Le sens temporel de l'imparfait de l'indicatif

Un temps du passé

L'imparfait de l'indicatif situe le procès hors du présent de l'énonciation.

Lorsque Élie Wiesel écrit "ils étaient juifs", en parlant de ses parents et beaux-parents, il situe ce fait hors de son présent, hors du moment actuel, alors qu'il parle d'eux à son fils, après la guerre.

De ce fait, l'imparfait est l'un des temps essentiels du récit et de la description. L'ensemble des imparfaits du texte évoque ce qu'étaient des gens, aujourd'hui disparus, dans une époque antérieure au moment présent.

Un temps imperfectif

L'imparfait de l'indicatif mentionne un fait, sans prendre en compte ni son commencement, ni sa fin.

Soit la phrase « Mes parents parlaient yiddish... ».

Si je la lis hors de tout contexte (et sans savoir que le yiddish a aujourd'hui pratiquement disparu), elle signifie seulement qu'à une époque passée, des gens parlaient cette langue ; mais rien ne m'indique qu'ils soient morts, ni même qu'ils aient aujourd'hui cessé de parler yiddish.

De ce fait, le procès dont rien n'indique qu'il soit achevé peut être perçu comme durable ; et l'on considère souvent que l'imparfait exprime, dans les récits, soit une durée (« Mes parents parlaient yiddish... » est une action qui a eu effectivement une certaine durée) soit une répétition : « Mes parents récitaient les Psaumes à longueur de journée... »

C'est donc un temps qui convient particulièrement à la peinture d'un cadre dans lequel s'inscrira une action ou un événement, ou à la description.

L'imparfait s'oppose au passé simple (ou au passé composé) comme un arrière plan à un premier plan :

"Il sortait de chez lui quand il entendit les sirènes de pompiers."

"Il sortait", action non délimitée, constitue l'arrière-plan ; "il entendit" est l'événement qui surgit sur cet arrière-plan.

L'imparfait de l'indicatif de narration

Il arrive assez rarement que l'imparfait de l'indicatif remplace un passé simple, notamment pour mettre en valeur un fait historique ; dans ce cas, il perd sa valeur durative ; mais son caractère inachevé suggère une suite à l'événement, des conséquences :

"Le 2 décembre 1805, Napoléon remportait la bataille d'Austerlitz."

L'imparfait de l'indicatif du discours indirect

Dans le discours indirect au passé, l'imparfait de l'indicatif remplace le présent du discours direct.

Dans le texte d'Élie Wiesel, la phrase « ...il fallait renoncer à ce qui nous avait aidé à survivre... » n'est pas le discours du père, mais celui, rapporté au style indirect libre, des partisans de l'assimilation.

Le discours direct était : "il faut renoncer..."

Dans le style indirect libre, en l'absence d'un verbe introducteur comme "ils disaient que...", c'est justement le passage à l'imparfait qui marque le passage au discours rapporté.

Pour plus de précision, voir la séquence 56.