Le Siècle d’or espagnol (1492-1681)

Introduction

Le « Siècle d’or » commence en 1492. Cette année-là voit de nombreux événements qui marquent la grandeur de l’Espagne :

  • C’est la fin de la Reconquista, et de la présence arabo-musulmane en Andalousie ;
  • Christophe Colomb embarque pour les Indes occidentales et découvre le Nouveau Monde ;
  • Enfin, Antonio de Nebrija publie la première grammaire en Castillan, acte de naissance du dialecte castillan comme langue officielle du royaume espagnol.

A cheval sur la Renaissance et « l’âge baroque », le Siècle d’or espagnol (Siglo de Oro en espagnol) est la période de rayonnement culturel de l’Espagne en Europe du XVIème au XVIIème. Cette période de grande vitalité littéraire et artistique en Espagne et dans les pays hispanophones d’Amérique latine coïncide avec le règne, puis le déclin politique et la fin de la dynastie Habsbourg :

  • En 1516, Charles Quint devient roi d’Espagne, puis Empereur en 1520 : l’Espagne devient la plus grande puissance d’Europe, de la Méditerranée aux Flandres ; les royaumes de Castille et d’Aragon connaissent une grande période de prospérité. La population augmente considérablement, et les villes se développent.
  • En 1556, Charles Quint abdique ; son fils Philippe II lui succède : c’est le souverain le plus puissant d’Europe, et un farouche défenseur de la Contre-Réforme, édifiée au Concile de Trente (1545-1563) Le contexte n’est déjà plus le même ; la récession s’amorce.
  • En 1598, à la mort de Philippe II commence le déclin des Habsbourg, conséquence de la politique très dure menée par les deux monarques précédents : lutte contre le protestantisme et Inquisition, lutte contre les Turcs. À cela s’ajoutent les signes avant-coureurs d’une crise économique et sociale : déclin démographique (aggravé par la peste de 1599-1601), inflation et montée des prix alimentaires, apparition de famines, chute de la production manufacturière.
  • La désastreuse décision prise en 1609 d’expulser les Morisques, descendants des musulmans d’Espagne, raya de la carte environ 300 000 personnes en cinq ans, et parmi eux d’excellents agriculteurs.
  • Alors que partout ailleurs en Europe, l’afflux d’or du Nouveau Monde a provoqué des changements radicaux, en Espagne, paradoxalement, il a contribué au maintien d’un système féodal obsolète : en Amérique, occupation des terres, asservissement des population, enlèvement des trésors ; en Espagne même, financement de la politique extérieure par le trésor américain, et mise à l’écart d’une bourgeoisie d’affaires qui aurait pu sortir le pays du féodalisme. Don Quichotte incarne, par son obsession chevaleresque, cet irréalisme espagnol.

Le « Siècle d’or » s’achève soit en 1648, lorsque le roi d’Espagne doit reconnaître l’indépendance des Provinces unies, soit en 1681, à la mort de Calderón.

Architecture

Vue aérienne du monastère de l’Escorial

C’est l’époque de la construction de l’ Escurial, à la fois palais, monastère, bibliothèque (1563-1584).

Peinture

C’est une époque particulièrement brillante pour la peinture espagnole, avec notamment :

  • Le Gréco (1541-1614)
  • Diégo Vélasquez (1599-1660), sans doute le plus grand peintre espagnol de l’époque classique
  • Francisco de Zurbarán (1598-1664)

Littérature

Les romans de chevalerie.

Les romans de chevalerie constituent, selon Sylvie Roubaud, « le plus vaste secteur de la production romanesque du Siècle d’or.« 

En 1492, Garci Rodríguez de Montalvo reprend l’histoire d‘Amadis de Gaule, roman sans doute d’origine portugaise, mais dont les sources proviennent du cycle arthurien ; publié en 1508, il connaîtra un succès phénoménal, et de nombreuses continuation. Amadis est l’un des héros favoris de Don Quichotte, et son modèle, notamment dans l’épisode de son retrait dans la Sierra Morena (1ère partie, ch. XXIII et suivants).

Amadis aura de nombreux épigones : Primaleón, Esplandián, Palmerín… dont le succès ne se démentira pas jusqu’à la fin du XVIème siècle.

Cependant, à partir de 1602, la veine s’épuise, et ne produit plus que des réimpressions.

Deux romans vont marquer cette production tardive : Les Guerres civiles de Grenade, de Ginés Pérez de Hita (1595-1619) crée le personnage du « Maure galant », et la Vie de Guzmán de Alfarache, de Mateo Alemán (1598), classé comme roman picaresque.

Les Romances

Le romance est une forme poétique non strophique, en octosyllabes assonancés aux vers pairs, probablement héritière des chansons de geste. Les romances sont regroupes en recueils, appelés Romanceros ; chantés, ils ont été fixés par écrit au XVIème siècle.

La Célestine et le roman picaresque.

La Tragi-comédie de Calixte et Mélibée, ou La Célestine

Cette pièce en 21 actes en prose, attribuée à Fernando de Rojas, est faite pour être lue et non représentée (même si elle a été adaptée au théâtre, par exemple au festival d’Avignon en 1989, dans une mise en scène d’Antoine Vitez, avec Jeanne Morau dans le rôle-titre) ; elle raconte les amours apparemment courtoises de deux jeunes nobles, Calixte et Mélibée ; mais celui-ci ne peut exister sans l’aide d’une vieille maquerelle, Célestine, autour de laquelle gravite tout un milieu interlope… Au contact de ce monde, les deux jeunes gens se trouvent avilis.

Le roman picaresque

Origine du genre

Le roman picaresque est né en Espagne au XVIème siècle, mais il vient d’une origine plus lointaine, notamment l’Âne d’or, d’Apulée, roman du IIème siècle après J-C, et racontant les mésaventures d’un héros, Lucius, transformé en âne, et qui va parcourir toutes les classes de la société, et connaître les pires mésaventures, avant de retrouver sa forme humaine.

Le roman picaresque raconte, sur le mode autobiographique, les mésaventures de marginaux, orphelins, bandits de grands chemins, courtisanes, déclassés de toutes sortes.

Les principales caractéristiques du genre

  • Le personnage principal est un « picaro » de rang social très bas ; il vit en marge des codes d’honneur en vigueur dans la société de son époque, et revendique sa liberté ; désireux d’améliorer sa condition sociale, il a recours à la ruse ou à la tromperie, même s’il en éprouve parfois du remords.
  • Le roman picaresque se présente comme une autobiographie fictive : devenu vieux, le « picaro » raconte sa vie passée et raconte une histoire dont il connaît le dénouement.
  • Victime du déterminisme, il échoue dans sa conquête d’une situation sociale ; quoi qu’il fasse, il est condamné à demeurer « picaro ».
  • Conformément à une idéologie moralisante, le « picaro » est l’exemple même d’une conduite dévoyée, nécessairement punie.
  • Le roman picaresque obéit à une structure itinérante qui fait traverser au protagoniste toutes les strates de la société ; le « picaro » observe et dénonce l’hypocrisie des nantis, sans être pour autant lui-même un modèle de conduite.
  • Le roman picaresque n’idéalise jamais la société qu’il décrit ; bien au contraire, il la dépeint avec un réalisme féroce.

La postérité du roman picaresque

Le premier roman picaresque est la Vie de Lazarillo de Tormes (Anonyme, 1554), puis l’Histoire de Guzman d’Alfarache (Mateo Alemán, 1599-1604) ; mais le chef d’œuvre du genre est Le Diable boiteux (Velez de Guevarra, 1641) ; le genre se répandra bien vite en Europe, avec L’Histoire comique de Francion, de Charles Sorel (1623), Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen (Allemagne, 1668), et surtout Gil Blas de Santillane, de Lesage (1715-1735) ; Moll Flanders, de Daniel De Foe (1722) est un des derniers avatars du genre, avec Barry Lyndon (Thackeray, 1843-1844).

Miguel de Cervantès

Écrivain et un peu aventurier, Cervantès publie en 1605 la première partie de son chef d’œuvre, Don Quichotte, et la seconde en 1615 ; c’est l’un des premiers romans européens, et il est considéré comme le premier roman moderne.

Le théâtre

Il est essentiellement représenté par le dramaturge Lope de Vega (1562-1635), auteur de plus de 1000 pièces, dont il nous reste 400 environ.

On peut également citer son disciple, Pedro Calderón de la Barca (1600-1681), auteur également prolifique, mais surtout connu pour sa pièce La Vie est un songe.

La musique

Comme la peinture, la musique trouve un renouveau dans la ferveur de la Contre-Réforme.

  • Tomás Luis de Victoria (1548-1611) est considéré comme l’un des plus grands compositeurs classiques, notamment pour ses Motets et son Requiem.
  • Alonso Lobo (1555-1617) combine l’intensité de Victoria et le sens du contrepoint hérité de Palestrina.
  • Luis de Milán (1500 ? 1561 ?) publie en 1536 le premier recueil de pièces musicales pour guitare espagnole (ou guitare classique).