La Fontaine (1621-1695)

Hyacinthe Rigaud, La Fontaine

Biographie

L’esthétique de La Fontaine

chronologie L’époque de Louis XIV
Amours de Psyché Fables, VII-XI  Quelques fables expliquées

Biographie de La Fontaine (1621-1695)

Il n’est pas nécessaire ici de la rappeler  ; vous pouvez consulter les sites suivants :

Vous pouvez également lire avec grand profit le livre de Marc Fumaroli, académicien et professeur au collège de France, grand spécialiste du 17ème siècle : « Le poète et le Roi, Jean de La Fontaine et son siècle« ,  éditions de Fallois, Paris, 1997, 505  p.

Vous pouvez consulter les pages sur Dom Juan (1665) : l’époque est à peu de choses près la même. Vous pouvez également trouver un QCM de culture générale sur l’époque de Molière.

La Fontaine, un homme libre

Bref tableau du XVIIème siècle

Le dix-septième siècle commence avec la mort d’Henri IV en 1610, et la première Régence. C’est une période de liberté, mais aussi de troubles, caractérisée sur le plan littéraire et artistique par l’exubérance baroque. C’est la grande époque de Théophile de Viau, Saint-Amant, Honoré d’Urfé, Voiture… La Fontaine ne connaîtra pas cette période (il est né en 1621), mais il gardera la nostalgie de la période des Valois, et de la Régence, dont il entendra parler par ses amis lettrés : une période de liberté de penser.

En 1624, commence une période beaucoup plus sombre : le jeune Roi Louis XIII, qui règne depuis 1617, fait entrer Richelieu, déjà puissant, au conseil. Ce sera alors un moment de reprise en main quasi dictatorial. Les arts et les lettres sont domestiqués, soumis à une obligation de propagande… Un signe de cet asservissement : la création de l’Académie française, inventée par Vincent Conrart (qui sera un ami de La Fontaine), mais reprise par Richelieu.

Richelieu meurt en 1642, suivi d’un an par Louis XIII. Ce sera alors la seconde Régence, celle d’Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, secondée par Mazarin – un autre cardinal, moins redouté mais plus haï encore que Richelieu. L’exaspération des Nobles donnera lieu à la Fronde (1648-1652).

Cette révolte échoue, et aboutit à une reprise en mains du pouvoir. Le jeune Louis XIV en gardera une méfiance durable à l’égard de Paris, la capitale, qui s’est montrée hostile et dangereuse.

En 1661, Mazarin meurt, et Louis XIV annonce que désormais il règnera seul, sans premier ministre. Dans son entourage, deux tendances s’affrontent : celle de Fouquet, Surintendant des Finances, qui a naguère sauvé Mazarin de la ruine, l’a aidé à retrouver sa fortune, et s’est acquis une dette de reconnaissance de la part du Roi, ce qui ne lui sera pas pardonné. C’est un lettré, qui ambitionne de devenir un Mécène auprès du nouvel Auguste, et à réuni autour de lui tout ce que la France compte d’artistes et de beaux esprits : Le Nôtre, les frères Perrault, Mme de Sévigné… et La Fontaine, son poète favori ! Politiquement, ce sont des libéraux, qui souhaitent une France diverse, paisible, favorable à la Paix en Europe.

L’autre tendance est celle de Colbert, qui voue une haine totale à Foucquet, et travaille pour établir en France un pouvoir absolu, dans la lignée de Richelieu et de Mazarin… et fondée sur la guerre.

Le 5 septembre 1661, la foudre s’abat sur Fouquet… et sur La Fontaine. Le 17 août, Foucquet avait organisé une fête somptueuse dans son château de Vaux, à laquelle il avait convié Louis XIV ; il espérait alors, en lui offrant Vaux (un concentré des arts et lettres français), sceller une amitié avec le Roi et devenir son premier ministre. Mais le Roi s’est senti humilié, et surtout a refusé le « modèle politique » que représentait Fouquet. Entre Colbert et Fouquet, entre absolutisme et libéralisme, il a tranché. Le 5 septembre 1661, Fouquet est arrêté par D’Artagnan. Il est accusé de concussion et de haute trahison.

L’Affaire Fouquet durera jusqu’en 1664. D’un côté le Roi et Colbert multiplient les pressions sur les juges, font perquisitionner au domicile de Fouquet à Saint-Mandé pour subtiliser 16 000 lettres de Mazarin qui auraient pu innocenter Fouquet ; de l’autre, les amis de Fouquet se mobilisent pour éviter sa condamnation à mort, et faire reconnaître son innocence.

La Fontaine n’est pas en reste. Si son œuvre, Le Songe de Vaux, destinée à Fouquet, reste inachevée, il écrit l’Elégie aux Nymphes de Vaux, et une Ode au Roi dans laquelle il s’adresse directement à Louis XIV pour demander sa clémence. Ce courage ne lui sera jamais pardonné par le Roi, qui l’exile dans un premier temps en Limousin, puis l’ignorera systématiquement – ce qui aurait été l’équivalent d’une mort sociale et littéraire… si La Fontaine n’avait gardé de solides amis dans les salons parisiens : Mme de la Sablière, Pellisson, Mme de Sévigné… L’opinion publique parisienne était de son côté.

En 1664, Fouquet est condamné au bannissement – sentence que Louis XIV, la jugeant trop douce, commue immédiatement en réclusion perpétuelle au château de Pignerol. Fouquet y mourra 18 ans plus tard. Ses juges, coupables d’indulgence, encourront les foudres du Roi, et devront quitter leur charge.

On assiste alors à une terrible reprise en main des intellectuels et des artistes. Les plus importants d’entre eux, Le Nôtre, les frères Perrault, se rallient au Roi et participent à la construction de Versailles ; les écrivains doivent faire allégeance ; la « liste de pensionnés » inventée par Mazarin est reproduite. Tout doit désormais se centrer sur la louange du Roi. Un style unique : le sublime.

Tout ce que le dix-septième siècle compte de chefs d’œuvre sera en fait dû à des écarts, qui ne devront rien à Colbert ni aux pensions du Roi

L’esthétique de La Fontaine : un acte de résistance.

Ignoré du Roi, tenu à l’écart de la Cour, La Fontaine trouve dans cette situation une grande liberté. Dans ses Lettres à Marie Héricart, qui racontent son voyage (forcé) en Limousin, il oppose l’esthétique du château de Blois à celle du château de Richelieu, pure création du Cardinal. D’un côté une diversité plaisante, de l’autre, une symétrie, une rigidité froide et sans vie. C’est critiquer, déjà, l’idéal du « Grand Siècle » (et l’esthétique de Boileau, qui s’en est fait le propagandiste).

L’œuvre de La Fontaine est multiple, et ne se limite pas aux Fables :

Poésie lyrique : Élégie aux Nymphes de Vaux, Quatre élégies. C’est un genre en déclin, mais qui reste dans la grande tradition du début du dix-septième siècle (Théophile, Saint-Amant), goûtée des amis de Fouquet.

Roman : après Adonis, dédié à Fouquet, Amour et Psyché, roman entremêlé de vers, rappelant l’Astrée et la Clélie.

Contes plaisants et licencieux, joués sur un « théâtre de poche » ouvert par La Fontaine à Paris, et fermé par la police en 1675, dans la tradition de Boccace, l’Arioste ou l’Heptaméron de Marguerite de Navarre ; ces contes ont eu une vertu « thérapeutique », pour guérir la tristesse de La Fontaine après la chute de Fouquet.

Enfin, les Fables, dont le succès fut immédiat et phénoménal.

L’esthétique qui se déploie dans cette œuvre est à l’opposé des exigences du « Grand Siècle » :

  • Au sublime, monotone et froid, La Fontaine oppose la diversité, la brièveté, l’humour ;
  • À la « Raison d’Etat », il oppose les droits de la vie privée, la liberté de « l’arrière-boutique » chère à Montaigne (mais éminemment subversive en ces temps de « culte de la personnalité » avant l’heure, et d’embrigadement général des lettrés)… et la fidélité à l’esprit qui avait prévalu dans l’entourage de Fouquet. Sa « paresse » à louer le Roi lui sera sèchement reprochée lors de son élection à l’Académie française !
  • Enfin, nous verrons que les Fables ne sont pas tendres pour le Roi et ses courtisans !