Aristophane (445 – 385 ou 380)

Le théâtre de Dionysos à Athènes. Photographie Michèle Tillard, mai 2016

Sommaire

Introduction

  • Les origines de la comédie ancienne ; tableau des principaux auteurs dramatiques grecs du Vème siècle avant J-C. ; structure de la comédie ancienne ;
  • biographie d’Aristophane
  • Bibliographie
  • Lexique des termes grecs
Les Acharniens Les Cavaliers Les Nuées
Les Guêpes La Paix Les Oiseaux
Lysistrata Les Thesmophories Les Grenouilles
L’Assemblée des Femmes Ploutos Aristophane et les femmes

L’origine de la comédie

Le genre dramatique représente le langage du cinquième siècle av. J-C, et d’une cité : Athènes. On ne peut arracher  ni la tragédie, ni la comédie de leur contexte : l’Athénien du Vème siècle. La chronologie se situe entre 472 (Les Perses d’Eschyle) et 405 (Les Grenouilles d’Aristophane, sa dernière « ancienne comédie »), mais dès 486 on trouve la première trace de comédie grecque, avec Thespis, auteur et acteur… Durant ces quelque 70 ans, a lieu une floraison extraordinaire, qui s’achève en même temps que meurt la démocratie athénienne.

La comédie athénienne se divise en trois grandes catégories, correspondant à trois périodes distinctes :

  1. L’ancienne comédie (παλαία), qui comprend les neuf ou dix premières pièces d’Aristophane, et s’achève vers 400, juste avant le procès de Socrate ; la Paix fait partie de cette catégorie.
  2. La moyenne comédie (μεσή), qui correspond au règne d’Alexandre et s’achève vers 336 ; les dernières pièces d’Aristophane (L’Assemblée des femmes, Ploutos) en font partie.
  3. La nouvelle comédie (νέα) commence vers 336 et continue… jusqu’à Molière, en passant par Ménandre, Plaute, Térence…

L’ancienne comédie

Une hypothèse assez cohérente veut que la comédie ait pour origine le κῶμος, c’est à dire la grande procession qui avait lieu lors des Grandes Dionysies (on sait par ailleurs que le culte de Dionysos est à l’origine du théâtre) et qui fut introduite en 501. Les participants avaient souvent des masques d’animaux (guêpes, grenouilles), et offrait une alternance de chants rituels et d’épisodes dramatiques : combats, hiérogamie entre le Dieu et la femme de l’archonte, moments où la procession injurie rituellement le public… ce qui peut faire penser à l’alternance entre le chœur et les épisodes, et à la parabase.

On peut donc repérer une séquence de base :

  •  une parodos (entrée des participants)
  • un « agôn » (bataille, ou débat verbal)
  • une parabase (séance d’injures ou de satire)

De son côté, le rituel péloponnésien, lié au culte de la fécondité, comprenait également :

  • Des danses obscènes, gestuelle destinée à attirer la fécondité
  • des choreutes portant des masques d’animaux, ou un phallos géant

Enfin, la farce mégarienne, dont Aristophane feint de se moquer tout en l’utilisant beaucoup, par exemple dans le prologue des Grenouilles ou les parabases des Nuées, comportait des sketches plus ou moins scatologiques joués par des bouffons, des personnages typés (l’entremetteuse, l’ivrognesse, le pédant…), et des gags rudimentaires (coups de bâton)

Pour finir, la comédie ancienne peut aussi, si l’on en croit Aristote (Poétique, 1448a-1449b) s’être inspirée de la poésie satirique d’Archiloque ou d’Epicharme, petits tableaux dramatiques joués dans les festins, et écrits en vers iambiques, comme une grande partie de la comédie.

Ce qu’il faut retenir

  • l’ancienne comédie appartient aux institutions de la Cité, à la vie socio-politique. Les comédies sont jouées une fois, pour les Dionysies ou les Lénéennes. La cité entière assiste au spectacle, ainsi que les ambassadeurs d’autres cités. Il s’agit donc d’un acte politique.
  • Elle est le lieu du débat politique ; contrairement à la tragédie qui voile le débat par le recours aux mythes, la comédie reproduit les instances politiques : par exemple, les Acharniens reproduisent l’Ecclésia (assemblée générale du peuple) ; les Guêpes représentent un tribunal…
  • Le dialogue entre les acteurs et le public : dans le prologue, et surtout dans la Parabase : « maintenant, enlevons nos manteaux et commençons les anapestes » = redevenons citoyens. Le mot parabase vient du grec « παραβαίνω » qui signifie « marcher devant »  : le chœur défile devant les premiers rangs. La parabase est le pivot de la comédie.
  • L’obscénité est évidemment à mettre en rapport avec l’origine religieuse de la comédie : les allusions à la sexualité ou à la scatologie appartiennent aux rites de fécondité. Il n’y a rien à voir avec une quelconque dépravation, mais au contraire il s’agit d’une communion heureuse avec la nature, sans aucune pudibonderie : un rire lyrique !
  • La mise en scène nous est inconnue : nous ne savons rien sur ce qui s’est joué avant les théâtres du IVème siècle. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il s’agissait de théâtres en bois, démontables. Mais le décor était-il peint ? Le mur de scène comportait-il une, deux ou trois portes ? De quoi les machines étaient-elles capables ?

Quelques termes à connaître

  • L’Orchestra = partie ronde où l’on joue.
  • σκηνη (qui donnera le mot « scène ») : bâtiment provisoire servant de coulisses.
  • Les παρασκηνια : deux « tours » qui flanquent la σκηνη.
  • Le Προσκηνιον (proscenion) : scène surélevée, pour tenir les panneaux peints qui servent de décor.
  • La Machinerie : eccyclème. μηχανη : corbeille suspendue par un treuil, permettant de faire monter ou descendre un personnage. L’eccyclème permettait, p. ex. la rotation d’un plancher autour d’un pilier pour faire apparaître une scène antérieure ou un élément de décor. Possibilité de lumière (torches), de bruitages…

La structure de l’ancienne comédie

Structure de la tragédie

  • prologue avant l’entrée du chœur ;
  • Parodos : entrée du chœur ;
  • Episodes (3, 4, ou 5) séparés par des stasima (parties chorégraphiées et chantées ou parlées-chantées) ;
  • Exodos : sortie du chœur.

Structure de la nouvelle comédie

  • Prologue ;
  • Parodos, plus fantaisiste que dans la tragédie ;
  • Episodes + stasima ;
  • Parabase : partie en anapestes, au centre de la comédie, au cours de laquelle les acteurs s’adressent au public.
  • Agôn : deux personnages entrent en lutte, chacun soutenu par une moitié du chœur. Mètre particulier pour cette lutte.

Les thèmes sont d’actualité, avec parfois des personnages réels. Les acteurs sont des professionnels ; les frais assurés par des citoyens riches.

La Parabase (ou les Anapestes) en trétramètres anapestiques.

  • Κομματιον : deux vers pour donner le rythme.
  • ωιδη : partie chantée
  • Επιρρημα : partie récitée
  • Αντωδη : nouvelle partie chantée
  • Αντεπιρρημα : nouvelle partie récitée

Les comédies moyenne et nouvelle abandonnent à la fois la satire personnelle et les sujets politiques ; dès la moyenne comédie, on trouve des intrigues fondées sur les caractères et surtout les intrigues : enfants perdus, reconnaissances, mariages arrangés…

De même, sur le plan formel, on assiste à une déconnexion progressive des chœurs par rapport à l’action principale ; parfois même le poète ne les écrit pas, se contentant de signaler la présence d’un intermède (cf. les comédies de Molière).

Enfin et surtout, on observe la disparition de la partie la plus caractéristique de l’ancienne comédie : la parabase, c’est à dire le moment où le chœur abandonne la fiction et discute directement avec le public.

En réalité, RIEN ne vient remplacer l’ancienne comédie, qui demeure un phénomène unique.

Biographie d’Aristophane

Aristophane

Aristophane (v. 450-v. 385 av. J.-C.), est né à Athènes. Il concourut pour la première fois en 427, sous un nom d’emprunt, ce qui lui valut quelques ennuis avec Cléon, homme politique influent. Sur le plan politique, Aristophane, très attaché à la tradition, représente les idées des aristocrates modérés ; il s’attaque aux partisans de la guerre, mais aussi aux juges corrompus, et aux démagogues. Il condamne sans appel, et sans nuances, les innovations pédagogiques prônées par les Sophistes… auxquels il assimile Socrate, pourtant leur adversaire ! En matière littéraire, il déteste particulièrement Euripide, et lui oppose Eschyle, représentant de la forme ancienne de la tragédie.

Des quarante-quatre pièces de théâtre écrites par Aristophane, onze seulement nous sont parvenues.

  • Les Acharniens (425 av.J.-C.) est son premier plaidoyer pour la fin de la guerre avec Sparte.
  • La Paix (421 av.J.-C.) :  l’auteur réclame à nouveau la fin de la guerre entre Athènes et Sparte.
  • Aristophane attaqua aussi, dans une satire acerbe, les Cavaliers (424 av.J.-C.), son vieil adversaire Cléon, favorable à la guerre
  • Dans Lysistrata (411 av.J.-C.), une nouvelle satire sur ce sujet, il mit en scène des femmes qui luttaient pour la paix en pratiquant… la grève du sexe ! Cette pièce, ainsi que l’Assemblée des femmes, a valu à son auteur une réputation de féministe, comme en témoigne un texte de Madeleine Van Oyen dans la revue en ligne R de Réel
  • Dans les Guêpes (422 av.J.-C.), il s’en prit aux institutions judiciaires athéniennes
  • dans les Oiseaux (414 av.J.-C.), il ridiculisa le goût des Athéniens pour les joutes oratoires.
  • Plutus (388 av.J.-C.) montrait l’absurdité de la redistribution des richesses pratiquée à Athènes.

Il s’en prit aussi à des personnes précises :

  • les Thesmophories (411 av.J.-C.) et les Grenouilles (405 av.J.-C.) comportent par exemple des attaques contre Euripide.
  • Dans les Nuées (423 av.J.-C.), il s’attaqua à Socrate, dont il jugeait l’attitude contraire aux intérêts de l’État, et qu’il confondait, injustement, avec les Sophistes.