Ce cours est un
hommage à mon défunt maître et ami, Georges RODIER, professeur d'histoire de la
khâgne de Poitiers (lycée Camille Guérin).
>Formation et évolution Les Grecs devant les dieux et le destin Les manifestations du culte Zeus Athéna Apollon Les Héros Les grand jeux >De ces trois données découlent un certain nombre de conséquences : Le Grec primitif a connu le sentiment religieux
sous sa forme personnelle et spontanée : le “thambos” (τ
Formation et évolution :
Trois données fondamentales :
UNE ÉLABORATION MULTIFORME :
Un aspect subjectif :
Le Grec estime que tout ce qui agit puissamment sur l'homme, haine, amour, tout ce à quoi il tend, bonheur, sagesse, tout ce qui le dépasse, contrôle de soi, héroïsme, c'est l'œuvre et la manifestation d'un dieu. En conséquence, chez les Grecs, il n'y a pas de responsabilité personnelle, d'où pas de condamnation. On croit universellement que l'on ne peut rien sans les dieux ; aucune réussite ne couronne un mérite personnel : c'est le signe d'une assistance particulière. Il est urgent de demander l'appui des dieux dans les incertitudes de la vie quotidienne, et de les remercier grassement.
La religion grecque est toujours restée très étroitement liée aux groupes sociaux ; le Grec, au moins avant le IIIème siècle, ne se considérait pas comme un individu isolé ; son salut ne pouvait être obtenu que par le groupe. La religion confère cohésion et permanence aux collectivités (cellule familiale, phratrie, tribu, cité). Le Grec n'est citoyen que dans la mesure où il participe aux croyances et au culte de l'État. Officiellement, le culte privé n'existe pas (cf. Platon, Les Lois, X,909-910) ; cf. aussi la condamnation de Socrate. Jusqu'au christianisme, la religion a pour but le maintien de l'État, par rapport auquel elle n'est pas différenciée. Ce caractère nous renseigne sur la religion : règlement de cérémonies collectives, monuments publics
Pratiques stéréotypées, souvent locales continuées longtemps par respect des Anciens : cette pérennité donne à certaines cérémonies les caractères d'un jeu sacré, dont la mise en scène est intouchable. La religion grecque a un aspect social : c'est le groupe qui crée le rituel, véritable invention collective ; les rivalités se traduisent par des rites, dont certains reproduisent de véritables combats de groupes. Pour ne pas transgresser ces rites, il faut recourir à des spécialistes, attachés à un temple... Ils expliquent l'aspect mythologique de cette religion.
Ce rituel comporte un scénario fait de gestes et de paroles remontant à la plus haute antiquité. De plus les personnalités divines sont extrêmement complexes : l'explication en est donnée par des légendes (αἰτία : récit expliquant la cause) ; les mythes traduisent la vision que les Grecs avaient du cosmos et del'homme dans ce cosmos. Ainsi le mythe de Phaéton traduit les ères géologiques ; celui de Polyphème, le volcanisme ; Gaia mariée à Pontos donne naissance aux raz de marée...
Les mythes sont les survivances en partie ritualisée de concepts psychiques
non élaborés, et cela chez tous les peuples primitifs. Par exemple, les
légendes de Chronos et d'Œdipe mettent en scène la haine et la peur du père,
rival dangereux ; le Sphynx matérialise l'interdit de l'inceste.
Selon Jung, il existe un complexe-femelle, incarné dans Gaia :
l'enfantement par soi seule, sans l'intervention d'aucun principe mâle.
Dans toutes les religions anciennes, les problèmes de fécondité, de procréation prennent une importance extraordinaire : la subsistance et donc la survie des groupes sociaux dépendent à la fois de la fécondité du sol, et des hommes. Tout phénomène de renouveau, d'abondance, de naissance est donc perçu comme résultat d'un acte sexuel, à l'échelle cosmique ou humaine. L'acte sexuel a une vertu magique : il est l'image et la garantie de la fécondité universelle. D'où certains interdits frappant hommes ou femmes à certaines fêtes, affrontement des sexes dans certaines cérémonies, danses, culte de Dionysos.
Des pierres sacrées étaient adorées un peu partout en Grèce : bizarres par leur forme, leur couleur, leur odeur, ou pour avoir été frappées par la foudre, elles étaient entourées d'un enclos : cultes bétyliques, qui ont survécu durant toute l'Antiquité. On les retrouve dans la légende de certains dieux : ainsi la pierre avalée par Chronos à la place de Zeus, et qui était adorée à Delphes.
On trouve aussi des morceaux de bois (xoana) : rappellent le culte de l'olivier, arbre essentiel. Cf. Lysias, Sur l'Olivier.
Il existe également des cultes animaux, comme celui du cheval.
>C'est à ces cultes que va la piété populaire ; l'idée du surnaturel, c'est la force brute contenue dans l'objet, sans intention.
Puis l'on dote la force naturelle d'intention, de jugement, de volonté, comme dans la psychologie enfantine ; l'homme est entouré de ces forces. En les dotant de volonté il en fait des êtres à qui il donne des noms, puis une forme humaine beaucoup plus rassurante.
Les personnages se différencient surtout avec Homère qui le premier dessine des personnalités bien tranchées, à la tâche bien précise. L'assemblée des dieux rassemble la totalité du divin, tandis que certaines figures (la Justice) sont personnifiées.
Elle connaît son essor vers 480-470 av. J-C, à la fin des guerres médiques. La ferveur envers les dieux de l'Attique est renforcée parce que les dieux ont combattu aux côtés des Athéniens : ils méritent d'être particulièrement bien traités, et on leur construit toutes sortes de sanctuaires ; d'autres cités imitent Athènes. Les divinités poliades se précisent et rivalisent, et bientôt se défient ; même les grands dieux sont disputés entre les cités. Il faut les retenir dans la cité : on les enchaîne, on représente des « victoires aptères », c'est-à-dire sans ailes ! Les temples aussi sont aptères, sans colonnes sur les bas-côtés.
Cette religion civique est protégée par la législation, surtout à Athènes : il y a un crime d'impiété passible des plus lourdes peines, arme brandie quand la cité est menacée : l'irreligion est un crime d'État.
Du coup, cette religion est de plus en plus froide ; le thambos n'existe plus. Déshumanisée, elle n'est plus capable de satisfaire certaines aspirations individuelles.
A partir de 420-415 (guerre du Péloponnèse, désastre athénien en Sicile), l'angoisse est entretenue par trois facteurs :
Cela amène deux mouvements contradictoires :
Les pratiques les plus anciennes et les tendances les plus révolutionnaires cohabitent : le génie grec a toujours refusé de faire disparaître les rites les plus archaïques, même barbares, d'où leur complexité. Cette coexistence reflète l'opposition entre une religion populaire et une religion intellectualisée.
Importance de la superstition : ainsi, avant la bataille de Salamine, on aurait sacrifié trois jeunes gens. Cette religion populaire exprime un milieu rural, relativement primitif, aux besoins très peu nombreux et importants : de quoi subvenir et de quoi vendre. Les hommes tentent de l'obtenir par des gestes rituels très anciens qu'ils ne comprennent plus. Ainsi, dans le cycle des fêtes de Déméter, on jette dans des fosses souterraines des cochons de lait vivants, des figurines en pâte ; quelques mois plus tard, on récupère ces débris pour les mêler à la semence. Ou encore on flagelle les assistants avec des rameaux d'un arbuste passant pour avoir des vertus fécondantes. Dans le sud de l'Argolide, quand souffle le sirocco d'Afrique, on coupe en deux un coq blanc, dont on fait suinter le sang sur les champs. Il existe des confréries magiques pour conserver ces pratiques.
L'essentiel de ces pratiques, c'est la Terre, symbole de fécondité, dont il faut redouter les colères (séismes, volcans...) La terre reçoit aussi les morts : alternance des disparitions et des renouveaux, à l'origine de la croyance dans les revenants. Mélange de fête populaire et de crainte ; nombreuses divinités locales, fées, lutins...
L'intelligentsia, hommes politiques, poètes, philosophes, est attachée aux grands dieux classiques : Zeus, Athéna, Apollon, Dionysos. Elle élimine leur rôle de gendarme et de providence. Elle introduit dans la religion des sentiments beaucoup plus intellectualisés, détachés des soucis quotidiens. Elle ignore la superstition et pose vraiment le problème religieux. Chacun de ses membres a sa religion personnelle, son attitude originale face au divin. Pourtant, il y a quelques directions communes :
Cela va de pair avec un égoïsme exclusiviste : l'intelligentsia pense qu'il n'est possible qu'à une élite de trouver le bonheur ; une dévotion assez profonde et assez construite est affaire de privilégiés. Ségrégation.
Il y a du moins une idée commune au peuple et à l'élite : le mythe de l'Âge d'or, et l'idée d'une décadence continue de l'humanité.
L'homme du peuple, le grec moyen, et même la majorité des cadres supérieurs adorent de multiples dieux de tous rangs. Le divin est omniprésent. Très vite on l'a représenté, exprimé dans des symboles (pierres, arbres), puis l'on est passé du polysymbolisme au polythéisme.
Les Grecs ont divinisé les astres, des animaux... Mais très tôt, les dieux ont pris des formes humaines : ils étaient plus près des hommes, plus faciles à traiter ; l'on s'attachait bien plus à eux, avec qui l'on entretenait des rapports presque familiers.
Cet anthropomorphisme explique le développement unique de la sculpture grecque, de l'amour des Grecs pour la plastique. Ces dieux sont souvent de cire, qui donne l'apparence de la vie ; matérialisés dans la cire ou la pierre, ils sont vivants. La statue était recouverte de cire et peinte (γάνωσις) ; on lui donnait des bains rituels, des vêtements. Au IIème siècle après J-C, on trouve un peu partout des statues habillées.
Puis l'on passe de l'identification physique à l'identité morale : les dieux ont les mêmes défauts, les mêmes sentiments que les hommes, en mieux (ou en pire !) : il faut admettre à la fois leur puissance et leurs caprices. Un point de leur caractère est absolu : leur tolérance envers les autres dieux. Les Grecs n'ont jamais compris l'attachement à un seul dieu ; le conflit avec les Juifs les a laissés perplexes.
Les dieux grecs, héritage de générations successives, d'apports sans cesse renouvelés, forment un panthéon très compliqué ; ils peuvent être classés en deux grandes catégories : les dieux ouraniens ou Olympiens, et les dieux chtoniens.
Ils sont en principe au nombre de 12, mais leur liste connaît quelques variations. On y trouve toujours Zeus, Héra, Poseidon, Arès, Artémis, Apollon, Athéna, Hermès et Héphaistos ; presque toujours Aphrodite, Dionysos ; Déméter et Hadès y figurent souvent, Hestia quelquefois.
Ce sont, en gros, les dieux d'Homère, chez qui ils apparaissent déjà dans leur forme définitive. Le sommet de l'Olympe, où ils résident, est un lieu terrestre, mais appartenant au ciel et non à la terre. (Ouranos, le ciel, Aither, l'éther, sont au-dessus de l'air que nous respirons ; or le sommet de l'Olympe dépasse les nuages.
Le Mont Olympe
Zeus commande une société de type féodal, réplique de la société achéenne : elle obéit à la règle du patriarcat ; ces Ouraniens sont d'ascendance nordique, apportés en Grèce par les Indo-Européens. Ils venaient probablement des steppes du nord de la Caspienne : ils étaient des pasteurs nomades et des guerriers. Pour la conquête, il leur fallait une organisation patriarcale, centrée autour du patriarche, chef de troupeau et chef de guerre. Ces derniers n'ont pas de préoccupation agricole : ils ignorent le rythme apparition / disparition, l'inhumation. Ils incinèrent leurs morts et emmènent les cendres.
Ces dieux ne satisfaisaient pas, car ils tiennent à distance la race humaine. Devant eux, l'homme est démuni, sans espoir. Doués d'ubiquité et de fantaisie, ils prennent en venant sur terre souvent la forme du vagabond ou du mendiant pour tester l'hospitalité humaine. Ils prennent parti dans les conflits humains : on peut conclure avec eux des marchés, mais même dans ce cas ils peuvent tromper.
Ils ont conservé leur influence après Homère, grâce aux poèmes homériques ; mais ils ne représentent guère que l'unité de la cité ; le sentiment religieux se confond avec le sentiment national. La disparition de la Cité a entraîné celle des Olympiens.
Dieux de la Terre, ils résident en son sein ; celle-ci, par sa fécondité, fait vivre les hommes et reçoit les morts. Les Chtoniens sont symbolisés et souvent accompagnés par un animal du sol ou des cavernes, chouette ou serpent. Ils sont liés au sol par leur origine étroitement localisée ; ils sont nombreux et très variés : génies, fées, héros... Tous reconnaissent la suprématie d'une divinité féminine, déesse-terre : Gaia, Cybèle... Tous sont d'ascendance et de création méridionale, pré-hellénique, des sociétés égéennes, constituées d'agriculteurs sédentaires, et dont le régime était le matriarcat. Ces peuples inhumaient leurs morts.
Les Chtoniens sont mortels, comme le rythme de la vie agricole, et ils ressuscitent. A cause de cette alternance, ils ont été l'objet de manifestations de mysticisme : rites d'initiation, adoption du néophyte dans une secte, union sexuelle réelle ou figurée, repas où l'on mangeait la chair et buvait le sang d'un animal, assimilation du dieu accompagnée d'éléments orgiastiques (danses, chants) : ce conditionnement créait l'extase et l'enthousiasme. Les cultes à mystères donnaient l'espérance d'une survie éternelle, d'un salut.
Ouraniens |
Chtoniens |
le sacrifice : θύειν, tuer avec effusion de
sang
|
Le sacrifice : ἐναγίζειν, consomption totale de la victime |
Pelage de la victime blanc ou au moins clair ; bovin (surtout taureau) |
Pelage de la victime noir ou foncé ; bélier ou porc |
Victime tuée sur le dos, gorge vers le ciel |
Victime tuée à genoux, la gorge tournée vers le sol |
Autel construit, souvent en pierre |
Autel à ras du sol, ou fosse |
Sacrifice en plein jour, de préférence à midi |
Sacrifice le soir ou la nuit |
Temple classique |
Ἄδυτον, salle souterraine |
Pour prier, le fidèle a la main ou les mains levée(s), l'épaule tournée vers le ciel |
Le priant a les mains baissées, l'épaule tournée vers la terre. |
Ils se sont combattus : ce sont alors généralement les Ouraniens qui l'ont emporté et ont supplanté les Chtoniens (représentation des populations asservies...) Toute une série de mythes reflète ces combats : la légende des Titans, fils de Gaia, vaincus par Zeus et contraints de retourner sous terre ; Apollon vainqueur du dieu-serpent Python...
Ils se sont entendus et même unis, dans des hiérogamies : mariage d'Ouranos et de Gaia. Ce mariage pouvait être symbolisé par des figurants humains, dont le rôle était d'assurer la fécondité générale par contagion magique.
Leurs caractères se sont mêlés en un même dieu : d'où la complexité, parfois les contradictions, de figures divines telles que Dionysos ou Apollon. Pour le Grec, le dieu est beaucoup plus que la somme de ces éléments. C'était un personnage total, particulier. Mais ce mélange est significatif de conflits inconscients. Le Grec du λόγος c'est l'union d'Apollon et de Dionysos.
L'espérance de l'homme ne peut dépasser sa vie terrestre. Après sa mort il n'est qu'une ombre : les âmes mènent aux Enfers une « vie » misérable. La vie s'arrête, et après la mort ne règne qu'une tristesse sans espoir. Pourtant quelque chose subsiste : la ψυχὴ s'enfuit dans les ténèbres souterraines ; elle s'échappe de la bouche du mort, ou d'une blessure béante ; elle a la même apparence que le personnage, mais c'est une image incorporelle, qui a perdu toute sensibilité, toute connaissance, toute énergie. Le royaume des ombres est celui des songes. Les ombres n'ont aucune action sur les vivants.
L'Érèbe a des entrées multiples : Lébadée (aujourd'hui Livadia) en Béotie, la rivière Styx en Arcadie, le cap Ténare à l'extrémité sud de la Grèce, ou encore Pylos, la ville de Nestor, au sud-ouest du Péloponnèse.
Seuls les hommes célèbres ou les morts glorieux sont assurés d'une certaine immortalité : celle qu'assure la Renommée, la mémoire de la postérité. Ou encore, à partir de Platon, perpétuer la vie en donnant naissance à des enfants...
Le culte des morts est inconnu chez Homère : seule exception, les sacrifices offerts par Achille à Patrocle, peut-être la survivance d'une coutume pré-achéenne.
Mentionné dès Homère, mais ce transfert a lieu de son vivant, vers les Champs Élyséens. Dans l'Odyssée, Protée s'adresse à Ménélas : « Les Immortels te conduiront vivant aux bornes de la terre, dans les champs Élyséens où règne le blond Rhadamante, où les humains coulent sans interruption des jours fortunés. Là on ne connaît ni la neige ni les frimas ; la pluie ne souille jamais la clarté des cieux, les douces haleines des zéphyrs qu'envoie l'océan y apporte éternellement avec un joli murmure une délicieuse fraîcheur »
Vers ce paradis terrestre ne sont pas conduits de leur vivant tous les mortels : seuls ceux de naissance illustre, c'est-à-dire d'ascendance divine y sont menés. Eux non plus ne sont pas l'objet d'un culte.
Hésiode va un peu plus loin : il nous parle de δαίμονες, démons, âmes des morts d'une époque lointaine, mais possesseurs d'une influence sur les vivants. Privilégiés, ils deviennent objets de culte. A cette époque, dans des zones rurales, il y avait donc des cultes de certaines âmes, qui elles aussi habitaient le séjour des Bienheureux.
Tout être humain possède en lui une étincelle divine qui peut être dégagée de la cendre terrestre qui l'étouffe, par certains rites : elle ne peut pas mourir. L'âme emprisonnée dans le corps est libérée par la mort et s'envole alors vers la demeure des dieux. Cette croyance est déjà répandue chez le Grec moyen dès la seconde moitié du Vème siècle : « L'éther a reçu leurs âmes et la terre leurs corps », dit une épitaphe. Voir aussi Euripide, Les Suppliantes... et bien sûr Platon.
Or cette conception du paradis est dans le ciel : donc de nature ouranienne. Le culte chtonien fusionne donc avec l'idée des Champs Élyséens, qui quittent la surface de la terre ; on les retrouve sous terre, dans le royaume d'Hadès. Tout le monde n'y va pas, mais tout le monde peut y aller. On voit naître l'idée d'un partage entre les Élus, qui auront une existence éternelle, à condition d'avoir été initiés à certains cultes, et les Damnés, qui mèneront la triste vie des ombres. Ces initiés mènent une vie étonnante : cf. Aristophane, les Grenouilles. Dans la lumière, au son des instruments, ils chantent dans une prairie couverte de roses, après avoir mené une vie pieuse, conforme à une certaine éthique. Il n'y a aucun exclusivisme, l'initiation est accessible à tout un chacun.
Naît aussi l'idée d'un jugement : à l'entrée des Enfers il y a un tribunal, présidé par Rhadamante, dont le nom est pré-achéen.
Nous avons donc affaire à des religions de salut. Ces âmes deviennent objets de culte, car elles sont intercesseurs
Les idées des Grecs sur la mort et l'au-delà ont toujours été confuses et entachées de superstition. Mais il y a évolution : les idées d'Homère perdurent jusqu'au début du Vème siècle. Puis l'héritage des cultes chtoniens l'emportent. Elles traduisent le déclin des Ouraniens, de la cité, et matérialisent la naissance et l'essor d'un véritable sentiment religieux, mais aussi le triomphe de l'individualisme.
Dans la mythologie grecque, les Enfers (au pluriel) désignent le royaume des morts. C'est un lieu souterrain où règne le dieu Hadès (du grec ancien Ἅ, raison pour laquelle on parle souvent de royaume d'Hadès, ou Hadès tout court, ainsi que sa femme, Perséphone. Les enfers de la mythologie grecque ne sont pas semblables à l'enfer du christianisme. Les Romains ont donné à Hadès le nom de Pluton. Il règne sur les Inferni.
Le royaume d'Hadès est l'endroit où toutes les psychai vont pour être jugées après la mort. Toutes les âmes sont retenues comme des ombres sans force ni sentiment, pure présence d'un passé à jamais aboli, et qui peuvent reprendre vie quand on les évoque, en général par une libation de sang à même le sol. Les détails de la description du devenir des « âmes » après la mort évoluent avec l'orphisme et Platon. Plusieurs séjours des morts sont distingués clairement et il s'introduit le règlement d'un jugement post-mortem, fondé sur les qualités et les défauts de chacun, devant un tribunal présidé par Minos, Éaque et Rhadamanthe ; les séjours des morts peuvent ainsi être :
Appelé aussi "île des Bienheureux", Homère et Hésiode pensaient qu'elle était située dans le lointain Ouest au-delà des flots de l'Océan. Certains héros en faveur auprès des Dieux y étaient, par eux, envoyés au lieu de mourir. Ils y jouissaient d'une entière et plaisante nouvelle vie. Dans la mythologie postérieure, on se représenta Elysée comme une partie des Enfers gouvernée par Radhamanthe. C'est là que Virgile le situe dans le livre VI de l'Enéide ; pour lui, comme pour Platon, c'était le lieu où les âmes bonnes séjournent temporairement avant d'être réincarnées.
Homère connait aussi le Tartare, endroit le plus profond des Enfers, où quelques criminels mythiques célèbres reçoivent leur punition, telles les Danaïdes, Ixion, Sisyphe, Tantale, etc. C'est aussi la prison des dieux déchus comme les Titans et des Géants, et tous les anciens dieux qui s'étaient opposés aux Olympiens. Il s'agit du lieu où l'on expie ses fautes, où toutes les formes de torture physique ou psychologique sont représentées. À l'intérieur de sa triple enceinte d'airain, il renferme le palais de Hadès. C'est une région aride, sans vie et monotone avec parfois des étangs glacés, des lacs de soufre ou de poix bouillante, où baignent les âmes malhonnêtes. L'endroit est entouré par des fleuves aux eaux boueuses, des marécages à l'odeur nauséabonde, qui forment un rempart pour que nulle âme n'échappe à sa peine. La distance du Tartare jusqu'à la surface est égale à celle qui sépare les cieux de la surface. Il soutient en outre les fondements des terres et des mers. Dans cette vaste région s'élevait également le palais d'Hadès pourvu de nombreuses portes et peuplés d'hôtels innombrables.
L'Hadès est séparé du royaume des vivants par un ou plusieurs fleuves (selon les traditions), souvent le Styx, parfois aussi l'Achéron. Pourvu que les morts aient été enterrés selon les règles: seul ceux qui ont été mis dans une tombe ont le droit de passer avec Charon sur l'autre rive. Charon, ou le passeur, les leur fait traverser dans sa barque, moyennant une obole symbolique (cela explique la coutume mortuaire qui voulait que l'on glisse une pièce dans la bouche des morts). Trois autres fleuves coulent dans les Enfers : le Phlégéthon, le Cocyte et le Léthé.
Le fleuve le plus connu des Enfers qui donne l'immortalité. Styx était une nymphe, fille de Téthys et d'Océan. Pallas, fils de Crios en tomba amoureux. Elle lui donna pour enfants Zélos (le Zèle), Cratos (la Puissance), Bia (la Force) et Niké (la Victoire). À l'époque où Zeus dut affronter les Titans, c'est elle qui, la première, répondit à son appel et accourut avec sa puissante famille. Pour la récompenser, le maître de l'Olympe en fit le lien sacré des promesses des dieux : les peines les plus importantes étaient infligées aux personnes qui violaient les serments faits en son nom, et quand Zeus lui-même jure par elle, sa décision est irrévocable. Cette nymphe était par ailleurs la maîtresse d'une fontaine d'Arcadie dont les eaux s'écoulaient pour former un petit ruisseau qui s'engouffrait un peu plus loin dans une faille qui menait aux Enfers où son cours ralentissait au point d'en devenir un fleuve infernal. La légende veut qu'Achille, héros mythique de la guerre de Troie ait été trempé à sa naissance dans le fleuve par sa mère Thétis. Ceci l'aurait alors rendu invincible, sauf au niveau du talon, avec lequel sa mère le tint quand elle le trempa dans l'eau du Styx. Le Styx est aussi le fleuve de la haine mortelle.
Achéron était le fils du Soleil et de la Terre. Il fut changé en fleuve par punition, car il avait fourni de l'eau aux Titans durant la guerre qui opposa ces derniers aux Olympiens. Il prend sa source en Laconie et disparait dans les environs du cap Ténare, reputé pour être l'une des entrées infernales. On devait le traverser, sur la barque de Charon, afin d'accéder aux Enfers, et après être passé sur l'autre rive, le retour n'était plus possible (seuls quelques héros en revinrent). Il est représenté sous la forme d'un vieillard portant un vêtement trempé dont l'un des attributs est le hibou. L'Achéron, profond et noir fleuve de la douleur, dont les eaux coulent en partie à la surface, empoisonne les mortels qui voudraient boire son eau.
Le Cocyte est un affluent de l'Achéron. C'est sur ses rives que doivent attendre les âmes privées de sépulture avant de comparaître devant les juges qui statueront sur leur sort définitif. C'est un fleuve impétueux qui entoure le Tartare de ses eaux, et on dit que son cours est formé par les abondantes larmes versées par les âmes mauvaises en repentir. Non loin de ce fleuve, on trouve la Porte des Enfers, faite d'airain et maintenue en place par des gonds du même son d'eau.
Le Phlégéthon, tout comme le Cocyte, est un des affluents de l'Achéron. Ce fleuve auquel on attribue les qualités les plus nuisibles est constitué de flammes et entoure la Prison des Mauvais. Il est assez long et coule dans le sens inverse à celui du Cocyte.
p>Ce fleuve-ci est particulier : les âmes des Justes, quand elles jugeaient bon de quitter les Champs Élysées devaient en boire les eaux qui avaient la faculté d'effacer presque entièrement la mémoire de celui qui s'en abreuvait. Après cela, elles pouvaient repartir à la surface et intégrer un nouveau corps pour recommencer une vie humaine, vierge de tout souvenir. Quelques-uns de ces souvenirs, cependant, subsistaient. Le Léthé est aussi appelé « Fleuve de l'Oubli ».
Les Enfers sont traditionnellement situés à une extrême profondeur sous la Grèce et l'Italie. Ils sont limités par le Royaume de la Nuit. Mais les Grecs avaient tendance à le localiser à l'Ouest du monde. On concilia alors les deux idées en supposant que l'entrée se trouvait dans une localité à l'Ouest. Dans l'Illiade d'Homère, cette localité est à l'extrême occident, au-delà du fleuve Océan. Pendant l'Antiquité, Grecs et Romains s'accordaient sur le fait que toute anfractuosité ou caverne insondable devait mener aux Enfers (grottes de Cumes, cap Ténare au sud du Péloponnèse...). On peut, semble-t-il, accéder aux Enfers depuis le monde des vivants par plusieurs chemins ; des entrées se trouvent auprès de l'Averne, du Ténare, et au pays des Cimmériens.
À l'entrée des Enfers se tient le chien de garde à trois têtes, Cerbère, qui empêche tout mort d'en ressortir (seuls Héraclès, Psyché, Thésée, Orphée, et Énée ont réussi à en sortir et à revenir parmi les vivants (voir l'article catabase). Ulysse quant à lui s'en approche dans l'épisode de la Nekyia).
La nekuia ou nekyia est un rite d'invocation des morts, décrit par Homère au chant XI de l'Odyssée.
Après une belle journée de navigation, Ulysse débarque au pays des Cimmériens, plongé dans une nuit perpétuelle. Comme indiqué par Circé, il procède à un sacrifice chthonien et promet au devin Tirésias un bélier noir s'il accepte de se montrer à lui. Les ombres des morts s'approchent en foule, mais Ulysse leur défend de se nourrir du sang, qu'il réserve à Tirésias. L'ombre d'Elpénor réclame à Ulysse des funérailles convenables lorsqu'il retournera chez Circé. Puis l'ombre de Tirésias arrive, et fournit à Ulysse les indications qu'il recherchait. Ulysse apprend que lui et ses compagnons aborderont à l'île du Soleil, et qu'ils ne devront pas toucher au bétail d'Hélios s'ils veulent rentrer chez eux. Si jamais ils mangent les vaches du Soleil, Ulysse pourra tout de même rentrer, mais seul, misérable, après avoir perdu tous ses hommes, et il devra accomplir un long voyage afin d'offrir des sacrifices à tous les dieux pour les apaiser.
Ulysse parle ensuite avec le fantôme de sa mère, Anticlée. Elle lui annonce que Pénélope l'attend toujours fidèlement, et lui donne des nouvelles de son père, Laërte, et de son fils, Télémaque. Ulysse aperçoit ensuite plusieurs reines et héroïnes défuntes, dont les histoires sont racontées au passage : Tyro, Antiope, Alcmène, Mégara, Épicaste (c'est le nom de Jocaste chez Homère), Chloris, Léda qui est la mère d'Hélène de Troie, Iphimédée, Phèdre, Procris et Ariane, Maira, Clymène et Ériphyle. À ce stade de son récit, Ulysse fait une pause ; Arété, Alcinoos et les Phéaciens qui l'écoutent échangent des commentaires élogieux à son sujet, puis Alcinoos invite Ulysse à poursuivre son récit.
Le second groupe d'ombres que voit Ulysse comprend les héros de la guerre de Troie morts pendant ou après la guerre : Ulysse s'entretient avec le fantôme d'Agamemnon qui évoque sa mort sous la main d'Égisthe, puis avec l'ombre d'Achille, qui affirme qu'il préfèrerait être un bouvier misérable, mais vivant, plutôt que de régner sur les morts. Ulysse le réconforte en lui rapportant les prouesses de son fils Néoptolème. Ulysse aperçoit aussi Ajax, qui lui tient encore rigueur à cause de leur rivalité à propos des armes d'Achille.
Enfin, Ulysse voit les grandes figures des Enfers. Il voit Minos qui rend la justice chez les morts, puis le géant Orion, puis les damnés du Tartare en proie à leurs supplices : le géant Tityos dévoré par des vautours, Tantale affamé et assoiffé, Sisyphe poussant en vain son rocher. Il voit ensuite l'ombre d'Héraclès, qui chasse éternellement parmi les morts tandis que le véritable Héraclès, divinisé après sa mort, réside sur l'Olympe en compagnie d'Hébé. Après avoir vu tous ces défunts, Ulysse rentre au navire, de peur d'être changé en pierre par le fantôme de Gorgo.
La Nekuia ne doit pas être confondue avec la catabase (du grec ancien "katabasis", « descente, action de descendre »), qui traite de la descente du héros aux Enfers. L'invocation des morts procède à l'inverse de la catabase puisqu'elle consiste à faire venir à soi les morts, et non à descendre parmi eux.
p>Le Chant VI de l'Énéide présente la descente aux Enfers d'Énée. Elle constitue sans doute le passage le plus célèbre de cette épopée. Elle constitue en quelque sorte un voyage initiatique, où Enée, mené par la sibylle, découvre le pays des morts, mais également ses propres descendants.
Énée, une fois arrivé à Cumes, se rend auprès de la Sybille. Cette dernière lui déclare qu'il atteindrait un jour ses objectifs, mais que pour cela il aurait à livrer des guerres. Elle le conseilla aussi de ne jamais se décourager. Énée lui annonça alors sa volonté de descendre aux Enfers afin de rendre visite à son père. Cette dernière accepta de lui montrer le chemin, après que les Troyens eurent accompli certains rituels.
Par la suite, ils se rendirent tous deux dans un lieu entouré par les ténèbres, où ils rencontrèrent les ombres de différents monstres de la mythologie. Descendant au plus profond des entrailles de la terre, Énée et la Sybille se trouvèrent devant le Styx, où ils rencontrèrent des âmes en errance. Énée demanda à la sibylle ce qu'étaient ces fantômes, et elle lui répondit qu'il s'agissait des âmes des morts qui n'avaient pas reçu de sépulture, et qui étaient condamnées à errer 100 ans avant de pouvoir franchir le fleuve. Énée retrouva là Palinure, le pilote, qui était tombé à l'eau pendant son sommeil. Ce dernier supplia la Sybille qu'on le laisse entrer avec Énée, mais cette dernière rejeta sa requête, ne voulant pas déroger à une règle multiséculaire.
Charon, qui avait déjà laissé traverser quelques vivants de l'autre côté du Styx (Hercule , Orphée, etc.), ne voulut pas embarquer Énée et la Sybille. Finalement, cette dernière parvint à le convaincre, grâce au Rameau sacré et il les accepta sur sa barque. Arrivés devant Cerbère, la Sybille l'endormit, et les deux voyageurs purent poursuivre leur route. Énée et la Sybille pénétrèrent dans une plaine, peuplée par les âmes de ceux qui étaient morts prématurément (les enfants mort-nés, les condamnés à mort injustement, les suicidés). Le Troyen rencontra alors Didon, qui s'enfuit en l'apercevant, encore pleine de rage. Puis, en passant dans le lieu où séjournaient les guerriers, il rencontra des belligérants Grecs et Troyens, qui avaient participé à la guerre de Troie. Les premiers se retirèrent, effrayés, mais les seconds entourèrent alors Énée. Ce dernier reconnut alors Déiphobe, un fils de Priam, qui lui raconta comment Ménélas l'avait tué dans son sommeil.
Énée et la Sybille passèrent devant le Tartare. Le Troyen interrogea son accompagnatrice sur ce lieu. Cette dernière lui répondit qu'il s'agissait d'un lieu souterrain où étaient enfermées les âmes condamnées à la damnation éternelle, après qu'elles furent jugées coupables par Rhadamanthe, un des trois juges des Enfers. Le Tartare était gardé par la Furie Tisiphone (ce qui veut dire "la vengeance"), et qui punissait les âmes coupables. En effet, chacune de ces âmes étaient condamnée à accomplir un supplice pour l'éternité. La Sybille ajouta aussi qu'outre les suppliciés les plus connus (les Titans, etc.), s'y trouvaient une foultitude d'inconnus, qui avaient vécu, au cours de leur existence sur terre, une vie pleine de vices (des vices courants à Rome, au Ier siècle av. J.-C.).
Puis, les deux voyageurs reprirent leur route, et arrivèrent aux Champs Elysées. Il s'agissait du lieu où se rendaient les âmes des personnes qui avaient eu, sur terre, une vie méritante et vertueuse. Il y aperçut Orphée et des inconnus, s'adonnant à des jeux, des danses, et des chants. Par la suite, Énée rencontra Anchise, occupé à compter le nombre des âmes prêtes à se réincarner en la descendance d'Énée. En effet, près des Champs Elysées se trouvait le Léthé, la rivière d'oubli. Les âmes qui en avaient fait le choix venaient y boire afin d'oublier leur vie passée, et par la suite retournaient sur terre en se réincarnant dans un nouveau corps.
Anchise montra à Énée ses futurs descendants : les rois d'Albe, Romulus (qui était appelé à fonder Rome), les successeurs de ce dernier, Brutus l'Ancien, Pompée, Jules César et enfin Auguste (Anchise raconta que ce dernier était appelé à mettre en place un Empire puissant et en paix).
Enfin, Énée, rassuré quant à son avenir, décida de quitter Anchise et de remonter à la surface. Puis, rejoignant ses compagnons, il fit mettre voile en direction du Latium.
Le récit de l' Enfer, la première des trois parties, s'ouvre avec un chant introductif (qui sert de préambule à l'ensemble du poème) dans lequel le poète Dante Alighieri raconte à la première personne son égarement spirituel ; il se représente « dans une forêt obscure », allégorie du péché, dans laquelle il se retrouve parce qu'il a perdu « la route droite », celle de la vertu (il faut se souvenir que Dante se sent coupable, plus que quiconque, du péché de luxure lequel, contrairement à la traditionnelle vision catholique, est toujours présenté, dans l'Enfer et le Purgatoire, comme le moins lourd des péchés). Cherchant à en trouver l'issue, le poète aperçoit une colline illuminée par la lumière du soleil ; tentant d'en sortir pour avoir une perspective plus large, son avance est entravée par trois bêtes féroces : une lonce (lynx), allégorie de la luxure, un lion, symbole de l'orgueil et une louve représentant l'avarice, les trois vices à la base de tous les maux. La frayeur que lui inspire la louve est telle que Dante tombe en arrière le long de la pente.
En se relevant il aperçoit l'âme du grand poète Virgile auquel il demande de l'aide. Virgile, mandé par Béatrice, qui vient chercher le poète, va le mener par l'Enfer, seule sortie de cette forêt. Dante et Virgile vont alors descendre à travers neuf cercles concentriques dans chacun desquels sont logés, par ordre de vice, les occupants de l'Enfer. Ici se succèdent des personnages célèbres, comme Virgile ou Ulysse, et des personnages côtoyés par Dante et envoyés en Enfer pour expier leurs péchés. Leurs supplices sont décrits, par ordre croissant à mesure que l'on descend vers le fond de l'Enfer, qui est aussi le centre de la Terre. Cette partie du voyage se termine par la rencontre avec Lucifer, sur lequel Dante et Virgile sont forcés de grimper pour sortir de l'Enfer, « et revoir les étoiles ». Dans la géographie dantesque l'enfer se présente comme un abîme en forme d'entonnoir. Lucifer l'a creusé dans sa chute sous la ville de Jérusalem, c'est pourquoi il se trouve vissé au centre de la Terre. Les âmes des damnés sont envoyées selon leurs péchés dans l'un des neuf cercles infernaux. Plus leur faute est grave, plus ils tombent bas et plus leur châtiment est pénible. Les châtiments attribués sont en rapport (par analogie ou par contraste) avec le péché commis selon la loi du contrapasso.
Le véritable voyage à travers l'Enfer commence au Chant III (dans les précédents Dante exprime auprès de Virgile ses doutes et ses craintes au sujet du voyage qu'ils vont accomplir). Dante et Virgile se trouvent sous la ville de Jérusalem, devant la grande porte sur laquelle sont gravés les célèbres vers qui ouvrent ce chant. Le dernier : « Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate » (« Laissez toute espérance, vous qui entrez »), inspire de nouvaux doutes et de nouvelles peurs à Dante, mais son maître, guide et ami lui sourit et le prend par la main car ils doivent désormais avancer. Dans ce lieu hors du temps et privé de lumière, l'Ante-enfer, errent pour toujours les indolents, ceux qui, dans la vie, n'ont pas voulu prendre position et sont maintenant considérés comme indignes aussi bien de récompense (Paradis) que de châtiment (Enfer) ; un peu plus avant, sur la rive de l'Acheron (premier fleuve infernal), se tiennent provisoirement les âmes qui doivent rejoindre l'autre rive, attendant que Caron, le premier gardien de l'Enfer, les pousse dans sa barque et les fasse traverser.
L'enfer dantesque est imaginé comme une série d'anneaux numérotés, toujours plus étroits au fur et à mesure de leur succession dans la série, l'ensemble formant un cône renversé ; l'extrémité la plus étroite correspond au centre de la Terre et est entièrement occupée par Lucifer qui, mouvant ses immenses ailes, produit un vent glacial : la glace est la peine maximale. Dans cet Enfer, à chaque péché correspond un cercle et chaque cercle est plus profond que le précédent et plus proche de Lucifer ; plus lourd est le péché, plus grand sera le numéro du cercle auquel il renvoie.
Au-delà de l'Acheron se trouve le premier cercle, les limbes. Ici se trouvent les âmes pures qui ont vécu dans le bien mais n'ont pas reçu le baptême ; sont aussi ici - dans un lieu à part dominé par un « nobile castello" » (un noble château) - les anciens « spiriti magni » (les plus grands esprits, dont fait partie Virgile lui-même), ceux qui accomplirent de grandes œuvres pour le plus grand bénéfice du genre humain. Après les limbes, Dante et son maître pénètrent dans l'Enfer proprement dit. À l'entrée se tient Minos, le second gardien de l'Enfer qui, en juge équitable, indique dans quel cercle infernal chaque âme devra expier sa peine. Passé Minos, Dante et Virgile se retrouvent dans le second cercle, ou sont punis les luxurieux : parmi eux se trouvent les âmes de Sémiramis, Cléopâtre et Hélène de Troie. Les vers du cinquième chant qui racontent l'histoire de la passion amoureuse de Paolo e Francesca[10] sont restés particulièrement célèbres. Aux luxurieux, accablés par le vent, succèdent dans le troisième cercle les gourmands ; ceux-ci sont immergés dans une fange puante, sous une pluie sans trêve, mordus et griffés par Cerbère, troisième gardien de l'Enfer ; dans le quatrième cercle se trouvent ensuite les avares et les prodigues, divisés en deux groupes destinées à s'affronter éternellement en roulant des tas de pierres tout autour du cercle.
Dante et Virgile rejoignent ensuite le cinquième cercle, devant le Styx, dans les eaux boueuses duquel sont punis les coléreux et les indifférents. Les deux poètes sont transportés sur la rive opposée par la barque de Phlégias, quatrième gardien de l'Enfer. Là se dresse la ville de Dité (sixième cercle), dans laquelle sont punis les pécheurs conscients de leur péché. Devant la porte fermée de la ville, les deux amis sont bloqués par les démons et les Érinyes ; ils n'entreront que grâce à l'intervention de l'archange Michel et verront alors comme sont châtiés ceux « che l'anima col corpo morta fanno » (« qui font mourir l'âme avec le corps », c'est-à-dire les épicuriens et les hérétiques parmi lesquels ils rencontrent Farinata degli Uberti, l'un des personnages de l'Enfer dantesque les plus fameux.
Au-delà de la ville, le poète et son guide descendent vers le septième cercle le long d'un ravin escarpé (l'« alta ripa »), au fond duquel se trouve le troisième fleuve infernal, le Phlégéthon, un fleuve de sang en ébullition. Ce fleuve constitue le premier des trois « girons » qui divisent le septième cercle ; y sont punis les violents parmi lesquels le Minotaure tué par Thésée avec l'aide d'Ariane. Sur l'autre rive du fleuve se trouve le second giron que Dante et Virgile rejoignent grâce à l'aide du centaure Nessos ; ici se tiennent les violents contre eux-mêmes, les suicidés transformés en arbustes secs, éternellement déchirés par les Harpies ; parmi eux se trouve Pier della Vigna) ; dans le second giron également sont les gaspilleurs, poursuivis et dévorés par des chiennes. Le troisième et dernier giron, est une lande brûlante où séjournent les violents contre Dieu, la nature et l'art mais aussi les blasphémateurs, les sodomites (parmi lesquels Brunetto Latini) et les usuriers. Dante consacrera un nombre important de vers, du Chant XIV au Chant XVII.
Après le septième cercle, Dante et Virgile descendent par un burrato (ravin) sur le dos de Géryon, le monstre infernal au visage humain, aux pattes de lion, au corps de serpent et à la queue de scorpion. Ils rejoignent ainsi le huitième cercle appelé Malebolge, où sont punis les fraudeurs. Le huitième cercle est divisé en dix bolge ; chaque bolge est un fossé circulaire. Les cercles sont concentriques, creusés dans la roche et descendant en terrasses vers le bas. À leur base s'ouvre le « Pozzo dei Giganti » (le « puits des Géants ». Dans les boges sont punis les ruffians et séducteurs, adulateurs et flatteurs, fraudeurs et simoniaques, devins et ensorceleurs, concussionnaires, hypocrites, voleurs, conseillers fourbes - parmi lesquels Ulysse et Diomède. Ulysse raconte aux deux voyageurs son dernier périple ; Dante, qui ne connaissait pas la prédiction de Tirésias sur la mort d'Ulysse en invente la fin dans un gouffre maritime au-delà des colonnes d'Hercule, symbole pour Dante de la raison et des limites du monde. Se rencontrent encore les semeurs de scandale et de schisme et les faussaires - dont, dans la dixième boge, le « folletto » Gianni Schicchi ; enfin, les deux poètes accèdent au neuvième et dernier cercle, où sont punis les traîtres.
Ce cercle est divisé en quatre « }zone », couvertes par les eaux gelées du Cocyte ; dans la première, appelée « Caina » (de Caïn qui tua son frère Abel), sont punis les traîtres à la parenté ; dans la seconde, « Antenora » (d'Anténor, qui livra le palladium de Troie aux ennemis grecs), se tiennent les traîtres à la patrie ; dans la troisième, la « Tolomea » (du roi Ptolémée XIII, qui, au temps de César tua son hôte Pompée), se trouvent les traîtres à leurs hôtes, et enfin, dans la quatrième, « Giudecca » (de Judas, qui trahit Jésus), sont punis les traîtres à leurs bienfaiteurs. Dans l'Antenora, Dante rencontre le Comte Ugolin qui raconte son enfermement dans la « Torre della Muda » avec ses fils et leur mort de faim. Enfermement et mort ordonnés par l'archevêque Ruggieri. Ugolin apparaît dans l'Enfer autant comme un damné que comme un démon vengeur rongeant éternellement la tête de son bourreau. Dans la dernière zone se trouvent les trois grands traîtres : Cassius, Brutus et Judas ; leur peine consiste à être broyés par les trois bouches de Lucifer qui demeure en ces lieux.
Descendant le long de son corps velu, Dante et Virgile atteignent une grotte où ils trouvent quelque escalier. Dante est étonné de ne plus voir le dos de Lucifer et Virgile lui explique qu'ils se trouvent dans l'hémisphère austral. Quittant la « natural burella », ils prennent enfin le chemin qui les conduira à la plage du Purgatoire, à la base de laquelle ils sortiront bientôt « a riveder le stelle ».
Voir le texte du dialogue entre Charon et Ménippe : on constate l'opposition entre une figure traditionnelle de la mythologie infernale, d'ordinaire assez effrayante, et le philosophe cynique Ménippe. On est au cœur d'une réécriture burlesque des Enfers, qui sera reprise par Apulée.
Le texte des Enfers est assez bref : presque entièrement décrit par la « Tour qui parle », non sans ironie. Image très désinvolte de Cerbère, même pas nommé mais décrit comme un affreux chien, méchand, gourmand et assez bête.
Passage nettement plus développé que chez Apulée : amplification, mais structure similaire, et ton assez semblable.
Si le « naos » désigne le temple, le « hiéron » est un sanctuaire, lieu commun et public d'un ou plusieurs culte(s). A l'origine ils étaient inclus dans les palais mycéniens : le « mégaron », grande pièce, devient un sanctuaire.
C'est d'abord un espace publiquement consacré et devenu intouchable : le « témélos » limité par une ligne discontinue de bornes ou de pieux, ou d'une rangée d'arbres. Puis l'on trouve un mur de clôture, le « péribole » que l'on franchit par des portes monumentales (propylées). De là part une voie sacrée. On y trouve également un endroit pour se purifier avec des vasques remplies d'eau, puis un autel pour les sacrifices, puis l'image de la divinité. Les grands sanctuaires deviennent de véritables villes sacerdotales, avec de nombreuses annexes : habitations des prêtres, hôtels pour les pélerins, salles de réunion...
Très nombreux, ils appartiennent à des familles et sont le plus souvent modestes. Ainsi Xénophon, de retour de l'expédition des Dix-Mille, fit élever un sanctuaire à Artémis.
Chacun des 100 dèmes attiques a le sien. Y sont déposés les archives, les textes officiels, les listes civiles... Ils font un peu office de mairie.
Ils sont un peu plus rares à l'époque classique : beaucoup ont disparu avec la fin des phratries, ces familles élargies de type patriarcal, analogues à des clans.
Il y a 10 tribus en Attique, organisées par Clisthène ; les sanctuaires sont dédiés aux héros éponymes désignés par la Pythie. Ils servent eux aussi de dépôts d'archives, de lieu de réunion et sont un peu les équivalents de nos sous-préfectures.
Ils sont très importants, à l'échelle de la cité toute entière : ex. : l'Acropole d'Athènes, dont la destruction durant la seconde guerre médique fut un traumatisme épouvantable, que Périclès s'efforcera de guérir par de magnifiques constructions.
Au-dessus des cités, il existe des réunions d'États d'origine commune : des cités se groupent autour d'un sanctuaire, sous la protection d'une divinité choisie : c'est l'amphictyonie. Quelques uns de ces sanctuaires finissent par s'ouvrir à tout le monde, on les dit alors panhelléniques.
Dans certains, on trouve des cultes secrets dont sont exclus les non-initiés.
D'autres sont ouverts à tous ; les cultes s'accompagnent alors de fêtes et de grands jeux.
Tous ces sanctuaires sont sacrés : les armées ne peuvent fouler leur sol. Certain ont le droit d'asylie : toute personne, tout objet qui y entre devient intouchable.
Ce sont des prêtres spécialisés, personnages très respectés et très qualifiés.
Il est primordial dans les sanctuaires panhelléniques. C'est d'abord la seule forme de relations internationales en Grèce. Ils ont un but d'abord uniquement religieux, puis un aspect déjà politique : on proclame une trève sacrée durant les réunions aux sanctuaires. Les cités envoient des théories ; on organise des concours gymniques et musicaux : c'est une image de paix universelle.
Ces réunions prennent aussi très vite un aspect économique : commerce, foires... Des perspectives d'échanges ultérieurs sont ouvertes ; il faut pour cela tout un contexte politique, des ententes et même des actions communes : l'amphictyonie est au départ une réunion de cités de même origine. Mais ce ne sont pas de véritables fédérations. Périclès essaya deux fois :
Ce sanctuaire fut créé par la confédération des 12 peuples, surtout doriens ; puis il fut fréquenté par tous les Grecs, et à partir de la conquête romaine, par tout le monde méditerranéen. Il possède l'Omphalos – le nombril du monde.
Il est décrit par Henry Miller dans Le Colosse de Maroussi. En Phocide, au nord du golfe de Corinthe, au pied du Parnasse, il domine Amphissa. C'est un carrefour important, entre les routes nord-sud et est-ouest, en direction du Péloponnèse. On y accédait plus facilement par le golfe et le port sacré de Kirrha. Le sanctuaire se trouve dans une brèche : au Nord le Parnasse, longtemps enneigé, qui entoure tout le site comme un amphithéâtre ; devant lui, les Phédriades, falaises de porphyre rouge : Hyampeia à droite et Nauplia à gauche. Au centre, une crevasse où jaillit la source Castallie ; en contre-bas , à l'est, la vallée du Pleistos, très étroite, qui s'étale au bas du sanctuaire : c'est la « mer des oliviers », jusqu'à la côte.
C'est le plus important de tous les oracles : voir L'Hymne homérique à Apollon Pythien. Delphes est pour les Achéens une création qui leur appartient. En réalité, le mythe résume la lutte des chtoniens pré-achéens et des ouraniens aryens. Les premières divinités furent chtoniennes : la Terre-Mère (Gé ou Gaia), qui avait pour serviteur le serpent, et rendait des oracles. Cf. Euripide, Oniromancie. Apollon recueille l'héritage, mais de manière libératrice. Son instrument est la Pythie, prophétesse inspirée au métier exténuant. La tension nerveuse est permanente : à l'époque classique, trois pythies se relaient. La pythie en exercice est assise sur un trépied, ou sur l'omphalos. Elle entre en transe, et sa réponse est interprétée par les exégètes.
Les anciens relient la Pythie au vieil oracle, et à une particularité géo-physique : une crevasse à l'endroit du temple, d'où sortiraient des émanations ; des chèvres auraient été prises de délire à cet endroit. En fait, on n'a relevé aucun phénomène volcanique à Delphes. La Pythie prenait-elle des drogues hallucinogènes ?
Malgré son rôle très important, il n'a jamais été un facteur unificateur, mais plutôt un facteur de discorde, en se mettant du côté du plus fort. Son rôle commence à la fin du XIIIème siècle (guerre de Troie : 1200-1183) : l'influence de l'oracle s'accroît, on lui accorde un revenu substantiel, les serfs d'Apollon sont les peuples soumis. L'oracle pousse à la conquête du Péloponnèse, qui devient zone dorienne ; Sparte est une ville dorienne ; Lycurgue, législateur plus ou moins légendaire de Sparte, se dit inspiré par l'oracle... Pendant les guerres de Messénie, l'oracle justifie toujours l'attitude spartiate. Mais lorsque Sparte prend place dans la Confédération d'Olympie, Delphes se tourne vers Athènes.
A Athènes, Delphes appuie les oligarques ; durant la 1ère guerre médique, l'oracle interdit à Sparte d'intervenir ; durant la seconde, il « médise », retarde Sparte... Finalement, l'interprétation de l'oracle par Thémistocle (la Grèce sera sauvée par des « remparts de bois », c'est-à-dire par des bateaux) permet la victoire de la Grèce à Salamine, et la sauvegarde de la civilisation occidentale. Durant la guerre du Péloponnèse, Delphes se rallie à Sparte ; puis il se ralliera à Philippe de Macédoine.
C'est l'un des mieux connus et des mieux conservés, grâce à une description de Pausanias (IIième siècle ap. J-C), et aux fouilles de l'école française d'Athènes. C'est un quadrilatère irrégulier qui s'étale à flanc de coteaux, de 200m (N-S) sur 130 m (E-O), entouré d'un mur d'enceinte, tantôt d'appareil cyclopéen (polygonal), tantôt d'appareil helladique, interrompu aux Propylées, à l'angle sud-est du quadrilatère. De là part la voie sacrée, sinueuse, qui monte jusqu'au temple. De chaque côté de la voie sacrée se pressent des édifices de toutes sortes.
Il est séparé du sanctuaire d'Apollon par le Pappadia et la fontaine de Castallie ( à l'est du sanctuaire d'Apollon). Sur ce site, on a trouvé les restes d'un sanctuaire mycénien.
On y trouve une tholos, merveille de l'architecture grecque. Il ne reste qu'une plate-forme et 3 des 20 colonnes d'origine qui soutiennent une frise extraordinaire représentant les combats des Amazones et des Centaures. En marbre, elle fut construite au début du IVième siècle par Théodore de Phocée.
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