Les précurseurs
Dès l’Antiquité, des marins Égyptiens ou Carthaginois avaient exploré les côtes de l’Afrique, et celles de l’Europe, tandis qu’Alexandre le Grand atteignait l’Indus et l’Asie centrale. Les géographes nous ont laissé des descriptions : Hérodote, Hipparque de Nicée, mais surtout Strabon (1er siècle ap. J-C) et Ptolémée (IIème siècle ap. J-C).
La chute de l’Empire Romain mit un terme à ces expéditions, et aux découvertes scientifiques et géographiques ; mais l’idée que la terre était ronde, et que l’on pouvait atteindre l’Asie en partant des côtes de l’Europe, s’était ancrée dans les esprits.
Au IXème siècle, les Normands reprennent les expéditions, vers le Groenland, l’Islande (reconnue vers 795) et même le continent américain ; mais leurs découvertes n’ont aucune suite.
Au XIIIème siècle, renseignés par les Croisades, les Occidentaux reprennent les expéditions vers l’Asie : en 1252, Ruysbroeck se rend jusque sur la Volga, et rencontre les Mongols. De 1271 à 1291, Marco Polo traverse l’Asie, et vit 17 ans auprès du Khan ; à son retour à Venise en 1295, il publie en français le Livre des Merveilles, où il décrit les prodigieuses richesses de l’Orient.
Mais c’est au XVème siècle que le mouvement va s’accélérer.
Les causes des explorations
Les causes économiques
Naissance d’une grande bourgeoisie commerçante, notamment à Lyon, Venise, Gênes, Augsbourg, Munich et Bruges : elle investit volontiers dans l’armement, la construction navale et les expéditions maritimes, revigorée par la fin de la guerre de Cent ans.
Le manque de numéraire : le crédit dans sa forme actuel n’existe pas encore, et l’on a besoin de métaux précieux ; d’autant qu’une grande partie de l’or existant est thésaurisé (bijoux, vaisselle d’or, tissus brodés d’or…) et se trouve exclu des échanges.
En Espagne et au Portugal, où la noblesse terrienne demeure prépondérante, les cadets de famille cherchent à se tailler des seigneuries, y compris dans les terres lointaines…
Les causes scientifiques et techniques
Les récits de Marco Polo ont révélé l’existence de Cipangu (le Japon) et Cathay (La Chine) ; en outre, les Arabes nous ont transmis les travaux des géographes hellénistiques.
Deux princes portugais, Henri le Navigateur et Jean II, réunissent une académie de savants : ceux-ci découvrent l’astrolabe, qui permet de calculer la latitude et établissent des tables de déclinaison, qui permettent de tenir compte des variations de la déclinaison du soleil. Les navires peuvent ainsi naviguer plus sûrement qu’à l’estime. Les cartes maritimes deviennent un peu plus précises, complétées par des journaux de bord.
La construction navale se perfectionne, avec l’invention de la caravelle, au XVème siècle, au Portugal, navire de haut bord, léger (30 m de long) et pourvu de cinq voiles sur trois mâts.
Les causes politiques
- La fin de la guerre de Cent ans permet aux Anglais et aux Français de s’intéresser au reste du monde ;
- La Reconquista presque terminée, l’Espagne et le Portugal se tournent vers les expéditions maritimes ;
- Évincée du continent, l’Angleterre comprend que son destin se jouera sur la mer ;
- La rivalité avec les Turcs et les Arabes a aussi une motivation économique et commerciale : ils sont de redoutables rivaux, qui prétendent au monopole du commerce avec l’Asie.
Les causes religieuses
- La volonté d’une croisade défensive contre un Islam conquérant demeure ;
- L’on souhaite retrouver des frères chrétiens par-delà l’empire musulman : expéditions pour trouver le « Prêtre Jean » (en réalité le Négus d’Éthiopie)
- La découverte de populations inconnues réveille enfin le sens missionnaire des Églises – qui ne tarderont pas à s’affronter entre elles.
Les conquêtes portugaises
Ils explorent tout d’abord le pourtour de l’Afrique : en 1445 ils franchissent le Cap Vert, en 1487, Bartolomeu Dias double le Cap des Tempêtes, que Jean II rebaptise Cap de Bonne-Espérance. En 1488, Corvilhã gagne Aden, Le Caire, puis Calcutta en Inde. De 1497 à 1499, Vasco de Gama reprend la même route.
En 1500, Alvares Cabral part avec 13 navires, met le cap sur le Sud-Ouest, et arrive sans s’en douter sur les côtes du Brésil : il y fonde Vera Cruz (Santa Cruz).
En 1504, les Portugais fondent leur premier établissement permanent en Inde, à Cochin. Pendant plusieurs années, ils organiseront le commerce.
Le Brésil prend alors de l’importance, grâce à son « bois brésil » : en 1530, ils longent les côtes, et fondent le premier village brésilien de São Vicente. A partir de 1532, le pays est divisé en lots de 50 lieues de côté, donnés à divers nobles portugais : il s’agit de se défendre contre les Français.
Les conquêtes espagnoles
La colonisation de ce qui ne s’appelle pas encore l’Amérique commence dès le deuxième voyage de Christophe Colomb, en 1493, par l’île d’Hispañola, l’actuelle Haïti. Les Indiens Caraïbes y sont rapidement décimés par les massacres, les maladies, l’esclavage. Depuis ces premières colonies antillaises, les Espagnols repèrent pendant une vingtaine d’années la côte orientale du nouveau continent, avant d’en entreprendre la conquête, poussés par la soif de l’or.
Hernán Cortés pénètre en territoire sous domination aztèque en 1519. La puissance de Tenochtitlán s’effondre en moins de trois ans. Parti de Panamá, Pizarro soumet l’empire inca entre 1531 et 1535. Depuis le haut plateau andin, les conquistadores poussent au sud, sur la côte pacifique, investissent au nord la côte et l’arrière-pays jusqu’à l’embouchure de l’Amazone. Vers 1545, la découverte des mines d’argent du Potosí et du Zacatecas concrétise leur rêve de fortune rapide. D’autres expéditions partent d’Espagne vers le río de La Plata et le Paraguay. Vers 1550, l’empire espagnol est presque entièrement constitué.
Anglais et Français
Au service de l’Angleterre, le Vénitien Jean Cabot quitte Bristol en 1497 pour débarquer à Terre-Neuve, au Labrador et en Nouvelle-Angleterre. Les Espagnols pénètrent aussi en Amérique du Nord. Ils s’octroient la Floride en 1513. À la recherche d’or, Francisco Vásquez Coronado atteint le Nebraska en 1540 et la pointe de la Californie est colonisée en 1542.
« Découvreur du Canada », Jacques Cartier, parti de Saint-Malo en 1534, remonte le Saint-Laurent, rencontre des Amérindiens, notamment des Iroquois ; il ramène en France deux jeunes Iroquois. Son second voyage, en 1535-36 ramène les deux jeunes gens, qui désormais parlent français : grâce à eux, puis seul, il explore plus à fond le Saint-Laurent jusqu’au lac Saint-Pierre. Un troisième voyage, en 1541-42 sera moins productif : le chef indien ayant compris ce que cherchent les Européens, de l’or et des pierres précieuses, il remet à Cartier des minerais qu’il présente comme « de l’or et des diamants », en réalité du quartz et de la pyrite sans valeur : ce sera l’origine de l’expression « faux comme des diamants du Canada ». Il se retire alors, peut-être anobli ; il meurt en 1557, peut-être de la peste qui sévit à Saint-Malo.
Peu ou pas engagés dans l’entreprise coloniale au XVIème siècle, la France, l’Angleterre, et les Pays-Bas multiplieront leurs comptoirs au siècle suivant.
Après la fondation de Jamestown, l’Amérique du Nord devient le refuge des dissidents anglais persécutés. Des puritains atteignent le cap Cod en 1620 à bord du Mayflower et des quakers fondent la Pennsylvanie. Plus au nord, les Français créent en 1600 le poste de Tadoussac, sur le Saguenay, et Samuel de Champlain fonde Québec en 1608. En 1673, Louis Joliet et Jacques Marquette découvrent le Mississippi. Robert Cavelier de La Salle descend le fleuve en 1678, et fonde la Louisiane. Contrairement aux colonies anglaises solidement implantées sur la côte est, les possessions françaises d’Amérique du Nord couvrent un immense espace avec très peu de colons.
Bibliographie
- Vergé-Franceschi Michel, Henri le Navigateur et les grandes découvertes du Portugal, éditions du Félin, Paris, 2016, 330 p.