« Equatoria », de Patrick Deville (2009)

Patrick Deville

En 2006 fut érigé au Congo Brazzaville un mausolée pour Pierre Savorgnan de Brazza, explorateur et découvreur du pays – ce qui ne manqua pas de susciter une de ces controverses absurdes dont les hommes politiques ont le secret. On condamna en effet le coût exorbitant de l’ouvrage, ce qui est vrai, dont le montant eût été mieux employé à développer le pays, ce qui est encore vrai, et ce en l’honneur d’un horrible colonialiste responsable de la mise en coupe réglée du pays, ce qui cette fois est totalement faux…

Savorgnan de Brazza


Dès lors Patrick Deville nous entraîne dans une course folle, du fleuve Ogooué au lac tanganyika, et à Zanzibar, évoquant au passage l’épopée de ces hommes incroyables qui, durant des mois, des années, traversèrent à pied ou en pirogue l’Afrique, dans tous les sens : Brazza, donc, mais aussi Stanley et Livingstone, Louis-Ferdinand Céline et Pierre Loti, Albert Schweitzer et Jules Verne… (ce dernier voyageant surtout par procuration, dans sa bibliothèque…)
Au passage, nous croisons aussi ceux qui firent et défirent l’Afrique, pour le meilleur et surtout pour le pire, de Sessou Ngesso à Laurent-Désiré Kabila, de Paul Kagamé à Abeid Karumé (qui fit de Zanzibar un Etat stalinien), et à Robert Mugabé…
De palais en ruine à des routes qui ne vont plus nulle part, l’auteur nous raconte aussi ses voyages à la première personne, sans trop de chronologie ni de confidences personnelles.
Ce livre est magnifique. Il nous parle de l’Afrique, et du monde d’aujourd’hui mieux que bien des livres d’histoire ; surtout, avec un humour désenchanté, il nous montre les efforts souvent absurdes pour donner un sens à l’Histoire, pour la façonner au nom des idéologies – et ce qu’il reste de ces tentatives après quelques années…

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