Dionysos

Ce cours est un hommage à mon défunt maître et ami, Georges RODIER, professeur d’histoire de la khâgne de Poitiers (lycée Camille Guérin).

L’EXORCISTE

Le culte de dionysos n’est pas encore tout à fait expliqué. Le dieu associé à Apollon est comme lui un libérateur, mais par d’autres voies, et d’autres contraintes. Dionysos est exorciste.

UN DIEU ÉTRANGE

La personne même du dieu est étrange

Sa naissance est miraculeuse : arraché aux entrailles de sa mère Sémélé anéantie par la foudre de Zeus, que sous l’influence perverse d’Héra elle lui avait demandé de lui montrer. Zeus met alors l’enfant dans sa cuisse. Dionysos est « né deux fois », ou sous deux formes. C’est un Dieu Dithyrambe : qui a franchi deux fois les portes de la vie. D’où le symbolisme de la grappe, qui naît d’abord fruit, puis renaît en vin.

Ce Dieu né deux fois meurt, après une véritable passion ;

C’est un dieu vagabond, que l’on retrouve jusqu’en Inde ; il vit des aventures tragi-comiques, marquées de miracles. Il dispense des bienfaits, et surtout la joie.

Enfin, son caractère est contradictoire, tendre et cruel, délirant et serein…

Des rites étranges

Leur caractère est lui aussi contradictoire : les fêtes de Dionysos sont hivernales – mais certaines se déroulent en été ; la plupart des cérémonies sont nocturnes – mais certaines sont diurnes…

La dévotion dionysiaque est joyeuse, délirante, mais a aussi un aspect sombre, très triste. Dionysos boit du sang et mange la chair crue ; il est représenté sous forme humaine, mais aussi sous forme animale (panthère), végétale, marine (bateaux et houle).

Il est le « dieu fou » mais il déconcerte par la paix qu’il inspire à ses fidèles. Selon une légende,ses prêtresses écartèlent de petits animaux qu’elles ont nourri… Tout est hybris dans son culte.

LE CULTE DE DIONYSOS : PRINCIPAUX RITES.

Les orgies

Ce sont des cérémonies mystérieuses, strictement réservées à des initiés, destinées à leur donner l’ivresse divine et à faire d’eux des dieux. Elles se déroulaient le plus souvent la nuit, à l’extérieur. Les femmes étaient les actrices principales et les plus assidues : le plus grand don de Dionysos, c’est la libération. Un prêtre suit leur cortège : la thiase. C’est en général un jeune homme aux longs cheveux, un peu efféminé ; durant les rites, il était le premier touché : il devenait « bacchos ». Ces femmes étaient vêtues de peaux de bêtes et portaient à la main le thyrse. Elles étaient couronnées de lierre : on les appelaient « bacchantes » ou « ménades ». Elles suivaient leur guide dans les coins les plus sauvages des montagnes. Beaucoup portaient un serpent, sur elles ou à la main. Leur danse était faite de mouvements violents, accompagnés d’une musique barbare : tympanon, flûte de Pan, cymbales. Voir les Bacchantes d’Euripide.

Tout ceci créait un conditionnement, un état second propre à tous les mysticismes, avec la lueur des torches, et sans doute le vin (mais son usage a été contesté, bien que les Bacchantes elles-mêmes le célèbrent). Le vin fait partie des dons miraculeux du Dieu, avec tous les éléments liquides fécondants : le lait, le vin, le sang… Y avait-il licence sexuelle ? Euripide le nie dans les Bacchantes ; mais dans Ion, le héros prétend avoir été ainsi engendré. Tout cela menait à l’ἐξτάσις puis à l’ἐνθουσίασμος. Les adoratrices de Dionysos avaient alors des visions et une force surhumaine : elles déchiraient véritablement de petits animaux ; leur thyrse devenait une arme redoutable.

À la fin de l’orgie avait lieu le rite suprême, l’assimilation du dieu par la communion, un repas sacré pris en commun, fait de sang et de chair crue ; à cela se rattache le principe du meurtre rituel : à l’origine sûrement un homme, vraisemblablement un bébé. A l’époque classique survivait le souvenir de ce sacrifice humain : à Orchomène, le jour de la fête des Agrionia, le prêtre de Dionysos poursuivait les femmes, l’épée à la main, et il pouvait tuer. Le matin de Salamine, Thémistocle fut contraint de sacrifier à Dionysos trois jeunes prisonniers perses. Mais l’on tuait généralement un animal. Après ce repas, une étonnante sérénité s’emparait des Bacchantes.

Le rite de la résurrection.

Dionysos incarne le rite de mort et de réapparition de la végétation suivant le cycle des saisons, drame toujours rejoué, toujours incertain, matérialisé par la mise à mort de Dionysos par ses ennemis ; il est miraculeusement rappelé à la vie. Ces fêtes de printemps ne sont pas nécessairement annuelles : elles peuvent être biennales ou triennales, selon le rythme des assolements. La résurrection du Dieu est le gage de l’immortalité pour ses fidèles.

LES ORIGINES DU DIEU

Dionysos est-il un grec ?

Des légendes grecques introduisent Dionysos dans l’Olympe. Sa mère, Sémélé, est la fille de Cadmos, roi de Thèbes. Homère, dans l’Iliade VI, raconte l’histoire de Lycourgos : hostile à Dionysos, il l’avait poursuivi dans les montagnes de Thrace. Épouvanté, le petit Dionysos se jeta dans la mer et fut recueilli par Thétis ; Zeus, furieux, aveugla Lycourgos.

Pourtant ces légendes sont tardives. Dionysos n’est pas grec : tout, dans le personnage, dans les rites devait choquer les Grecs. Les orgies sont à l’opposé de la mesure, du γνῶθι σεαύτον, du goût du Grec pour l’équilibre et l’harmonie. Le rôle et l’attitude des femmes révoltaient le Grec moyen. Les idées sur la mort et la résurrection du dieu contredisent la notion d’immortalité divine. Enfin, le culte dionysiaque est essentiellement populaire, au rebours des dieux ouraniens. Dionysos n’intéresse guère Homère : il n’est mentionné qu’une fois. La religion dionysiaque est un produit barbare. A Sparte, on vénérait un héros inconnu qui avait guidé Dionysos en Laconie ; des légendes montrent les difficultés du Dieu pour s’implanter.

D’où vient Dionysos ?

Hérodote dit que les rites dionysiaques avaient été récemment introduits dans la péninsule ; il pensait que Dionysos venait d’Égypte (épigone d’Osiris). Il serait plus logique de parler de la Crète, qui elle-même a fait des empruns à l’Égypte : Dionysos serait donc pré-indo-européen.

La Phrygie (Asie mineure) paraît une origine plus fondée : le premier chœur des Bacchantes dit : « Faites descendre Dionysos des montagnes phrygiennes », puis « … délaissant les champs où l’or abonde, des Lydiens et des Phrygiens… » ; de plus le bonnet phrygien est celui des esclaves libérés (et Dionysos est un dieu libérateur).
Les rapports entre Dionysos et le dieu phrygien Sabazios sont incontestables : l’emblème de Sabazios est une main dont les trois premiers doigts sont levés et les deux autres baissés (cf. Sabaoth, dieu des armées de l’Ancien Testament) ;
Sémélé, mère de Dionysos, évoque la déesse phrygienne Zéméla, sorte de Terre-mère, déesse de la fécondité.

Dionysos a un culte orgiastique, comme les autres religions d’Asie Mineure : ainsi le culte de Cybèle, Grande Mère de Phrygie accompagnée de son cortège de Corybantes ; le compagnon de Cybèle était Attis, représentant l’élément liquide de la nature. Les rites orgiastiques ont été comparés aux danses des derviches Maulévis (tourneurs) dont l’ordre a été fondé au XIIIème siècle en Asie Mineure ; même esprit chez les Montaniens, hérétiques chrétiens du IIIème siècle ap. J-C, qui tirent leur nom de Montanus, qui avait créé une église dont les évêques étaient des femmes ; les fidèles entraient en transe à la suite d’un conditionnement par le bruit : ils se disaient possédés par Dieu. Ils ont été accusés de crimes rituels ; or cette hérésie est née au cœur de la Phrygie.

La Thrace : Hérodote dit en parlant des Thraces qu’ils avaient comme seules divinités Arès, Artémis et Dionysos. Or nous savons que les Thraces adoraient un dieu de la Nature, de la végétation et de la fécondité ; c’est de lui que nous parle Homère. Ce dieu était devenu dieu des cultures ; c’était aussi un dieu prophète : à l’oracle de Satres, une femme inspirée répondait aux consultants. Le culte comportait aussi des transports d’ivresse dus au vin – le cru du Maronée était très connu. Pendant le siège de Troie, les Achéens en faisaient venir.

Phrygien ou Thrace ? Mais les deux peuples étaient de même origine : la Thrase hellespontique.

La marche de Dionysos.

Dionysos entre en Grèce, venant de Thrace ou de Phrygie, par les îles, par le Nord ; il suit une progression vers le sud, jusqu’en Crète, où il trouve la religion locale du Zeus crétois, qui, avec son cortège de kourètes, présente avec lui des affinités, d’autant que ce dieu mourait aussi. Dans les Bacchantes, des divinités lydiennes, phrygiennes et crétoises sont invoquées ensemble : syncrétisme.

A quelle date s’est produite son arrivée ? Pour Homère, à la fin du VIIème siècle, Dionysos a peu d’importance : il n’a rien à voir avec une société féodale. A la fin du Vème siècle, il est bien implanté, et ses fidèles sont très nombreux. La religion de Dionysos est populaire : peut-être y a-t-il eu parallélisme entre son développement et celui de la cité démocratique. Dans ce cas, le triomphe de Dionysos commencerait à la fin du VIème siècle.

La pénétration ne fut pas facile, comme en témoignent de multiples légendes. Toutes sont locales : la pénétration fut ponctuelle. Elles ont toutes des points communs : furieux d’être repoussé, Dionysos jette la folie sur les femmes du pays, quqi massacrent le responsable de ce rejet. Quelques exemples :

Au Vème siècle, Thèbes était le centre du culte dionysiaque, et le lieu de naissance du dieu. Lorsqu’une cité voulait fonder ces cultes, des Ménades étaient envoyées officiellement ; or elles rencontraient des oppositions… Les trois sœurs de Sémélé niaient la divinité de Dionysos ; Penthée, fils de l’une d’elles, fut déchiqueté par les femmes de Thèbes.

Proitos, roi d’Argos, fut déchiré par les femmes d’Argolide

En Attique, du temps du roi Pandion, Icarios offrit l’hospitalité à un inconnu, Dionysos. Pour lui montrer sa gratitude, celui-ci lui enseigna la viticulture ; Icarios fit connaître le vin dans toute l’Attique. Mais les paysans se crurent empoisonnés et tuèrent Icarios. Celui-ci avait une fille, qui se pendit. Furieux, Dionysos se vengea : toutes les femmes de l’Attique se pendirent. Pour lever la malédiction, il fallut instaurer des fêtes, au cours desquelles on suspendait des figurines aux arbres.

Persée a jeté le Dieu dans le lac de Lerne

Orphée fut déchiré par les femmes de Thrace : après avoir été adepte de Dionysos, il avait trahi le Dieu pour créer l’Orphisme, anti-dionysien.

Toutes ces légendes traduisent la résistance historique face à un culte étranger, et aussi la résistance de l’homme face à la contestation de la raison.

L’influence réciproque du culte dionysiaque sur les Grecs.

Les Grecs n’ont pas accepté telle quelle la religion dionysiaque ; elle a dû se transformer, sans pour autant être pleinement intégrée. Les autorités religieuse ont interdit ou censuré les aspects les plus contraires à la raison : influence apollinienne.

Les éléments orgiastiques n’ont pas été supprimés ; à Delphes, pendant les mois d’hiver, quand Apollon avait cédé la place à Dionysos, des Ménades participaient à des courses sur le sommet du Parnasse ; des femmes attiques, les Thyades, les accompagnaient. Dionysos fait alors revivre d’archaïques rites de fécondité.

Dionysos a entraîné les esprits dans une conception de l’âme humaine immortelle. Tous les Grecs n’ont pas pour autant été amenés à une croyance en un au-delà : possession passagère pendant l’orgie.

A l’époque classique, au IVème siècle, Dionysos n’est pas encore assez puissant pour transformer toutes les conceptions grecques ; il triomphera à l’époque hellénistique, quand la religion individuelle l’emportera sur la religion poliade.

LES FONCTIONS DE DIONYSOS

Elles sont très faciles à relier aux cultes pré-helléniques.

Dieu de la végétation.

Dionysos est d’abord dieu de la végétation sauvage, surtout forestière. La plupart des cités lui offraient des sacrifices en tant que Dionysos Endendros. C’est lui qui se manifeste dans la sève. Sa plante est le lierre, son arbre, le pin. Ce sont des plantes qui ne meurent pas.

Il est aussi dieu des vergers et des jardins : le figuier et la vigne. On taille des images du dieu dans des troncs de figuier ; quant au vin, Dionysos avait été élevé par Silène, qui ne consentait à parler que lorsqu’il était ivre ; alors il parlait par aphorismes et il prophétisait, avec une tendance à la tristesse : le mieux pour l’homme est de ne pas naître, ou de mourir le plus tôt possible.

Il devient le dieu de la production agricole toute entière.

il est surtout de tous les principes liquides. Son culte est associé à celui des nymphes : des sources lui sont consacrées ; ses sanctuaires se trouvent dans les lieux humides : le quartier des marais, à Athènes.

Dieu de la fécondation, les emblèmes phalliques traduisent sa puissance : le taureau, transfiguration du dieu, ou le bouc, le symbolisent.

Dieu du monde souterrain et des morts.

Végétation et monde souterrain sont liés dans les cultes chthoniens. Dionysos protège les morts, et donne à ses initiés une éternelle félicité. Ce caractère funèbre n’implique pas la tristesse. Ce sont les sectes fermées, ésotériques, fondées sur les mystères qui ont accueilli Dionysos.

Dieu prophète.

Ce n’est pas seulement à Silène qu’il doit ce don : dans les cultes chthoniens, toutes les divinités de la Terre le sont. Avant Apollon, à Delphes, il y avait un oracle de Gaia, associée au serpent Python. Le plus important oracle de Dionysos est Amphicleia (voir texte de Pausanias) ; des malades y venaient aussi, pour y être guéris par incubation (songes) : cf. culte d’Asclépios à Épidaure.

Conducteur des hommes.

Dionysos hégémôn

a une fonction collective : il préside à l’organisation des hommes en société, et à celle de l’État. Son rôle se confond alors avec celui d’Apollon, ou de Zeus polieus. Mais Dionysos est celui qui conduit les hommes individuellement : il leur dicte une conduite, et les inspire. L’ivresse dionysiaque a des liens avec l’inspiration artistique : musique, littérature, chant, danse dérivent en grande partie du culte dionysiaque ; et surtout ce qui touche au théâtre. Acteurs et auteurs se groupaient à Athènes sous le nom d’artistes dionysiaques.

Dieu libérateur :

Il libère l’homme de ses fantasmes, de ses aliénations : il le fait par l’imagination, et l’inspiration.

LES FÊTES DE DIONYSOS.

Les Oschophoria.

Au mois d’octobre, fête des vendanges (oschoi = branches de vigne). Un cortège, avec à sa tête deux adolescents, part du Limnaion, sanctuaire du dieu du vin, et se rend à l’oschophorion de Phalère (premier port d’Athènes) : c’est là que Dionysos aurait débarqué, venu de Phrygie. On lui offrait un sacrifice et des libations en poussant les cris rituels des Bacchantes, puis on dansait. A la fin avait lieu un repas, présidé par des femmes, les Deipnophores. Ensuite venait un concours de course à pied, auquel chaque tribu envoyait un éphèbe. Les vainqueurs buvaient une gorgée d’un liquide fait d’huile, de vin, de miel, de farine d’orge et de fromage, tous les dons de Dionysos. On regagnait Athènes dans la nuit : c’était une fête de la joie.

Les Dionysies champêtres, ou phallophoria.

Elles avaient lieu au mois de Poséidon (décembre-janvier) et présentaient un caractère rustique. Les jeunes paysans de l’Attique sautaient pieds nus sur des outres bien gonflées et huilées (les Askoi). Le couronnement de la fête était une πομπὴ, très solennelle procession où l’on promenait des phallus. En tête marchaient des canéphores (porteuses de paniers avec offrandes sacrées) ; on chantait, on dansait des mimes, sans doute sous forme de concours : les κῶμοι, ancêtre des chœurs de tout le théâtre grec. Le dème d’Icaria, l’un des premiers en Attique à avoir adopté le culte de Dionysos, aurait été le siège de leur invention par Thespis.

Chaque dème (canton), pauvre ou riche, organisait ses Dionysies : cf. Aristophane,Les Acharniens. A partir du Vème siècle, les dèmes les plus riches ajoutent au κῶμος primitif de véritables représentations dramatiques, surtout au Pirée.

Les Lénéennes.

Elles ont lieu au mois de Gamelion (fin janvier) dans un sanctuaire non identifié, sans doute tout près de l’Agora et se rapportent plus précisément au maître des orgies. Le mot Λῆναι désigne : 1) les pressoirs, 2) les femmes possédées du délire divin, les Ménades. Au Vème siècle, les membres d’une thyase de Cumes, en Italie, s’appelaient lènoi. C’est à ce 2ème sens qu’il faut rapporter la fête. Il y avait des danses auxquelles participaient les Thyades de Delphes ; il y avait aussi des représentations théâtrales dans un théâtre de bois, abandonné pour le théâtre de pierre de Dionysos Éleutheros sur le flanc sud de l’Acropole (IVème siècle), achevé en 326. Les comédies étaient nées en 442, les tragédies en 433. Le clergé d’Éleusis y jouait un rôle : le dadouque (= porteur de torches) criait aux fidèles : « Appelez le Dieu », puis les Épistates d’Éleusis offraient des sacrifices à la triade : Dionysos, Déméter, Korè. Le Dadouque interdisait aux non-initiés de participer à la fête.

Les Anthestéries.

Elles sont célébrées les 11-12-13 du mois d’Anthestérion (derniers jours de février). Selon Thucydide, elles sont les plus anciennes fêtes d’Athènes ; elles existent aussi en Asie Mineure. A Athènes, elles se déroulaient dans le Dionysion « au marais », anciens lacs mal asséchés au sud d’Athènes. Chaque jour a son nom et sa particularité :

Premier jour : les Pithoigia. Il appartient tout entier au dieu du renouveau. On ouvrai les pithoi (jarres), on les amenait couronnées de fleurs et de lierre au dionysion, et pour la 1ère fois on goûtait le vin de la dernière récolte. Jusqu’à ce jour, il était sacré, intouchable. On invoquait Dionysos pour que le vin, jusque là nuisible, devienne salutaire. On versait l’offrande, on buvait le vin, on dansait et on chantait. Tous les habitants étaient admis, même les esclaves.

Deuxième jour : les Choès. Χοῦς désigne à la fois un récipient et une mesure : c’est un concours de beuverie. Chaque concurrent venait avec son « chous » (20 cm de haut, presque 3 litres) ; en même temps, concours d’adresse et de rapidité : le concurrent boit dans un verre, et il doit verser sans rien renverser, en silence. Le gagnant est celui qui a fini le plus vite. La récompense est une outre de vin donnée par l’Archonte-Roi.
Puis Dionysos épousait sa prêtresse, l’épouse de l’Archonte-roi dans le Boucolion (maison des bouviers) : ces noces avaient une valeur magique ; elles symbolisaient et procuraient la fécondité naturelle et humaine. De là venait l’exigence que la femme de l’Archonte-roi ait été épousée vierge par le magistrat. Au limnaion, la Reine était parée par 14 femmes de l’Attique ; puis Dionysos arrivait, représenté par l’Archonte-Roi, toujours censé venir du sud, de la mer. Il prenait solennellement, selon les formes légales, la Reine pour épouse, puis ils étaient menés sur un char nuptial au Boucolion, où le mariage était consommé.
Les Choès avaient aussi un aspect funeste : c’était le jour où les morts revenaient sur terre et envahissaient les maisons : il fallait se les rendre favorables par des rites. Dès le matin, on mâchait de jeunes pousses d’aubépine ; en enduisait de poix les portes de sa demeure.
Enfin, c’était la fête des enfants : dès le matin, les enfants de 3 ans étaient couronnés de fleurs printanières. C’était une fête très aimée, une grande étape dans la vie des Athéniens, comme en témoigne cette épitaphe du Céramique : « il avait l’âge des Choès, mais le mauvais génie a devancé la fête ».

Troisième jour, les Chytroi, ou pensée des morts. On cuisait une bouillie constituée des premiers fruits, qu’on offrait à Hermès Chthonios : on le priait pour les morts. Par une fissure du sanctuaire, on versait de l’eau pure. On mettait enfin les morts en demeure : « Hors d’ici, fini les Anthestéries ».

Les Grandes Dionysies, ou Dionysies urbaines.

Elles avaient lieu du 8 au 13 du mois d’Élaphébolion (fin mars-début avril), dans le sanctuaire de Dionysos Éleuthérios à Athènes, et étaient issues des Dionysies champêtres. Il y avait une procession solennelle, oùse précipitaient les Grecs d’outre-mer.
Les trois derniers jours avaient lieu les grands concours dramatiques.