Le théâtre au XVIIIème siècle

La tragédie

Voir le théâtre de Voltaire

Le drame bourgeois

Diderot le Fils naturel

Le mot et la notion de « drame »

τὸ δράμα signifie l’action, en comédie comme en tragédie. Le 17ème siècle n’emploie le mot que dans ce sens.

Au 18ème siècle, apparaît en France comme un nouveau genre, en marge de la tragédie comme de la comédie : voir le Dictionnaire de l’Académie, 1762.

Il se définit comme l’alliance du sérieux et du plaisant au nom de la vérité et de la vie. Il s’oppose à la distinction des genres érigée en principe par Aristote, et à l’esthétique de la pureté, de l’unité (selon laquelle l’unité du genre a pour conséquence la  pureté de l’impression).

Il existe une esthétique du drame :

  • l’intensité s’oppose à la pureté
  • la variété s’oppose à l’unité
  • La vie s’oppose à l’art.

Les auteurs de drame évoquent des précédents : théâtre grec, Térence, mystères médiévaux, comédies de Corneille, Dom Juan de Molière…

Le drame bourgeois

  • Expression privilégiée des philosophes.
  • S’adresse à un nouveau public : la bourgeoisie enrichie par l’essor du commerce.
  • Sclérose de la tragédie et désaffection à son égard.

Public bourgeois = gravité, pudibonderie : il n’aime guère la liberté de la comédie, jugée immorale. Il faut un genre sérieux, tempéré par le plaisant.

Les précurseurs

Dans ses comédies Nanine, l’Enfant Prodigue et l’Ecossaise, Voltaire allie sourire et émotion, et préfigure le drame. Ses tragédies, elles, sont dans la lignée du drame romantique.

Comédie larmoyante de Nivelle de la Chaussée : le Préjugé à la mode (1735), Mélanide (1741), L’Ecole des Mères (1744), la Gouvernante (1747).

Influence étrangère, notamment anglaise ; Shakespeare, mais aussi des contemporains. En revanche, peu d’influence allemande.

Les grands auteurs et théoriciens :

Denis Diderot

  • Le Fils Naturel, mais surtout les Entretiens avec Dorval sur le Fils Naturel = définition théorique du nouveau genre.
  • Le Père de Famille + Discours sur la poésie dramatique.

Mercier, Sedaine, Collé.

Les salles de spectacle

Evincé du théâtre français (pièces traditionnelles) et du théâtre italien (comédies italiennes, opéra comique), le drame, jusqu’en 1780 se réfugie dans les théâtres du boulevard : public populaire. Après 1780, le théâtre Italien accueillera le drame.

—> le drame est dès le début orienté vers le mélodrame.

Souvent critique à l’égard du pouvoir, il se heurte à la censure.

Triomphe du drame dans la 2ème moitié du 18ème siècle, parallèlement au déclin des « grands genres ».

Caractéristiques du drame bourgeois : vérité, sensibilité, moralité.

Vérité

Vérité scrupuleuse, celle de la vie. (Et non vérité abstraite de Racine, Molière…) —> retour à la mimésis d’Aristote. REALISME.

– Illusion dramatique : le personnage = M. Tout le Monde, dépouillé de toute distance.

– Fusion des genres : par refus de la stylisation. Subtil dégradé entre le rire et les larmes, comme dans la vie màme. On condamne la brutale juxtaposition des genres (~tragi-comédie). Ni sublime, ni grotesque (~ Romantisme).

– Peinture du monde moderne. Ni Grecs, ni Romains !

– Tragédie domestique : hommes d’une condition moyenne, pathétique quotidien.

– Peinture des conditions : substituent la condition au caractère : négociants, artisans, humbles métiers. Cf la Brouette du Vinaigrier, de Mercier.

– Réalisme scénique : extrême précision du décor, emprunté à la vie quotidienne et à la pauvreté : intérieur d’un meunier, d’un tisserand…

– Pantomime : attitudes, expressions…

– Langage prosaïque, condamné par Voltaire, mais adopté par Beaumarchais et Diderot.

Sensibilité

Le réalisme n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service du pathétique et du didactisme.

Identité de l’émotion théâtrale et de l’émotion quotidienne : les larmes versées au théâtre sont les màmes que pour un événement semblable dans la vie. Attendrissement : plaisir des larmes (qui s’oppose à la Terreur et à la Pitié) ; émotion de l’âme alliée à la tranquillité de l’esprit (gratuité du spectacle). Malheurs et triomphe de la vertu. Le drame du 18ème siècle finit souvent bien.

Pathétique et horreur : contre les règles de la bienséance, on ne recule pas devant les scènes violentes, ni les bas-fonds de la misère humaine.

—> Mercier, Baculard d’Arnaud… basculent vers le goût pour les émotions fortes et l’horreur —> mélodrame.

Ex : fin du Déserteur : le héros exécuté par un peloton… où figure son propre père !…

Moralité

Toujours une intention morale : il s’agit

« d’inspirer aux hommes l’amour de la vertu, l’horreur du vice ». Diderot, 3ème entretien.

Portée morale de la sensibilité. La vertu vient du coeur plus que de la raison (cf Rousseau).

  • Leçon morale : hymne à la vertu.
  • Leçon sociale : combattre les préjugés, condamner l’absurdité du duel, le scandale de la pauvreté…
  • Leçon politique : les drames historiques sont des critiques contre le Roi. Cf la Partie de Chasse d’Henri IV, interdite par Louis XV et acclamée à l’avènement de Louis XVI.
  • Leçon philosophique : condamne l’enfermement des filles au couvent, les préjugés de classe… La morale du drame est celle de la Nature, infaillible. Mythe du Bon Sauvage (cf La Jeune Indienne de Chamfort.)

Importance du drame bourgeois

Caractéristique, comme le roman, du 18ème siècle. Primauté du sentiment, confusion entre voluptés de l’émotion et joies de la conscience…

Il est précurseur du drame romantique, mais aussi du théâtre contemporain : mélange de tons, pièces à thèmes.