L’existence qui se restreint, ménage, vaisselle, courses au supermarché, cuisine, biberons, promenades au parc… pendant que Monsieur « qui, lui, travaille », accepte tout naturellement de voir sa compagne transformée en domestique… et pire, croit, feint de croire, tente de lui faire croire qu’elle peut s’épanouir dans cet univers absurde et confiné…
Le CAPES, et le métier ne changeront rien. N’a-t-elle pas, elle, la « chance » de n’avoir que 18 heures de cours et de longues vacances ? Alors, qu’elle trime encore à la maison, et bien vite choisisse le collège plutôt que le lycée, sacrifiant non seulement sa carrière, mais ses goûts et ses aspirations les plus légitimes, quoi de plus naturel…
Annie Ernaux ne se lance jamais dans de grandes tirades féministes ; mieux encore, elle montre crûment combien elle-même se « laisse avoir », se fait complice de son propre asservissement ; combien l’accablement poisseux qui est le sien finit par lui ôter toute énergie pour se battre, et changer sa vie…
Mais comment ne pas reconnaître le destin empêché de tant de femmes, le monstrueux gâchis dont personne ne sort grandi ni plus heureux, comment ne pas partager cette révolte et cette colère ?
Les choses ont-elles changé ? Sans doute, la répartition des rôles est-elle aujourd’hui moins caricaturale, et la bonne conscience des mâles a perdu de son arrogance. Mais qui ne connaît ces collègues chargées d’enfants, et qui ne parviennent à un certain épanouissement personnel, dans leur métier ou au-dehors, qu’au prix d’un épuisement surhumain ?