Homère et la question homérique

Homère

Chronologie La Grèce aux temps de l’Iliade La question homérique
L’Iliade L’Odyssée Bibliographie

Chronologie

  • 2000-1750 avant J-C : installation des Achéens venus du Nord sur le bord de la Méditerranée ;
  • 17ème siècle avant J-C : premiers palais de Mycènes et Tyrinthe : débuts de la civilisation mycénienne ;
  • 16ème – 13ème siècle : apogée de la civilisation mycénienne : les Achéens occupent alors le Péloponnèse, la Grèce centrale, la Thessalie, la Crète, les Cyclades, Rhodes ; on est encore à l’époque du bronze. (épées de bronze, ch
  • ars…)
  • Aux alentours de 1200 av. J-C : Hissarlik est brûlée ; c’était une petite cité commerciale prospère, correspondant à peu près au site de Troie.
  • Vers 1150 : fin de la civilisation palatiale ; émigration massive des Achéens vers l’Asie mineure. Début de l’âge du fer. Début des « siècles obscurs ».
  • 9ème ou 8ème siècle : période d’écriture des épopées.

La Grèce aux temps de l’Iliade

Découvertes archéologiques

Les anciens s’étaient déjà demandé dans quelle mesure les œuvres d’Homère avaient un fondement historique et géographique.

Mais il fallut attendre les temps modernes pour que des recherches soient entreprises. Heinrich Schliemann provoqua une véritable révolution quand, à partir de 1870, il fouilla le site présumé de Troie, puis, en Argolide, Mycènes et Tirynthe. La mise au jour, à Hissarlik, d’une bourgade ravagée par le feu, la découverte à Mycènes de tombes royales riches en objets d’or, attestant une civilisation opulente, étaient autant de faits qui venaient témoigner que Troie avait été réellement prise, et qu’un royaume puissant avait correspondu à celui d’Agamemnon.

Troie. A gauche la muraille de Priam ; à droite, muraille romaine.

Ensuite, à partir de 1900, Evans exhumait en Crète, à Cnossos, une civilisation antérieure à celle de Mycènes, rendant ainsi substance aux traditions relatives à Minos et à sa domination sur la mer Egée.

Enfin, en 1939, Blegen découvrit, au fond de la baie de Navarin, en un site correspondant au royaume de Nestor selon la tradition, tout un lot de tablettes d’argile dans un palais mycénien : sur le continent comme en Crète, il s’agissait des archives d’une administration royale, organisée comme celles d’Asie Mineure ou d’Egypte. Ainsi des civilisations successives, rayonnant de la Crète et de Péloponnèse, ont dominé l’Egée depuis le 3ème millénaire avant J-C.

Quel éclairage sur les épopées ?

Tout d’abord, jamais Hissarlik n’a pu être une cité de quelque importance si l’on en juge d’après ses dimensions réduites ; donc

  • ou bien il ne s’agit pas de Troie, qui se situait bien dans cette zone si bien décrite dans l’Iliade, mais en un autre point ;
  • ou bien Homère, qui n’a connu le site qu’abandonné, n’a pas prêté attention aux impossibilités de l’histoire : il y a chez lui une certaine indifférence à l’égard de la vraisemblance.

Par ailleurs, les archives hittites connaissent vers 1300 un royaume d’Akhiawa, de localisation discutée, que les Achéens de Rhodes et de Chypre ont disputé aux Asiatiques. La guerre de Troie peut donc être le symbole d’une réalité, même si elle n’a pas eu lieu.

Quant à la civilisation mycénienne, elle ressemble mal à la société décrite par Homère : monarchies bureaucratiques, où la division du travail était assez avancée, dont la langue n’était pas différente de celle d’Homère, mise à part l’écriture, et où se trouvaient déjà les grands dieux ouraniens : Zeus, Athéna, Poséidon, Dionysos.

L’Iliade en fait un peu des « caïds berbères », ignorant l’écriture (une seule fois mentionnée dans l’Iliade, de manière très vague) ; et on voit bien le substrat asiatico-égéen de la religion homérique, à prépondérance féminine (cf. Hélène, Arétè…) Ainsi Homère a-t-il ignoré aussi bien la civilisation mycénienne que la civilisation troyenne, qu’il hellénise.

Le poète juge d’après les survivances de son temps : monarchie homérique de Lesbos, chars de guerre employés en Eubée, influence de la vie des cours d’Orient (titres de respect) ; il a pu voir aussi des objets conservés par les grandes familles (armes, boucliers…)

Mais pourquoi la guerre de Troie ?

Si Troie se trouve ailleurs qu’à Hissarlik, ce pouvait être un voisin commerçant prospère, contrôlant les détroits et gênant l’expansion argienne.

Sinon, un simple coup de main comparable à la bataille de Roncevaux a pu être par la légende grandi à la dimension d’une guerre des nations ; mais si cette expédition minime a pu prendre une telle importance, c’est qu’elle symbolisait la conquête des Grecs sur la côte asiatique (or, guerre permanente contre le voisin asiatique : guerres médiques, expédition de Ménon…)

Troie semble bien avoir été brûlée vers 1200 avant J-C, ce qui correspond aux dates données par la tradition grecque : 1193 ou 1183 avant J-C. Il faudrait toutefois remonter les dates de 200 ans environ si cette expédition devait correspondre à l’apogée mycénienne.

Ces difficultés s’expliquent en partie parce que nous ne savons rien des 4 siècles qui séparent Homère de la civilisation qu’il chante, d’autant plus qu’il n’y a pas d’écriture. Ces œuvre datent en effet soit de la 2ème moitié du 9èmesiècle, soit du début du 7ème siècle.

La question homérique.

L’écriture

Les Mycéniens connaissaient l’écriture ; mais il s’agissait d’une écriture syllabique, le linéaire B,  ne laissant pas deviner la quantité prosodique des voyelles, rendant peu les diphtongues, ne représentant pas les consonnes doubles, ne notant pas les finales -l, -m, -n, -r, -s, donc tout à fait impropre à transcrire un vers grec.

Quant à l’alphabet phénicien, il ne notait que les consonnes, et ne put être introduit en Grèce qu’après la notation des voyelles, sans doute entre le 9ème et le 8ème siècles.

On en a conclu, un peu abusivement, que les deux œuvres n’avaient pas été écrites, mais confiées à la mémoire des aèdes : c’est donc, jusqu’au 6èmesiècle, une littérature purement orale : comment est-ce possible ? En réalité, les découvertes récentes de l’archéologie montrent que les premières inscriptions, datées du VIIIème siècle, concernent des textes privés, et sont de nature métrique et poétique : les épopées auraient donc fort bien pu, dès leur origine, avoir été écrite, ou du moins dictées… En outre, dès l’époque mycénienne, il existait des tablettes de bois replié, à Pylos et à Cnossos.

Le texte

Le texte que nous possédons est celui que les Anciens, notamment Aristarque, avaient eux-mêmes épuré, dès l’époque d’Alexandrie. Tous les parchemins que nous possédons, dont aucun n’est antérieur au 10ème siècle après J-C, sont tributaires des travaux des Alexandrins. Ils ont hérité en partie du travail philologique des Alexandrins et des Byzantins. A ces données sont venues s’ajouter, depuis 1821, les papyrus retirés du sol égyptien. D’étendue et de valeur très inégales, ils ont apporté un contrôle utile plutôt qu’une révolution dans nos éditions. Le texte que nous possédons est donc stabilisé.

La langue

La tradition fixe l’origine de ces poésies en Asie Mineure : pour l’essentiel la langue est le dialecte ionien ; mais il s’y mêle des formes empruntées au dialecte éolien, présents aussi dans certains points de la région, voire des mots archaïques qui jusqu’à nos jours, paraissaient propres à des dialectes conservateurs, isolés à Chypre ou en Arcadie. Leur présence étonnait. Le récent déchiffrement des tablettes mycéniennes donne à penser que sur ce point, Homère et ces dialectes reflètent de manière indépendante un état antérieur du grec. La langue épique n’apparaît plus aujourd’hui comme primitive : c’est le produit d’une élaboration assez savante dans laquelle les nécessités de la versification jouent un rôle certain, mais où il faut tenir compte d’une recherche esthétique. Certains mots, certaines formules souvent répétées donnent au vers une résonance solennelle, et même sacrée. Le vers uniforme, l’hexamètre dactylique, n’est d’autre part pas conforme au rythme naturel de la langue grecque, qui, de nature, tend à l’iambe.

C’est un fait qui n’a aucun équivalent dans notre histoire poétique. Les vers grecs qui ont pour base l’iambe et le trochée trouvent leurs équivalents approximatifs dans la métrique de l’Inde ancienne. Ils sont donc, comme la langue hellénique, de fond indo-européen. Ce n’est pas le cas de l’hexamètre, qui sort sans doute du monde égéen, c’est à dire pré-hellénique ; mais on ne peut davantage préciser. De là viennent certains « trucs de métier » (allongements de syllabes par redoublement de consonnes…) qui aboutissent à de véritables distorsions des mots les plus courants.

Pourquoi ce type de vers ? l’explication est religieuse : la tradition grecque le fait naître dans les sanctuaires prophétiques ; de fait, aussi longtemps que les oracles ont été proférés dans une forme poétique, ils étaient prononcés le plus souvent en hexamètres ; toutefois, l’épopée représente les aèdes comme des poètes de cour et non comme des chantres attachés à un temple. D’ailleurs les Grecs n’ont pas de caste des prêtres.

On aboutit ainsi à une langue spécifiquement poétique, teintée de sacré. De plus, l’hexamètre avec ses six temps forts, la succession de ses longues et de ses brèves, sa césure et ses coupes accessoires, donnait au poème un rythme, une texture musicale. D’après les récitations védiques, on pense que les aèdes utilisaient une diction cherchant moins l’expressivité d’ordre affectif que la fidélité à la musique du vers. L’usage très étendu que fait Homère des coupes accessoires et du rejet se propose sans doute de compenser cette indifférence à l’émotion.

Derrière l’épopée, un homme ou le génie populaire ?

Antiquité et Moyen-Âge européen.

Pendant des siècles, nul n’a douté que les deux épopées n’eussent un et un seul créateur. On se le représentait sur le modèle d’un écrivain des grands siècles littéraires, composant son œuvre à loisir selon un plan bien arrêté. On n’imaginait pas qu’il n’eût pas écrit. Tout au plus, la tradition le disant aveugle, on admettait qu’il eût dicté. On consentait à reconnaître, puisque Horace l’avait dit, que certains passages présentaient un moindre intérêt ; il ne convenait pas d’insister.

Sur la vie et la patrie de ce divin poète, de même que sur la composition de l’Iliade et de l’Odyssée, les Anciens savaient et n’étaient pas d’accord. Plusieurs villes de Grèce se disputaient la gloire d’avoir vu naître Homère. La tradition la plus généralement admise dans l’Antiquité voulait qu’il soit né à Smyrne, qu’il ait trouvé refuge à Bolissos dans l’île de Chios, et qu’il soit mort dans l’île d’Ios, l’une des Cyclades, où l’on montrait son tombeau. D’autre part, Chios était encore, à l’aube des temps classiques, la patrie des Homérides, sorte de corporation d’aèdes, qui se vantaient d’être les descendants d’Homère.

Nous ne pouvons pas savoir au juste dans quelle ville d’Ionie furent composées les épopées, mais ce doit être dans l’une des îles ou villes de la Grèce asiatique. Deux vers de l’Odyssée le montrent : III, 171 montre l’île de Psyria, située à l’ouest de Chios, comme se trouvant au-delà d’elle ; de même XIV, 404 montre Syra, autre île de l’archipel, au delà de Délos vers le couchant, ce qui suppose un observateur placé quelque part sur la côte de l’Ionie asiatique. Tout ceci est en accord avec ce que nous savons du développement de l’Ionie, de la brillante et luxueuse civilisation des colonies grecques d’Asie.

D’Ionie, les poèmes se répandent dans toute la Grèce. Au 6ème siècle av. J-C, les Pisistratides en introduisent la lecture aux Panathénées, et font recueillir et mettre en ordre les œuvres des Rhapsodes. Avec cette édition officielle, le texte est définitivement fixé. Peut-être les épopées ont-elles ainsi été composées ?

L’époque moderne

Au 17ème siècle français, vers les années 1660-1670, l’abbé d’Aubignac se lança avec feu dans la querelle des Anciens et des Modernes : suivi au 18ème siècle par l’Allemand Wolff, il émet l’hypothèse que l’Iliade et l’Odyssée n’étaient que deux recueils de poèmes primitivement séparés. Quand McPherson, au 18ème siècle, lança la mystification des poèmes d’Ossian, on imagina aussitôt que les épopées étaient le fruit du génie populaire grec, création spontanée de tout un peuple.

On allait désormais s’attacher à prouver que la composition des deux épopées est si défectueuse, qu’il y a de telles incohérences, que l’ensemble peut être considéré comme une  collection de courts poèmes indépendants. Dès lors, on douta même de l’existence d’Homère. Tel fut le début d’une polémique entre « unitaires » qui croient à l’existence d’un seul auteur-créateur, et « analystes » qui distinguent dans chaque poème plusieurs couches différentes, et pensent qu’un rhapsode tardif a cousu ensemble les différents morceaux.

Il est absolument certain que des interpolations se sont glissées dans le texte primitif, plus ou moins longues, et le plus souvent déjà connues des grammairiens anciens. Aristarque donnait même pour dernier vers de l’Odyssée authentique le vers XXIII, 296, tout le reste ayant été tardivement ajouté pour constituer une soudure avec la Télégonie écrite par Eugammon de Cyrène au 6ème siècle ; Télégonos serait un fils qu’Ulysse aurait eu de Circé ou de Calypso.

Mais surtout on a relevé dans l’Iliade et l’Odyssée des contradictions déjà reconnues par Horace : ainsi, le catalogue des vaisseaux (II), Hélène sur les remparts ou le combat singulier de Pâris et de Ménélas étonnent dans une Iliade limitée aux dernières semaines de la guerre ; dans l’Odyssée, l’assemblée des Dieux qui ouvre le chant I n’aboutit à rien, et il faut attendre le chant V pour qu’une 2ème assemblée, doublet de la 1ère, se termine par la décision de libérer Ulysse retenu prisonnier par Calypso. Le récit du voyage de Télémaque, entre les deux, serait surajouté.

Victor Bérard (1920)

Les uns, comme Victor Bérard, pensent que des poèmes assez courts, les « rhapsodies », se seraient groupés en plusieurs ensembles d’inégale valeur, dont la réunion aurait constitué chacun des deux poèmes. Ainsi, l’Odyssée serait formée de 3 grandes parties :

  • au centre, les récits chez Alkinoos, (chant V – milieu du chant XII), œuvre d’un génie nommé Homère ;
  • Le voyage de Télémaque (I – IV)
  • La vengeance d’Ulysse (XII, 183 – XXIII, 296) ; ces deux dernières parties composées par un épigone de moindre envergure.

Un arrangeur aurait cousu ensemble ces trois parties. A noter que Bérard est d’accord avec Aristarque en ce qui concerne la fin de l’Odyssée.

D’autres, comme Maurice Croiset ou Paul Mazon, supposent que l’Iliade et l’Odyssée résultent du développement d’un « noyau primitif », c’est-à-dire d’un nombre plus ou moins grand de chants reliés postérieurement entre eux par des chants « de développement » ou « de raccord ».

Pourtant, Flacelière souligne les difficultés d’une telle conception :

  • si un même poème résultait de la collaboration successive de plusieurs écrivains, il n’y aurait aucun doute là dessus, car la facture des différentes parties serait foncièrement différente ; or, ici, unité de langue, de ton, de structure.
  • Les faiblesses et les disparates ne sont pas un élément inattaquable, puisqu’on peut en trouver dans des œuvres beaucoup plus récentes dont l’auteur est connu (le Jocelyn de Lamartine). De plus, un arrangeur aurait certainement cherché à éliminer ces disparates.

Un poète, ou deux ?

Un autre point divise les érudits : celui de savoir s’il y a eu un poète ou deux, si l’Odyssée est l’œuvre du poète de l’Iliade. Cette dernière est l’archétype de l’épopée, enthousiaste, violente, où toutes les forces s’affrontent : forces humaines du courage, de l’ambition, forces divines ; force des éléments, puisque le feu et l’eau se livrent un  corps à corps. L’Odyssée, au contraire, n’a pas ce ton tragique, tendu : c’est une sorte de roman fantastique, mêlé de poésie familière, presque de poésie du quotidien ; la vision du monde est différente.

  • L’un est-il l’œuvre de maturité et l’autre de vieillesse, ce qui suppose une transformation totale des centres d’intérêt et de la personnalité – ce qui n’a rien d’impossible ?
  • Y a-t-il eu deux poètes ? l’un aurait pu être le petit-fils de l’autre, et porter le même nom selon la tradition grecque ; mais cette hypothèse des Alexandrins ne peut être démontrée.
  • Mais pourquoi un poète n’écrirait-il pas simultanément sur des tons radicalement opposés ? cf. Victor Hugo !

Le problème des sources et des prédécesseurs

Là encore, les avis divergent. Il est bien évident qu’Homère n’a pas créé ses épopées ex nihilo. Y avait-il des épopées précédentes dont il se serait inspiré ? On ne peut parvenir à une telle maîtrise sans des essais préalables. Y a-t-il eu plusieurs siècles de poésie épique avant Homère ?

Les formules.

Il s’agit non seulement des épithètes célèbres, mais de vers entiers ou d’hémistiches. Dans l’Iliade, 5605 vers sur environ 16000 sont ainsi marqués, en tout ou en partie, d’une répétition ; dans l’Odyssée, 3648 sur 10000 environ. Un seul poète n’aurait jamais pu créer toute cette série de formules ; d’autres lui ont préparé la voie. D’ailleurs, ils ne cherchaient pas l’originalité de l’expression.

Certaines formules sont d’origine religieuse : la mémoire des prêtres et des fidèles suffit à en assurer la transmission, ainsi que la tradition des oracles et des hymnes.

D’autres sont des formules de courtoisie qui n’accommodent sans doute au vers que des expressions réelles des cours et des chancelleries.

D’autres sont des chevilles destinées à aider les aèdes récitants, ce qui présuppose l’existence de gens du métier, mais non une tradition épique séculaire.

Enfin beaucoup sont sans doute originales, de la main d’Homère. Ces formules ne sont donc pas une preuve de l’existence d’une longue tradition épique avant Homère.

Les épopées antérieures.

Il se passe pour l’Iliade et l’Odyssée le même problème que pour la Chanson de Roland : elles apparaissent avec une perfection, une maturité si étonnante qu’il est impossible de ne pas supposer une longue tradition du genre, mais il reste impossible d’en découvrir les sources.

Les diverses couches dialectales des épopées peut faire penser à une épopée éolienne ou même achéenne ; d’autre part, le vers de l’épos est sans doute emprunté à un fond pré-hellène. Par ailleurs, certaines littératures orientales sont bien plus anciennes que l’Iliade et ont pu lui servir de modèle : en effet, l’archéologie nous apprend qu’il existait des relations entre l’Orient méditerranéen et la Grèce pré-hellénique ou achéenne : ainsi le héros chaldéen Gilgamesh fut l’objet d’une très ancienne épopée guerrière mésopotamienne, célèbre au 2ème millénaire avant J-C dans tout l’Orient méditerranéen, et traduite jusque chez les Hittites d’Asie Mineure. L’Egypte du 13ème siècle av. J-C, les Phéniciens eurent aussi leurs épopées. L’épisode de Protée dans l’Odyssée, inspiré d’un conte égyptien, témoigne de l’influence de ces littératures orientales.

Question sans réponse.

Toutefois il y a un fossé entre ces littératures primitives et l’œuvre d’Homère ; ce ne sont pas à proprement parler des sources directes ; elles ne résolvent d’ailleurs pas le problème de la langue, de la maîtrise parfaite des moyens du grec, qui supposent, eux, une longue tradition littéraire grecque. Quant aux aèdes, ceux qui apparaissent dans l’Odyssée (Démodocos, à la cour des Phéaciens), ils n’ont rien laissé, pas plus que les poètes mycéniens. Il est probable que les Grecs ne connaissaient ces légendes et contes orientaux que par ouï-dire et non par une connaissance directe. Il semble donc que l’œuvre d’Homère, comme celle de Turold, soit un commencement absolu, ce qui est pourtant absolument impossible.

Bibliographie

Études sur Homère :

  • Bouvier David, Le Sceptre et la lyre, l’Iliade ou les héros de la mémoire, éditions J. Millon, 2002.
  • Cantarella Éva, Ithaque, de la vengeance d’Ulysse à la naissance du droit, Albin Michel, 2003
  • Carlier Pierre, Homère, Fayard, 1999.
  • Conche Marcel, Essais sur Homère, PUF, 1999.
  • Cuisenier Jean, Le Périple d’Ulysse, Fayard, 2003.
  • Finley Moses I., Le Monde d’Ulysse, trad. Vernant-Blanc, Maspéro, 1969 (un grand classique !)
  • Hepp Noémi, Homère en France au XVIIème siècle, Klincksieck, 1968.
  • Vidal-Naquet Pierre, Le Monde d’Homère, Tempus, 2002.
  • Cahiers de Sciences et Vie, n° 70, août 2002 : la Grèce au temps de Troie.
  • Revue Europe, Homère, n° 865, mai 2001.
  • Homerica, site internet de l’Université de Grenoble III, consacré à Homère.

Fictions sur Homère

  • Giono Jean, Naissance de l’Odyssée, 1930.
  • Kadaré Ismaïl, Le Dossier H. , Folio Gallimard, 1991.
  • Kundera Milan, L’Ignorance, Gallimard, 2003(sur l’impossible retour de l’exilé)