LES TRAVAUX ET LES JOURS, v. 1-617
Pour la fin de l’œuvre, voir ici : la navigation (v. 618-694)
- Prologue (1-10)
- Les deux Éris (11-41)
- Prométhée et Pandore (42-105)
- Voir aussi La Théogonie, v. 570-602, la première femme
- Le mythe des races (106-201)
- La Justice
- Le travail
- Travaux des champs
- Le temps dans les Travaux et les Jours.
Prologue (v. 1-10)
Pour une comparaison avec Homère : voir le prologue de l’Iliade et celui de l’Odyssée. Voir aussi une étude sur le prologue de la Théogonie.
- ἐννέπω: dire
- ὁμῶς: de même, également
- ἕκητι = ἕκατι: par la volonté de, à cause de (+ gén. antéposé)
- χαλέπτω: chagriner, tourmenter, maltraiter, ruiner
- ἀρίζηλος, ος, ον: brillant, éclatant, illustre
- ἀγηνωρ, ορος: noble, héroïque, arrogant
- κάρφω: sécher, flétrir
- ἀίω : entendre
- τύνη = σύνη = σύ
- ἐτήτυμα < ἐτήτυμος, ος, ον: véridique, vrai
Dédicace solennelle aux «Muses de Piérie» (de Macédoine), qui évoque bien sûr l’incipit de l’Iliade. Mais c’est surtout le patronage de Zeus, père des Dieux, qui est évoqué, dans sa toute-puissance (que l’on retrouvera par la suite dans les mythes de Prométhée et des races). Toute une série d’antithèses rhétoriques.
Noter aussi les assonances en [r] évoquant peut-être le bruit du tonnerre: v. 5-7
Introduction d’un thème fondamental: la dikè.
Scansion du 1er vers:
Μοῦσαι Πιερίηθεν, ἀοιδῇσι κλείουσαι
ˉ ˉ/ ˉ˘ ˘/ˉ ˘ ˘/ ˉ ˉ/ ˉ ˘˘/ ˉ ˘
Les deux Éris (v. 11-41)
V. 11-26 :
- ἔην: forme épique d’imparfait < εἰμι
- ἐπιμωμητός, ον: blâmé
- ἄνδιχα: en deux parties, séparément
- διὰ: adverbe: en séparant, en divisant, de part et d’autre. Pléonasme avec ἄνδιχα
- ἡ δῆρις, ιος: lutte, combat
- ὀφέλλω: faire croître, multiplier
- σχέελιος, α, ον: cruel, funeste
- βουλῄσι< βουλή, ῆς: forme de datif pluriel ionien (ῃσι, ῃς à la place de αις)
- βαρύς, εῖα, υ: pesant, lourd («écrasante Éris», plus parlant que la traduction Mazon: «cruelle»)
- Νύξ ἐρεβηννή: même clausule dans Théogonie, 213.
=> TEXTE COMPLÉMENTAIRE : Les Enfants de Nuit, Théogonie, 211-232.
- ἐγείνατο < γείνομαι: engendrer, enfanter
- ὑψίζυγος: assis sur un trône élevé (littéralement: sur un banc de rameur) = épithète de Zeus.
- ἀπαλαμός, ος, ον: au bras indolent
- χατίζω: sentir le besoin de
«En effet, en voyant un autre, riche, qui s’empresse de labourer, il éprouve le besoin de travailler.»
- τὸ ἄφενος: richesse, biens
- κοτέω-ῶ (τινι): être jaloux de quelqu’un
- πτῶχως, η, ον: mendiant.
V. 27-41: un passage autobiographique.
- Τεός, ή, όν: forme épique et ionienne de σός, σή, σόν
- ἐνικάτθεο < ἐγκατατίθημι (impératif, 2ème pers. du sing.): déposer dans
- κακόχαρτος, ος, ον: qui se réjouit du malheur d’autrui
- ἐρύκω: arrêter, retenir è tenir à l’écart de
- ὀπιτεύω: épier
- τὸ νεῖκος, ους: querelle
- ἐπακουός, ός, όν: qui prête l’oreille
- πέλομαι: être d’ordinaire
- ἐπηετανός: qui dure toujours
- ὠραῖος βίος: provende de la saison = blé
- ἀκτή, ῆς Δημήτερος : fruit de Déméter = blé
- κορεσσάμενος: participe aoriste de κορέννυμι: rassasier
- δῆρις δῆριν ὀφέλλειν // δῆριν ὀφέλλοις: clausules identiques v. 14 et v. 33: ˉ ˇˇ / ˉ ˉ
- ἱθύς, εῖα, ύ: droit; ἱθείῃσι δίκῃς: par des jugements droits. Cf. les «bons rois» de la race d’or. Notion très importante pour Hésiode.
- ἐδασσάμεθα < δαίω (aoriste): partager, distribuer
- κυδαίνων: flatter, cajoler
- τὸ ὄνειαρ, ὀνείατος: bien, profit
- ἡ μαλάχη, ης: mauve (plante)
Les deux derniers vers annoncent l’éloge de la vie paysanne qui sera la 2ème partie de l’œuvre.
La Mauve et l’asphodèle:
Deux plantes sauvages, qui présentent plusieurs aspects intéressants:
- La Mauve était, et est encore, une plante comestible et médicinale; on peut la cuisiner un peu à la manière des épinards.
- L’asphodèle, quant à elle, présente des caractères plus ambigus.
- D’une part, elle est, comme la mauve, comestible, et constituait donc une nourriture simple, facile à trouver en ces temps de cueillette, avec semble-t-il des vertus coupe-faim – ce qui la rendait particulièrement utile en temps de disette.
- D’autre part, elle était liée au monde des morts: les «prairies d’asphodèles» d’Homère sont le lieu où les morts attendent leur jugement. (Odyssée, XI, 539)
- Mauve et asphodèle constituent donc une nourriture saine et simple, accessible à tous sans avoir besoin d’être cultivée ; à ce titre, elles sont liées à l’image de l’âge d’or, où la terre «fournissait d’elle-même» tout ce dont les hommes avaient besoin.
- A ce titre, elles auraient constitué le régime alimentaire d’Épiménide (VIIème siècle, poète et chaman de Crète), et Pythagore s’en serait inspiré pour son propre régime végétarien…
Thème important: la «bonne Éris, ou émulation dans le travail. On verra qu’elle caractérise l’âge de fer, ambivalent (bonne et mauvaise Éris y coexistent; comme le travail pénible, et le gain…). On peut choisir la «droite justice», mais aussi la mauvaise.
Aspect autobiographique: les démêlés d’Hésiode avec son frère Persès, et aussi peinture sociale: les mauvais rois « mangeurs de présents».
Mythe de Prométhée et de Pandore (v. 42-105)
Relire :
- Le mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon.
- Eschyle, Prométhée
Étude du texte
Vers 42-68
- Κεν: équivalent de ἄν
- Αἶψα: adverbe: promptement, aussitôt
- Καπνός, οῦ: vapeur, fumée
- ἡμίονος, ου (ἡ): mule
- ταλαεργός, ός, όν: endurci au travail, infatigable
- φρεσὶ ᾖσιν: dans son cœur (datif pluriel)
- ἀγκυλομήτης: à l’esprit retors, fourbe, rusé (épithète de Kronos, et de Prométhée)
- ἐμήσατο < μήδομαι: méditer
- κήδεα λυγρά: soucis (κῆδος, ους) fâcheux
- ἐύς: adj. Bon, brave, noble
- μητιόεντος: méditer, machiner (μητίω)
- τερπικέραυνος, ος, ον: qui aime la foudre, qui prend plaisir à la foudre
- μήδεα < μῆδος, ους: pensée
- ἠπεροπεύσας < ἠπεροπεύω: tromper
- τὸ πῆμα, ματος: épreuve, malheur
- τέρπομαι: aimer, prendre plaisir à, être charmé
- ἀμφαγαπάω-ῶ: entourer d’affection, chérir
- φύρειν: délayer, détremper
- θέμεν: infinitif aoriste épique de τίθημι
- αὐδή, ῆς: bruit, voix humaine
- ἐίσκειν: rendre semblable
- ἐπήρατος, ος, ον: aimable, délicieux
- ἱστος, ου: métier de tisserand, tissu
- ὑφαίνειν: tisser, confectionner des toiles
- ἀμφιχέαι: répandre autour
- ἀργαλέος, ος, ον: difficile, terrible
- γυιοκόρος, ου= γυιοβόρος, ος, ον (version autre manuscrit): qui dévore les membres
- ἡ μελεδών, ῶνος: souci
- κύνεος: cynique, impudent
- ἐπίκλοπος: enclin au vol, rusé
- ἤνωγε < ἀνώγω: pousser à
- διάκτορος, ου: messager
L’image de la femme dans la Grèce archaïque: premières occurrences de la «femme fatale», Hélène et Pandore: beauté fascinante, et irrésistible penchant vers le mal. Un thème qui trouvera son épanouissement jusque dans la littérature contemporaine et le cinéma, comme en témoignent les références suivantes:
Pandore dans la littérature et l’art
- Un ouvrage de référence: Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine (Nathan), articles «Pandore» et «Prométhée»;
- Pausanias, I, 24, 7.
- Calderon, La Statue de Prométhée
- Voltaire, Pandore
- Wolfgang Goethe, Pandora
- Paul Klee, Die Büsche der Pandora als Stilleben, New-York, 1920
- L’histoire de Lulu qui a alimenté l’opéra et le cinéma de la période expressionniste est inspirée du mythe de Pandore, autant que de celui de Lilith.
- Pandora, d’Albert Lewin, avec Ava Gardner dans le rôle titre…
- D. et E. Panofsky, La Boîte de Pandore, Paris, 1990.
- Dessin de Rosso, Ecole des Beaux-Arts, Paris.
- Ricet Barrier, « La Boîte à Pandore » (chanson)
- Didier Swyssen, sous le pseudonyme d’ALCANTE, a édité en 12 mois chez Dupuis, entre 2004 et 2005 une série de 8 BD dont il est le scénariste (avec 7 dessinateurs différents)
Titre générique : Pandora Box
Vers 69-82: la fabrication du «don»
- Πλάσσε: façonner, modeler (aoriste sans augment, poétique)
- Αμφιγυήεις: épithète d’Héphaïstos; soit «muni de deux bras robustes», soit «boiteux des deux jambes» (ἀ-γυιός)
- ἴκελος, η, ον: semblable à (+ datif); ici, neutre substantivé: «une forme»…
- ζῶσε: aoriste (sans augment) de ζώννυμι: ceindre
- θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη: «la déesse Athéna aux yeux pers»: clausule homérique.
- ὅρμος: guirlande, collier
- χροΐ: vient de χρώς, χρωτός: la peau, le corps, la chair… Deux thèmes de déclinaison:
- – le thème χρωτ- (χρώς, χρώτα, χρωτός, χρωτί) et le thème χρο- (χροός, χροΐ). Noter la diérèse dans le datif singulier.
- εἰαρινός, ή, όν= ἐαρινός: printanier
- ἐφήρμοσε < ἐφαρμόζω: ajuster (κόσμον χροΐ: litt. «une parure à son corps» = parer son corps).
- στήθεσσι< στῆθος, ους: poitrine
- αἱμύλιος= αἱμύλος: rusé, séduisant, insidieux (en parlant du discours ou du comportement.
- τεῦξε < τεύχω: fabriquer, façonner
- ἀλφηστῇσι< ἀλφηστής, οῦ: industrieux, entreprenant, ou «mangeur de farine» (τὸ ἄλφιτον = la farine)
- V. 83-105: les dégâts causés par la demoiselle.
- 83-89: la faute d’Épiméthée.
- αἰπύς, αἰπεῖα: où l’on est précipité, profond, abrupt
- ἀμήχανος, ος, ον : «dont on ne peut venir à bout», mais aussi «extraodinaire, prodigieux»
- ἐκτελέω-ῶ: achever
- φράζομαι: penser, réfléchir, faire attention à, veiller sur
90-105: le malheur des hommes.
- Ζώεσκον: imparfait itératif de ζώω: vivre
- Νόσφιν: à l’écart de (+ gén.)
- ἄτερ: à l’écart de
- σκεδάννυμι (σκεδάσω, ἐσκέδασα): répandre
- Vers 95 = vers 49: style formulaire. D’autres exemples, surtout dans les clausules: v. 68 / v. 77 / v. 84… Signe d’une littérature orale.
- ἄρρηκτος, ος, ον: qu’on ne peut briser, indestructible
- χεῖλος, ους: lèvre, bord d’un vase
- ἐξέπτη < ἐκπέτομαι / ἐκπέταμαι: s’envoler
- ἀλάληται < ἀλάομαι-ῶμαι: errer çà et là
- αὐτόματοι: qui agit de son propre mouvement
- ἐξαλέασθαι: chercher à éviter (ἐξαλέομαι + acc)
Pandore est elle-même un don des Dieux: les hommes la chérissent, alors qu’elle leur apporte le malheur. Thème de la «femme fatale», objet d’amour fou et cause de malheur. Exemples multiples, de Carmen à Lulu!
Une image négative de la femme, par nature perverse et porteuse de mal: esprit impudent, cœur artificieux, mensonges, mots trompeurs, (κύνεον νόον, ἐπίκλοπον ἦθος … ψεύδεα, αἱμυλίους λόγους…): une constante dans les civilisations méditerranéennes. Cf. l’image d’Ève. Une image qui aura la vie dure: cf. encore chez Rousseau, l’éducation de Sophie. Hésiode laisse entendre que c’est par pure perversité que Pandore ouvrit la jarre… et la referma trop tôt.
L’espoir est resté dans la jarre: ici, image assez traditionnelle; le seul bien, l’espoir, (même illusoire), est resté au fond, et les hommes en sont privés. Si l’on en croit Pierre Judet de la Combe (Le Métier du Mythe, pp. 301-313, cf. bibliographie) le fait que l’Espoir reste dans la jarre est positif : après le geste anti-économique par excellence de la dispersion du contenu, Pandore, en refermant le couvercle, serait revenue à une attitude plus « sage »… Ceci est confirmé par les vers 364-365 :
Ce qui est déposé dans la maison ne cause pas de souci à l’homme.
Il vaut mieux qu’une chose soit à l’intérieur, car ce qui est dehors est ruineux.
En somme, l’homme garde quand même en réserve, dans son cellier, un peu d’espoir, qui justifie le travail ! Mais il existe d’autres interprétations, faisant de l’espoir le pire des maux répandus sur la terre (cf. Camus, par exemple…) ; car le mot grec, ἐλπίς, désigne aussi l’attente, l’anticipation.
Le mystère de la boîte de Pandore : au départ, il ne s’agit nullement d’une boîte, mais d’un πίθος, énorme jarre qu’il n’était pas question de transporter, et qui servait à entreposer le vin, l’huile ou les grains. Pandore ne l’aurait donc pas amenée avec elle, mais l’aurait trouvée dans la maison d’Epiméthée… Selon D. et E. Panofsky (voir ouvrage cité), c’est à Érasme que l’on doit la première transformation de cette «jarre» en «boîte», transportable, et donc appartenant à la malédiction propre à Pandore; et c’est cette version qui, depuis, est restée…
Pour une interprétation du mythe : voir Fr. Zeitlin, “ L’origine de la femme et la femme origine : la Pandore d’Hésiode ”, dans : F. Blaise et al., Le Métier du mythe. Lectures d’Hésiode, p. 349-380.
Voir également M-C Leclerc, op. cit. p. 89-95 et p. 119-127.
Mythe des races (v. 106-201)
106-126: la race d’or.
- ἐκκορυφώσω < ἐκκορυφόω-ῶ: exposer sommairement
- μερόπων < μέροψ, μέροπος: mortel
- νόσφιν: au loin, à l’écart de (+ gén.); νόσφιν ἄτερ (+ gén.), sans
- ὀϊζύος = οἰζύς en attique: misère, infortune (cf. v. 177)
- θαλίη < θαλία, ας: abondance, bonne chère, festin, banquet
- δεδμημένοι < δάμνημι = δαμάζω: dompter, soumettre au joug
- ζείδωρος: qui procure de l’épeautre, fécond
- ἐθελημοί: qui consent volontiers, bienveillant.
Une image (une des premières de la littérature occidentale) de l’âge d’or: une race satisfaite de son sort, qui ignore la démesure, et donc le malheur et la guerre. Leur disparition ne résulte pas ici d’une colère de Zeus, mais simplement d’une succession dans le temps: après leur règne, ils deviennent des génies épichthoniens…
127-142: la race d’argent.
- μετόπισθε(ν): plus tard
- ἐναλίγκιος, ος, ον + datif: semblable à
- κεδνός, ή, όν: sage, prudent, honorable
- ἀτάλλω: sauter, bondir comme un être jeune
- ἀνηβήσαι < ἀν-ηβάω-ῶ: grandir
- παυρίδιος, α, ον: petit, court
- ἀφραδίη: irréflexion, imprudence, étourderie
- ἀτάσθαλος, ος, ον: follement orgueilleux, présomptueux jusqu’à la démence
- ἔμπης = ἔμπας: et pourtant, mais cependant
- ὀπηδεῖ < ὀπαδέω-ῶ: suivre, accompagner.
Une race d’argent très ambiguë : d’un côté, une interminable enfance innocente, et après leur mort, ils deviennent démons hypochthoniens, objets d’un culte: ils gardent donc une part de justice, de «bonne Eris». Mais d’un autre côté, ils ont perdu l’harmonie entre eux – leur orgueil les pousse à se battre – et ils méprisent les dieux, suscitant ainsi la colère de Zeus et leur disparition. Celle-ci, contrairement à celle de la race d’or, apparaît bien comme un châtiment. L’expression contradictoire «μάκαρες θνητοί» (v. 142), que Mazon a corrigée en «μάκαρες θνητοῖς» , «bienheureux mortels», témoignait du caractère ambivalent de cette race (cf. M-C. Leclerc, op. cit.)
V. 143-155: la race de bronze.
- ὁμοῖος a ici la nuance «de même valeur»: ressemblance de valeur, et non de forme.
- ἡ μελία, ας: le frêne (bois dont on fait les lances: symbolise la force, l’esprit guerrier).
- ὄβριμος, ος, ον : fort, robuste, vigoureux (Théog. 148)
- στονόεις: gémissant, funeste
- ὕβριες = pluriel: «œuvres violentes, sévices»
- ἀδάμας, αντος: fer le plus dur, acier (Théog. 161)
- ἄπλαστοι: «non façonné, simple» è rude? ou variante ἄπλατοι: terrible (Théog. 151): terrible. Mazon choisit ἄπλαστοι, mais traduit comme s’il y avait ἄπλατοι, dans les deux occurrences.
A noter que cette «race de bronze» est décrite exactement avec les mêmes mots que celle des Titans, dans la Théogonie (147-153).
- ἄαπτοι: qu’on ne peut toucher, redoutable.
- ἐπέφυκον < φύω (plus que parfait; 3ème pers. poétique; ῡ): croître
- στιβαρός: fort, robuste
- μέλεσσι < τὸ μέλος, μέλεος-ους : membre, bras, partie du corps (plus tard, partie, phrase musicale)
- τὸ τεῦχος, ους: ustensile, instrument. Au pluriel, armes
- δαμέντες: participe passif de δάμνημι, variante de δαμάζω: dompter, tuer
- εὐρώεις: moisi, humide (en parlant des Enfers)
- κρυερός, ά, όν: froid, glacé, d’où effrayant, terrible
- νώνυμνος: sans nom, sans gloire
- ἐκπαγλος: effrayant, terrible (chez Homère, épithète d’Achille)
La race de bronze représente une rupture nette avec les deux précédentes: dès le départ, différence de «valeur» (οὐκ ἀργυρέῳ οὐδὲν ὁμοῖον); cette race est essentiellement caractérisée par sa force et sa violence incontrôlée. Elle est aux hommes ce que celle des Titans est aux dieux: une race primitive, violente, peu développée, condamnée… et elle représente bien une chute. Ici la «mauvaise Éris» domine sans partage, et leur sort post mortem est à l’avenant: les Enfers «froids», «moisis», où ils descendront «anonymes» et sans aucun espoir de survie: eux ne seront pas des démons.
V. 156-173: la race des Héros.
- πουλυβοτείρη: féconde (adj. homérique. cf. aussi v. 169e)
- ἄρειος, α, ον: consacré à Arès, belliqueux. Ici, n’a pas les connotations négatives de la race de bronze: les héros combattent pour la justice, et non par mauvaise Éris.
- ἀπείρων, ονος: infini, immense
- φύλοπις, ιδος: cri de guerre, d’où par métonymie «bataille, mêlée»
- αἰνος, ή, ον: terrifiant, affreux (définit une bataille)
- μάρναμαι: combattre, lutter
- τὸ μῆλον, ου: soit la «pomme», les «fruits», soit les «moutons» ou les «chèvres».
- λαῖτμα θαλάσσης: l’abîme de la mer (formule homérique)
- ἦ: adverbe: «certes», «donc»…
- θανάτου τέλος: l’accomplissement de la mort
- δίχα: séparément de, loin de
- ἤθεα < ἦθος, ους: séjour, lieux familiers
- ὀπάσσας < ὀπάζω: donner qqch. à qqn.
- κατένασσε < καταναίω: établir sur ou dans
- πεῖραρ, ατος: extrémité, confins
- βαθυδίνης, ου: aux tourbillons profonds
- ὄλβιος: heureux, fortuné
- μελιηδέα < μελιηδής, ές: doux comme le miel
- ζείδωρος: qui procure de l’épeautre, fécond
- ἄρουρα: terre labourée, champ
- τηλοῦ: loin
On peut souligner l’étrangeté de cette race des héros:
- elle interrompt la série des métaux: or, argent, bronze… et fer;
- Elle participe de la force et de la violence, mais de manière juste: elle interrompt également le mouvement continu de chute; elle est supérieure aux hommes de bronze, et presque aux hommes d’argent;
- Cette race se rapproche de nous, puisqu’elle concerne les héros mythiques de l’Iliade ou du cycle thébain.
- Enfin, les héros semblent avoir une destinée spéciale après la mort; ils ne deviennent pas des «démons» comme les hommes d’or et d’argent, mais ne périssent pas non plus – du moins pas tous – comme les hommes de bronze, puisque certains (choisis selon quels critères?) se retrouvent dans l’île des Bienheureux… Voir plus bas l’interprétation de Vernant.
V. 174-201: la race de fer.
174-178: le présent
- μηκέτι ὤφελλον: souhait ou regret. Irréel du présent.
- κάματος, ου: travail pénible, effort, peine
- ὀιζύος: «peine»; cf. v. 113: le mot se trouve à la même place métrique, et même clausuleè effet recherché de contraste entre l’âge d’or et l’âge de fer, à son opposé.
- μερίμνας : s’inquiéter de
Les vers 174-178 sont au présent, et représentent la première partie de la «race de fer». On notera la présence du «je»: c’est l’époque même du poète, le présent historique.
175-201 : le futur
- ἔμπης = ἔμπας: de toutes façons, mais cependant (restriction)
- μεμείξεται < μεμίξεται, futur antérieur de μίγνυμι: mêler, mélanger
Deux vers de transition: la race actuelle n’a pas fini son évolution vers le pire; elle connaît encore le mélange du bien et du mal. Mais bientôt, le mal règnera sans partage…
- πολιοκρόταφος, ος, ον: aux tempes blanchissantes
- τελέθωσιν: subjonctif présent de τελέθω: être, se trouver, naître
- κασίγνητος: frère ou sœur (mot épique ou tragique)
- τοκῆας < τοκεύς, έως: père, parent
- βάζω: parler, dire
- ὄπιν= ὄπιδα < ὄπις: crainte des dieux
- θρεπτήριος, ον: nourriture; ici, secours que donnent les enfants à leurs parents âgés.
- ἐξαλαπάζω: piller ou détruire (une ville)
- ῥεκτῆρ, ῆρος + gén.: qui fait, qui accomplit
- βλάπτω: nuire à, blesser
- φῶτα < ὁ φώς, φωτός: homme. Ne pas confondre avec τὸ φῶς, φῶτος, la lumière, la gloire (attention à l’accent!)
- μυθοῖσι σκολιοῖς: avec des paroles torses
- ὀμεῖται < ὀμοῦμαι, futur d’ ὄμνυμι: jurer
- δυσκέλαδος: au bruit terrible, médisant
- ὁμαρτέω-ῶ: suivre, accompagner
- στυγερώπης: aux regards sinistres (hapax); trois adjectifs pour la jalousie: elle constitue la «mauvaise Éris» par excellence, et le pire des fléaux pour les hommes. Leçon très générale, mais qui sonne aussi comme un avertissement pour Persès.
- φάρεσσι < φάρος, ους: toile, couverture, manteau d’homme ou de femme
- φῦλον: race
- ἴτον: duel de εἶμι, aller (présent indicatif)
- ἀλκή: force agissante è contre un danger, aide, secours.
La fin de l’âge de fer, et le triomphe sans partage du mal, offrent un tableau saisissant et sinistre, du présent et d’un futur proche, en même temps qu’un avertissement aux hommes en général, à Persès en particulier: le mépris des liens familiaux, l’impiété, la haine ne peuvent conduire qu’à un malheur général, et à la destruction de cette humanité.
On peut rapprocher ce texte de plusieurs mythes : celui de Deucalion, par exemple, ou encore celui du Déluge : une race mauvaise sera anéantie. Avec néanmoins une différence majeure : dans le mythe de Deucalion et Myrrha, comme dans la Bible, la «race mauvaise» appartient au passé. De même dans cette réécriture qu’est l’histoire des Troglodytes dans les Lettres persanes de Montesquieu.
Ici, la situation est pire : la «race de fer» est au présent, et au futur, et le châtiment est à venir…
Hésiode est donc le père des tableaux sinistres des satiristes (Juvénal…) ou de poètes tels que Lucrèce. Le pire n’est pas à chercher dans un passé lointain, mais dans un futur proche…
Une interprétation de Jean-Pierre Vernant
(Mythe et pensée chez les Grecs, Maspero, 1965, «le mythe hésiodique des races, essai d’analyse structurale», p. 13-79)
Cinq races se succèdent, dont quatre sont liées à un métal, et elles semblent, à l’exception de la race des héros, représenter une chute continue. Or qu’en est-il exactement?
On peut représenter cela sous la forme d’un tableau :
Caractères | Attributs | fonction |
destin post mortem |
|||
Passé | Royaux | or | pure dikè | jeunesse éternelle | Bons rois ; rendent une justice droite | démons épichtoniens |
argent | hybris | Enfance, puis mort rapide | Mauvais rois ; rendent une mauvaise justice | démons hypochtoniens | ||
Guerriers | Bronze | Pure violence, hybris | Hommes faits | Guerre perpétuelle ; lance de frêne, bronze des armes | Anonymat de l’Hadès | |
Héros | Violence guerrière, mais régie par la dikè | Hommes faits | Mêmes attributs que le bronze | Anonymat de l’Hadès ou isolement dans l’Île des Bienheureux | ||
Présent | Producteurs | Fer 1 |
Hybris mêlée de dikè : choix possible |
Hommes soumis au temps : de l’enfance à la vieillesse |
Mauvaise Éris, mais aussi la bonne : malheur, mais bonheur possible | Anonymat de l’Hadès |
Avenir | Fer 2 | Hybris seule, et violence | Vieillards « naissant avec des tempes blanches » | Règne sans partage du malheur ; absence de toute philia | Anonymat de l’Hadès |
On retrouve dans le cycle la tripartition fonctionnelle de Dumézil :
d’abord les «Royaux» (or et argent), qui s’opposent terme à terme, mais ont la même fonction – rendre la justice, bien ou mal – et le même destin post mortem: ils deviennent des «démons», c’est-à-dire des êtres divins, objets d’un culte, mais lui-même hiérarchisé : aux épichthoniens s’opposent les hypochthoniens.
Puis les guerriers, subordonnés aux premiers (ce qui explique que la race de bronze soit inférieure à celle d’argent, mais sur un plan hiérarchique, et non moral) : eux aussi se divisent en deux classes, selon qu’ils respectent la dikè ou se laissent entièrement dominer par l’hybris. Eux ne sont pas l’objet d’un culte (timè) : même les héros choisis par Zeus n’ont aucun pouvoir sur les hommes. Ce n’est que dans la «polis» que le héros sera l’objet d’un culte : ni Homère, ni Hésiode ne mentionnent ce fait. Enfin, la race de fer est traitée différemment : les autres étaient situées au passé ; elle est dans le présent, ou l’avenir.
A ce titre, elle présente deux aspects: un aspect actuel, ambivalent, où Pandore a répandu tous les maux, mais où l’espoir est permis ; où l’on peut choisir entre la bonne ou la mauvaise «Eris», entre l’émulation au travail et les mauvais procès, entre la haine et la philia, entre le malheur absolu et le bonheur relatif; où donc peuvent être utiles les conseils d’Hésiode à Persès. Mais si celui-ci (et les hommes en général) choisissent la mauvaise Eris, alors ce sera l’apocalyptique futur: un monde tout entier livré aux forces du mal, sans choix possible, et voué à la violence et à la mort.
Se superpose une autre tripartition : entre les démons, les héros et les morts. Ce sont les catégories d’êtres, autres que les grands dieux (théoi). Parmi eux, seuls les démons sont l’objet d’un culte.
L’ensemble est traversé par l’opposition fondamentale chez Hésiode, entre la dikè et l’hybris. Chaque race se définit par la présence ou non, ou la prédominance de l’un de ces deux termes. L’or et l’argent s’opposent deux à deux : la race d’or, parfaitement heureuse, est aussi parfaitement juste ; la race d’argent méprise la dikè, les dieux, et n’obéit qu’à l’hybris. De même, héros et guerriers de bronze ; et dans la race de fer, c’est la présence d’une dikè, et d’une «bonne Éris», qui permet un minimum de bonheur.
Temps cyclique ou temps linéaire ? L’ensemble paraît indiquer une histoire, qui va du règne pur de la dikè (race d’or) au règne pur de l’hybris (race de fer 2). Mais le vers 175, dans lequel Hésiode regrette de n’être pas né «plus tôt (sous l’âge d’or) ou plus tard» semble indiquer un temps cyclique: après la fin de l’âge du fer, quand Zeus aura anéanti cette race calamiteuse, le cycle pourra recommencer… D’autres indices montrent que le temps d’Hésiode n’est pas linéaire: c’est le temps du paysan, fonctionnant selon l’éternel retour des saisons. Et la composition elle-même du livre est cyclique, puisqu’elle nous mène des semailles aux semailles…
La justice (v. 202-285)
L’épervier et le rossignol (202-212)
- αἶνος, ου: récit, conte, histoire
- ἴρηξ = ἰέραξ, ακος: faucon, épervier
- ἀηδών, όνος (ἡ): le rossignol. Le chanteur se dit ὁ ἀοιδός, ου. Le mot se trouve à la fin du passage, v. 208, montrant que le lien entre le rossignol et le chant existait déjà.
- ποικιλόδειρον: aux ailes bigarrées ou tachetées
- ὕψι: en haut
- μεμαρπώς < μάρπτω: prendre, saisir
- ὀνύχεσσι < ὄνυξ, ὄνυχος: ongle, serre, griffe
- ἐλεόν (adverbe): misérablement
- γναμπτός, ή, όν: courbé
- μύρομαι < μύρω: pleurer, se lamenter
- ἐπικρατέως: impétueusement, impérieusement
- δαιμονίη < δαιμόνιος, α, ον: merveilleux, divin. Mais aussi expression de pitié (δαιμονίη = infortunée) ou de dédain: misérable.
- λεληκα< λάσκω: pousser des cris
- εἶς: 2ème personne poétique de εἶμι: aller.
- αἰ: conjonction dorienne et épique = εἰ
- μεθήσω < μεθίημι: laisser aller, relâcher…
- αἴσχεσι < αἶσχος, ους (τὸ): honte, infamie
- ὠκυπέτης, ου: au vol rapide
- τανυσίπτερος = τανύπτερος: aux ailes déployées.
Une fable assez cruelle, qui intervient immédiatement après la description du dernier âge de fer, où le mal et la loi du plus fort règnent sans partage, et avant une invitation à Persès d’écouter la justice : avertissement? Appel à la résignation face au destin, et à la toute-puissance de la «mauvaise Éris»? Ou opposition entre la vie sauvage, où la force est la seule loi, et la vie humaine, où la δίκη a encore sa place? cf. v. 277-278: «que les poissons, les bêtes sauvages et les oiseaux ailés se dévorent entre eux, puisqu’il n’y a pas de justice parmi eux.»
Mais toi, Persès, écoute la justice… 213-224
- ὀφέλλω: faire grossir, grandir
- φερέμεν = infinitif épique
- βαρύθω: être chargé, accablé
- ἐγκύρσας: tomber sur, rencontrer (ἐγκύρω)
- ἀάτη = ἄτη, ης: fléau, crime, malheur. Ἀάτη est aussi un enfant d’Eris, elle-même fille de Nuit (cf. Théog. v. 230), de même qu’Ὅρκος, Serment.
- ἑτέρηφι: datif féminin de ἕτερος au sens d’instrumental
- ῥόθος: bruit de choses qui se heurtent, clameur.
Cette peinture allégorique de l’hybris et de ses conséquences illustre et complète la fable précédente, ainsi que le tableau de l’âge de fer. Forme un diptyque avec ce qui suit.
Les bons rois (225-237)
- ἔνδημος: du pays, indigène
- τέθηλε < θάλλω: se couvrir de fleurs ou de fruits
- ἀνθεῦσι < ἀνθέω-ῶ (3ème pers. pl. présent dorien): fleurir
- τεκμαίρω: réserver des maux à quelqu’un
- λιμός, οῦ: faim, famine
- ὀπηδεῖ · ὀπαδέω-ῶ: accompagner
- μεμηλοτα < μέλω: donner des soins
- βάλανος: gland
- εἰροπόκος: à l’épaisse toison
- μαλλός, οῦ (ὁ): laine des brebis
- διαμπερές: sans fin
Un tableau d’un monde où triomphe la justice, le bien, et qui n’est pas sans évoquer l’âge d’or: retour à «l’âge de Cronos», avant Pandore. On retrouve les «fêtes» ἐν θαλίῃσι, 115-231), la terre généreuse (καρπὸν δ’ ἔφερε ζείδωρος ἄρουρα, 117-237) et surtout la paix, plus développée ici.
Pourtant, ce n’est pas le même temps : la terre généreuse n’est pas pour autant αὐτομάτη (118): il faut la travailler, donner des soins aux brebis; il y a des villes, cueillette et élevage se partagent équitablement les ressources…
La leçon est claire: les hommes de l’âge de fer ne peuvent revenir à l’époque de l’âge d’or, mais ils peuvent retrouver l’harmonie et la paix, à condition de respecter la justice…
Les mauvais rois, 238-247.
- ἀπηύρα < ἀπαυράω-ῶ: participer à (ici: au sort d’un coupable, κακοῦ ἀνδρός)
- ἀτάσθαλος, ος, ον: follement orgueilleux, présomptueux jusqu’à la démence : terme utilisé (ici au neutre pluriel) pour la race d’argent. Le terme est aussi utilisé dans la Théogonie pour qualifier les Titans vaincus par Zeus, ou l’action des Ouranides contre leur père Ouranos (Théog. 209)
- τὸ πῆμα, ματος: épreuve, souffrance, malheur
- ὁμοῦ: ensemble, en même temps
- λοιμός, οῦ: peste, fléau contagieux; paronomase λιμός / λοιμός
- ἀποφθινύθω: se consumer, périr
- μινύθω: s’épuiser, se consumer
- φραδμοσύνη, ης: prudence, sagesse
- ἀποτείνυμαι= ἀποτίνυμαι: faire expier, tirer vengeance de
Dépopulation et stérilité, famine et peste, ruine et défaites militaires: les deux premiers points au moins évoquent les malheurs de Thèbes expiant la souillure du meurtre de Laïos… Anciennes formules d’imprécations?
Leçon aux Rois (248-273)
- φράζω: ici «observer» et non «dire, expliquer»
- ἀλέγω: se préoccuper de, prendre soin de
- πολυβότειρα: féconde
- Ζηνὸς φύλακες θνητῶν ἀνθρώπων: double génitif, l’un subjectif «gardiens de = pour, par Zeus», l’autre objectif: ils gardent les hommes mortels.
- «οἵ ῥα φυλάσσουσίν τε δίκας καὶ σχέτλια ἔργα
- ἠέρα ἑσσάμενοι, πάντη φοιτῶντες ἐπ’ αἶαν»
= reprise des vers 124-125: ils semblaient peu à leur place alors, désignant les «démons épichtoniens» que sont devenus les hommes de la race d’or. Peut-être faut-il les identifier aux 30 000 gardiens immortels que Zeus assigne aux hommes?
- ἐκγεγαυῖα < ἐκγίγνομαι (participe parfait épique): naître de
- κυδρή < κυδρός, ά, ον: glorieux
- ὀνοτάζω: injurier, traiter avec mépris
- γηρύομαι: faire connaître
- ἀποτείσῃ < ἀποτίνω: payer
- παρακλίνω: détourner, faire dévier, altérer
- πάγχυ : tout à fait
- ἐπιδέρκομαι: regarder, voir
- ἑ : accusatif enclitique du pronom de 3ème pers.: lui, elle
- λήθω: échapper à, être oublié de (+ acc)
- ἔμμεναι < εἰμὶ (infinitif éolien)
- ἔολπα < ἔλπω: penser, croire, craindre
Curieux passage, où Hésiode semble se contredire : après un long développement sur la justice divine, il semble craindre soudain qu’elle n’existe pas! Rupture brutale du Νῦν δὲ: mais en réalité?… Révolte à la pensée de l’injustice qu’il a lui-même subie de la part des rois de Thespies «mangeurs de présents»; retour cependant à une foi plus orthodoxe, en un vers seulement, mais qui est un acte de foi en Zeus.
Leçon à Persès (274-285)
- Ταῦτα ne renvoie pas à ce qui précède immédiatement – les doutes et la révolte d’Hésiode – mais aux vers 248-269.
- βάλλειν μετὰ φρεσί: jette dans ton esprit
- πάμπαν: tout à fait, complètement
- ἐσθέμεν: infinitif épique de ἔσθω, manger
Ces deux vers renvoient à la fable de l’Épervier et du rossignol, et confirment notre interprétation: le règne de la pure violence renvoie à l’animalité.
- ἀγορεῦσαι: parler, dire, prononcer
- ὄλβος, ου: bonheur, félicité matérielle
- διδοῖ: 3ème pers. sing. épique de δίδωμι. (forme classique = δίδωσι)
- μαρτυρία: déposition, témoignage
- ὀμόσσας < ὄμνυμι: prêter serment
- νήκεστος, ος, ον: incurable
- ἀασθῇ < ἀάω (aoriste passif): avoir l’esprit troublé, commettre une faute par folie
- ἀμαυρος: obscur, faible
- γενεή = γενεά (fém.): génération, postérité, descendance
Composition générale du passage:
- fable du faucon et du rossignol (10 vers)
- adresse à Persès (11 vers)
- les mauvais rois (9 vers)
- Les bons rois (12 vers)
- Leçon aux rois (25 vers)
- Leçon à Persès (11 vers)
Le texte commence et s’achève par la mention autobiographique du frère d’Hésiode, avec au centre, à la fois le diptyque sur les bons et les mauvais rois, et la longue leçon aux rois. La Fable fait donc ici figure de prologue (un «mensonge de même valeur que les vérités» selon le prologue de la Théogonie. («Ringkomposition»)
Mais le fait que le texte commence et s’achève par Persès montre qu’il s’agit, bien plus que d’un texte politique, d’un traité de morale individuelle, destinée à n’importe quel citoyen bien plus qu’aux rois. Transition avec le manuel d’agriculture qui va suivre.
Éloge du travail (286-382)
«Travaillez, prenez de la peine…» (286-319)
- ἰλαδόν: en masse, abondamment (adv.)
- λεῖος, α, ον: uni, lisse, plane
- προπάροιθεν: en avant, devant
- οἶμος: chemin, route
- τρηχύς = τραχύς: rocailleux
- πέλω: avoir coutume d’être
Brève introduction générale, avec la métaphore des deux routes, souvent citée. La leçon est adressée explicitement à Persès (sot de Persès!)
- ἀχρήιος = ἀχρεῖος, ος, ον: inutile, bon à rien
- ἐφετμή, ῆς: prescription, recommandation
- καλίη < καλιά, ᾶς: cabane, grenier, grange
chiasme qui rapproche les contraires: λιμὸς ἐχθαίρῃ, φιλέῃ Δημήτηρ…
- σύμφορος: qui accompagne
- νεμεσῶσι < νεμεσάω-ῶ: s’indigner. (cf. Némésis, enfant de Nuit…)
- κηφήνεσσι < κηφήν, κηφῆνος (ὁ): faux-bourdon
- κοθούρος: sans dard (hapax)
- εἴκελος: semblable à (+ dat)
- ὀργή: disposition morale, caractère
- κάματος: travail pénible, effort, d’où «fruit du travail»
- τρύχω: épuiser, ruiner
- ἀφνειός: riche, opulent
- κτεανον (τὸ): bien, propriété
- σίνομαι < σίνω: nuire, causer du dégât
- ὀνίνημι: être utile, profitable
- ἀνολβία: création hésiodique, sur le modèle ἀν-ὄλβος
Série de maximes très générales sur la valeur en soi du travail, valeur complémentaire de la justice. Vivre de son propre bien, et non, comme le faux-bourdon, fléau de la ruche, du travail d’autrui, en lorgnant des biens qui ne vous appartiennent pas… A mettre peut-être en relation (ou en opposition) avec les valeurs aristocratiques : Hésiode se place du point du vue du «petit», du producteur, qui n’est donc ni guerrier (mais il déteste la guerre), ni roi (des rois souvent corrompus). Pour lui, la seule «valeur» est donc le travail, qui exige intelligence et énergie. Pour la première fois, sagesse et vie rustique sont liées… un lien qui, de Tibulle à Virgile et à… Giono, connaîtra une vaste postérité!
La richesse (320-326)
- ἁρπακτός, ή, όν: qu’on peut ravir, arracher
- ληίσσομαι: emmener comme butin
- ἕληται: subjonctif aoriste de αἱρῶ
- κατοπάζω: opprimer, étouffer (hapax)
- μαυρόω-ῶ: obscurcir, d’où détruire
- ῥεῖα: facilement, aisément
- παῦρον: peu de temps
Bien mal acquis ne profite jamais (327-334)
- δέμνιον, ου: couche, lit
- εὐνή, ῆς: couche è étreinte
- ἡ ἄλοχος, ου: épouse
- ῥέζω: faire, accomplir
- παρακαίριος, ος, ον: inconvenant, coupable
- ἀλιταίνω: commettre une faute, se rendre coupable, s’égarer
- ἀφραδίη, ης: irréflexion, folie
- ὁ οὐδός, οῦ: seuil
- καθάπτομαι τινὰ … ἐπέεσσι: s’adresser à quelqu’un par des paroles…
- ἀγαίομαι: s’irriter contre
- ἀμοιβή, ῆς: don en retour, expiation, récompense
- «Grand sot de Persès!» (335-341)
- ἔεργε < εἴργω: écarter, repousser
- κἀδ δύναμιν = κατὰ δύναμιν
- ἔρδειν ἱέρα: faire un sacrifice
- ἁγνῶς: de manière sainte, pure
- τὸ μηρίον, ου: os des cuisses d’une victime
- ἱλάσκεσθαι: se rendre favorable, apaiser
- ἠμὲν… καί: quand… et quand…
- εὐνάζω: se coucher
Conseils généraux divers (342-382)
série de maximes morales, 342-367
- δαῖτα < δαίς, δαιτός: repas, festin, banquet.
- σέθεν: génitif ionien de σύ
- ἐγχώριον: qui est dans le pays (χρῆμα ἐγχώριον: une affaire qui se produit au village)
- ἄζωστοι: sans ceinture (= sans prendre la peine de s’équiper)
- ἔκιον: imparfait ou aoriste de κίω (accourir)
- πηός, οῦ: parents par alliance
- ἔμμορε: parfait éolien de μείρομαι: obtenir en partage
=> Nécessité d’une vie harmonieuse, d’une entente entre voisins. V. 348 («ton bœuf ne mourrait pas si ton voisin n’était pas méchant»): malveillance… ou mauvais œil? Quoi qu’il en soit, l’existence du paysan est précaire; la solidarité permet de compenser, au moins dans une certaine mesure, cette précarité.
- λώιον: plus avantageux, préférable; ici: davantage.
- ἄρκιον: assuré
- ἀναιδείηφι: impudeur, effronterie (datif, agent de πιθήσας)
- πιθήσας < πείθω
- ἐπάχνωσεν < παχνόω-ῶ: figer, contracter.
=> Importance extrême de l’égalité des échanges, et de leur équilibre: une société fondée sur le don / contre-don, l’échange de biens et de services (bien qu’il soit question, parfois, d’achats). Tout don doit être contrebalancé par un contre-don égal ou supérieur. Ceci nous ramène à Pandore: le don «de tous les Dieux», imprudemment reçu par Épiméthée, est précisément un don qui ne pourra jamais être contrebalancé; il rend les hommes à jamais débiteurs des Dieux – et ce cadeau-là est empoisonné.
- θαμά: souvent
- ἀλέξομαι : écarter de soi, se défendre de
- αἴθων: embrasé, ardent.
=> Malgré ces échanges, importance de l’autarcie, et hantise de se constituer des réserves: la précarité, la disette, la faim (αἴθων λιμός) menacent toujours.
Conseils pratiques (368-382)
- λήγων, οντος : achever, terminer
- κορέσασθαι: infinitif aoriste de κορέννυμι: se rassasier
- φείδεσθαι : épargner; l’épargne = ἡ φειδώ, φειδοῦς
- πυθμήν: fond d’un vase, d’une jarre
- ἀπιστία: Hésiode a semble-t-il créé le mot, ou l’a utilisé pour la première fois; manque de foi, de confiance. (sur le modèle de ὄλβος / ἀνολβίη, 319)
- πυγοστόλος: dont la robe dessine la croupe (moulant): hapax.
- αἱμύλος, η, ον: séduisant
- κωτίλλω: jaser, babiller
- διφάω-ῶ: scruter, fouiller
- φηλήτης, ου: trompeur, voleur
- φερβέμεν πατρώιον οἶκον: nourrir la maison paternelle
- ἄσπετος: qu’on ne peut exprimer par la parole, immense.
=> On retrouve ici la misogynie d’Hésiode, qui n’imagine pas que les femmes puissent, à la ferme, avoir un rôle producteur. Rappel de Pandore: la femme est séduisante, dotée d’une voix persuasive… et d’un esprit à la fois rusé et cupide. Le don de la première femme a condamné l’homme au malheur: ou bien il se marie, et subit la présence d’une compagne qui n’est qu’un ventre avide, qu’il faudra perpétuellement nourrir – mais c’est la condition pour avoir des enfants qui, s’ils respectent la justice, subviendront aux besoins de leur père devenu vieux; ou bien il renonce au mariage – mais il se prive alors de descendance, et de soutien pour sa vieillesse…
Les travaux des champs (383-617)
383-404
- ἐπιτέλλομαι : se lever (en parlant des constellations)
- ἄμητος, ου : moisson
- ἄροτος : labourage (ici, celui qui suit l’ensemencement : semailles)
- δύομαι : se coucher (part. futur)
- χαράσσω : aiguiser
Ce serait ici la première mention de la constellation des Pléiades, qui apparaît en automne ; à l’œil nu on peut distinguer 7 étoiles (en réalité cet amas en contient plus de 500) : Astérope, Mérope (ou Dryope, ou Aéro), Électre, Maïa, Taygète, Célaéno (ou Sélène) et Alcyone, filles d’Atlas et de Peironè. Dans tout l’hémisphère Nord, leur apparition marque le début des moissons. Il n’existait pas d’autre calendrier, à cette époque, que celui fondé sur l’observation du ciel et celle du comportement des animaux.
- ἄγκος –ους : vallon
- βησσήεις, εσσα, εν : encaissé
- κυμαίνω : être agité, houleux
- ἀπόπροθι : loin en avant
- πίων : gras, fertile, fécond
- βοωτεῖν : labourer (hapax ?)
- ἀμάειν : moissonner
- μέταζε : dans la suite
- χατίζων : avoir besoin de, éprouver vivement le besoin
- ἐπιμετρέω-ῶ : mesurer pour distribuer
- ἀχεύω : être affligé
- ἐτώσιος, ος, ον : vain
- ἀλεωρή, ῆς : action d’échapper à.
Première série de conseils, concernant le calendrier (pour lequel il y avait débat) : il faut que l’on puisse semer, labourer, moissonner « nu », c’est-à-dire vêtu simplement d’une tunique ; autrement dit, de la fin de l’hiver à la fin de l’automne. Semailles en octobre, labourage de printemps, moisson l’été.
Puis, nouvelle apostrophe, assez hargneuse, d’un Hésiode « fourmi » à son frère « cigale » : que celui-ci travaille, car lui, Hésiode, ne lui donnera rien… Le paysan doit vivre en autarcie ; le parasite, réduit à mendier, n’est qu’un paresseux inutile comme le faux-bourdon.
405-413 : autarcie et ponctualité (ne pas remettre au lendemain…)
- ἀροτήρ, ῆρος βοῦς : bœuf de labour. (on consommait peu de viande de bœuf, en dehors des sacrifices : c’était un animal essentiellement voué au travail, en Grèce comme à Rome.)
- ἀρνέομαι : nier, refuser
- τητάω-ῶ : être privé de, être dans le besoin.
- παραμείβομαι : passer le long de, s’écouler
- ἔνηφι = après-demain (< ἔνος ou mieux ἕνος, η, ον : le 3ème jour, le surlendemain)
- παλαίω : avoir à lutter contre
414-447 : fin de l’automne, moment de couper le bois.
- ἦμος : lorsque (ionien)
- λήγω : (faire) cesser
- μένος, ους : âme, force, vigueur
- ἰδάλιμος, ου : qui provoque la sueur
- μετοπωρινόv (adv.) : vers la fin de l’automne
- ἐρισθενής, ές : tout puissant
- βαιός : petit, faible ; adv. = un peu
- κηριτρεφ ής, ές : né pour le malheur, infortuné
- ἐπαυρέω-ῶ = ἀπαυρίσκω : prendre une part de, jouir de
- τῆμος : alors (ἦμος… τῆμος)
- ἀδηκτος : non mordu, non atteint par les vers
- ἔραζε : à terre (avec mouvement)
- πτόρθος : jeune pousse, jeune branche è germination
- ὄλμος, ου : mortier à piler
- τρίπηχυς : de trois coudées
- un pied (ποῦς) = environ 0.30 m
- une coudée (πῆχυς) = 0,45 m (1 pied ½)
- un empan (σπιθαμή) = ¾ de pied, soit environ 0,225 m
- une palme ou doron (δῶρον) = ¼ de pied = 4 doigts = 0.075 m
- ὕπερος, ου : pilon (un pilon de 3 coudées = 1,35 m)
- ἄξονα < ὁ ἄξων, ονος : essieu (un essieu de 7 pieds = 2,10 m)
- σφῦρα : maillet, marteau
- τρισπίθαμον : de 3 empans (= 0,675 m)
- δεκαδώρος : de 10 palmes (= 0,75 m)
- ἡ ἀψίς, ῖδος : jante, roue.
Le chariot en question a donc une roue de 67 cm environ « pour un chariot de 10 palmes » c’est à dire 75 cm : il s’agit peut-être de la hauteur, puisque son essieu (donc sa largeur) est de 2,10 m…
- ἐπικαμπυλος, ος, ον : recourbé
- κᾶλον, ου : bois sec
- γύης, ου (ὁ) : haye ou âge, pièce de bois à laquelle est ajusté le coutre (Forte lame d’acier placée verticalement en avant du soc d’une charrue pour fendre la terre)
- διζήμαι : chercher parmi
- πρίνινος, η, ον : d’yeuse (chêne vert) (ἡ πρῖνος, ου)
- ὀχυρός, ά, όν : fort, ferme
- δμῷος : le serviteur
- ἔλυμα, ματος : partie inférieure de la charrue, où s’adapte de soc, sep (ou cep)
- πήγνυμι, πήξω, ἔπηξα : ficher, enfoncer
- γόμφος, ου : cheville
- πελάσας < πελάζω : approcher
- προσαρήρομαι < *προσάρω qui n’existe qu’au participe parfait actif (προσαρηρώς) et, chez Hésiode, au subjonctif parfait moyen : fixer à, ajuster à
- ἱστοβοῆ < ἱστοβοεύς, βοέως : timon de charrue (Longue pièce de bois ou de métal située à l’avant-train d’un véhicule ou d’un instrument agricole et à laquelle on attelle une ou plusieurs bêtes de trait)
Importance considérable de la charrue, ou araire : sans elle, on ne peut travailler.
- πονησάμενος : ayant supporté des fatigues, accomplir péniblement, venir à bout de
- ἄροτρον : charrue, araire
- αὐτογυον : d’une seule pièce. L’araire est le seul instrument qu’il faut avoir en double : l’un, sans doute très sommaire, peut-être du type « manche-cep », fabriqué à la maison ; l’autre, plus élaboré, fait par un artisan (« serviteur d’Athéna »).
- πηκτός, ός, όν : fait de parties ajustées
- ἄξαις < ἄγνυμι (optatif aoriste) : briser. cf. aussi v. 440
- πτελέη, ης : orme
- ἀκιος : non mangé des vers (cf. v. 420 : ἀδηκτος : non mordu, non atteint par les vers)
- ἐνναέτηρος, ος, ον : de 9 ans
- ἄρσην = ἄρρην : mâle
- ἀλαπαδνός, όν : faible, facile à renverser ou à détruire
- αὖλαξ, λακος : sillon
- αἰζηός : fort, robuste, dans la force de l’âge
- τετράτρυφος : qu’on peut rompre en 4
- ὀκτάβλωμος : pain dont la surface était divisée en 8 portions
- παπταίνω : chercher des yeux
- ἐπισπορίη, ης : nouvelles semailles.
Quelques aperçus de la vie paysanne, avec la présence discrète d’artisans au village (le « serviteur d’Athéna » qui fabrique les charrues), et des esclaves : la femme « achetée et non épousée », l’ouvrier agricole chargé des semailles et du labour. Une vie de travail, précaire, avec des instruments rudimentaires, des récoltes toujours aléatoires, et peu de distractions… Un monde où l’on ne gaspille rien, et où la nature (la cueillette) fournit encore bon nombre de matières premières (les bois courbes).
vers 448-457
- γεράνου < ἡ γέρανος,ου : grue (oiseau)
- ἐνιαύκα : adv. chaque année
- κεκληγυῖα, ας part. parfait de κλάζω : pousser un cri aigu
- ἀράτοιο σῆμα : le signal des semailles
==> Les semailles ont bien lieu immédiatement avant l’hiver, en octobre : cf. v. 384
- ἔδακα < δάκνω : mordre
- χορτάζειν : engraisser de fourrage
- ἕλικας < ἕλιξ, ικος : qui décrit un mouvement circulaire è bœufs aux cornes recourbées.
- ἀπανήνασθαι < ἀπαναινομαι (aoriste) : refuser
- πάρα < πάρεστι : attention à l’accent ! « il y a »
- ἀφνειός : riche, opulent ; φρένας : en imagination
- πήξασθαι < πήγνυμι : ficher, enfoncer, assembler, construire
- δούρατα < δόρυ, ατος : poutres, planches, pièces de bois
458-464
- ἐφορμηθῆναι < ἐφορμάω-ῶ : s’élancer (moyen)
- αὔη < αὖος, η, ον : desséché
- διερός, ός, όν : détrempé, humide
- vers 460 : noter les paronomases.
- σπεύδω : se hâter
- νειός, οῦ (ἄρουρα) : jachère
- κουφίζω : être léger
- πολεῖν : retourner la terre avec la charrue
- θέρος, ους : l’été ; θέρεος = génitif de temps : pendant l’été
- νεωμένη < νεάωμαι-ῶμαι : donner le 1er labour à une terre en jachère, biner
- ἀλεξιάρη, ης : qui détourne les maux
- εὐκηλήτειρα : qui apaise par des caresses
465-478
- ἁγνός, ή, όν : pur, saint
- ἐκτελής, ές : mûr
- βρίθειν : charger, combler
- Δημήτερος ἀκτή : le fruit de Déméter = le blé
- ἄκρος, α, ον : l’extrémité de, le bout de
- ἐχέτλη, ης : manche de charrue
- ὅρπηξ, ηκος (ὅρπηκι ?) : aiguillon
- ἵκηαι < ἱκνέομαι-οῦμαι : atteindre, toucher
- ἔνδρυον : cheville de bois au milieu du joug pour attacher les traits
- μέσαβον, ου : joug et timon d’un attelage de bœufs
- ἕλκω : tirer
==> Moment particulièrement sacré : le début du labour ; on doit se concilier Zeus Chtonien et Déméter : dieux de la terre que l’on entame, et que l’on sollicite. Noter le luxe de détails techniques à propos de l’araire (voir l’article de Daremberg & Saglio).
- τυτθός, ός, όν : petit, tout enfant
- μακέλη, ης = μάκελλα, ης : pioche, hoyau
- εὐθημοσύνη, ης ~ κακοθημοσύνη : créations hésiodiques : bon ordre ~ désordre
- ἀδροσύνη, ης = ἀδροτής, τῆτος : force, vigueur
- στάχυς, υος (ὁ) : épi
- νεύω : se pencher
- ὀπάζω : donner comme compagnon, accorder
- ἀγγος, ους : vase
- ἀράχνιον, ου : toile d’araignée
- γηθήσειν < γηθέω-ῶ : se réjouir
- εὐοχθέω-ῶ : être dans l’abondance
- αὐγασεαι < αὐγάζω : jeter les yeux sur (2ème pers. sing. futur)
479-492 : le labour tardif et son remède
- τροπή ἡλόιο : révolution du soleil = solstice d’hiver ; le labour dont il est question succède aux semailles, et sert à recouvrir le grain.
- ἥμενος < ἧμαι : être assis
- ἀντίος, α, ον : qui est en face de
- δεσμεύω : réunir en gerbes
- κεκονιμένος < κονίω : couvrir de poussière
- φορμός, οῦ : panier, corbeille
- θηήσυνται < θηέομαι : regarder avec admiration
- πέταλον, ου : feuille
- ὁπλή, ῆς : sabot
- ὀψαρότης : qui laboure tardivement
- ἰσοφαρίζω : s’égaler à
493-503 : Travaux d’hiver
- θῶκος, ου : siège, chaise
- ἐπαλής, ές : ensoleillé
- λήσχη, ης : lieu couvert, servant pour les conversations ; parloir de ville, portique.
- κρύος, ους (τό) : froid glacial
- ἰσχάνω : retenir, écarter
- ἄοκνος : diligent, actif
- καταμάρψῃ < καταμάρπτω : saisir
- λεπτός, ή, όν : mince, amaigri
- πιέζω : serrer, étreindre
- ἐλπίς : ici, l’attente ; le pire des maux, resté au fond de la jarre de Pandore !
Vers 504-535 : description de l’hiver
Redoute le mois Lénéon, ses mauvais jours tous funestes aux bœufs, et les glaces dangereuses qui couvrent la campagne lorsque, venu de la Thrace, nourrice des chevaux, l’impétueux Borée agite de son souffle les flots de la vaste mer, resserre la terre et les bois, et, déchaîné sur cette terre féconde, déracine dans les gorges des montagnes les chênes à la cime élevée et les énormes sapins, en faisant mugir au loin les immenses forêts. 512 Les bêtes sauvages frissonnent et ramènent sous leur ventre leur queue engourdie malgré l’épaisseur de leurs poils qui ne les garantit pas des attaques du glacial Borée. Ce vent pénètre sans obstacle à travers le cuir du bœuf et les longs poils de la chèvre ; cependant la force de son souffle ne perce point la laine touffue des brebis. 518 Le froid courbe le vieillard, mais il respecte la peau tendre de la jeune fille qui, tranquille dans ses foyers auprès de sa mère, encore ignorante des plaisirs de Vénus à la parure d’or, après avoir lavé dans une onde pure et parfumée d’une huile luisante ses membres délicats, dort renfermée, la nuit, dans la maison natale, à l’abri des rigueurs de l’hiver, tandis que le « sans os » (1) se ronge les pieds dans sa demeure glacée, au fond de sa triste retraite, car le soleil ne lui montre pas d’autre nourriture à saisir, le soleil qui se tourne vers les contrées et les villes des peuples à la noire couleur et brille moins longtemps pour tous les Grecs. 529 Alors les monstres des forêts, armés ou dépourvus de cornes, grincent des dents et fuient à travers les épaisses broussailles ; tous les animaux qui habitent des tanières profondes et des antres dans les rochers, ne songent qu’à chercher ces abris ; pareils à l’homme à trois pieds dont les épaules semblent brisées et qui penche son front vers la terre, ils se traînent avec effort, en tâchant d’éviter les blancs flocons de la neige.
- μῆνα Ληναιῶνα (Ληναιών, ῶνος) : le mois de Lénéon (qui plus tard s’appellera Γαμηλιών) : janvier-février. Nom ionien de ce mois.
- βουδόρος, ος, ον : où l’on écorche les bœufs
- ἀλευασθαι < ἀλεύω : repousser, éloigner, éviter
- πηγάδας < ἡ πηγάς, πηγάδος : glaçon
- δυσηλεγής, ές : pénible, cruel
- τελέθω : être, se trouver
- ἐμπνευσας < ἐμπνέω, ἐνέπνευσα : souffler sur
- ὀρινω : mettre en mouvement, soulever
- μέμυκα < μυκάομαι-ῶμαι : mugir
- ἐλάτη, ης : sapin
- βήσσῃς < βῆσσα, ης : vallon
- πιλνάω-ῶ : se jeter contre
- νήριτος, ος, ον : immense, infini
- τὰ μέζεα, ων : les parties génitales
- λάχνη : poil épais d’un animal
- κατάσκιος, ος, ον : couvert de
- διάησι : souffler à travers
- δασυστέρνος, ος, ον : à la poitrine velue
- ῥινός, ού : peau (d’un animal vivant)
- πώεα < πώϋ : troupeau de moutons ; seule occurrence des moutons dans les Travaux ?
- ἐπηετανός, ός, όν : qui dure toujours, abondant
- θρίξ, τριχός : poils, toison
- ἴς, ἰνός : force, vigueur
- τροχαλός, ός, ον : qui courbe l’échine.
- ἁπαλόχροος : à la peau délicate
- λοεσσάμενος, η, ον < λοέω, forme épique de λούω : baigner
- τέρην, τέρεινα, τέρεν : frêle, délicat
- μυχίος, α, ον : au fond de
- καταλέξεται : καταλέγω, aller se coucher
- τένδω : ronger
- λευγαλέος, α, ον : malheureux, digne de pitié
- νομός, οῦ (attention à l’accent !) : pâturage, pacage
- κυανέος : d’un bleu sombre → sombre, noir
- στρωφάομαι : se trouver dans
Parmi les êtres qui luttent contre le froid apparaissent une jeune fille, dont la description contraste avec la rudesse qui l’entoure ; et un être mystérieux, « sans os », identifié au poulpe, mais aussi à la méduse, ou à l’escargot ! L’habitude de « ronger son pied » fait partie des légendes qui entourent le poulpe, et qu’Aristote reprendra. Le Poulpe serait l’emblème de la sauvagerie, être autophage et dont la maison est « sans feu », entouré de forêt, de bêtes sauvages (θῆρες, 512, ὑληκοῖται, 529) par opposition au monde civilisé des hommes : ceux-ci ont des bœufs qu’ils sacrifient parfois pour les dieux, des troupeaux, et une maison assez chaude pour qu’on puisse s’y baigner en plein hiver…
- νήκερος, ος, ον : sans corne
- ὑληκοίτης, ου : qui habite dans les bois
- μυλιάω : grincer des dents (hapax ?)
- δρία (τὰ) : petit bois, taillis
- σκέπας, αος (ă) : abri
- κευθμών, ῶνος : cachette
- γλάφυ : caverne, antre
- ἔαγε < ἄγνυμι : briser, rompre
- νίφα : accusatif d’un *νίψ non attesté : la neige (latin : nix, niuis)
536-563 : comment se protéger de l’hiver.
536 Dans cette saison, pour garantir ton corps, revêts, suivant mon conseil, un manteau moelleux et une tunique flottante jusqu’aux talons ; enveloppe-toi d’un vêtement dont la légère trame est couverte d’une laine épaisse, afin que tes poils hérissés ne se dressent pas sur tes membres frissonnants. Enlace à tes pieds des brodequins formés de la peau d’un bœuf que la force a fait périr et garnis de poils épais dans l’intérieur. Quand le temps de la froidure sera venu, jette sur tes épaules la dépouille des chevreaux premiers-nés et attache-la avec une courroie de bœuf, pour qu’elle te serve de rempart contre la pluie. Couvre ta tête d’un chapeau façonné avec soin et propre à défendre tes oreilles de l’humidité. Car lorsque Borée tombe, l’aurore est froide, et l’air fécond du matin, descendant du ciel étoilé, s’étend sur les travaux des riches laboureurs ; [550] la vapeur émanée du sein des fleuves intarissables, et soulevée au-dessus de la terre par la fureur du vent, tantôt vers le soir retombe en pluie, et tantôt souffle avec violence, tandis que Borée, venu de la Thrace, pousse au loin les épais nuages. Préviens cette tempête et, ton ouvrage terminé, rentre dans ta maison, de peur que du haut des cieux une sombre nuée, t’enveloppant tout entier, ne mouille ton corps et ne trempe tes vêtements. Évite un tel danger ; ce mois de l’hiver est le plus redoutable de tous ; il est funeste aux troupeaux et funeste aux mortels.
- ἕσσασθαι < ἔννυμι : vêtir
- ἔρυμα : tout ce qui sert à protéger : vêtement, armure…
- χλαῖνα : manteau de laine épais et chaud
- μαλακός, ή, όν : mou, moelleux
- στήμων : chaîne de tisserand
- κρόκη, ης : trame
- ἀτρεμέω-ῶ : demeurer immobile
- πέδιλον, ου : chaussure, sandale
- ἶφι : adv. avec force ; ἶφι κταμένοιο, dompté par la force, abattu
- ἄρμενος, η, ον < ἀραρίσκω : ajusté, qui s’ajuste bien
- πῖλος : laine, poils cardés, feutre ; tout objet en feutre, bonnet…
- πρωτογόνος : né le premier
- ἐριφος : chevreau
- ὑετός, οῦ : forte pluie, pluie continue (~ ὄμβρος)
- ὑετοῦ ἀλέην < ἀλέα, ας : abri ; abri contre la pluie
- ἀσκητός, ή, όν : paré avec art
- οὔατα < οὖας = οὖς : oreille
- καταδεύω : mouiller, tremper
- ἠωίος, α, ον : du matin
- πυροφόρος : qui apporte le blé, favorable à la production du blé
- ἀρυσσάμενος < ἀρυω : puiser
- αἰεναόντων = ἀεί + νάω : qui coulent toujours
- ὑψοῦ : en haut
- ἀρθείς : soulevée (αἴρω)
- θύελλα, ης : ouragan, tempête
- ἄημι : souffler
- κλονέω : chasser tumultueusement ; νέφεα, des nuages
- φθάμενος < φθάνω : devancer
- σκοτόεις,εν : obscur, sombre
- μυδαλέον : humide
- ὑπαλεύασθαι : éviter en se dérobant, se méfier de
- προβάτον, ου : bétail
- ἁρμαλία, ας : provisions, vivres
- ἐπίρροθος : efficace, utile
- ἡ εὐφρόνη, ης : la bienveillante = la nuit
- ἰσοῦσθαι < ἰσόομαι-οῦμαι : employer également pour son usage
- σύμμικτος : mêlé ensemble
564-570 : Le retour du printemps
- μετὰ τροπὰς ἠελίοιο : après qu’a tourné le soleil = après le solstice (d’hiver)
- Ἀρκτοῦρος : nom d’une étoile, dans la constellation du Bouvier, en face de la Grande Ourse.
- ὀρθογόη : au cri aigu
- ὦρτο < ὄρνυμι : se lever (aoriste moyen, 3ème pers. sing)
- οἴνη, ης : cep de vigne
- περιτάμνω = περιτέμνω : couper, tailler
571-596 : l’été
« fuyant les Pléiades » : celles-ci apparaissent en été, et donnent le signal des moissons (cf. v. 383). Hésiode est passé très vite sur les travaux de printemps !
- σκάφος, ου : binage des vignes
- ἄρπη, ης : faux
- σκιερός : ombreux
- θώκος : siège, chaise
- κοῖτος, ου : couche, action de se coucher, sommeil
- ἄμητος, ου : moisson
- ἀγινέω, ῶ : transporter
- αἶσα : lot, part
- πολέας < πολύς
- κέλευθος, ου : chemin, route
- σκόλυμος, ου : sorte de chardon comestible ou d’artichaut
- ἠχέτης, ες : vibrant, sonore
- λιγυρός, ά,όν : au son aigu, ou mélodieux
- καματώδης, ες : épuisant, pénible
- μαχλός : lascif, ardent
- Σείριος, ου : Sirius, personnification de la canicule
- αὐαλεος : desséché, sec
- βίβλινος οἶνος : vin des monts Biblines, ou de Thrace
- μάζα, ης : galette (d’orge ?)
- ἀμολγαία : fait avec du lait, ou avec la fleur de farine
- σβεννύμεναι αἶγες : des chèvres qui n’allaitent plus
- ὑλοφάγος : nourri dans les bois
- αἴθοψ : couleur de feu ; éclatant
- κεκορημένος < κορέννυμι : rassasier
- ἐδωδή, ῆς : nourriture
- ἀθόλωτος, ος, ον : non troublé, limpide
597-617 : des moissons aux semailles : fin du cycle.
- ἐποτρύνειν :pousser, exciter
- δίνω = δινέω-ῶ : faire tournoyer
- εὐαέι εὐαής, ές : bien aéré
- εὐτρόχαλος : plan, uni ou bien arrondi
- ἀλωή, ῆς : aire à battre le grain
- ἐπάρμενος < ἐπαραρίσκω : bien ajusté
- θής, θητός : serviteur
- ἔριθος : servante de ferme
- δίζημαι : chercher à obtenir
- ὑπόπορτις : qui allaite
- καρχαρόδους, ουν : aux dents acérées
- ἡμερόκοιτος ἀνήρ : un homme « dort le jour » : innovation d’Hésiode
- χόρτος : fourrage
- συρφετός : litière
- ἀναψῦξαι < ἀναψύχω : ranimer, rafraîchir, reposer
- ἀποδρέπω : cueillir
- βότρυς, υος : grappe de raisin
- συσκιάσαι : συσκιάζω : mettre complètement à l’ombre
FIN DU PROGRAMME DE L’ENS-LSH 2007.
LES TRAVAUX ET LES JOURS, v. 618-828
La navigation, v. 618-694
Hésiode ne consacre que 76 vers à la navigation, pourtant si importante pour les Grecs : lui-même n’est pas un marin, et il l’avoue sans ambages :
οὔτε τι ναυτιλίης σεσοφισμένος οὔτε τι νηῶν·
οὐ γάρ πώ ποτε νηί γ’ ἐπέπλων εὐρέα πόντον,
εἰ μὴ ἐς Εὔβοιαν ἐξ Αὐλίδος […]Ne m’y connaissant ni en navigation ni en navires ;
jamais en effet je ne me suis embarqué sur la vaste mer
sauf en Eubée à partir d’Aulis… (v. 649-651)
La mer, il s’en méfie ; elle est traitresse et dangereuse. Aussi commence-t-il par évoquer le moment, « quand les Pléiades, fuyant la force puissante d’Orion, tombent dans la mer brumeuse », où toute navigation doit cesser : Hésiode invite alors Persès à tirer son navire sur le rivage, et à le mettre à l’abri des intempéries.
La saison de la navigation est brève : 50 jours après le solstice d’été ; et il déconseille fortement l’autre moment propice, au printemps… Hésiode est définitivement un terrien, étranger au monde maritime. Et à ses yeux, il n’y a que deux raisons valables pour risquer sa vie sur les flots : la nécessité de fuir la misère (comme le fit son père, venu de Cumes, en Italie, pour s’installer à Accra, en Béotie), et la volonté de gagner de l’argent par le commerce. Il ne lui vient même pas à l’idée que l’on puisse s’embarquer, simplement, pour étancher une soif de connaissance…