de Cicéron – mais, poursuivi quelques années plus tard pour ce meurtre, il sera acquitté.
79 : abdication de Sylla
70 : Consulat de Crassus, vainqueur de Spartacus, et de Pompée, vainqueur des Marianistes, des pirates et futur vainqueur de Mithridate (66).
67 : Catilina se livre au cursus honorum : prêteur, puis propréteur en Afrique, il est accusé de concussion ; il ne peut se présenter aux élections consulaires de 66.
1er janvier 65 : 1ère conjuration :Catilina veut tuer les deux consuls élus ; échec
5 février 65 : seconde tentative, mais César ne donne pas le signal convenu ; nouvel échec.
En réalité, la participation de Catilina à cette première conjuration n’est pas absolument certaine ; en tous cas, il ne semble pas en avoir été le chef.
Printemps 65 : procès des proscripteurs. Catilina est absous, mais le peuple est scandalisé par son acte. Il ne peut donc se présenter aux élections consulaires de 65
64 : Catilina peut enfin être candidat, avec Cicéron et Antoine. Cicéron et Antoine sont élus, soutenus par les chevaliers et les sénateurs. Antoine est neutralisé.
Juillet 64-octobre 63 : préparation de la 2ème conjuration ; Catilina lui-même s’occupe de Rome, tandis que Manlius tente de soulever l’Italie.
Octobre 63-janvier 62 : les candidats au consulat sont Silanus, Servius Sulpicius, Murena et Catilina.
28 octobre : Murena et Silanus sont élus consuls
6-7 novembre : Catilina projette d’incendier Rome, de soulever l’Italie et d’assassiner Cicéron
8 novembre : Cicéron et Catilina se retrouvent au Sénat : 1ère Catilinaire
9 novembre : Catilina est parti, Cicéron triomphe un peu vite : 2ème Catilinaire
3 décembre : propositions de Lentulus aux Allobroges ; il y a désormais des preuves écrites de la conjuration. 3ème Catilinaire, qui est un interrogatoire.
4 décembre : tentative de coup de main pour libérer les prisonniers
5 décembre : le Sénat décide du sort des prisonniers. César prône la clémence, Caton obtient la peine de mort, que Cicéron fait aussitôt exécuter. Celui-ci est raccompagné chez lui en triomphe ; en chemin, ses partisans bousculent César.
5 janvier 62 : Catilina est tué lors d’un combat à Pistoria, en Étrurie.
À lire en complément du texte de Salluste :
- Les Catilinaires de Cicéron
- La Vie de Cicéron, de Plutarque
- La Vie de César, de Suétone
- et une version plus moderne, mais aussi plus critique : L’Énigme de Catilina, par Steven SAYLOR, édition 10/18, collection « Grands détectives » : où la version « officielle », qui pour l’essentiel est celle de Cicéron, mérite au moins d’être prise avec quelque distance…
Composition de l’œuvre
- phase initiale de la conjuration (ch. XX-XXX)
- Fuite de Catilina (XXXI-XXXVI)
- Extermination du groupe romain des conjurés (XXXIX-LIII)
- épilogue : dernier combat et mort de Catilina (LIV-LXI)
Des chapitres XIV à XL, Catilina occupe le premier plan ;
Les chapitres XLI-L sont réservés à ses complices
Les chapitres LI-LIV sont focalisés sur César et Caton ;
Les derniers chapitres reviennent à Catilina.
Préambule (I-IV)
§ I
- Pronus, a, um : penché vers la terre (donc incapable de regarder le ciel, le monde de l’idéal… cf. Michel Onfray, à propos du cochon)
- Fingere, finxi : façonner, pétrir
- Fluxus, a, um : fluide, périssable, éphémère
- Vine… an : Revoir l’interrogative indirecte et la concordance des temps
- mature : promptement, de bonne heure
§ II
- desidia, ae : repos, croupissement, paresse
- facinus, oris (n) : ici, actions (bonnes ou mauvaises).
§ III
- absurdus, a, um : déplacé, dissonant
- Haudquaquam : en aucune façon, nullement
- Imprimis : avant tout
- Largitio, tionis : corruption
Une part d’autobiographie dans ce passage : cf. la biographie de Salluste, assez peu édifiante.
§ IV
- Otium contero, is, ere : user son temps de loisir
- Carptim ; en choisissant par morceaux
Un préambule assez bref, de nature philosophique (une philosophie bien sommaire !), où l’on trouve :
- un éloge assez traditionnel de l’art militaire, qui relève de l’intelligence au moins autant que de la force ;
- une condamnation (qui ne manque pas de saveur…) de la corruption et de l’ambition, qui semble un plaidoyer pro domo ;
- un éloge de la vie de l’esprit, opposée au travail des champs et à la chasse : Salluste s’affirme ici comme un citadin résolu, qui ne veut même pas prendre la peine de faire semblant de souscrire aux valeurs « vieux-romain » (contre Caton, et plus tard Virgile…)
- enfin, un éloge du travail de l’historien, et l’annonce de sa méthode : non pas une vue d’ensemble de l’Histoire romaine, mais des « morceaux choisis » pour leur importance. La Conjuration de Catilina est essentielle à ce titre, pour deux raisons :
- elle faillit effectivement mettre en péril la République romaine ;
- elle semblait renaître, au moment où écrivait Salluste, en la personne de Marc-Antoine, qui se réclamait ouvertement de Catilina. (cf. Cicéron, 4ème Philippique, ch. 18)
Portrait de Catilina (§ 5)
- Attaque « in medias res » assez surprenante, par un gros plan sur le protagoniste ; contraire à la tradition annalistique.
- Inedia : privation de nourriture
- Algor, oris, m. : le froid
- Nihil pensi habere : n’avoir aucun scrupule.
Portrait d’un être excessif, mais fascinant, une « force de la nature »
Dès la 1ère phrase, antithèse marquée par un chiasme : magna vi // malo pravoque ; corporis // ingenio. À mettre en relation avec le préambule, qui montre la prééminence de l’esprit sur le corps : les qualités physiques ne sont rien, si elles sont au service d’une âme dépravée.
Reprise ensuite en chiasme ; d’abord les défauts moraux (énumération en boucle, discordia civilis renvoyant à belle intestina), puis les qualités physiques (ordre inverse de la 1ère phrase. Celles-ci servent de « faire valoir » aux défauts moraux qui prédisposent Catilina, dès l’adolescence, à être fauteur de guerre civile !
Un personnage trouble, marqué par les antithèses : varius animus, simulator / dissimulator ; adpetens / profusus ; satis / parum…
Mais surtout, un goût immodéré de la démesure : voir les nombreux superlatifs et intensifs : magna vi, supra quam cuiquam credibile est, vastus animus, immoderata, incredibilia, nimis alta (beau rythme ternaire, et qui rappelle la sagesse grecque : « rien de trop… »), libido maxuma, magis magisque, animus ferox…
Pour Salluste, les causes de la Conjuration sont uniquement morales : la rencontre d’une cité débauchée, et d’une personnalité prête à tout…
Pas un mot ici des conditions matérielles : crise du crédit, situation désespérée des vétérans subissant la spéculation foncière et souvent ruinés…
Excursus : comment Rome s’est corrompue. § VI-XIII
§ VI
- Propulerant < propello, puli, pulsum : pousser en avant.
- Consultare : s’occuper sans cesse de, veiller sur ; rei publicae : au bien de l’Etat
§ VII
- scortum,i : courtisane, prostituée
Une construction rigoureuse : deux paragraphes pour les vertus de l’ancienne Rome, un pour la Royauté, un pour la République, avec un effet de crescendo : traditionnelle déconsidération de la royauté. Vertus traditionnelles aussi : refus du luxe et de la débauche, vertus guerrières. Rome s’est toujours sentie proche de Sparte, au moins idéologiquement.
§ VIII
Allusion aux Athéniens, qui ont surtout eu la chance d’avoir de bons écrivains… Mépris du Romain traditionaliste à l’égard d’une cité policée et raffinée (l’hostilité à l’égard des Grecs est une constante, au moins autant que la fascination qu’ils exercent), et hommage discret à Thucydide, dont Salluste s’inspire en partie…
§ IX
- Igitur : Salluste revient à son sujet, les vertus romaines, après une digression.
- supplicium deorum : premier sens : supplications, sacrifices aux Dieux
Ces deux paragraphes constituent un tableau idéal de la République romaine, qui « oublie » bien des faits (les conflits entre la plèbe et les patriciens, p. ex…)
§ X
Tableau d’une décadence morale, due au goût du pouvoir et de l’argent. Ensemble très général, sans faits précis (sauf la destruction de Carthage en 146).
§ XI
- Une hantise de l’esprit Romain : la perte de la virilité ! « avaritia […] animum virilem effeminat »…
- Bonis initiis : ablatif absolu de concession, ou datif
- Modus : mesure ; modestia : modération.
=> goût de Salluste pour les allitérations : « neque modum neque modestiam victores habere, foeda crudeliaque in civis facinora facere ». Allitérations fondées sur des figures dérivatives : modus et modestia sont de même étymologie, comme facinus et facere.
- Vasa caelata : vases ciselés
- Secundae res ~ adversae res : la prospérité, les circonstances favorables ~ l’adversité, le malheur.
- Ne = nedum : à plus forte raison, bien loin que. Nedum ne s’emploie qu’après une principale négative. Ici, la principale exprime une idée négative.
§ XII
- hebescere : s’émousser
Construction de habere : considérer comme, tenir pour
- + deux accusatifs : objet + attribut du COD
- pro + ablatif : aliquem pro amico habere
- datif de résultat (propre à Salluste) : paupertas probro haberi coepit
Les verbes d’estime sont suivis du génitif, les verbes de prix de l’ablatif, sauf pour pluris, minoris, tanti quanti.
- Nihil pensi neque moderati habere : extension de la formule « nihil pensi habere », n’avoir aucun scrupule. Cf. § 5. Le complément d’un pronom neutre (quid, nihil) est au génitif.
- Operae pretium est + infinitif : il vaut la peine de
- Adimere < adimo,is, ere, emi, emptum : enlever, ôter
§ XIII
- constratus < consterno : couvrir (de chaussées)
- ludibrium, ii : jouet, moquerie, dérision
allusion probable à Lucullus ; cf. Horace, Odes, II, 15, ou Plutarque : « Près de Naples […] il suspendit des collines sur d’immenses fossés, fit entourer d’hippodromes marins et de viviers sa demeure, créa des palais en pleine mer. » Vie de Lucullus, 39.
- ganea, ae : taverne, bouge
- incedo, is, ere, incessi, cessum : envahir, s’emparer de
- in propatulo : en plein air. In propatulo pudicitiam habere : se prostituer
- vescendi causa < vescor, vesci : se nourrir. Pour la table
- exquiro, is, ere, sivi, situm : rechercher, chercher à obtenir
- opperiri : attendre.
Les complices de Catilina (XIV-XVI)
§ XIV
- Caterva, ae : bande guerrière ; stipator, oris : qui accompagne, garde du corps
- Ganeo,onis : pilier de cabaret
- Manus, us : coup au jeu de dés => jeu
- Pene < penis, is, m. : membre viril
- Conflavi < conflo, as, are, avi, atum : former par assemblage ; accumuler. Gonfler (voir sonorités du mot)
- Convictus judiciis : convaincu par les juges = condamné
- Illecebra, ae : attrait, charme
- Obnoxious : soumis à qqn, dépendant de
Similis peut avoir un complément soit au datif, soit au génitif : similis patri ou patris. On trouve d’ordinaire le génitif quand le complément est un pronom : similis nostri. Avec par, on trouve généralement atque : par atque, semblable à.
Après si, nisi, ne, num, on trouve quis au lieu de aliquis.
§ XV
- privignus, i : fils d’un premier lit
- foedus oculus : l’œil laid, repoussant, funeste
- vecordia : extravagance, démence.
Par souci de morale, Salluste n’est guère cohérent : comment un homme hanté par le sentiment de sa faute, hagard et extravagant, eût-il pu séduire autant de gens, y compris parmi les plus raisonnables ? Mais l’idée d’un criminel, heureux, à la conscience sereine, dérange évidemment… ==> comparer les deux portraits ; montrer que l’art du portrait est moins réaliste que conventionnel. Voir aussi portrait de Jugurtha, ou portrait de Catilina par Cicéron.
§ XVI
- commodo, as, are : prêter qqch.
- Brachylogie : “ex illis testis signatoresque falsos” : ayant fait d’eux des faux-témoins et des faussaires, “commodare” (inf. de narration), il les prêtait.
- Adtrivi < adtero, is, ere, -trivi, -tritum : enlever, user, écraser
- Sons / insons : coupable, non coupable
§ XVII : début de la conjuration.
En 64 av. J-C ; mais en réalité (erreur de Salluste), en 63 : voir l’introduction historique.
§ XVIII-XIX : un complot antérieur, celui de 65. (flash-back)
- Profiteri : faire une déclaration officielle de candidature
- Nonas decembris = le 5 décembre
- Kalendis Januariis = le 1er janvier
- Nonas februaris = le 5 février
En réalité, c’est César qui aurait fait échouer cette première conjuration, en ne donnant pas le signal convenu. Quant à la participation de Catilina lui-même à cette première conjuration, elle ne semble pas absolument sûre ; en tous cas, il n’en aurait été ni le chef, ni l’instigateur…
Voir Suétone, Vie de César, ch. IX.
§ XX- XXI : discours de Catilina.
- Diversi = singuli : chacun séparément
- Ceterum : mais ; sens fréquent chez Salluste
- Jus atque dicionem : « sous le pouvoir arbitraire » : expression toute faite, où dicio indique un assujettissement plus complet que jus, la soumission au bon plaisir du possesseur.
- Repulsa, ae : échec
- Emori : disparaître dans la mort
- Toreumata : mot grec ; « vases ciselés ».
- Spes : ce que l’on a à attendre
- Quin : pourquoi… ne pas ; que… ne pas
- Expergiscor : s’éveiller, sortir de son engourdissement. « Réveillez-vous ! »
Commentaire
la composition du discours
- Un exorde (1er §), qui rappelle les liens affectifs entre les conjurés : « captatio beniuolentiae » (uirtus, fides, amicitia…) ; liens entre les pronoms « uos » et « ego ».
- « narration », partie centrale : rappelle les faits, le pouvoir et l’argent confisqués par une oligarchie, l’impuissance à laquelle eux sont réduits, les procès dont ils sont accablés (ce qui est son propre cas : procès pour concussion, pour meurtre… menant à chaque fois à des acquittements, mais ruineux et l’empêchant d’agir…) ; gaspillage insolent de quelques parvenus, ce qui rejoint très exactement les analyses de Salluste lui-même ( cf. X-XIII)… et celles de Caton ! Catilina joue-t-il à contre-emploi ?
- Une péroraison pleine d’élan épique, et qui ne manque pas de grandeur : « En illa, illa, quem saepe optatis, libertas… » ; des énumérations (res, tempus, pericula, egestas…), l’appel aux siens… en même temps, allusion au consulat (« uobiscum una consul agam ») : à ce moment, Catilina n’a nullement renoncé à agir dans la légalité républicaine ; il veut être consul afin d’imposer alors ses réformes, conformément au droit romain.
l’art de persuader
Les hyperboles, les figures de style, l’art de l’allusion : style périodique fondé sur des allitérations (fortis fidosque…), des énumérations ouvertes (pericula, repulsas, iudicia, egestatem ~ gratia, potentia, honos, diuitiae) ; des chiasmes : « uiget aetas, animus ualet » renforcé par une rime interne ; des hyperboles marquées par une interrogation rhétorique : « quid reliqui habemus praeter miseram animam ? »
Beaucoup de termes concrets, mais peu de métaphores, à part « quin igitur expergiscimini ? » (métaphore classique du sommeil, quasi lexicalisée) ; brièveté et sobriété.
Le style épique se manifeste surtout dans la péroraison ; mais l’on trouve partout un langage militaire : uirtus, uincere, imperare…… et l’appel solennel, marqué par l’épizeuxe :
ēn īllă, īllă, quām saēp(e) ōptāstīs, lībērtās,
et l’emphase des voyelles longues. Un appel qui n’est pas sans évoquer d’autres textes de combat :
« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
j’étais fait pour te connaître
pour te chanter
Liberté. »
Dans quelle mesure ce discours est-il « catilinien » ? Puisque prononcé lors d’une réunion secrète, « sans témoins », il n’a guère pu être rapporté tel quel à Salluste. Cependant, celui-ci a pu prendre connaissance de discours authentiques, ou de propos tenus par Catilina au Sénat ou durant des « contiones » (réunions publiques). Il y a donc très certainement une part d’authenticité, Salluste se contentant probablement de réordonner, et de réécrire, des paroles proférées ailleurs.
§ 21
- tabulas novas : de nouveaux livres de compte = la révision des dettes
- necessitudo,dinis : besoin impérieux, difficulté
- increpo, as, are, avi, atum aliquem maledictis : se répandre en malédictions contre
- quelqu’un.
- Admoneo : rappeler
- Alacres : pleins d’ardeur, bouillants
§ 22
- inde : de là
- exsecratio : serments accompagnés d’imprécations contre eux-mêmes en cas de parjure
- eo dictitare fecisse : illi (les gens qui disent) dictitare Catilinam id fecisse eo, quo…
- comperta : apprendre, découvrir,prouver
- pro magnitudine : à cause de sa gravité.
- Alius alii conscii = alii alios juvant : réciprocité.
§ XXV : portrait de Sempronia
Sed in iis erat Sempronia, quae multa saepe uirilis audaciae facinora commiserat. Haec mulier genere atque forma, praeterea uiro liberis satis fortunata fuit; litteris Graecis Latinis docta, psallere et saltare elegantius quam necesse est probae, multa alia, quae instrumenta luxuriae sunt. Sed ei cariora semper omnia quam decus atque pudicitia fuit; pecuniae an famae minus parceret, haud facile discerneres; libido sic accensa, ut saepius peteret uiros quam peteretur. Sed ea saepe antehac fidem prodiderat, creditum abiurauerat, caedis conscia fuerat: luxuria atque inopia praeceps abierat. Verum ingenium eius haud absurdum: posse uersus facere, iocum mouere, sermone uti uel modesto uel molli uel procaci; prorsus multae facetiae multusque lepos inerat. | XXV. – Parmi toutes ces femmes, je citerai Sempronia, auteur de maints forfaits perpétrés avec une audace toute virile. Pour la famille et la beauté, comme pour son mari et ses enfants, la fortune l’avait bien traitée. Versée dans les lettres grecques et latines, elle chantait et dansait trop élégamment pour une honnête femme, et elle avait bien d’autres talents, vrais instruments de volupté. Mais toujours elle eut à coeur tout autre chose que l’honneur et la pudeur ; il est difficile de dire lequel pesait le moins pour elle, de son argent ou de sa réputation ; elle brûlait d’un tel feu qu’elle cherchait les hommes, plus qu’elle n’était recherchée par eux. Souvent, avant le moment où nous sommes, elle avait trahi sa foi, nié les dépôts qu’on lui avait confiés, joué son rôle dans des assassinats ; le luxe et le manque de ressources l’avaient jetée tête baissée dans l’abîme. Au demeurant, son esprit ne manquait pas de distinction ; elle savait faire des vers, manier la plaisanterie ; sa conversation était tantôt modeste, tantôt provocante et dévergondée ; enfin, c’était une femme extrêmement spirituelle et gracieuse. |
- viro liberis : asyndète. Par son mari et ses enfants (tournure archaïque)
- psallere : jouer de la cithare, chanter en s’accompagnant de la cithare (cela évoque la célèbre courtisane Ninon de Lenclos, cultivée, poète, et joueuse de luth)
- prodiderat < prodo, is, ere, prodidi, proditum : trahir, livrer
- procax, acis : effronté, impudent
- facetiae, arum : finesse, esprit
Un portrait très ambigu, où la fascination pour l’esprit, l’intelligence, la séduction de Sempronia semble l’emporter sur la condamnation morale. Comme Clodia, un peu plus tard, Sempronia ne pouvait pas se fondre dans le rôle étroit où la société romaine cantonnait les femmes…
§ XXIX-XXXII : l’action de Cicéron.
§ XXIX
- ancipiti malo
- exagitare
Il s’agit du « senatus consultum ultimum » qui donne les pleins pouvoirs aux consuls, ou à l’un d’entre eux. Mesure d’exception, limitée dans le temps.
Ante diem VI (sextum) Kalendas Novembris = le 26 octobre ; la lettre est lue au Sénat le 12ème jour, soit le 20 octobre.
§ XXXI
- interrogare : ici, terme juridique : poursuivre en justice
- luculentus : brillant, qui a du poids (pour un discours)
Le discours de Cicéron = la première Catilinaire, que Cicéron fera éditer en 60. « Quousque tandem, Catilina… »
Réponse de Catilina au style indirect libre.
Le style indirect : voir ici
- Inquilinus : locataire ; ici : citoyen de rencontre (presque l’équivalent du « métèque » grec… : citoyen de seconde zone.)
- Obstrepo, is, ere : faire du bruit, manifester
§ XXXII
- secum volvere : rouler dans son esprit.
- Quae bello usui forent : double datif (ce qui est en usage à la guerre)
- Prope diem : un jour prochain
Certains verbes sont accompagnés de 2 datifs, l’un de destination ou de résultat (bello), l’autre d’intérêt. EX : mittere auxilio alicui ; esse auxilio alicui…
§ XXXIII-XXXIV
Une série de lettres : l’une au style direct, avec réponse au style indirect ; l’autre, celle de Catilina, en style indirect.
§ XXXVI-XXXIX : l’état de Rome et de l’opinion publique.
Une certaine recherche d’objectivité : les responsables sont Sylla – qui a perverti les uns et spolié les autres – la plèbe romaine, et l’afflux à Rome de bon nombre d’aventuriers ruinés et prêts à tout, et l’arrogance d’une oligarchie qui verrouille tous les accès au pouvoir.
Mais en même temps, mépris de Salluste pour tous ceux qui n’ont pas d’argent : « tabes » (une infection), « bonis invident, malos extollunt », « probro et petulantia », « ex gregariis militibus »
§ XXXIX-XLI : Une erreur de Lentulus : la proposition faite aux Allobroges.
§ XXXIX
- Praecipio : recommander
- Idoneus : préparé, apte à
§ XL
- dare negotium alicui : charger quelqu’un
- percontatus : s’étant informé
- queror, queri : se plaindre
§ XLII
In ulteriore Gallia ou in citeriore Gallia ? En gaule transalpine (la Narbonnaise) ou en Gaule Cisalpine (la vallée du Pô) ? Le texte ici est incertain. Cicéron nous renseigne (Seconde Catilinaire, XII, 26) : « Quintus Metellus, quem ego (…) in agrum Gallicum Picenumque praemisi » : Q. Metellus que j’ai envoyé par avance sur le territoire gaulois et picénien. Le Picénum se trouvant en Italie, c’est donc bien de la Gaule Cisalpine qu’il est question pour Metellus Celer. En revanche, pour C. Murena, il faut en référer à un autre discours : dans le Pro Murena, c’est de la Gaule ultérieure (transalpine) qu’il est question pour Muréna.
An se in contrariam partem terrarum abdet, ut Gallia Transalpina, quem nuper summo cum imperio libentissime viderit, eundem lugentem, maerentem, exsulem videat? In ea porro provincia quo animo C. Murenam fratrem suum aspiciet? « ou bien se cachera-t-il dans la partie opposée de la terre, afin que la Gaule Transalpine, qui l’a vu récemment très volontiers avec l’imperium suprème, le reverra affligé, accablé, exilé ? Bien plus, dans cette province, dans quel état d’esprit C. Murena verra-t-il son frère ? »
Lucius Murena, consul désigné accusé de corruption électorale, était menacé d’exil ; Cicéron qui le défend imagine qu’il parte en Gaule… où se trouve son frère, Caïus Murena, qui y pourchasse d’éventuels complices de Catilina.
- XLV-XLVIII : arrestation des conjurés et manœuvres de Cicéron contre Crassus.
- XLV-XLVII : l’arrestation
- XLVIII : retournement de la plèbe ; manœuvre de Cicéron contre Crassus
- XLIX : manœuvre contre César : Cicéron refuse de s’en mêler.
- LI : discours de César
Voir la biographie de César.
- Dubius : incertain, douteux
- Vacuus : vide, libre, sans
- Provideo : prévoir, pourvoir
- Possido : s’emparer de
- Consulere : délibérer, examiner.
Les verbes impersonnels traduisent les phénomènes atmosphériques (ex : fulgurat), une évidence, une convenance, une nécessité (constat, decet, oportet) ou un événement (accidit). Ils sont suivis d’un infinitif ou d’une proposition infinitive, sauf les verbes d’événement (accidit ut…). Ils sont aussi employés pour exprimer certains sentiments : me piget, me paenitet…
Ex : me paenitet erroris mei ; furem paenitet furti sui.
- Indutiae : trêves, armistice. Per indutias : au cours d’une trêve
- Sin : mais si
- Exsupero : dépasser, surpasser
Négation après non : neque. Après ne : neve ou neu
- Divellor : être arraché
- Conlibet : ce qui plait, bon plaisir
- Cruor : le sang
- Luctus : larmes, deuil (< lugeo, pleurer)
- Infestos : ennemi, hostile
- Demissus : de condition modeste
- Scilicet : apparemment
- Accendo : enflammer, exciter
- Iracundia : colère
- An employé seul = num (réponse négative)
- Suus se rapporte au sujet ; sauf :
- dans le discours indirect : mater orat ut magister suo filio ignoscat : suo se rapporte à mater
- propter se, pro se : en soi
- hunc sui cives e civitate ejecerent = « son propre »
- avec cum, ou quisque
- studere : être partial
- obliviscor, oblitus sum : oublier
- exempla : ici, mesures (et non exemples)
- jugulari : être égorgé
- obstabat quo minus : empêchait que
On emploie « ne » après les verbes de crainte ou d’empêchement lorsque le verbe de la principale est affirmatif. S’il est négatif, on emploie « quo minus » ou « quin ».
Discours de César :
- les Romains ont toujours su faire preuve de modération à l’égard de leurs ennemis : très habilement, César se place dans la tradition, fait référence aux ancêtres. (ce qui est, là encore, une manière de contre-emploi : César sera par la suite celui qui voudra réformer en profondeur le régime républicain…)
- Condamner les accusés à mort, ce serait céder à la haine ou à la peur
- C’est parfaitement illégal et supposerait une loi d’exception ;
- Or une loi d’exception finit toujours par se retourner contre ceux qui l’ont votée ; des Trente à Athènes aux proscriptions de Sylla, l’expérience est amère
- On peut mettre les accusés hors d’état de nuire sans les tuer.
Intelligence politique : il se concilie Cicéron, mais prépare la voie à une réconciliation nationale.
Au passage – et ce sera relevé par Caton – César se rallie au rationalisme de Lucrèce : la mort n’est rien, et il n’y a rien après la mort. Cela tendrait à confirmer une remarque de Claude Nicolet (Les idées politiques à Rome sous la République, Armand Colin, coll. « U », 1964, p. 73 (note)) selon laquelle la philosophie épicurienne aurait passé pour la philosophie « officielle » des Populares, de Catilina à César, donc, alors que le stoïcisme était la pensée tout aussi officielle des Optimates (Caton, Cicéron…)
Nicolet s’appuie sur le fait que Pison, adversaire de Cicéron, ami de Clodius et l’un des chefs du parti « Populaire » était un épicurien convaincu, dont la maison contenait toute la bibliothèque de Philodème de Gadara ; et aussi sur l’analyse politique de l’évolution des sociétés, dans le livre V du De Natura rerum, assez proche de celle de Salluste.
Mais l’on peut objecter que l’épicurisme n’est guère une pensée « politique » ou qui conduit à l’action politique : il prône au contraire le retrait, l’otium philosophique… Tout le contraire d’un engagement révolutionnaire. A moins, bien sûr, qu’il n’y ait eu, aux côtés d’une branche « contemplative » de l’épicurisme, quelques épicuriens tournés vers l’action et l’engagement… Et ne peut-on voir, dans les multiples accusations de « débauche », de « licence » qui ont accablé les « populares » (Catilina, ses complices, et plus tard César lui-même) le reflet des calomnies qui couraient sur les Épicuriens en général ? Et le portrait si contradictoire de Catilina (homme soumis à ses plaisirs… mais capable comme personne de supporter la faim, le froid, le manque de sommeil…) n’est-il pas également le reflet des contradictions que les adversaires de l’Épicurisme croyaient trouver dans cette philosophie, hédoniste et ascétique, hédoniste parce que ascétique ? Cf. sur l’Épicurisme
LII : discours de Caton
Biographie de Caton d’Utique
Arrière-petit-fils de Caton l’Ancien (« delenda est Carthago »…), il naquit en 95 av. J-C, dans la prestigieuse gens Porcia. Quelques anecdotes permettent de mieux cerner le personnage :
A 14 ans, amené au palais de Sylla, il aurait demandé un poignard « pour affranchir Rome de son tyran » : la chose se passait donc en 81, et Sylla devait vivre tranquillement encore deux ans, maître de Rome ; où l’on voit le talent de Caton pour les vaines gesticulations, ou son sens aigu des « coups médiatiques ».
En 63, il réclame la mort sans jugement pour les complices de Catilina ; il n’a alors que 32 ans, ce qui ne l’empêche pas de traiter Lentulus, qui en a au moins dix de plus, d’ « adulescentulus ».
En 59, il s’oppose violemment au vote du Sénat qui accordait à César le gouvernement des Gaules pour 5 ans.
En 55, lorsque César passe le Rhin, Caton s’indigne violemment… et propose au Sénat de livrer César aux Germains !
En 52, il est battu aux élections consulaires ;
En 49, lorsque commence la guerre civile, il est gouverneur de Sicile, et doit évacuer la province. Il se prononce alors pour Pompée ; après la défaite de Pompée à Pharsale, Caton rejoint les débris de son armée en Afrique ; mais après la défaite de Thapsus (46), il s’enferme dans Utique et se donne la mort… non sans avoir lu le Phédon – dernier « coup médiatique » ?
Le discours de Caton est lui aussi à contre-emploi : ce stoïcien qui se veut austère, champion de la morale, veut convaincre les Sénateurs… en se fondant sur le plus immoral des arguments : « si vous voulez conserver les biens auxquels vous tenez tant… » Un comble, quand Catilina, lui, se pose en défenseur de la justice, de la patrie, et de la liberté… Dans cette série de contre-emplois, n’y a-t-il pas un certain humour de la part de Salluste ?
Un reflet des controverses philosophiques
Alors que les Épicuriens attaquent de front la religion traditionnelle (cf. Lucrèce), affirment que la mort n’est rien d’autre qu’une dissolution matérielle, la dissociation d’atomes qui formeront, ailleurs, de nouveaux êtres, et qu’elle ne comporte ni douleur, ni jugement, ni une quelconque existence post-mortem, les Stoïciens, eux, restent fidèles à une conception de l’au-delà proche de celle de Platon (cf. le Gorgias) ; Caton est donc fidèle à son personnage en réagissant aigrement à une remarque de César. cf. ci-dessus.
Mauvaise foi totale : « atque etiam armatos dimittatis » : jamais César n’a proposé cela !
Fin du discours : propose une aggravation de la procédure ordinaire : non seulement une peine capitale malgré la loi, mais en plus une exécution sans jugement.
=> Caton n’est ni plus vertueux, ni plus respectueux de la loi que ceux qu’il veut faire condamner
=> il ouvre la porte à ce qui se passera ensuite : Cicéron, son « exécuteur des basses œuvres » sera à son tour condamné et exilé pour ces faits… avant que l’assassinat politique ne devienne tout simplement un mode de gouvernement.
LIII – LIV : César et Caton, portraits croisés
- Patrare : accomplir, exécuter
- Effeta pariendo : épuisée par l’enfantement
§ LV : l’exécution des condamnés.
- Ratus : décidé, fixé, calculé (< reor)
- Ne quid novaretur : pour empêcher une tentative révolutionnaire
- Instare : être tout proche
- Laeva : du côté gauche
- Circiter : environ, aux alentours de
- Paries, parietis : mur
- Camera : chambre, plafond
- Fornix, fornicis : voûte, arche
- Laquetus : lien, chaîne, lacet
- Gula : gorge
- Optimum factu : supin en –u après adjectifs en –illis
Prison mamertine, liée au temple de la Concorde par l’escalier des Gémonies où l’on exposait le cadavre des suppliciés. Le cachot Tullianum, ancienne citerne, était juste à côté du grand égout de Rome (« terribilis odore »…)
LVI-LXI : dernier combat de Catilina.
LVI
- Praeacutas sudis : sudis, is, f : pieu, piquet ; praeacutus : qui se termine en pointe
- Per tramites < trames, tramitis, m : chemin de traverse
LVIII
Discours de Catilina, très classique, et imité ici de Xénophon (Cyropédie 3,3,4) ; il part tout d’abord du constat que les paroles n’ont jamais rendu brave personne. Un exorde assez ironique, où Catilina semble se conformer à la tradition de la harangue, sans croire lui-même à son utilité…
La seconde partie, la « narratio », comprend elle-même deux moments : Catilina rappelle d’abord la réalité des faits, sans en déguiser la gravité : son armée est cernée, et ne peut ni s’échapper, ni demeurer dans les montagnes, faute de ravitaillement (le problème récurrent des armées romaines en campagne !) ; il ne cherche nullement à « dorer la pilule » à ses troupes.
La seconde partie reprend davantage le modèle de Xénophon : les assiégés ont plus de motivation que les assiégeants, parce que pour eux l’issue du combat est vitale ; Salluste mêle ici les clichés habituels (fuir est plus dangereux que combattre…) et les allusions à la situation réelle des Catilinistes : leur seule issue était une vie sans espoir, en exil… à tout prendre, mieux vaut tout risquer dans un combat. Et ses derniers mots prennent un accent prophétique : Salluste les reprendra mot pour mot après la bataille (« uictoriam cruentam atque luctuosam » ==> « nec tamen exercitus populi Romani laetam aut incruentam uictoriam adeptus erat »)… et surtout, ils semblent annoncer la suite des événements : plus de trente ans de guerre civile, marquée par des milliers de morts, et où la République finira par succomber. (Actium, 31 ; proclamation du Principat, 27).
LIX – LXI : la dernière bataille de Catilina
Une alternance de points de vue : Salluste, en historien objectif, passe d’un camp à l’autre. Il commence par indiquer la topographie du champ de bataille : une plaine, enfermée à droite par des falaises, à gauche par la montagne.
Du côté de Catilina : il renforce au maximum le centre, qui doit subir le choc le plus rude ; l’aile droite, la plus faible (voir César, Bellum gallicum : le côté droit, qui n’a pas de bouclier, est toujours le plus exposé) est confiée au vieux général Manlius, vétéran de Sylla ; le côté gauche, en réserve, à un officier de Fésule. Une disposition très classique, qui montre que Catilina a une formation de soldat et d’officier. Il ne s’agit nullement d’une armée de « brigands » et de « débauchés » prête à se débander… comme le croira, un peu légèrement, son adversaire.
Du côté d’Antonius : contraste ! Le chef se réfugie sous sa tente, en proie à une très diplomatique crise de goutte. Caïus Antonius Hybrida était peut-être mal à l’aise à l’idée de combattre celui qui avait été son ami ? C’est donc Marcus Petreius, son légat, qui prend le commandement. Il dispose de deux légions, soit à peu près le double de Catilina.
Le combat : récit assez bref, mais qui met en valeur l’héroïsme de Catilina ; oubliés les portraits peu flatteurs : ici Catilina se montre « bon soldat et bon général », n’hésite pas à payer de sa personne, et parvient malgré son infériorité numérique à infliger des pertes sévères à l’adversaire, contraint d’utiliser son arme majeure : la cohorte prétorienne, un commando d’élite. Le combat semble renverser les valeurs : le courage est du côté de Catilina… tandis qu’Antonius, consul en exercice, représentant de l’ordre, du Sénat et des Optimates, brille par son absence.
Le dernier § : une fin assez abrupte, qui rend hommage au courage de l’ennemi, non seulement Catilina lui-même, trouvé agonisant au milieu de ses ennemis, et qui par son expression (« ferociam animi… in uoltu retinens ») montre qu’il n’a rien abdiqué, mais aussi les siens, tous morts à leur poste.
Le passage s’achève sur un rappel du discours prophétique de Catilina : « neque tamen laetam et incruentam uictoriam… » (==> cruentam atque luctuosam uictoriam) : il s’agissait d’une guerre civile, où les Romains se sont massacrés entre eux. Chacun après la bataille reconnaît en l’ennemi un proche, un voisin… La victoire n’apporte donc que des sentiments mitigés. Peut-être chacun a-t-il alors conscience que cette bataille ne fera qu’en préfigurer bien d’autres, et qu’après Catilina viendront César, Pompée, Octave, Marc-Antoine… et trente ans de combats meurtriers…
Catilina est mort ; mais la situation qui a donné naissance à sa révolte perdure :
- Le problème des dettes n’est nullement réglé ;
- Le pouvoir est toujours entre les mains d’une oligarchie, rendue plus arrogante encore par cette victoire ;
- L’appauvrissement de la plèbe et d’une partie de la Nobilitas s’aggrave ;
- et, pire encore, la leçon à tirer de l’échec de Catilina est claire : pour s’emparer du pouvoir, il faut avoir recours à la force, et à l’armée. Catilina, mal secondé par les trop médiocres Céthégus et Lentulus, mal armé par la trop faible armée de Manlius, n’a pu l’emporter. César en tirera les enseignements, et lorsqu’à son tour il sera menacé par un senatus consultum, c’est avec dix légions surentraînées et fanatisées qu’il se présentera aux portes de Rome…