Platon, Phèdre

Tourisme au bord de l’Ilissos L’âme, cet attelage… Un attelage difficile à conduire !

Le mythe des cigales

Platon, Phèdre, éditions Belles Lettres, Classiques en poche, 6,70 €

Tourisme au bord de l’Ilissos (229-230c)

(ΣΩΚΡAΤΗΣ) δεῦρ᾽ ἐκτραπόμενοι κατὰ τὸν Ἰλισὸν ἴωμεν, εἶτα ὅπου ἂν δόξῃ ἐν ἡσυχίᾳ καθιζησόμεθα.

(ΦΑΙΔΡΟΣ) εἰς καιρόν, ὡς ἔοικεν, ἀνυπόδητος ὢν ἔτυχον· σὺ μὲν γὰρ δὴ ἀεί. ῥᾷστον οὖν ἡμῖν κατὰ τὸ ὑδάτιον βρέχουσι τοὺς πόδας ἰέναι, καὶ οὐκ ἀηδές, ἄλλως τε καὶ τήνδε τὴν ὥραν τοῦ ἔτους τε καὶ τῆς ἡμέρας.

(ΣΩΚΡ.) πρόαγε δή, καὶ σκόπει ἅμα ὅπου καθιζησόμεθα.

(ΦΑIΔΡΟΣ) ὁρᾷς οὖν ἐκείνην τὴν ὑψηλοτάτην πλάτανον;

(ΣΩΚΡ.) τί μήν;

(229b) (ΦΑ.) ἐκεῖ σκιά τ᾽ ἐστὶν καὶ πνεῦμα μέτριον, καὶ πόα καθίζεσθαι ἢ ἂν βουλώμεθα κατακλινῆναι.

(ΣΩΚΡ.) προάγοις ἄν.

(ΦΑ.) εἰπέ μοι, ὦ Σώκρατες, οὐκ ἐνθένδε μέντοι ποθὲν ἀπὸ τοῦ Ἰλισοῦ λέγεται ὁ Βορέας τὴν Ὠρείθυιαν ἁρπάσαι;

(ΣΩΚΡ.) λέγεται γάρ.

(ΦΑ.) ἆρ᾽ οὖν ἐνθένδε; χαρίεντα γοῦν καὶ καθαρὰ καὶ διαφανῆ τὰ ὑδάτια φαίνεται, καὶ ἐπιτήδεια κόραις παίζειν παρ᾽ αὐτά.

(ΣΩΚΡ.) οὔκ, ἀλλὰ κάτωθεν ὅσον δύ᾽ ἢ τρία στάδια, ᾗ πρὸς τὸ ἐν Ἄγρας διαβαίνομεν· καὶ πού τίς ἐστι βωμὸς αὐτόθι Βορέου.

(ΦΑ.) οὐ πάνυ νενόηκα· ἀλλ᾽ εἰπὲ πρὸς Διός, ὦ Σώκρατες, σὺ τοῦτο τὸ μυθολόγημα πείθῃ ἀληθὲς εἶναι;

(ΣΩΚΡάΤΗΣ) ἀλλ᾽ εἰ ἀπιστοίην, ὥσπερ οἱ σοφοί, οὐκ ἂν ἄτοπος εἴην, εἶτα σοφιζόμενος φαίην αὐτὴν πνεῦμα Βορέου κατὰ τῶν πλησίον πετρῶν σὺν Φαρμακείᾳ παίζουσαν ὦσαι, καὶ οὕτω δὴ τελευτήσασαν λεχθῆναι ὑπὸ τοῦ Βορέου ἀνάρπαστον γεγονέναι — ἢ ἐξ Ἀρείου πάγου· λέγεται γὰρ αὖ καὶ οὗτος ὁ λόγος, ὡς ἐκεῖθεν ἀλλ᾽ οὐκ ἐνθένδε ἡρπάσθη. ἐγὼ δέ, ὦ Φαῖδρε, ἄλλως μὲν τὰ τοιαῦτα χαρίεντα ἡγοῦμαι, λίαν δὲ δεινοῦ καὶ ἐπιπόνου καὶ οὐ πάνυ εὐτυχοῦς ἀνδρός, κατ᾽ ἄλλο μὲν οὐδέν, ὅτι δ᾽ αὐτῷ ἀνάγκη μετὰ τοῦτο τὸ τῶν Ἱπποκενταύρων εἶδος ἐπανορθοῦσθαι, καὶ αὖθις τὸ τῆς Χιμαίρας, καὶ ἐπιρρεῖ δὲ ὄχλος τοιούτων Γοργόνων καὶ Πηγάσων καὶ  ἄλλων ἀμηχάνων πλήθη τε καὶ ἀτοπίαι τερατολόγων τινῶν φύσεων· αἷς εἴ τις ἀπιστῶν προσβιβᾷ κατὰ τὸ εἰκὸς ἕκαστον, ἅτε ἀγροίκῳ τινὶ σοφίᾳ χρώμενος, πολλῆς αὐτῷ σχολῆς δεήσει. ἐμοὶ δὲ πρὸς αὐτὰ οὐδαμῶς ἐστι σχολή· τὸ δὲ αἴτιον, ὦ φίλε, τούτου τόδε. οὐ δύναμαί πω κατὰ τὸ Δελφικὸν γράμμα γνῶναι ἐμαυτόν· [230] γελοῖον δή μοι φαίνεται (230a) τοῦτο ἔτι ἀγνοοῦντα τὰ ἀλλότρια σκοπεῖν. ὅθεν δὴ χαίρειν ἐάσας ταῦτα, πειθόμενος δὲ τῷ νομιζομένῳ περὶ αὐτῶν, ὃ νυνδὴ ἔλεγον, σκοπῶ οὐ ταῦτα ἀλλ᾽ ἐμαυτόν, εἴτε τι θηρίον ὂν τυγχάνω Τυφῶνος πολυπλοκώτερον καὶ μᾶλλον ἐπιτεθυμμένον, εἴτε ἡμερώτερόν τε καὶ ἁπλούστερον ζῷον, θείας τινὸς καὶ ἀτύφου μοίρας φύσει μετέχον. ἀτάρ, ὦ ἑταῖρε, μεταξὺ τῶν λόγων, ἆρ᾽ οὐ τόδε ἦν τὸ δένδρον ἐφ᾽ ὅπερ ἦγες ἡμᾶς;

(ΦΑ.) τοῦτο μὲν οὖν αὐτό.

(ΣΩΚΡ.) νὴ τὴν Ἥραν, καλή γε ἡ καταγωγή. ἥ τε γὰρ πλάτανος αὕτη μάλ᾽ ἀμφιλαφής τε καὶ ὑψηλή, τοῦ τε ἄγνου τὸ ὕψος καὶ τὸ σύσκιον πάγκαλον, καὶ ὡς ἀκμὴν ἔχει τῆς ἄνθης, ὡς ἂν εὐωδέστατον παρέχοι τὸν τόπον· ἥ τε αὖ πηγὴ χαριεστάτη ὑπὸ τῆς πλατάνου ῥεῖ μάλα ψυχροῦ ὕδατος, ὥστε γε τῷ ποδὶ τεκμήρασθαι. Νυμφῶν τέ τινων καὶ Ἀχελῴου ἱερὸν ἀπὸ τῶν κορῶν τε καὶ ἀγαλμάτων ἔοικεν εἶναι.  Εἰ δ᾽ αὖ βούλει, τὸ εὔπνουν τοῦ τόπου ὡς ἀγαπητὸν καὶ σφόδρα ἡδύ· θερινόν τε καὶ λιγυρὸν ὑπηχεῖ τῷ τῶν τεττίγων χορῷ. πάντων δὲ κομψότατον τὸ τῆς πόας, ὅτι ἐν ἠρέμα προσάντει ἱκανὴ πέφυκε κατακλινέντι τὴν κεφαλὴν παγκάλως ἔχειν. ὥστε ἄριστά σοι ἐξενάγηται, ὦ φίλε Φαῖδρε.

(Φα.) σὺ δέ γε, ὦ θαυμάσιε, ἀτοπώτατός τις φαίνῃ. ἀτεχνῶς γάρ, ὃ λέγεις, ξεναγουμένῳ τινὶ καὶ οὐκ ἐπιχωρίῳ ἔοικας.

Traduction :

SOCRATE : Obliquons par ici et suivons l’Ilissos. Après, où tu voudras, nous nous assiérons pour causer en paix.

— (PHÈDRE) : C’est à propos, apparemment, que je me trouve être sans chaussure! Car toi, c’est toujours ton cas, on le sait. Il nous sera, comme cela, tout à fait commode de suivre, dans notre marche, ce filet d’eau en y mouillant nos pieds; et ce ne sera pas désagréable, surtout en cette saison de l’année et à cette heure du jour!

— (SOCRATE) : Avance donc et, en même temps, vois où nous nous assiérons.

— (PHÈDRE) : Dis-moi, aperçois-tu, là-bas, ce très haut platane?

— (SOCRATE) : Bien sûr!

— (PHÈDRE) : Là il y a de l’ombre, une brise modérée, du gazon pour nous asseoir, ou, si nous préférons, pour nous étendre.

— (SOCRATE) : A condition que tu avances!

— (PHÈDRE) : Parle-moi, Socrate! N’est-ce pas certainement de quelque point par ici que, d’après la légende, Borée dans l’Ilissos se fit le ravisseur de la nymphe Orithye?

— (SOCRATE) : On le dit en effet.

— (PHÈDRE) : C’est donc d’ici ? En tout cas, le charme, la pureté, la transparence de ces filets d’eau sont manifestes, et leurs bords à souhait pour des ébats de jouvencelles!

— (SOCRATE) : Non, ce n’est pas d’ici, mais plutôt en dessous, à deux ou trois stades environ, à l’endroit où nous trouvons le gué en direction du sanctuaire d’Agra. Justement, il y a là un autel de Borée.

— (PHÈDRE) : Voilà à quoi je n’ai pas du tout pensé! Mais, au nom de Zeus, dis-moi, Socrate, crois-tu à la véracité de cette fable?

– (SOCRATE) : Si j’en doutais, comme les savants, je ne ferais rien d’original. Et je donnerais aussitôt une belle explication scientifique : je dirais qu’un vent boréal l’a fait tomber au bas des rochers voisins, tandis qu’elle jouait avec Pharmacée ; qu’elle est morte ainsi, et que la légende est née de son enlèvement par Borée. Pour ma part, mon cher Phèdre, j’estime qu’en général les explications de cet ordre ont de l’agrément, mais il y faut trop de talent, trop de travail, et l’on y sacrifie son bonheur, pour cette simple cause qu’on est ensuite obligé de rectifier l’image des Hippocentaures, et puis celle de la Chimère – sans compter le flot des créatures de ce genre, les Gorgones, les Pégases, et toute la multitude des monstres aux formes extravagantes. Si l’on est sceptique, et si l’on réduit chacun de ces êtres à la mesure du vraisemblable, la pratique de cette science un peu grossière demandera beaucoup de temps. Moi, je n’ai pas de temps à donner à ces choses-là, et en voici la raison, mon ami : je ne suis pas encore capable, comme le veut l’inscription de Delphes, de me connaître moi-même. Je trouve donc ridicule, quand je suis encore dans l’ignorance sur ce point, d’examiner ce qui m’est étranger. Aussi je laisse de côté ces fables, je m’en rapporte là-dessus à la tradition, et come je le disais à l’instant, ce n’est pas elles que j’examine, c’est moi-même : suis-je un animal plus complexe et plus fumant d’orgueil que Typhon ? Suis-je une créature plus paisible et plus simple, quii participe naturellement à une destinée divine, et reste étrangère à ces fumées ? Mais, à propos, ne le voilà-t-il pas, camarade, l’arbre même vers lequel tu nous menais?

— (PHÈDRE) : Mais oui! c’est bien lui.

— (SOCRATE) : Ah! par Héra ! voilà un bel endroit Pour s’y arrêter! Le platane qui est là est en effet vraiment aussi large qu’il est élevé! Ce grattilier, comme il est de belle venue et que son ombrage est magnifique! dans le plein comme il est de sa floraison, il parfume ce lieu le plus agréablement qu’il est possible. Et la source maintenant, qui coule sous le platane, en est-il une plus charmante et dont l’eau ait une pareille fraîcheur, ainsi qu’en vérité vient de me l’attester mon pied! A en juger par ces petites bonnes femmes et par ces statuettes de Dieux, elle doit être consacrée aux Nymphes et à Achéloos. Me permets-tu d’ajouter encore à quel point me séduit l’extrême agrément du bon air qu’on a ici? L’été accompagne de sa claire mélodie le choeur des cigales. Mais ce qui est surtout le plus exquis, c’est ce gazon, parce qu’avec la douceur naturelle de sa pente il se prête, une fois qu’on s’est étendu, à avoir la tête magnifiquement bien posée! En somme, mon cher Phèdre, tu es pour un étranger le guide le plus parfait qui se puisse !

L’âme, cet attelage… » (§ 246)

Περὶ μὲν οὖν ἀθανασίας αὐτῆς ἱκανῶς· περὶ δὲ τῆς ἰδέας αὐτῆς ὧδε λεκτέον· οἷον μέν ἐστι, πάντῃ πάντως θείας εἶναι καὶ μακρᾶς διηγήσεως, ᾧ δὲ ἔοικεν, ἀνθρωπίνης τε καὶ ἐλάττονος· ταύτῃ οὖν λέγωμεν. Ἐοικέτω δὴ συμφύτῳ δυνάμει ὑποπτέρου ζεύγους τε καὶ ἡνιόχου. Θεῶν μὲν οὖν ἵπποι τε καὶ ἡνίοχοι πάντες αὐτοί τε ἀγαθοὶ καὶ ἐξ ἀγαθῶν, τὸ δὲ τῶν ἄλλων μέμεικται. Καὶ πρῶτον μὲν ἡμῶν ὁ ἄρχων συνωρίδος ἡνιοχεῖ, εἶτα τῶν ἵππων ὁ μὲν αὐτῷ καλός τε καὶ ἀγαθὸς καὶ ἐκ τοιούτων, ὁ δ᾽ ἐξ ἐναντίων τε καὶ ἐναντίος· χαλεπὴ δὴ καὶ δύσκολος ἐξ ἀνάγκης ἡ περὶ ἡμᾶς ἡνιόχησις.

Πῇ δὴ οὖν θνητόν τε καὶ ἀθάνατον ζῷον ἐκλήθη πειρατέον εἰπεῖν. Ψυχὴ πᾶσα παντὸς ἐπιμελεῖται τοῦ ἀψύχου· πάντα δὲ οὐρανὸν περιπολεῖ, ἄλλοτ᾽ ἐν ἄλλοις εἴδεσι γιγνομένη. Τελέα μὲν οὖν οὖσα καὶ ἐπτερωμένη μετεωροπορεῖ τε καὶ πάντα τὸν κόσμον διοικεῖ, ἡ δὲ πτερορρυήσασα φέρεται ἕως ἂν στερεοῦ τινος ἀντιλάβηται, οὗ κατοικισθεῖσα, σῶμα γήϊνον λαβοῦσα, αὐτὸ αὑτὸ δοκοῦν κινεῖν διὰ τὴν ἐκείνης δύναμιν, ζῷον τὸ σύμπαν ἐκλήθη, ψυχὴ καὶ σῶμα παγέν, θνητόν τ᾽ ἔσχεν ἐπωνυμίαν· Ἀθάνατον δὲ οὐδ᾽ ἐξ ἑνὸς λόγου λελογισμένου, ἀλλὰ πλάττομεν οὔτε ἰδόντες οὔτε ἱκανῶς νοήσαντες θεόν, ἀθάνατόν τι ζῷον, ἔχον μὲν ψυχήν, ἔχον δὲ σῶμα, τὸν ἀεὶ δὲ χρόνον ταῦτα συμπεφυκότα. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν δή, ὅπῃ τῷ θεῷ φίλον, ταύτῃ ἐχέτω τε καὶ λεγέσθω· τὴν δὲ αἰτίαν τῆς τῶν πτερῶν ἀποβολῆς, δι᾽ ἣν ψυχῆς ἀπορρεῖ, λάβωμεν. Ἔστι δέ τις τοιάδε.

Traduction :

Au sujet de son immortalité, cela suffit. Au sujet de sa nature propre, voici ce qu’il faut dire : pour exposer ce qu’elle est, il faudrait un récit absolument divin et long, mais pour en donner une image, il suffit d’un discours humain et bref. Parlons-en donc ainsi. Qu’elle soit représentée comme une puissance naturelle faite d’un attelage ailé et d’un cocher. Donc tous les chevaux et les cochers des dieux sont bons et nés de bons parents, mais ce qui appartient aux autres est mêlé. Et tout d’abord, pour nous, celui qui commande la paire d’animaux est le cocher, ensuite parmi les chevaux, l’un est par nature beau et noble et né de parents tels, l’autre, né de parents contraires, est aussi tout le contraire : difficile et pénible est nécessairement chez nous la conduite de l’attelage.

Comment donc l’être vivant est appelé mortel ou immortel, il faut essayer de le dire. L’âme toute entière se préoccupe de tout ce qui est inanimé ; elle parcourt tout le ciel, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Etant parfaite et ailée, elle va à travers les airs et gouverne le monte entier, mais privée de ses ailes elle est emportée jusqu’à ce qu’elle s’attache à quelque chose de solide ; elle y établit sa demeure, ayant pris un corps terrestre, qui semble se mouvoir de lui-même grâce à la puissance de celle-ci, et l’ensemble est appelé « être vivant », âme et corps fiché en elle, et il a le nom de mortel ; le nom d’immortel ne relève pas d’un seul discours en forme, mais nous forgeons, sans l’avoir vu ni être capable de le concevoir, un dieu, un être immortel, ayant une âme, ayant un corps, unis pour l’éternité. Mais que cela soit, et soit dit, comme il plait au dieu. Prenons la cause de la perte des ailes, par lesquelles elles se détachent de l’âme. Elle est quelque chose comme cela [….]

  • Σύμφυτος, ος, ον : naturel
  • ὁ ἡνίοχος, ου : cocher
  • ἡ συνωρίς, ίδος : paire d’animaux
  • περιπολέω-ῶ : faire le tour de, parcourir
  • τέλειος, α, ον /τέλεος, α, ον : accompli, achevé, parfait
  • μετεωροπορέω-ῶ : aller à travers les airs
  • γήϊνος, η, ον : terrestre
  • παγέν = participe aoriste passif neutre de πήγνυμι :ficher, fixer

Un attelage bien difficile à mener ! 253c-254d.

Καθάπερ ἐν ἀρχῇ τοῦδε τοῦ μύθου τριχῇ διείλομεν ψυχὴν ἑκάστην, ἱππομόρφω μὲν δύο τινὲ εἴδη, ἡνιοχικὸν δὲ εἶδος τρίτον, καὶ νῦν ἔτι ἡμῖν ταῦτα μενέτω. Τῶν δὲ δὴ ἵππων ὁ μέν, φαμέν, ἀγαθός, ὁ δ᾽ οὔ· ἀρετὴ δὲ τίς τοῦ ἀγαθοῦ ἢ κακοῦ κακία, οὐ διείπομεν, νῦν δὲ λεκτέον. Ὁ μὲν τοίνυν αὐτοῖν ἐν τῇ καλλίονι στάσει ὢν τό τε εἶδος ὀρθὸς καὶ διηρθρωμένος, ὑψαύχην, ἐπίγρυπος, λευκὸς ἰδεῖν, μελανόμματος, τιμῆς ἐραστὴς μετὰ σωφροσύνης τε καὶ αἰδοῦς, καὶ ἀληθινῆς δόξης ἑταῖρος, ἄπληκτος, κελεύσματι μόνον καὶ λόγῳ ἡνιοχεῖται· ὁ δ᾽ αὖ σκολιός, πολύς, εἰκῇ συμπεφορημένος, κρατεραύχην, βραχυτράχηλος, σιμοπρόσωπος, μελάγχρως, γλαυκόμματος, ὕφαιμος, ὕβρεως καὶ ἀλαζονείας ἑταῖρος, περὶ ὦτα λάσιος, κωφός, μάστιγι μετὰ κέντρων μόγις ὑπείκων. Ὅταν δ᾽ οὖν ὁ ἡνίοχος ἰδὼν τὸ ἐρωτικὸν ὄμμα, πᾶσαν αἰσθήσει διαθερμήνας τὴν ψυχήν,] γαργαλισμοῦ τε καὶ πόθου κέντρων ὑποπλησθῇ, ὁ μὲν εὐπειθὴς τῷ ἡνιόχῳ τῶν ἵππων, ἀεί τε καὶ τότε αἰδοῖ βιαζόμενος, ἑαυτὸν κατέχει μὴ ἐπιπηδᾶν τῷ ἐρωμένῳ· ὁ δὲ οὔτε κέντρων ἡνιοχικῶν οὔτε μάστιγος ἔτι ἐντρέπεται, σκιρτῶν δὲ βίᾳ φέρεται, καὶ πάντα πράγματα παρέχων τῷ σύζυγί τε καὶ ἡνιόχῳ ἀναγκάζει ἰέναι τε πρὸς τὰ παιδικὰ καὶ μνείαν ποιεῖσθαι τῆς τῶν ἀφροδισίων χάριτος. Τὼ δὲ κατ᾽ ἀρχὰς μὲν ἀντιτείνετον ἀγανακτοῦντε, ὡς δεινὰ καὶ παράνομα ἀναγκαζομένω· τελευτῶντε δέ, ὅταν μηδὲν ᾖ πέρας κακοῦ, πορεύεσθον ἀγομένω, εἴξαντε καὶ ὁμολογήσαντε ποιήσειν τὸ κελευόμενον. Καὶ πρὸς αὐτῷ τ᾽ ἐγένοντο καὶ εἶδον τὴν ὄψιν τὴν τῶν παιδικῶν ἀστράπτουσαν. Ἰδόντος δὲ τοῦ ἡνιόχου ἡ μνήμη πρὸς τὴν τοῦ κάλλους φύσιν ἠνέχθη, καὶ πάλιν εἶδεν αὐτὴν μετὰ σωφροσύνης ἐν ἁγνῷ βάθρῳ βεβῶσαν· ἰδοῦσα δὲ ἔδεισέ τε καὶ σεφθεῖσα ἀνέπεσεν ὑπτία, καὶ ἅμα ἠναγκάσθη εἰς τοὐπίσω ἑλκύσαι τὰς ἡνίας οὕτω σφόδρα, ὥστ᾽ ἐπὶ τὰ ἰσχία ἄμφω καθίσαι τὼ ἵππω, τὸν μὲν ἑκόντα διὰ τὸ μὴ ἀντιτείνειν, τὸν δὲ ὑβριστὴν μάλ᾽ ἄκοντα. Ἀπελθόντε δὲ ἀπωτέρω, ὁ μὲν ὑπ᾽ αἰσχύνης τε καὶ θάμβους ἱδρῶτι πᾶσαν ἔβρεξε τὴν ψυχήν, ὁ δὲ λήξας τῆς ὀδύνης, ἣν ὑπὸ τοῦ χαλινοῦ τε ἔσχεν καὶ τοῦ πτώματος, μόγις ἐξαναπνεύσας ἐλοιδόρησεν ὀργῇ, πολλὰ κακίζων τόν τε ἡνίοχον καὶ τὸν ὁμόζυγα ὡς δειλίᾳ τε καὶ ἀνανδρίᾳ λιπόντε τὴν τάξιν καὶ ὁμολογίαν· καὶ πάλιν οὐκ ἐθέλοντας προσιέναι ἀναγκάζων μόγις συνεχώρησεν δεομένων εἰς αὖθις ὑπερβαλέσθαι. Ἐλθόντος δὲ τοῦ συντεθέντος χρόνου (οὗ) ἀμνημονεῖν προσποιουμένω ἀναμιμνῄσκων, βιαζόμενος, χρεμετίζων, ἕλκων ἠνάγκασεν αὖ προσελθεῖν τοῖς παιδικοῖς ἐπὶ τοὺς αὐτοὺς λόγους, καὶ ἐπειδὴ ἐγγὺς ἦσαν, ἐγκύψας καὶ ἐκτείνας τὴν κέρκον, ἐνδακὼν τὸν χαλινόν, μετ᾽ ἀναιδείας ἕλκει· ὁ δ᾽ἡνίοχος ἔτι μᾶλλον ταὐτὸν πάθος παθών, ὥσπερ ἀπὸ ὕσπληγος ἀναπεσών, ἔτι μᾶλλον τοῦ ὑβριστοῦ ἵππου ἐκ τῶν ὀδόντων βίᾳ ὀπίσω σπάσας τὸν χαλινόν, τήν τε κακηγόρον γλῶτταν καὶ τὰς γνάθους καθῄμαξεν καὶ τὰ σκέλη τε καὶ τὰ ἰσχία πρὸς τὴν γῆν ἐρείσας ὀδύναις ἔδωκεν. Ὅταν δὲ ταὐτὸν πολλάκις πάσχων ὁ πονηρὸς τῆς ὕβρεως λήξῃ, ταπεινωθεὶς ἕπεται ἤδη τῇ τοῦ ἡνιόχου προνοίᾳ, καὶ ὅταν ἴδῃ τὸν καλόν, φόβῳ διόλλυται· ὥστε συμβαίνει τότ᾽ ἤδη τὴν τοῦ ἐραστοῦ ψυχὴν τοῖς παιδικοῖς αἰδουμένην τε καὶ δεδιυῖαν ἕπεσθαι.

Traduction :

Comme au début de cette fable nous avons divisé chaque âme en trois parties, deux en forme de chevaux et la troisième en forme de cocher, gardons maintenant encore cette métaphore. Parmi les chevaux, l’un, disons-nous, est bon, l’autre non ; mais nous n’avons pas dit quelle est la vertu du bon, ni la méchanceté du mauvais ; il faut l’exposer maintenant. L’un d’eux, donc, étant dans la plus belle place est de forme droite, aux articulations souples, la nuque droite, le nez aquilin, blanc, les yeux noirs, amoureux de l’honneur en même temps que de la tempérance et de la pudeur, compagnon de l’opinion vraie, il n’a pas besoin des coups, on le conduit seulement par l’ordre et la parole ; l’autre au contraire est tordu, râblé, assemblé à la diable, la nuque épaisse, le cou trapu, le visage camard, noir de peau, les yeux pers, injectés de sang, familier de l’orgueil et de la jactance, les oreilles velues, sourd, et obéissant avec peine au fouet et à l’aiguillon. Quand donc le cocher, ayant vu l’objet de son désir, enflammé en toute son âme par cette vue, est envahi par l’aiguillon et le chatouillement et du désir, celui des chevaux qui obéit au cocher, alors comme toujours contraint par la pudeur, se retient d’assaillir l’aimé ; l’autre ne se soucie plus ni des rênes du cocher ni du fouet, mais bondissant il est emporté avec violence, et apportant toutes les peines à son compagnon de joug et au cocher, il les contraint d’aller vers le jeune homme et de lui rappeler le charme des plaisirs amoureux. Tous deux, d’abord, résistent, indignés d’être contraints à des actes épouvantables et criminels ; mais à la fin, lorsqu’il n’y a plus de borne au mal, ils se laissent mener, cédant et consentant à faire ce qui leur est ordonné. Et ils se tiennent devant lui et voient cette apparition éblouissante du jeune homme. Mais le cocher l’ayant vu, le souvenir de la nature du beau lui revient, et il la revoit debout avec la sagesse sur son piédestal sacré. À cette vue il est saisi de crainte et de respect il tombe en arrière, et en même temps il est contraint de tirer les rênes en arrière, si violemment, que les deux chevaux tombent sur leur croupe, l’un de lui-même du fait qu’il ne résiste pas, et l’orgueilleux tout à fait contre son gré. Tous deux ayant reculé, l’un sous l’effet de la honte et du trouble a inondé de sueur l’âme toute entière, mais l’autre, remis de la douleur qu’il avait reçue du mors et de sa chute, ayant repris avec peine son souffle, les agonit de colère, couvrant de reproches le cocher et le compagnon d’attelage, parce que par lâcheté et couardise ils ont abandonné leur poste et trahi leur accord ; et il s’efforce de les contraindre à avancer, eux qui ne veulent pas, consentant tout juste, à leur demande, à remettre à plus tard. Et lorsque le moment convenu est arrivé, comme ils font semblant d’avoir oublié, leur rafraîchissant la mémoire, les forçant, hennissant, les entraînant avec violence il les contraint à nouveau à aborder le jeune homme avec les mêmes propose, et lorsqu’ils sont tout près, se penchant, tendant la queue, mordant le frein, il tire avec impudence ; mais le cocher, éprouvant encore plus fort la même sensation, comme se jetant en arrière devant la barrière, tirant encore plus violemment sur les dents du cheval orgueilleux, il ensanglante sa langue insolente et ses mâchoires et tirant vers la terre ses pattes et sa croupe il le fait souffrir. Lorsque ayant subi souvent le même traitement le mauvais cheval abandonne son orgueil, dompté il suit désormais l’intention du cocher, et lorqu’il voit le beau, il meurt de peur ; de sorte qu’il arrive désormais que l’âme de l’amant suit le jeune homme, pudique et craintive.

  • Τριχῇ : en trois parties
  • Διηρθρωμένος : articulé (διαρθρόω-ῶ), aux jointures mobiles
  • ὑψαύχην : qui redresse la tête, hautain
  • ἐπίγρυπος : légèrement crochu, camus
  • ἄπληκτος : qui n’a pas besoin d’être frappé
  • εἰκῇ συμπεφορημένος : assemblé au hasard
  • κρατεραύχην : au cou robuste
  • βραχυτράχηλος : dont le cou est court, trapu
  • σιμοπροόσωπος : au visage camard (écrasé)
  • ὕφαιμος : aux yeux injectés de sang
  • ἡ ἀλαζόνεια, ας : vantardise, jactance
  • λάσιος : velu, hirsute
  • κωφός, οῦ : sourd
  • γαργαλισμός, οῦ : chatouillement, excitation
  • ὑποπλησθῇ : subj. passif 3ème pl. Etre rempli de (ὑποπίμπλημι)
  • ἐπιπηδᾶν : sauter sur, assaillir
  • σκιρτάω-ῶ : bondir, sauter
  • μνεία, ας : souvenir
  • ἐν ἁγνῷ βάθρῳ (τὸ βάθρον) : sur son piédestal sacré
  • βεβῶσα : forme homérique du participe parfait féminin de βαίνω
  • σεφθεῖσα < σέβω : honorer, respecter
  • ὑπτία : à la renverse
  • τὸ θάμβος, ους : effroi, stupeur
  • ἔβρεξα < βρέχω : arroser, inonder
  • λήξας < λήγω : finir, cesser
  • ὁ χαλινός, οῦ : frein, mors
  • τὸ πτῶμα, ματος : chute
  • συγχωρέω-ῶ : consentir à
  • χρεμετίζω : hennir
  • ἕλκω : tirer, entrainer (avec violence)
  • ἐγκύπτω : se pencher sur
  • ἡ κέρκος, ου : queue d’un animal
  • ὕσπληγξ, ὕσπληγγος / ὕσπληγος : barrière fermant la carrière avant une course

Le mythe des cigales (259a-d)

 

ΣΩΚΡΑΤΗΣ : Οὐ μὲν δὴ πρέπει γε φιλόμουσον ἄνδρα τῶν τοιούτων ἀνήκοον εἶναι. λέγεται δ᾽ ὥς ποτ᾽ ἦσαν οὗτοι ἄνθρωποι τῶν πρὶν μούσας γεγονέναι, γενομένων δὲ Μουσῶν καὶ φανείσης ᾠδῆς οὕτως ἄρα τινὲς τῶν τότε ἐξεπλάγησαν ὑφ᾽ ἡδονῆς, ὥστε ᾄδοντες ἠμέλησαν σίτων τε καὶ ποτῶν, καὶ ἔλαθον τελευτήσαντες αὑτούς· ἐξ ὧν τὸ τεττίγων γένος μετ᾽ ἐκεῖνο φύεται, γέρας τοῦτο παρὰ Μουσῶν λαβόν, μηδὲν τροφῆς δεῖσθαι γενόμενον, ἀλλ᾽ ἄσιτόν τε καὶ ἄποτον εὐθὺς ᾄδειν, ἕως ἂν τελευτήσῃ, καὶ μετὰ ταῦτα ἐλθὸν παρὰ μούσας ἀπαγγέλλειν τίς τίνα αὐτῶν τιμᾷ τῶν ἐνθάδε. Τερψιχόρᾳ μὲν οὖν τοὺς ἐν τοῖς χοροῖς τετιμηκότας αὐτὴν ἀπαγγέλλοντες ποιοῦσι προσφιλεστέρους, τῇ δὲ Ἐρατοῖ τοὺς ἐν τοῖς ἐρωτικοῖς, καὶ ταῖς ἄλλαις οὕτως, κατὰ τὸ εἶδος ἑκάστης τιμῆς· τῇ δὲ πρεσβυτάτῃ Καλλιόπῃ καὶ τῇ μετ᾽ αὐτὴν Οὐρανίᾳ τοὺς ἐν φιλοσοφίᾳ διάγοντάς τε καὶ τιμῶντας τὴν ἐκείνων μουσικὴν ἀγγέλλουσιν, αἳ δὴ μάλιστα τῶν Μουσῶν περί τε οὐρανὸν καὶ λόγους οὖσαι θείους τε καὶ ἀνθρωπίνους ἱᾶσιν καλλίστην φωνήν. Πολλῶν δὴ οὖν ἕνεκα λεκτέον τι καὶ οὐ καθευδητέον ἐν τῇ μεσημβρίᾳ.

ΦΑIΔΡΟΣ : Λεκτέον γὰρ οὖν.

Traduction :

SOCRATE : Il ne convient certes pas qu’un homme ami des muses soit ignorant de telles choses. On dit qu’elles étaient autrefois des hommes, ceux d’avant la naissance des muses, et que lorsque les Muses naquirent et que le chant parut, certains des hommes d’alors furent à ce point frappés par le plaisir qu’en chantant, ils négligèrent le boire et le manger, et moururent sans s’en apercevoir. (mot à mot : « ne n’aperçurent pas qu’ils mouraient »). C’est d’eux que provient, par la suite, la race des cigales, qui a reçu des Muses ce don, de n’avoir une fois nées besoin d’aucune nourriture, mais de chanter aussitôt, sans boire ni manger, jusqu’à ce qu’elles meurent, et après cela, de se rendre auprès des Muses pour leur annoncer qui, parmi les hommes d’ici-bas, honore chacune d’elles. À Terpsichore, donc, en lui faisant connaître ceux qui l’honorent dans les chœurs, ils les lui rendent plus chers ; à Ératô, ceux qui l’ont honorée dans leurs poèmes d’amour, et de même aux autres, selon l’hommage dû à chacune. À l’aînée Calliope, et à sa cadette Uranie ils font connaître ceux qui passent leur vie dans la philosophie et qui honorent leurs arts à elles, elles surtout qui, parmi les Muses, présidant à ce qui concerne le ciel et les récits divins et humains, émettent la plus belle voix. Donc, pour beaucoup de raisons, il faut parler, et ne pas dormir pendant midi.

PHEDRE : en effet, il faut donc parler.

Commentaire

Il ne s’agit pas vraiment d’un mythe, mais plutôt d’une fable, fantaisie poétique imaginée par Socrate : elle n’appartient à aucune tradition connue. Elle va servir à exprimer une idée philosophique : les cigales, médiatrices entre l’homme et la divinité, autrefois hommes ayant maîtrisé leurs désirs terrestres pour une passion plus haute, peuvent représenter le philosophe, qui ne vit que pour la pensée.

Calliope, l’aînée des Muses, incarne la poésie épique, d’Homère et d’Hésiode, mais aussi de Parménide, l’un des premiers philosophes-poètes de Grèce. Uranie, elle, représente la cosmologie – autre référence à Hésiode, mais aussi à Parménide. Réunies, les deux muses correspondent aux deux aspects de la philosophie, l’étude du divin (λόγους θείους), et celle de l’homme dans le cosmos (λόγους… ἀνθρωπίνους).

Pour l’âme liée au corps, la musique humaine calme les passions et rétablit l’harmonie.