« Ennemis publics », Houellebecq / B-H Lévy (2008)

Ennemis publics est un dialogue épistolaire publié chez Flammarion-Grasset en 2008. Deux stars de la littérature tentent de se trouver des points communs, et de dépasser leurs différences, dans un échange de lettres d’un peu plus de six mois, entre janvier et juillet 2008.

Tout semble séparer ces deux hommes : l’un se définit comme « anarchiste de droite », l’autre comme de gauche, venu même (et revenu…) de l’ultra-gauche ; l’un aime une vie sédentaire, sans attache véritable à un sol particulier, certes, mais peu adepte des grands voyages ; l’autre est un globe-trotter que l’on retrouve sur tous les champs de bataille de la planète, de Sarajevo assiégée au Darfour, en passant par l’Afghanistan et bien d’autres…

Tout aussi les réunit et les confond : à commencer par cet étrange rapport d’amour-haine qu’ils éprouvent, face aux médias, à leur public, et à leur propre statut de vedette, tous deux se sentant, finalement, l’objet d’une détestation, voire d’un acharnement quasi universels – à tel point que la lectrice « lambda » que je suis se trouve parfois gênée par leur insistance à se dire victimes de la haine et de la calomnie… Mais je dois à la vérité d’avouer que si j’ai assez peu lu leurs œuvres respectives, je n’ai en revanche jamais parcouru le moindre article de ceux qu’ils désignent comme leurs persécuteurs, les Demonpion, Assouline, et quelques autres.

Je suis toujours étonnée de constater que l’on puisse accorder une telle importance à l’opinion de gens que l’on trouve soi-même parfaitement méprisables, et souffrir à ce point de ce qu’ils peuvent bien raconter…

Ces deux-là, je les connais finalement assez peu ; spontanément, je n’aurais guère de sympathie pour l’islamophobie quelque peu hystérique de l’auteur de Soumission. Quant à BHL, je l’ai souvent aperçu à la télévision, où ses interventions m’ont souvent paru pertinentes et sympathiques – même s’il m’est difficile de passer sur son soutien inconditionnel à Israël, ma critique portant sur le mot « inconditionnel ». Nul peuple, fût-il mille fois victime de l’Histoire, n’a le droit de commettre à son tour des crimes contre un autre peuple.

On voit que j’avais toutes les raisons d’aborder ce petit livre avec circonspection.

Et pourtant, il me séduit.

Parce qu’il est, d’abord, un dialogue entre deux hommes, qui mettent à plat leurs différences, s’expliquent avec franchise et sans concession, sans jamais tomber dans l’agressivité ni le mépris. Ce qui, par les temps qui courent, est déjà en soi exemplaire.

Ensuite parce que chacun d’eux voit d’abord en l’autre un frère, frère ennemi, certes, mais frère d’abord, un être humain doté d’une conscience, d’une sensibilité, à qui il convient d’abord de tendre la main.

Alors au fond, peu importe que sur les sujets abordés, l’engagement, la littérature, la philosophie, la religion, ils parviennent ou non à un accord : ils auront du moins démontré l’essentiel : que l’on peut en parler sereinement, et constater des divergences sans vouloir s’exterminer mutuellement. Et rien que pour cela, merci à eux deux.

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