Lysias (440-378)

Lysias

Biographie de Lysias

Né à Athènes vers 440 d’une famille syracusaine, Lysias était fils de Képhalos, mentionné par Platon dans sa République comme symbole d’une vieillesse heureuse. A la mort de son père, en 425, Lysias se rendit en Sicile avec ses frères Polémarque et Euthydème, et suivit les leçons de Tisias. Après le désastre de Sicile, il rentra à Athènes et y vécut comme métèque isotèle, exploitant avec Polémarque une riche fabrique d’armes.

En 404, sous la dictature des Trente, Lysias et son frère furent arrêtés ; Lysias parvint à s’enfuir, mais Polémarque fut mis à mort. Réfugié à Mégare, Lysias aida les démocrates à reprendre le pouvoir, et revint à Athènes après le succès de Thrasybule. Il prononça alors le Contre Eratosthène pour venger son frère. Encouragé par le succès, il se consacra désormais à la profession de logographe, et devint le plus célèbre auteur de discours judiciaires.

On lui prête 425 discours ; mais Denys d’Halicarnasse n’en reconnaît que deux cents comme authentiques. Il n’en reste aujourd’hui que 34, certains incomplets, d’autres, comme le Contre Andocide, apocryphes.

Lysias est le parfait représentant de l’atticisme : pureté et exactitude des termes, sans recours aux tropes ; concision, mais aussi art de rendre sensible ce que l’on montre, d’adapter son style au locuteur (rappelons qu’un logographe écrivait ses discours pour un client, souvent peu instruit), de faire valoir les vraisemblances et de trouver des preuves. Il excelle notamment dans la narration. Naturel et vérité sont ses deux qualités majeures.

Tum fuit Lysias, ipse quidem in causis forensibus non uersatus, sed egregie subtilis scriptor atque elegans, quem iam prope audeas oratorem perfectum dicere, dit Cicéron dans le Brutus. (IX, 35) : « Alors vécut Lysias ; lui non plus ne plaida pas sur le forum, mais il écrivit avec une subtilité et une élégance remarquables. On oserait presque dire qu’il est déjà l’orateur parfait ».

Cependant, un peu plus loin, il critique la « sécheresse » de Lysias :

« et quodam modo est nonnulla in his etiam inter ipsos [= Cato et Lysias] similitudo : acuti sunt, elegantes, faceti, breues, sed ille Graecus ab omni laude felicior. Habet enim certos sui studiosos, qui non tam habitus corporis opimos, quam gracilitates consectentur ; quos, ualetudo modo bona sit, tenuitas ipsa delectat. Quamquam in Lysia sunt saepe lacerti sic ut et fieri nilhil possit ualentius. Verum est certe genere toto strigiosior ; sed habet tamen suos laudatores, qui hac ipsa eius subtilitate admodum gaudeant.«  (Brutus, XVI, 63-64)

Traduction : Entre Caton et Lysias, il y a aussi comme une certaine ressemblance : tous deux sont fins, élégants, spirituels, rapides. Mais le Grec, plus heureux, jouit de toutes les faveurs. Il a en effet des partisans déclarés, qui préfèrent les formes grêles à l’embonpoint et qui, pourvu que la santé soit bonne, trouvent du charme à la maigreur. Ce n’est pas que Lysias n’ait souvent des muscles, au point qu’on ne peut rien imaginer de plus vigoureux ; mais dans l’ensemble il est à coup sûr trop décharné, ce qui ne l’empêche pas d’avoir ses admirateurs, gens ainsi faits que c’est surtout cette sécheresse qui les enchante. (Jules Martha, édition des Belles-Lettres, 1931.)

Ce qui ne l’empêche pas, dans un autre passage du Brutus, de critiquer l’asianisme !

 Principaux textes

  • Contre Ératosthène : c’est l’un des rares discours personnels de Lysias, qui l’a prononcé contre l’un des Trente, pour venger son frère Polémarque.
  • Pour l’Invalide : discours judiciaire défendant un vieillard infirme contre un jeune homme qui, par vengeance, veut lui faire retirer sa pension. Lysias parvient à rendre le ton ironique du vieillard.
  • Sur l’Olivier : un riche propriétaire terrien est accusé d’avoir arraché un olivier sacré, puis l’accusateur se rétracte et déclare qu’il a arraché une souche, accusation plus difficile à réfuter. Lysias compose sa défense en s’appuyant sur des témoignages, et en rappelant la période troublée de la domination des Trente.
  • Sur le meurtre d’ératosthène : il ne s’agit nullement du personnage meurtrier de son frère, mais d’un homonyme ; Lysias écrit le plaidoyer d’un homme qui a assassiné l’amant de sa femme, surpris en flagrant délit d’adultère. Dans un tel cas, le mari n’était pas condamné ; encore fallait-il prouver la réalité du délit.
  • Contre Diogiton : un homme riche a confié ses biens à son frère, avant de partir à la guerre. Il est tué, et son frère dilapide la fortune, spoliant ainsi la veuve et les enfants du disparu. Le discours est le réquisitoire de la veuve.
  • Pour un suspect : le client inconnu de Lysias, désigné pour une charge, devait subir l’examen devant le tribunal. Il dut répondre alors d’une accusation de sympathie pour les Trente, lancée par les démocrates avancés contre tous les modérés.
  • Contre Agoratos
  • Contre Simon

Pseudo-Lysias

Contre Ératosthène

La fuite de Lysias

Nous sommes dans la narration, seconde partie du discours. Lysias raconte comment il fut arrêté, parce qu’il était un riche métèque, par Théognis et Pison, membres des Trente, et comment il parvient à s’enfuir.

Θέογνις γὰρ καὶ Πείσων ἔλεγον ἐν τοῖς τριάκοντα περὶ τῶν μετοίκων, ὡς εἶέν τινες τῇ πολιτείᾳ ἀχθόμενοι· καλλίστην οὖν εἶναι πρόφασιν τιμωρεῖσθαι μὲν δοκεῖν, τῷ δ’ ἔργω χρηματίζεσθαι· πάντως δὲ τὴν μὲν πόλιν πένεσθαι τὴν δ’ ἀρχὴν δεῖσθαι χρημάτων. Καὶ τοὺς ἀκούοντας οὐ χαλεπῶς ἔπειθον· ἀποκτιννύναι μὲν γὰρ ἀνθρώπους περὶ οὐδενὸς ἡγοῦντο, λαμβάνειν δὲ χρήματα περὶ πολλοῦ ἐποιοῦντο. Ἔδοξεν οὖν αὐτοῖς δέκα συλλαβεῖν, τούτων δὲ δύο πένητας, ἵνα αὐτοῖς ᾖ πρὸς τοὺς ἄλλους ἀπολογία, ὡς οὐ χρημάτων ἕνεκα ταῦτα πέπρακται, ἀλλὰ συμφέροντα τῇ πολιτεία γεγένηται, ὥσπερ τι τῶν ἄλλων εὐλόγως πεποιηκότες. Διαλαβόντες δὲ τὰς οἰκίας ἐβάδιζον· καὶ ἐμὲ μὲν ξένους ἑστιῶντα κατέλαβον, οὓς ἐξελάσαντες Πείσωνί με παραδιδόασιν· οἱ δὲ ἄλλοι εἰς τὸ ἐργαστήριον ἐλθόντες τὰ ἀνδράποδα ἀπεγράφοντο. Ἐγὼ δὲ Πείσωνα μὲν ἠρώτων εἰ βούλοιτό με σῶσαι χρήματα λαβών. Ὁ δ’ ἔφασκεν, εἰ πολλὰ εἴη. Εἶπον ὅτι τάλαντον ἀργυρίου ἕτοιμος εἴην δοῦναι· ὁ δ’ ὡμολόγησε ταῦτα ποιήσειν. Ἠπιστάμην μὲν οὖν ὅτι οὔτε θεοὺς οὔτ’ ἀνθρώπους νομίζει, ὅμως δ’ ἐκ τῶν παρόντων ἐδόκει μοι ἀναγκαιότατον εἶναι πίστιν παρ’ αὐτοῦ λαβεῖν. Ἐπειδὴ δὲ ὤμοσεν, ἐξώλειαν ἑαυτῷ καὶ τοῖς παισὶν ἐπαρώμενος, λαβὼν τὸ τάλαντόν με σώσειν, εἰσελθὼν εἰς τὸ δωμάτιον τὴν κιβωτὸν ἀνοίγνυμι. Πείσων δ’ αἰσθόμενος εἰσέρχεται, καὶ ἰδὼν τὰ ἐνόντα καλεῖ τῶν ὑπηρετῶν δύο, καὶ τὰ ἐν τῇ κιβωτῷ λαβεῖν ἐκέλευσεν. Ἐπεὶ δὲ οὐχ ὅσον ὡμολόγητο εἶχεν, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἀλλὰ τρία τάλαντα ἀργυρίου καὶ τετρακοσίους κυζικηνοὺς καὶ ἑκατὸν δαρεικοὺς καὶ φιάλας ἀργυρᾶς τέτταρας, ἐδεόμην αὐτοῦ ἐφόδιά μοι δοῦναι, ὁ δ’ ἀγαπήσειν με ἔφασκεν, εἰ τὸ σῶμα σώσω. Ἐξιοῦσι δ’ ἐμοὶ καὶ Πείσωνι ἐπιτυγχάνει Μηλόβιός τε καὶ Μνησιθείδης ἐκ τοῦ ἐργαστηρίου ἀπιόντες, καὶ καταλαμβάνουσι πρὸς αὐταῖς ταῖς θύραις, καὶ ἐρωτῶσιν ὅποι βαδίζοιμεν· ὁ δ’ ἔφασκεν εἰς τὰ τοῦ ἀδελφοῦ τοῦ ἐμοῦ, ἵνα καὶ τὰ ἐν ἐκείνῃ τῇ οἰκίᾳ σκέψηται. ἐκεῖνον μὲν οὖν ἐκέλευον βαδίζειν, ἐμὲ δὲ μεθ’ αὑτῶν ἀκολουθεῖν εἰς Δαμνίππου. Πείσων δὲ προσελθὼν σιγᾶν μοι παρεκελεύετο καὶ θαρρεῖν, ὡς ἥξων ἐκεῖσε. Καταλαμβάνομεν δὲ αὐτόθι Θέογνιν ἑτέρους φυλάττοντα· ᾧ παραδόντες ἐμὲ πάλιν ᾤχοντο. Ἐν τοιούτῳ δ’ ὄντι μοι κινδυνεύειν ἐδόκει, ὡς τοῦ γε ἀποθανεῖν ὑπάρχοντος ἤδη. Καλέσας δὲ Δάμνιππον λέγω πρὸς αὐτὸν τάδε, « ἐπιτήδειος μέν μοι τυγχάνεις ὤν, ἥκω δ’ εἰς τὴν σὴν οἰκίαν, ἀδικῶ δ’ οὐδέν, χρημάτων δ’ ἕνεκα ἀπόλλυμαι. σὺ οὖν ταῦτα πάσχοντί μοι πρόθυμον παράσχου τὴν σεαυτοῦ δύναμιν εἰς τὴν ἐμὴν σωτηρίαν.» Ὁ δ’ ὑπέσχετο ταῦτα ποιήσειν. Ἐδόκει δ’ αὐτῷ βέλτιον εἶναι πρὸς Θέογνιν μνησθῆναι· ἡγεῖτο γὰρ ἅπαν ποιήσειν αὐτόν, εἴ τις ἀργύριον διδοίη. Ἐκείνου δὲ διαλεγομένου Θεόγνιδι (ἔμπειρος γὰρ ὢν ἐτύγχανον τῆς οἰκίας, καὶ ᾔδη ὅτι ἀμφίθυρος εἴη) ἐδόκει μοι ταύτῃ πειρᾶσθαι σωθῆναι, ἐνθυμουμένῳ ὅτι, ἐὰν μὲν λάθω, σωθήσομαι, ἐὰν δὲ ληφθῶ, ἡγούμην μέν, εἰ Θέογνις εἴη πεπεισμένος ὑπὸ τοῦ Δαμνίππου χρήματα λαβεῖν, οὐδὲν ἧττον ἀφεθήσεσθαι, εἰ δὲ μή, ὁμοίως ἀποθανεῖσθαι. Ταῦτα διανοηθεὶς ἔδει με ἐκείνων ἐπὶ τῇ αὐλείῳ θύρᾳ τὴν φυλακὴν ποιουμένων· τριῶν δὲ θυρῶν οὐσῶν, ἃς ἔδει με διελθεῖν, ἅπασαι ἀνεῳγμέναι ἔτυχον. Ἀφικόμενος δὲ εἰς ᾿Αρχένεω τοῦ ναυκλήρου ἐκεῖνον. Πέμπω εἰς ἄστυ, πευσόμενον περὶ τοῦ ἀδελφοῦ· ἥκων δὲ ἔλεγεν ὅτι ᾿Ερατοσθένης αὐτὸν ἐν τῇ ὁδῷ λαβὼν εἰς τὸ δεσμωτήριον ἀπαγάγοι. Καὶ ἐγὼ τοιαῦτα πεπυσμένος τῆς ἐπιούσης νυκτὸς διέπλευσα Μέγαράδε.

Contre Ératosthène, § 6-17.

Théognis et Pison déclarèrent dans le Conseil des Trente que, parmi les métèques, il y en avait d’hostiles à la constitution : «excellent prétexte pour se procurer de l’argent, sous couleur de faire un exemple : la ville était sans ressources, et le pouvoir avait besoin de fonds». [7] Ils n’eurent pas de peine à persuader des auditeurs qui comptaient pour rien la vie des gens, et pour beaucoup l’argent qu’ils en tireraient. On décida d’arrêter dix métèques, et, dans le groupe, deux pauvres, afin de pouvoir protester auprès du public que la mesure avait été dictée non par la cupidité, mais par l’intérêt de l’état, comme tout le reste. [8] Ils se partagent donc les maisons, et les voilà en route. Pour moi, ils me trouvent à table avec des hôtes; ils les chassent et me livrent à Pison. Le reste de la bande entre dans l’atelier et dresse la liste des esclaves. [9] Je dis à Pison : «Veux-tu me sauver pour de l’argent?» «Oui», répond-il, «si la somme est forte». Je me déclarai prêt à lui donner un talent. «Entendu !» fit-il. Je le connaissais pour n’avoir ni foi ni loi; pourtant, dans ma situation, il me parut indispensable d’exiger de lui un serment. [10] ] Il jura sur la tête de ses enfants et sur la sienne de me sauver la vie pour un talent. J’entre alors dans ma chambre, et j’ouvre mon coffre. Pison s’en aperçoit, entre à son tour, et, voyant le contenu, il appelle deux de ses aides et leur ordonne de s’en saisir. [11] Ce n’était plus seulement la somme convenue, juges, mais trois talents d’argent, quatre cents cyzicènes, cent dariques et quatre coupes d’argent : je lui demandai de me laisser au moins de quoi voyager. [12] «Tu devras t’estimer heureux, me répondit-il, si tu as la vie sauve».

Au moment où nous sortions, Pison et moi, nous tombons sur Mèlobios et Mnèsithéidès, qui revenaient de l’atelier; ils nous rencontrent sur le seuil même de la porte et nous demandent où nous allons. Pison répondit qu’il se rendait chez mon frère, afin de faire aussi une perquisition dans sa maison. Ils le laissèrent aller et m’enjoignirent de les suivre chez Damnippe. [13] Pison s’approche alors de moi : «Pas un mot, me dit-il, et ne crains rien. J’irai vous rejoindre.» Chez Damnippe, nous trouvons Théognis qui gardait d’autres prisonniers. Ils me remettent entre ses mains et repartent. Dans la situation où j’étais, je pris le parti de courir quelque risque, puisque aussi bien je me voyais déjà perdu. [14] J’appelle Damnippe. « écoute, lui dis-je, tu es mon ami et me voici dans ta maison : je suis innocent ; c’est ma fortune qui me perd. Tu vois mon malheur; sois généreux et use de ton crédit pour me sauver.» Il me le promit. Le mieux lui parut d’en parler à Théognis qui, pensait-il, ferait tout pour de l’argent. Tandis qu’il discutait avec Théognis (il se trouvait que je connaissais la maison, et que je savais qu’elle avait deux issues), je crus bon d’en profiter pour essayer de me sauver, songeant que si je m’échappe, je serai sauvé, si je suis pris, de deux choses l’une : ou bien Théognis se sera laissé convaincre par Damnippe d’accepter de l’argent, et je n’en serai pas moins rel’ché, sinon je serai de toutes façons mis à mort. Sur ces pensées, je m’enfuis, tandis que ces gens-là montaient la garde à la porte de la cour ; des trois portes qu’il me fallait franchir, trois se trouvaient ouvertes. Arrivé chez l’armateur Archénéos, je l’envoie en ville, pour qu’il s’informe de mon frère. Au retour, il m’informa qu’Ératosthène, l’ayant rencontré dans la rue, l’avait emmené en prison. Et moi, à cette nouvelle, je m’embarquai la nuit suivante pour Mégare.

Sur l’Olivier

Πρότερον μέν, ὦ βουλή1, ἐνόμιζον ἐξεῖναι τῷ βουλομένῳ, ἡσυχίαν ἄγοντι, μήτε δίκας ἔχειν μήτε πράγματα· νυνὶ δὲ οὕτως ἀπροσδοκήτως αἰτίαις καὶ πονηροῖς συκοφάνταις περιπέπτωκα, ὥστ’ εἴ πως οἷόν τε, δοκεῖ μοι δεῖν καὶ τοὺς μὴ γεγονότας ἤδη δεδιέναι περὶ τῶν μελλόντων ἔσεσθαι· διὰ γὰρ τοὺς τοιούτους οἱ κίνδυνοι οἱ κοινοὶ γίγνονται καὶ τοῖς μηδὲν ἀδικοῦσι καὶ τοῖς πολλὰ ἡμαρτηκόσιν. Οὕτω δ’ ἄπορος ὁ ἀγών μοι καθέστηκεν2, ὥστε ἀπεγράφην τὸ μὲν πρῶτον ἐλάαν ἐκ τῆς γῆς ἀφανίζειν, καὶ πρὸς τοὺς ἐωνημένους τοὺς καρποὺς τῶν μορίων πυνθανόμενοι προσῇσαν· ἐπειδὴ δ’ ἐκ τούτου τοῦ τρόπου ἀδικοῦντά με οὐδὲν εὑρεῖν ἐδυνήθησαν, νυνί με σηκόν ἀφανίζειν, ἡγούμενοι ἐμοὶ μὲν ταύτην τὴν αἰτίαν ἀπορωτάτην εἶναι ἀπελέγξαι, αὐτοῖς δὲ ἐξεῖναι μᾶλλον ὅ τι ἂν βούλωνται λέγειν. Καὶ δεῖ με, περὶ ὧν οὗτος ἐπιβεβουλευκὼς ἥκει, ἅμ’ ὑμῖν τοῖς διαγνωσομένοις περὶ τοῦ πράγματος ἀκούσαντα καὶ περὶ τῆς πατρίδος καὶ περὶ τῆς οὐσίας ἀγωνίσασθαι. Ὅμως δὲ πειράσομαι ἐξ ἀρχῆς ὑμᾶς διδάξαι.
Ἦν μὲν γὰρ τοῦτο Πεισάνδρου3 τὸ χωρίον, δημευθέντων δὲ τῶν ὄντων ἐκείνου Ἀπολλόδωρος ὁ Μεγαρεὺς4 δωρειὰν παρὰ τοῦ δήμου λαβὼν τὸν μὲν ἄλλον χρόνον ἐγεώργει, ὀλίγῳ δὲ πρὸ τῶν τριάκοντα Ἀντικλῆς παρ’ αὐτοῦ πριάμενος ἐξεμίσθωσεν· ἐγὼ δὲ παρ’ Ἀντικλέους εἰρήνης οὔσης ὠνοῦμαι. Ἡγοῦμαι τοίνυν, ὦ βουλή, ἐμὸν ἔργον ἀποδεῖξαι ὡς ἐπειδὴ τὸ χωρίον ἐκτησάμην, οὔτ’ ἐλάα οὔτε σηκὸς ἐνῆν ἐν αὐτῷ. Νομίζω γὰρ τοῦ μὲν προτέρου χρόνου, οὐδ’ εἰ πάλαι ἐνῆσαν μορίαι, οὐκ ἂν δικαίως ζημιοῦσθαι· εἰ γὰρ μὴ δι’ ἡμᾶς εἰσιν ἠφανισμέναι, οὐδὲν προσήκει περὶ τῶν ἀλλοτρίων ἁμαρτημάτων ὡς ἀδικοῦντας κινδυνεύειν. Πάντες γὰρ ἐπίστασθε ὅτι πόλεμος καὶ ἄλλων πολλῶν αἴτιος κακῶν γεγένηται, καὶ τὰ μὲν πόρρω ὑπὸ Λακεδαιμονίων ἐτέμνετο, τὰ δ’ ἐγγὺς ὑπὸ τῶν φίλων διηρπάζετο· ὥστε πῶς ἂν δικαίως ὑπὲρ τῶν τῇ πόλει γεγενημένων συμφορῶν ἐγὼ νυνὶ δίκην διδοίην ; ἄλλως τε καὶ τοῦτο τὸ χωρίον ἐν τῷ πολέμῳ δημευθὲν ἄπρατον ἦν πλεῖν ἢ τρία ἔτη. Οὐ θαυμαστὸν δ’ εἰ τότε τὰς μορίας ἐξέκοπτον, ἐν ᾧ οὐδὲ τὰ ἡμέτερ’ αὐτῶν φυλάττειν ἐδυνάμεθα. Ἐπίστασθε δέ, ὦ βουλή, ὅσοι μάλιστα τῶν τοιούτων ἐπιμελεῖσθε, πολλὰ ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ δασέα ὄντα ἰδίαις καὶ μορίαις ἐλάαις, ὧν νῦν τὰ πολλὰ ἐκκέκοπται καὶ ἡ γῆ ψιλὴ γεγένηται· καὶ τῶν αὐτῶν καὶ ἐν τῇ εἰρήνῃ καὶ ἐν τῷ πολέμῳ κεκτημένων οὐκ ἀξιοῦτε παρ’ αὐτῶν, ἑτέρων ἐκκοψάντων, δίκην λαμβάνειν. Καίτοι εἰ τοὺς διὰ παντὸς τοῦ χρόνου γεωργοῦντας τῆς αἰτίας ἀφίετε, ἦ που χρὴ τούς γ’ ἐν τῇ εἰρήνῃ πριαμένους ἀφ’ ὑμῶν ἀζημίους γενέσθαι. Ἀλλὰ γάρ, ὦ βουλή, περὶ μὲν τῶν πρότερον γεγενημένων πολλὰ ἔχων εἰπεῖν ἱκανὰ νομίζω τὰ εἰρημένα· ἐπειδὴ δ’ ἐγὼ παρέλαβον τὸ χωρίον, πρὶν ἡμέρας πέντε γενέσθαι, ἀπεμίσθωσα Καλλιστράτῳ, ἐπὶ Πυθοδώρου ἄρχοντος6· ὃς δύο ἔτη ἐγεώργησεν, οὔτε ἰδίαν ἐλάαν οὔτε μορίαν οὔτε σηκὸν παραλαβών. Τρίτῳ δὲ ἔτει Δημήτριος οὑτοσὶ εἰργάσατο ἐνιαυτόν· τῷ δὲ τετάρτῳ Ἀλκίᾳ Ἀντισθένους ἀπελευθέρῳ ἐμίσθωσα, ὃς τέθνηκε· κᾆτα τρία ἔτη ὁμοίως καὶ Πρωτέας ἐμισθώσατο. Καί μοι δεῦρ’ ἴτε, μάρτυρες.
Auparavant, ô Conseil, je pensais qu’il était permis à qui voulait, en se tenant tranquille, de n’avoir ni procès ni ennui : mais à présent je suis tombé sur des accusations si inattendues et des sycophantes si méchants, qu’en quelque sorte, il me semble que même les enfants à naître doivent craindre désormais ce qui va leur arriver ; en effet, à cause de tels hommes, les innocents courent les mêmes risques que les coupables. L’accusation est pour moi difficile à réfuter, dans la mesure où j’étais d’abord accusé d’avoir arraché un olivier, et ils se sont informés auprès de ceux qui avaient pris à ferme la récolte. Comme de cette enquête ils ne purent trouver que j’avais commis une faute, maintenant ils disent que j’ai arraché une souche, pensant que de cette façon l’accusation serait pour moi plus difficile à réfuter, et qu’il leur serait plus facile de dire n’importe quoi. Et il faut que moi, ayant appris en même temps que vous, qui devez trancher, de quoi cet homme est venu m’accuser, je lutte pour conserver et ma patrie et mes biens. Cependant je vais essayer de vous l’apprendre depuis le début.
En effet ce champ appartenait à Pisandre, et, les biens de celui-ci ayant été confisqués, Apollodore de Mégare, l’ayant reçu en cadeau du peuple le cultivait le reste du temps, et peu avant les Trente, Anticlès le lui ayant acheté le loua à bail ; quant à moi, la paix revenue, je l’ai acheté à Anticlès5. Je pense donc, ô Conseil, que ma t’che est de montrer que lorsque j’ai acheté ce champ, il n’y avait dessus ni olivier ni souche. Je pense en effet qu’il ne serait pas juste que je sois puni, si auparavant il n’y avait pas de nombreuses souches ; si en effet elles n’ont pas été arrachées de notre fait, il ne convient nullement que nous courions des risques comme si nous étions coupables pour les fautes d’autrui. Vous savez tous en effet qu’entre autres maux dont la guerre fut cause, les régions les plus éloignées furent dévastées par les Lacédémoniens, et les plus proches étaient pillées par nos amis. Aussi, comment serait-il juste que je sois puni maintenant pour les malheurs arrivés autrefois à la cité ? En outre ce champ confisqué pendant la guerre est resté invendu pendant plus de trois ans. Il n’est pas étonnant que l’on ait alors coupé les souches, dans ce temps où nous ne pouvions même pas garder nos propres biens. Vous savez d’autre part, ô Conseil, vous surtout qui vous occupez de telles affaires, que pendant ce temps-là la terre était toute recouverte d’oliviers privés ou sacrés, dont maintenant la plupart ont été coupés, et la terre est maintenant dénudée ; et lorsque ce sont les mêmes qui possèdent la terre durant la paix et durant la guerre, vous ne jugez pas bon de les punir, alors que ce sont d’autres qui ont abattu les arbres. Or si vous acquittez ceux qui ont cultivé tout le temps, il faut donc que ceux qui ont acheté une fois la paix revenue soient acquittés par vous.
Bref, Conseil, ayant beaucoup à dire sur ce qui est arrivé auparavant, je pense avoir dit assez ; lorsque j’eus pris le champ, avant cinq jours je l’ai loué à bail à Callistratos, sous l’archontat de Pythodoros ; celui-ci l’a cultivé durant deux ans, n’ayant trouvé ni olivier privé ni olivier sacré ni souche. La troisième année, Démétrios que voici l’a cultivé durant un an ; la quatrième année je l’ai loué à Alcias, affranchi d’Antisthène, qui est mort. Et ensuite Protéas l’a loué pour trois ans dans les mêmes conditions. Hé bien venez ici, témoins !
  1. ὦ βουλή : l’accusé s’adresse ici à l’Aréopage
  2. L’accusation est difficile à réfuter, parce qu’elle a changé en cours de route : l’accusé avait d’abord été poursuivi pour l’arrachage d’un olivier sacré ; mais faute de témoignages, l’accusation n’avait pu tenir en l’état, et il était désormais accusé d’avoir arraché une souche.
  3. Pisandre : un des promoteurs les plus actifs de la «Révolution » oligarghique des Quatre-cents
  4. Apollodore de Mégare s’était acquis la reconnaissance du peuple athénien en participant au meurtre de Phrynicos, ami et collègue de Pisandre.
  5. Le texte permet donc d’établir une chronologie précise :
    • Acheté par Pisandre, le terrain lui est confisqué lors de la chute des 400, en 411
    • Il reste durant 3 ans sans acquéreur, du fait de la guerre (411-409) – ligne 33 ;
    • Il est alors attribué à Apollodore en 408-407
    • Peu avant les Trente, il passe aux mains d’Anticlès, soit vers 405 ;
    • Enfin, l’accusé l’achète une fois la paix revenue, sous l’archontat de Pythodoros en 404-403. Et il le loue aussitôt à Callistratos.
    • Celui-ci le garde deux ans (403-402); puis il est loué pour un an à Démétrios (401), puis à Alcias (400) et enfin à Protéas. L’accusation elle-même a dû être portée vers 397-395.
  6. Manière courante d’indiquer une date – les Romains feront de même avec les consuls. L’archontat de Pythodoros correspond aux années 404-403.

Sur le meurtre d’Ératosthène

Un cocu bien naïf…

[1,6] Ἐγὼ γάρ, ὦ ᾿Αθηναῖοι, ἐπειδὴ ἔδοξέ μοι γῆμαι καὶ γυναῖκα ἠγαγόμην εἰς τὴν οἰκίαν, τὸν μὲν ἄλλον χρόνον οὕτω διεκείμην ὥστε μήτε λυπεῖν μήτε λίαν ἐπ’ ἐκείνῃ εἶναι ὅ τι ἂν ἐθέλῃ ποιεῖν, ἐφύλαττόν τε ὡς οἷόν τε ἦν, καὶ προσεῖχον τὸν νοῦν ὥσπερ εἰκὸς ἦν. Ἐπειδὴ δέ μοι παιδίον γίγνεται, ἐπίστευον ἤδη καὶ πάντα τὰ ἐμαυτοῦ ἐκείνῃ παρέδωκα, ἡγούμενος ταύτην οἰκειότητα μεγίστην εἶναι. [1,7] Ἐν μὲν οὖν τῷ πρώτῳ χρόνῳ, ὦ ᾿Αθηναῖοι, πασῶν ἦν βελτίστη· καὶ γὰρ οἰκονόμος δεινὴ καὶ φειδωλὸς {ἀγαθὴ} καὶ ἀκριβῶς πάντα διοικοῦσα· ἐπειδὴ δέ μοι ἡ μήτηρ ἐτελεύτησε, πάντων τῶν κακῶν ἀποθανοῦσα αἰτία μοι γεγένηται. [1,8] Ἐπ’ ἐκφορὰν γὰρ αὐτῇ ἀκολουθήσασα ἡ ἐμὴ γυνὴ ὑπὸ τούτου τοῦ ἀνθρώπου ὀφθεῖσα, χρόνῳ διαφθείρεται· ἐπιτηρῶν γὰρ τὴν θεράπαιναν τὴν εἰς τὴν ἀγορὰν βαδίζουσαν καὶ λόγους προσφέρων ἀπώλεσεν αὐτήν. [1,9] Πρῶτον μὲν οὖν, ὦ ἄνδρες, (δεῖ γὰρ καὶ ταῦθ’ ὑμῖν διηγήσασθαἰ) οἰκίδιον ἔστι μοι διπλοῦν, ἴσα ἔχον τὰ ἄνω τοῖς κάτω κατὰ τὴν γυναικωνῖτιν καὶ κατὰ τὴν ἀνδρωνῖτιν. Ἐπειδὴ δὲ τὸ παιδίον ἐγένετο ἡμῖν, ἡ μήτηρ αὐτὸ ἐθήλαζεν· ἵνα δὲ μή, ὁπότε λοῦσθαι δέοι, κινδυνεύῃ κατὰ τῆς κλίμακος καταβαίνουσα, ἐγὼ μὲν ἄνω διῃτώμην, αἱ δὲ γυναῖκες κάτω. [1,10] Καὶ οὕτως ἤδη συνειθισμένον ἦν, ὥστε πολλάκις ἡ γυνὴ ἀπῄει κάτω καθευδήσουσα ὡς τὸ παιδίον, ἵνα τὸν τιτθὸν αὐτῷ διδῷ καὶ μὴ βοᾷ. Καὶ ταῦτα πολὺν χρόνον οὕτως ἐγίγνετο, καὶ ἐγὼ οὐδέποτε ὑπώπτευσα, ἀλλ’ οὕτως ἠλιθίως διεκείμην, ὥστε ᾤμην τὴν ἐμαυτοῦ γυναῖκα πασῶν σωφρονεστάτην εἶναι τῶν ἐν τῇ πόλει. [1,11] Προϊόντος δὲ τοῦ χρόνου, ὦ ἄνδρες, ἧκον μὲν ἀπροσδοκήτως ἐξ ἀγροῦ, μετὰ δὲ τὸ δεῖπνον τὸ παιδίον ἐβόα καὶ ἐδυσκόλαινεν ὑπὸ τῆς θεραπαίνης ἐπίτηδες λυπούμενον, ἵνα ταῦτα ποιῇ· ὁ γὰρ ἅνθρωπος ἔνδον ἦν· ὕστερον γὰρ ἅπαντα ἐπυθόμην. 1,12] Καὶ ἐγὼ τὴν γυναῖκα ἀπιέναι ἐκέλευον καὶ δοῦναι τῷ παιδίῳ τὸν τιτθόν, ἵνα παύσηται κλᾶον. Ἡ δὲ τὸ μὲν πρῶτον οὐκ ἤθελεν, ὡς ἂν ἀσμένη με ἑωρακυῖα ἥκοντα διὰ χρόνου· ἐπειδὴ δὲ ἐγὼ ὠργιζόμην καὶ ἐκέλευον αὐτὴν ἀπιέναι, « ἵνα σύ γε » ἔφη « πειρᾷς ἐνταῦθα τὴν παιδίσκην· καὶ πρότερον δὲ μεθύων εἷλκες αὐτήν.» Κἀγὼ μὲν ἐγέλων, [1,13] ἐκείνη δὲ ἀναστᾶσα καὶ ἀπιοῦσα προστίθησι τὴν θύραν, προσποιουμένη παίζειν, καὶ τὴν κλεῖν ἐφέλκεται. Κἀγὼ τούτων οὐδὲν ἐνθυμούμενος οὐδ’ ὑπονοῶν ἐκάθευδον ἄσμενος, ἥκων ἐξ ἀγροῦ. [1,14] Ἐπειδὴ δὲ ἦν πρὸς ἡμέραν, ἧκεν ἐκείνη καὶ τὴν θύραν ἀνέῳξεν. Ἐρομένου δέ μου τί αἱ θύραι νύκτωρ ψοφοῖεν, ἔφασκε τὸν λύχνον ἀποσβεσθῆναι τὸν παρὰ τῷ παιδίῳ, εἶτα ἐκ τῶν γειτόνων ἐνάψασθαι. Ἐσιώπων ἐγὼ καὶ ταῦτα οὕτως ἔχειν ἡγούμην. Ἐδοξε δέ μοι, ὦ ἄνδρες, τὸ πρόσωπον ἐψιμυθιῶσθαι, τοῦ ἀδελφοῦ τεθνεῶτος οὔπω τριάκονθ’ ἡμέρας· ὅμως δ’ οὐδ’ οὕτως οὐδὲν εἰπὼν περὶ τοῦ πράγματος ἐξελθὼν ᾠχόμην ἔξω σιωπῇ. Quant à moi en effet, Athéniens, lorsqu’il me parut bon de me marier et que j’eus conduit une épouse dans ma maison, les premiers temps de me comportais de manière à ne pas la chagriner, ni à lui laisser trop faire ce qu’elle voulait, et je la surveillais comme je le pouvais, et je veillais sur elle, comme il est naturel. Mais lorsque un enfant me vint, désormais je lui fis confiance et lui confiai toutes mes affaires, pensant que c’était le lien le plus fort entre nous. Donc au début, Athéniens, elle était la meilleure de toutes : ménagère avisée, bonne économe, et gérant tout avec rigueur ; mais lorsque ma mère mourut, son décès fut la cause de tous mes maux. C’est en effet en accompagnant son cortège funèbre que ma femme, aperçue de lui, avec le temps se trouva corrompue ; épiant la servante qui allait au marché, et ayant négocié avec celle-ci, il causa la perte de celle-là. Tout d’abord donc, Messieurs les Athéniens, (il faut en effet que ces faits vous soient exposés), ma petite maison est double, également répartie en haut et en bas, pour l’appartement des femmes et celui des hommes. Lorsque le bébé naquit, sa mère l’allaita ; afin, chaque fois qu’elle devait le laver, qu’elle ne risque pas de tomber dans l’escalier, c’est moi qui m’installai en haut, et les femmes en bas. Et c’était désormais une habitude prise, de sorte que souvent ma femme descendait au rez-de-chaussée pour dormir comme l’enfant, afin de lui donner le sein et qu’il ne crie pas. Et il en fut ainsi longtemps, et moi je n’eus jamais de soupçon, mais j’étais naïf au point de penser que ma femme était la plus sage de toutes les femmes de la cité.
Le temps passant, messieurs, j’étais revenu à l’improviste de la campagne, et après le dîner, l’enfant criait et se fâchait, taquiné à dessein par la servante, afin qu’il fasse cela ; c’est que l’homme était à l’intérieur ; en effet, j’ai tout appris plus tard. Et moi j’ordonnai à ma femme d’y aller et de donner le sein à l’enfant afin qu’il cesse de pleurer. Celle-ci tout d’abord ne voulait pas, sous prétexte qu’elle était contente de me voir revenu depuis le temps. Lorsque je me fâchais et lui ordonnais d’y aller, elle me dit « c’est pour que tu fasses la cour à la petite esclave ; avant, quand tu étais ivre, tu cherchais à l’attirer. » Et moi je riais, et elle, s’étant levée et étant sortie, claque la porte, en faisant semblant de jouer, et tire le verrou. Et moi, ne réfléchissant à rien de cela et ne soupçonnant rien, je dormais content, de retour de la campagne. Le jour approchant, elle revint et ouvrit la porte. Comme je lui demandais pourquoi la porte avait grincé durant la nuit, elle prétendit que la lampe qui était près du bébé s’était éteinte, et qu’ensuite on était allé la rallumer chez les voisins. Je me taisais et pensais que c’était vrai. Il me sembla, messieurs, que son visage était maquillé, alors que son frère était mort depuis moins de trente jours ; pourtant, même ainsi je ne dis rien à ce sujet, et je m’en allai en silence.

Pour une étude précise du texte : voir ici.

Contre Agoratos

la terreur sous le gouvernement des Trente

«Ἐπειδὴ τοίνυν, ὦ ἄνδρες δικασταί, θάνατος αὐτῶν κατεγνώσθη καὶ ἔδει αὐτοὺς ἀποθνῄσκειν μεταπέμπονται εἰς τὸ δεσμωτήριον ὃ μὲν ἀδελφήν, ὃ δὲ μητέρα, ὃ δὲ γυναῖκα, ὃ δ’ἥ τις ἦν ἑκάστῳ αὐτῶν προσήκουσα, ἵνα τὰ ὕστατα ἀσπασάμενοι τοὺς αὑτῶν οὕτω τὸν βίον τελευτήσειαν. Καὶ δὴ καὶ Διονυσόδωρος μεταπέμπεται τὴν ἀδελφὴν τὴν ἐμὴν εἰς τὸ δεσμωτήριον, γυναῖκα ἑαυτοῦ οὖσαν. Πυθομένη δ’ ἐκείνη ἀφικνεῖται, μέλαν ἱμάτιον ἠμφιεσμένη, ὡς εἰκὸς ἦν ἐπὶ τῷ ἀνδρὶ αὐτῆς τοιαύτῃ συμφορᾷ κεχρημένῳ. Ἐναντίον δὲ τῆς ἀδελφῆς τῆς ἐμῆς Διονυσόδωρος τά τε οἰκεῖα τὰ αὐτοῦ διέθετο ὅπως αὐτῷ ἐδόκει, καὶ περὶ Ἀγοράτου τουτουὶ ἔλεγεν ὅτι οἱ αἴτιος εἴη τοῦ θανάτου, καὶ ἐπέσκηπτεν ἐμοὶ καὶ Διονυσίῳ τουτῳί, τῷ ἀδελφῷ τῷ αὑτοῦ, καὶ τοῖς φίλοις πᾶσι τιμωρεῖν ὑπὲρ αὑτοῦ Ἀγόρατον. Lorsque donc, juges, ils furent condamnés à mort, et qu’il leur fallait mourir, ils envoient chercher à la prison, l’un une sœur, l’autre sa mère, l’autre sa femme, chacun d’eux celle qui lui est le plus proche, afin qu’ayant embrassé les siens pour la dernière fois ils terminent ainsi leur vie. Et en particulier Dionysodore fait venir ma sœur, qui est sa femme, à la prison. Celle-ci, ayant appris la nouvelle, arrive vêtue d’un manteau noir, comme il convenait pour son mari qui avait subi un tel malheur. En présence de ma sœur, Dionysodore répartit sa fortune personnelle comme il lui semblait bon, et au sujet d’Agoratos ici présent, il disait qu’il était responsable de sa mort, et il me recommandait, ainsi qu’à Dionysios que voici, son frère, et à tous ses amis, de tirer vengeance d’Agoratos pour ce crime.
  • Καταγιγνώσκειν τινὸς θανατον : condamner quelqu’un à mort
  • Μεταπέμπομαι : mander, envoyer chercher
  • Προσήκων, ουσα, ον : parent, proche
  • ἀσπασάμενοι < ἀσπάζομαι : caresser, embrasser
  • τὰ ὕστατα : pour la dernière fois
  • ἀμφιέννυμι < ἠμφιεσμαι (parfait passif) : vêtu de
  • ἐναντίον + G : ici, « en présence de », sans idée d’hostilité
  • ἐπισκήπτω τινὶ + infinitif : recommander à quelqu’un de faire quelque chose (recommandations d’un mourant)

Commentaire

En 405, après le désastre d’Ægos Potamos, les Spartiates vainqueurs imposent aux Athéniens la destruction des Longs Murs qui reliaient Athènes à son port du Pirée, et surtout le pouvoir de trente oligarques choisis parmi les aristocrates Athéniens hostiles à la démocratie. Ceux-ci vont imposer à la cité un régime de terreur : arrestations arbitraires, exécutions, confiscations… Cela dura deux longues années, jusqu’à la victoire de Thrasybulle, qui rétablit la démocratie.

Lysias fut lui-même victime des Trente : son frère, riche armateur métèque, fut arrêté et assassiné, et lui-même ne dut son salut qu’à une évasion qu’il raconte dans le Contre Ératosthène. Par la suite, devenu logographe, il mit son talent, entre autres, au service des victimes des Trente.

Ici, il plaide contre Agoratos, un dénonciateur au service des Trente, qui a indirectement provoqué la mort de nombreuses victimes, entre autres un certain Dionysodore, dont nous voyons ici les derniers moments.

Une scène pathétique

Nous assistons aux derniers moments des condamnés : après la sentence, ils ont eu le droit de faire venir à la prison femmes et sœurs pour régler leurs affaires ; la scène, sans larmes ni cris, est empreinte d’une grande dignité.

La présence des femmes, exceptionnelle en Grèce (les femmes étaient la plupart du temps recluses chez elles) souligne le caractère tragique de la scène : avant même l’exécution, nous assistons à une cérémonie funèbre. D’ailleurs, la femme de Dionysodore est vêtue de noir, en signe de respect. Le narrateur (un logographe écrit pour un client, qui prononcera lui-même le discours) est directement impliqué : l’épouse de Dionysodore est aussi sa sœur. Malgré l’atrocité de la situation, chacun fait preuve de sang-froid, règle au mieux sa succession, et charge le narrateur de sa vengeance. Le discours présent prend ainsi un caractère sacré : il s’agit des dernières volontés d’un défunt, ce qui engage à la fois le plaideur et les juges.

Un témoignage historique

Pour nous, lecteurs du XXIème siècle, ce texte présente un intérêt historique évident. Il dépeint d’abord le régime de la dictature : ses dénonciations, ses arrestations arbitraires, le tragique de l’époque. Il montre aussi que les tyrans s’efforçaient de conserver au moins les formes légales : procès, emprisonnement, exécutions dans les règles après que les familles aient été prévenues… (même si, comme le montre par exemple le Contre Ératosthène, nombre de ces procès avaient pour seul but de s’emparer des biens des condamnés)…

Mais il montre aussi, indirectement, la dureté de l’épuration qui a suivi : Agoratos, ici accusé, fit partie de ceux qui subirent une véritable chasse après le retour de la démocratie : être soupçonné d’avoir servi les Trente, d’avoir d’une manière ou d’une autre collaboré avec les tyrans, fût-ce seulement en siégeant au conseil, valait condamnation, sinon à mort, du moins à l’exil…

Conclusion

Les discours de Lysias constituent pour nous des témoignages sur la vie quotidienne ; ici, nous percevons le traumatisme profond et durable que la dictature des Trente a causé dans la société athénienne, tant à cause de l’atrocité des exactions commises, que par les tensions qui subsistèrent longtemps au sein de la cité.

Contre Simon

Sur une agression à domicile, § 28-30

Version donnée au concours d’entrée à l’ENS de Paris en juin 2014.

Λέγει δ’ ὡς ἡμεῖς ἤλθομεν ἐπὶ τὴν οἰκίαν τὴν τούτου ὄστρακον ἔχοντες, καὶ ὡς ἠπείλουν αὐτῷ ἐγὼ ἀποκτενεῖν, καὶ ὡς τοῦτό ἐστιν ἡ πρόνοια. ἐγὼ δ’ ἡγοῦμαι, ὦ βουλή, ῥᾴδιον εἶναι γνῶναι ὅτι ψεύδεται, οὐ μόνον ὑμῖν τοῖς εἰωθόσι σκοπεῖσθαι περὶ τῶν τοιούτων, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἄλλοις ἅπασι. τῷ γὰρ ἂν δόξειε πιστὸν ὡς ἐγὼ προνοηθεὶς καὶ ἐπιβουλεύων ἦλθον ἐπὶ τὴν Σίμωνος οἰκίαν μεθ’ ἡμέραν, μετὰ τοῦ μειρακίου, τοσούτων ἀνθρώπων παρ’ αὐτῷ συνειλεγμένων, εἰ μὴ εἰς τοῦτο μανίας ἀφικόμην ὥστε ἐπιθυμεῖν εἷς ὢν πολλοῖς μάχεσθαι, ἄλλως τε καὶ εἰδὼς ὅτι ἀσμένως ἄν με εἶδεν ἐπὶ ταῖς θύραις ταῖς αὑτοῦ, ὃς καὶ ἐπὶ τὴν ἐμὴν οἰκίαν φοιτῶν εἰσῄει βίᾳ, καὶ οὔτε τῆς ἀδελφῆς οὔτε τῶν ἀδελφιδῶν φροντίσας ζητεῖν με ἐτόλμα, καὶ ἐξευρὼν οὗ δειπνῶν ἐτύγχανον, ἐκκαλέσας ἔτυπτέ με ;
Καὶ τότε μὲν ἄρα, ἵνα μὴ περιβόητος εἴην, ἡσυχίαν ἦγον, συμφορὰν ἐμαυτοῦ νομίζων τὴν τούτου πονηρίαν· ἐπειδὴ δὲ χρόνος διεγένετο, πάλιν, ὡς οὗτός φησιν, ἐπεθύμησα περιβόητος γενέσθαι; Καὶ εἰ μὲν ἦν παρὰ τούτῳ τὸ μειράκιον, εἶχεν ἄν τινα λόγον τὸ ψεῦδος αὐτῷ ὡς ἐγὼ διὰ τὴν ἐπιθυμίαν ἠναγκαζόμην ἀνοητότερόν τι ποιεῖν τῶν εἰκότων· νῦν δὲ τούτῳ μὲν οὐδὲ διελέγετο.
Il dit encore que nous sommes allés chez lui armés de tessons, que je menaçai de le tuer, et que c’est cela la préméditation. Mais, je pense, citoyens du Conseil, qu’il est facile de reconnaître qu’il ment, non seulement pour vous, qui avez l’habitude d’examiner des cas de ce genre, mais pour tous les autres. À qui pourrait-il sembler crédible que, délibérément, en vue d’un guet-apens, je sois allé à la maison de Simon, en plein jour, avec le jeune garçon, alors qu’il y avait tant de gens autour de lui, à moins d’être assez fou pour avoir envie de me battre seul contre cette foule, sachant surtout que Simon serait enchanté de me voir à la porte de sa maison, lui qui avait rôdé autour de la mienne et y avait pénétré de force, qui, sans se soucier de la présence de ma sœur et de mes nièces, avait osé me chercher et, après avoir découvert l’endroit où je dînais, m’appeler dehors pour me frapper ?
Et à ce moment-là afin de ne pas être discrédité, je me suis tenu tranquille, pensant que sa méchanceté me mettait moi-même dans une fâcheuse situation, et par la suite, à l’en croire, j’aurais voulu à nouveau être discrédité ! Si encore le jeune garçon avait vécu chez lui, ce mensonge aurait une apparence de raison : j’aurais été contraint par la passion à commettre cette invraisemblable folie. Mais en réalité, il ne lui parlait même pas.

Pseudo-Lysias

Contre Andocide

Sur Andocide, voir ici.

Andocide a profané les mystères d’Eleusis et mutilé les statues d’Hermès.

Μνήσθητε, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τὰ πεποιημένα Ἀνδοκίδῃ, ἐνθυμήθητε δὲ καὶ τῆς ἑορτῆς δι’ἣν ὑπὸ τῶν πολλῶν προὐτιμήθητε. Ἀλλ’ἐστὲ γὰρ ὑπὸ τῶν τούτου ἁμαρτημάτων ἤδη καταπλῆγες διὰ τὸ πολλάκις ἰδεῖν καὶ ἀκοῦσαι, ὥστε οὐδὲ τὰ δεινὰ ἔτι δεινὰ δοκεῖ ὑμῖν εἶναι. Ἀλλὰ προσέχετε τὸν νοῦν, δοκείτω δ’ὑμῖν ἡ γνώμη ὁρᾶν ἃ οὗτος ἐποίει, καὶ διαγνώσεσθε ἄμεινον. Οὗτος γὰρ ἐνδὺς στολὴν, μιμούμενος τὰ ἱερὰ ἐπεδείκνυ τοῖς ἀμυήτοις καὶ εἶπε τῇ φωνῇ τὰ ἀπόρρητα, τῶν δὲ θεῶν, οὓς ἡμεῖς νομίζομεν καὶ θεραπεύοντες καὶ ἁγνεύοντες θύομεν καὶ προσευχόμεθα, τούτους περιέκοψε. Καὶ ἐπὶ τούτοις ἱέρειαι καὶ ἱερεῖς στάντες κατηράσαντο πρὸς ἑσπέραν καὶ φοινικίδας ἀνέσεισαν, κατὰ νόμιμον τὸ παλαιὸν καὶ ἀρχαῖον. Ὡμολόγησε δὲ οὗτος ποιῆσαι. Ἔτι δὲ παρελθὼν τὸν νόμον ὃν ὑμεῖς ἔθεσθε, εἴργεσθαι τῶν ἱερῶν αὐτὸν ὡς ἀλιτήριον ὄντα, εἰσελήλυθεν ἡμῶν εἰς τὴν πόλιν, καὶ ἔθυσεν ἐπὶ τῶν βωμῶν ὧν οὐκ ἐξῆν αὐτῷ καὶ ἀπήντα τοῖς ἱεροῖς περὶ ἃ ἠσέβησεν, εἰσῆλθεν εἰς τὸ Ἐλευσίνιον, ἐχερνίψατο ἐκ τῆς ἱερᾶς χέρνιβος. Τίνα χρὴ ταῦτα ἀνασχέσθαι ; Ποῖον φίλον, ποῖον συγγενῆ, ποῖον δικαστὴν χρὴ τούτῳ χαρισάμενον κρύβδην φανερῶς τοῖς θεοῖς ἀπεχθέσθαι ; Νῦν οὖν χρὴ νομίζειν τιμωρουμένους καὶ ἀπαλλαττομένους Ἀνδοκίδου τὴν πόλιν καθαίρειν καὶ ἀποδιοπομπεῖσθαι καὶ φαρμακὸν ἀποπέμπειν καὶ ἀλιτηρίου ἀπαλλάττεσθαι, ὡς ἓν τούτων οὗτος ἐστι.

Pseudo-Lysias, Contre Andocide, 50.

Souvenez-vous, Athéniens, de ce qu’a commis Andocide, songez à la fête grâce à laquelle vous êtes honorés dans le monde. Mais à quoi bon : vous êtes désormais tétanisés par ses fautes, à force d’en voir et d’en entendre, si bien que même les crimes abominables ne vous semblent plus abominables. Hé bien, soyez attentifs, que votre esprit se représente ce qu’il a fait, et vous jugerez mieux. Cet homme en effet, revêtu de la robe [d’hiérophante], parodiant les mystères les a révélés aux non-initiés, et il a prononcé à haute voix les formules sacrées, et les dieux auxquels nous croyons, à qui nous adressons des sacrifices et des prières, en leur rendant un culte et en nous purifiant, il les a mutilés. Et c’est pour cela que prêtresses et prêtres, debout, tournés vers le couchant l’ont couvert d’imprécations et ont levé les bannières de pourpre, conformément au vieil et antique usage. Et lui-même a reconnu avoir commis ces actes. En outre, transgressant la loi que vous aviez instituée, de l’écarter des temples comme impur, il est venu dans notre ville, il a fait des sacrifices sur les autels qui lui étaient interdits, il s’est présenté aux cérémonies qu’il avait profanées, il est entré dans l’Eleusinion, il s’est lavé les mains avec l’eau sacrée. Qui doit supporter ces actes ? Quel ami, quel parent, quel juge doit, pour être en secret complaisant envers lui, encourir la haine éclatante des dieux ? A présent, donc, il faut considérer qu’en punissant et en chassant Andocide vous purifiez la ville et écartez d’elle une souillure, vous chassez une victime expiatoire, et vous vous débarrassez d’un être impur, car il est tout cela à lui seul.
  • ἀλλὰ γὰρ : mais [je m’arrête] car ; mais à quoi bon ? mais non.
  • καταπλήξ, ῆγος : frappé de crainte (sens courant). Ici, la nuance est plutôt « insensibles, blasés ».
  • διὰ τὸ πολλάκις ἱδεῖν : lieu commun dans les procès (« à force d’en voir… ») comme le « δοκείτω δ’ὑμῖν ὁρᾶν» qui suit : il faut que votre imagination se représente… Il s’agit de ranimer la colère des juges, ou ici du public.
  • ἡ στολή : la longue robe de l’hiérophante, le prêtre le plus élevé dans la hiérarchie sacerdotale d’Eleusis. Voir cours sur les Mystères.
  • ἁγνεύω : être pur, avoir les mains pures
  • προσεύχομαι : adresser une prière. Θεραπεύοντες et προσευχόμεθα exigeraient un datif, νομίζομεν demande lui un accusatif : οὕς qui se retrouve en facteur commun. Grande souplesse du grec !
  • Le pseudo-Lysias confond ici deux affaires : la profanation des Mystères et la mutilation des Hermès. Voir Sur les Mystères, d’Andocide.
  • καταράομαι-ῶμαι : faire des vœux contre ; en réalité, c’est contre Alcibiade que ces imprécations ont eu lieu : cf. Plutarque, Vie d’Alcibiade, 22,4.
  • φοινικίς, -κίδος : bannière de pourpre pour les cérémonies d’imprécation.
  • εἴργω : écarter, repousser
  • ἀλιτήριος, ος, ον : coupable, criminel envers la divinité
  • ἀπαντάω-ῶ : se présenter à (+ dat.)
  • χερνίπτω : se laver les mains avec l’eau lustrale avant un sacrifice
  • ἡ χέρνιψ, ιβος : l’eau lustrale
  • ἀνέχομαι : supporter
  • κρύβδην : en cachette. Antithèse κρύβδην / φανερῶς : jeu de mots. Le vote était secret, mais les Dieux, eux, voient tout…
  • ἀποδιοπομπέομαι-οῦμαι : chasser une souillure
  • φαρμακὸς : empoisonneur, victime expiatoire.
  • ἕν τούτων « une seule chose de toutes celles-là » : tout cela à lui tout seul.

Discours aux Jeux Olympiques

Un orateur, dans un discours aux jeux olympiques, invite les Grecs à cesser leurs discordes.

Ἄλλων τε πολλῶν καὶ καλῶν ἔργων ἔνεκα, ὦ ἄνδρες, ἄξιον Ἡρακλέους μεμνῆσθαι, καὶ ὅτι τόνδε τὸν ἀγῶνα πρῶτος συνήγειρε δι’ εὔνοιαν τῆς Ἑλλάδος. Ἐν μὲν γὰρ τῷ τέως χρόνῳ ἀλλοτρίως αἱ πόλεις πρὸς ἀλλήλας διέκειντο· ἐπειδὴ δὲ ἐκεῖνος τοὺς τυράννους ἔπαυσε καὶ τοὺς ὑβρίζοντας ἐκώλυσεν, ἀγῶνα μὲν σωμάτων ἐποίησε, φιλοτιμίαν δὲ πλούτου, γνώμης δ’ ἐπίδειξιν ἐν τῷ καλλίστῳ τῆς Ἑλλάδος, ἵνα τούτων ἁπάντων ἕνεκα εἰς τὸ αὐτὸ συνέλθωμεν, τὰ μὲν ὀψόμενοι, τὰ δ’ ἀκουσόμενοι· ἡγήσατο γὰρ τὸν ἐνθάδε σύλλογον ἀρχὴν γενήσεσθαι τοῖς Ἕλλησι τῆς πρὸς ἀλλήλους φιλίας. Ἐκεῖνος μὲν οὖν ταῦθ’ ὑφηγήσατο, ἐγὼ δὲ ἥκω οὐ μικρολογησόμενος οὐδὲ περὶ τῶν ὀνομάτων μαχούμενος. Ἡγοῦμαι γὰρ ταῦτα ἔργα μὲν εἶναι σοφιστῶν λίαν ἀχρήστων καὶ σφόδρα βίου δεομένων, ἀνδρὸς δὲ ἀγαθοῦ καὶ πολίτου πολλοῦ ἀξίου περὶ τῶν μεγίστον συμβουλεύειν, ὁρῶν οὕτως αἰσχρῶς διακειμένην τὴν Ἑλλάδα, καὶ πολλὰ μὲν αὐτῆς ὄντα ὑπὸ τῷ βαρβάρῳ, πολλὰς δὲ πόλεις ὑπὸ τυράννων ἀναστάτους γεγενημένας. Καὶ ταῦτα εἰ μὲν δι’ ἀσθένειαν ἐπάσχομεν, στέργειν ἂν ἦν ἀνάγκη τὴν τύχην· ἐπειδὴ δὲ διὰ στάσιν καὶ τὴν πρὸς ἀλλήλους φιλονικίαν, πῶς οὐκ ἄξιον τῶν μὲν παύσασθαι τὰ δὲ κωλῦσαι, εἰδότας ὅτι φιλονικεῖν μέν ἐστιν εὖ πραττόντων, γνῶναι δὲ τὰ βέλτιστα τῶν οἵων ἡμῶν ; Ὁρῶμεν γὰρ τοὺς κινδύνους καὶ μεγάλους καὶ πανταχόθεν περιεστηκότας· ἐπίστασθε δὲ ὅτι ἡ μὲν ἀρχὴ τῶν κρατούντων τῆς θαλάττης, τῶν δὲ χρημάτων βασιλεὺς ταμίας, τὰ δὲ τῶν Ἑλλήνων σώματα τῶν δαπανᾶσθαι δυναμένων, ναῦς δὲ πολλὰς μὲν αὐτὸς κέκτηται, πολλὰς δ’ ὁ τύραννος τῆς Σικελίας. Pour d’autres travaux nombreux et glorieux, citoyens, il convient de se souvenir d’Héraklès, et de se rappeler que le premier il organisa ces jeux par bienveillance pour la Grèce. En effet, jusqu’alors les cités étaient hostiles les unes aux autres. Lorsque ce héros eut dépossédé les tyrans et se fut opposé aux orgueilleux, il institua une compétition sportive, une émulation dans le luxe, un concours d’intelligence dans la plus belle contrée de la Grèce, afin que pour toutes ces raisons nous nous réunissions dans un même lieu, pour voir et pour entendre ; il pensa en effet que le fait de se rassembler ici serait pour les Grecs le début de l’amitié mutuelle. Ce héros montra donc le chemin, et moi je ne suis pas venu pour discourir sur des vétilles ni pour chercher querelle sur les mots. Je pense en effet que ces exercices sont le fait des sophistes absolument bons à rien et totalement dénués de ressources, mais qu’il appartient à un homme de bien et à un citoyen de valeur de donner des conseils sur les sujets les plus importants, quand je vois que la Grèce se comporte ainsi honteusement, et qu’une grande part de son territoire est soumise au Barbare, et que de nombreuses cités sont ruinées par des tyrans. Et si nous subissions cela à cause de notre faiblesse, il faudrait bien supporter le sort ; mais puisque c’est à cause de notre désaccord et de notre go t des disputes entre nous, comment ne faudrait-il pas faire cesser l’un, empêcher les autres, sachant qu’aimer les disputes est le fait des gens prospères, mais que reconnaître ce qui est le mieux appartient à des gens tels que nous ? Nous voyons en effet les dangers, grands et qui nous entourent de toutes parts ; vous savez que le pouvoir appartient à ceux qui dominent la mer, que le Roi est détenteur de l’argent, que la vie des Grecs appartient à ceux qui peuvent dépenser, qu’il possède lui-même beaucoup de navires, et que le tyran de Sicile en possède aussi beaucoup.

 

Pseudo Lysias : éloge funèbre

Πρῶτον μὲν οὖν τοὺς παλαιοὺς κινδύνους τῶν προγόνων δίειμι, μνήμην παρὰ τῆς φήμης λαβών: ἄξιον γὰρ πᾶσιν ἀνθρώποις κἀκείνων μεμνῆσθαι, ὑμνοῦντας μὲν ἐν ταῖς ᾠδαῖς, λέγοντας δ’ ἐν τοῖς τῶν ἀγαθῶν ἐγκωμίοις, τιμῶντας δ’ ἐν τοῖς καιροῖς τοῖς τοιούτοις, παιδεύοντας δ’ ἐν τοῖς τῶν τεθνεώτων ἔργοις τοὺς ζῶντας. Ἀμαζόνες γὰρ Ἄρεως μὲν τὸ παλαιὸν ἦσαν θυγατέρες, οἰκοῦσαι δὲ παρὰ τὸν Θερμώδοντα ποταμόν, μόναι μὲν ὡπλισμέναι σιδήρῳ τῶν περὶ αὐτάς, πρῶται δὲ τῶν πάντων ἐφ’ ἵππους ἀναβᾶσαι, οἷς ἀνελπίστως δι’ ἀπειρίαν τῶν ἐναντίων ᾕρουν μὲν τοὺς φεύγοντας, ἀπέλειπον δὲ τοὺς διώκοντας: ἐνομίζοντο δὲ διὰ τὴν εὐψυχίαν μᾶλλον ἄνδρες ἢ διὰ τὴν φύσιν γυναῖκες: πλέον γὰρ ἐδόκουν τῶν ἀνδρῶν ταῖς ψυχαῖς διαφέρειν ἢ ταῖς ἰδέαις ἐλλείπειν.

[2,5] ἄρχουσαι δὲ πολλῶν ἐθνῶν, καὶ ἔργῳ μὲν τοὺς περὶ αὐτὰς καταδεδουλωμέναι, λόγῳ δὲ περὶ τῆσδε τῆς χώρας ἀκούουσαι κλέος μέγα, πολλῆς δόξης καὶ μεγάλης ἐλπίδος χάριν παραλαβοῦσαι τὰ μαχιμώτατα τῶν ἐθνῶν ἐστράτευσαν ἐπὶ τήνδε τὴν πόλιν. τυχοῦσαι δ’ ἀγαθῶν ἀνδρῶν ὁμοίας ἐκτήσαντο τὰς ψυχὰς τῇ φύσει, καὶ ἐναντίαν τὴν δόξαν τῆς προτέρας λαβοῦσαι μᾶλλον ἐκ τῶν κινδύνων ἢ ἐκ τῶν σωμάτων ἔδοξαν εἶναι γυναῖκες. μόναις δ’ αὐταῖς οὐκ ἐξεγένετο ἐκ τῶν ἡμαρτημένων μαθούσαις περὶ τῶν λοιπῶν ἄμεινον βουλεύσασθαι, οὐδ’ οἴκαδε ἀπελθούσαις ἀπαγγεῖλαι τήν τε σφετέραν αὐτῶν δυστυχίαν καὶ τὴν τῶν ἡμετέρων προγόνων ἀρετήν: αὐτοῦ γὰρ ἀποθανοῦσαι, καὶ δοῦσαι δίκην τῆς ἀνοίας, τῆσδε μὲν τῆς πόλεως διὰ τὴν ἀρετὴν ἀθάνατον τὴν μνήμην ἐποίησαν, τὴν δὲ ἑαυτῶν πατρίδα διὰ τὴν ἐνθάδε συμφορὰν ἀνώνυμον κατέστησαν. ἐκεῖναι μὲν οὖν τῆς ἀλλοτρίας ἀδίκως ἐπιθυμήσασαι τὴν ἑαυτῶν δικαίως ἀπώλεσαν. Ἀδράστου δὲ καὶ Πολυνείκους ἐπὶ Θήβας στρατευσάντων καὶ ἡττηθέντων μάχῃ, οὐκ ἐώντων Καδμείων θάπτειν τοὺς νεκρούς, Ἀθηναῖοι ἡγησάμενοι ἐκείνους μέν, εἴ τι ἠδίκουν, ἀποθανόντας δίκην ἔχειν τὴν μεγίστην, τοὺς δὲ κάτω τὰ αὑτῶν οὐ κομίζεσθαι, ἱερῶν δὲ μιαινομένων τοὺς ἄνω θεοὺς ἀσεβεῖσθαι, τὸ μὲν πρῶτον πέμψαντες κήρυκας ἐδέοντο αὐτῶν δοῦναι τῶν νεκρῶν ἀναίρεσιν, νομίζοντες ἀνδρῶν μὲν ἀγαθῶν εἶναι ζῶντας τοὺς ἐχθροὺς τιμωρήσασθαι, ἀπιστούντων δὲ σφίσιν αὐτοῖς ἐν τοῖς τῶν τεθνεώτων σώμασι τὴν εὐψυχίαν ἐπιδείκνυσθαι: οὐ δυνάμενοι δὲ τούτων τυχεῖν ἐστράτευσαν ἐπ’ αὐτούς, οὐδεμιᾶς διαφορᾶς πρότερον πρὸς Καδμείους ὑπαρχούσης, οὐδὲ τοῖς ζῶσιν Ἀργείων χαριζόμενοι, ἀλλὰ τοὺς τεθνεῶτας ἐν τῷ πολέμῳ ἀξιοῦντες τῶν νομιζομένων τυγχάνειν πρὸς τοὺς ἑτέρους ὑπὲρ ἀμφοτέρων ἐκινδύνευσαν, ὑπὲρ μὲν τῶν, ἵνα μηκέτι εἰς τοὺς τεθνεῶτας ἐξαμαρτάνοντες πλείω περὶ τοὺς θεοὺς ἐξυβρίσωσιν, ὑπὲρ δὲ τῶν ἑτέρων, ἵνα μὴ πρότερον εἰς τὴν αὑτῶν ἀπέλθωσι πατρίου τιμῆς ἀτυχήσαντες καὶ Ἑλληνικοῦ νόμου στερηθέντες καὶ κοινῆς ἐλπίδος ἡμαρτηκότες.

Tout d’abord, donc, j’évoque en détail les anciens périls où se trouvèrent nos ancêtres, après en avoir recueilli le souvenir dans la légende. Il convient en effet que tous les hommes se souviennent aussi de ces héros, les célébrant dans les chants, les citant dans les éloges des hommes de bien, les honorant dans de telles circonstances, instruisant les vivants par les actions des morts. les Amazones en effet étaient jadis les filles d’Arès ; elles habitaient près du fleuve Thermodon ; seules de leur entourage elles étaient armées d’une épée, et elles furent les premières au monde à monter des chevaux, sur lesquels à l’improviste, grâce à l’inexpérience de leurs ennemis, elles capturaient les fuyards et distançaient les poursuivants. Grâce à leur courage, on les considérait davantage comme des hommes que comme des femmes, qu’elles étaient par nature. Elles semblent en effet plus l’emporter sur les hommes par leur caractère que leur être inférieures par leur aspect.

Elles commandaient de nombreuses tribus, et dans les faits, elles avaient asservi les populations alentour ; mais elles avaient entendu parler, au sujet de notre région, de notre grande renommée ; alors, pour obtenir beaucoup de gloire, et animées d’un grand espoir, elles prirent avec elles les plus belliqueuses des tribus et partirent en expédition contre notre cité. Mais ayant rencontré des hommes vaillants, elles prirent des sentiments conformes à leur nature et revêtirent une apparence contraire à la précédente : elles semblèrent des femmes plus d d’après leur réaction aux dangers que d’après leur physique. A elles seules il ne fut pas possible, après avoir appris de leurs erreurs, de prendre à l’avenir de meilleurs décisions, ni de revenir chez elles pour raconter leur propre malheur et la vertu de nos ancêtres. C’est ici même en effet qu’elles moururent, et, châtiées pour leur folie, elles rendirent le souvenir de cette cité immortel, grâce à sa vertu, et privèrent de gloire leur propre patrie, à cause du malheur qui se produisit en ce lieu. C’est ainsi que ces femmes, pour avoir indûment convoité la terre étrangère, perdirent la leur en toute justice.

Adraste et Polynice, qui avaient marché contre Thèbes avaient été vaincus, et les Cadméens refusaient de laisser enterrer leurs cadavres. Les Athéniens, estimant que, s’ils avaient commis une faute, ils en avaient, par leur mort, reçu le châtiment le plus rigoureux, que les dieux des enfers étaient frustrés de leurs droits, et qu’en souillant les sanctuaires, on commettait une impiété envers les dieux du ciel, commencèrent par envoyer des hérauts pour demander la permission d’enlever les morts : le devoir des hommes de coeur, pensaient-ils, est de châtier leurs ennemis vivants, mais c’est avoir une médiocre confiance en sa valeur que de l’exercer sur des cadavres. Ne pouvant obtenir gain de cause, ils marchèrent contre les Cadméens, non pour vider une ancienne querelle, ni pour complaire aux Argiens survivants, mais parce qu’ils revendiquaient pour les soldats morts à la guerre le droit à la sépulture. En affrontant l’un des adversaires, c’est pour tous les deux qu’ils combattaient: l’un n’outragerait plus les dieux en offensant les morts ; l’autre ne rentrerait pas dans sa patrie privé d’un honneur traditionnel, exclu d’un droit hellénique et frustré d’une commune espérance.