DOM JUAN DE MOLIÈRE (1665)
Introduction et structure de la pièce | Dom Juan et les femmes : démesure et échec | Dom Juan et la société : contestation et hypocrisie |
Dom Juan et la religion : le défi à Dieu | Sganarelle, un double carnavalesque | Critique et prestige de la démesure |
Bibliographie et synthèse : Dom Juan après Dom Juan | QCM : sur Dom juan, Molière et son temps (nouveau) |
INTRODUCTION : LES CIRCONSTANCES DE LA COMPOSITION DE DOM JUAN.
Directeur de troupe, auteur, metteur en scène et comédien tout à la fois, Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière commence à connaître un grand succès avec les Précieuses ridicules en 1659 et l'École des Femmes, en 1662 ; mais dès ce moment il se heurte au clan dévot, mené par de grands personnages de la cour et par la Reine-mère, Marie de Médicis, qui l'accusent d'irrespect à l'égard du mariage, donc de la religion.
Se croyant fort de la protection du Roi Louis XIV, Molière contre-attaque par une comédie féroce contre l'hypocrisie, le Tartuffe ; la cabale des dévots l'accuse alors d'athéisme, une accusation très grave pouvant mettre sa vie en danger, et fait interdire Tartuffe.
Molière écrit alors, à partir d'août 1664, Dom Juan, destiné à remplacer Tartuffe à l'affiche : courageusement, il y reprend l'attaque contre l'hypocrisie ; Dom Juan fera à son tour l'objet d'une violente attaque des dévots La pièce, créée le 15 février 1665, connaît un vif succès et sera représentée 15 fois jusqu'au 20 mars. Mais Molière ne la fait pas imprimer, et elle ne sera plus représentée de son vivant.
Molière sera désormais plus prudent pour les pièces suivantes : la faveur du Roi est inconstante. Le Misanthrope, qui date de 1666, témoigne de son amertume.
Les sources :
Quand Molière s'empare du thème de Dom Juan, celui-ci est à la mode : en 1625, l'auteur espagnol Tirso de Molina a écrit El Burlador de Sevilla y Convidado de piedra (Le Trompeur de Séville et le convive de pierre) ; deux versions italiennes en ont été tirées, de Cicognini et de Giliberto, dont la seconde a servi de modèle à deux tragi-comédies françaises de Dorimond et de Villiers, intitulées toutes deux Le Festin de pierre ou le Fils criminel. On notera au passage l'origine probable du curieux sous-titre de notre pièce : "Le festin de pierre" résulte sans doute d'une mauvaise traduction de l'espagnol "convidado" : "convive", et non "banquet" !
Le texte :
Non imprimé du vivant de Molière, il sera publié, dans sa version non censurée, en 1682 (Molière est mort en 1673) ; une version censurée (qui reprend les corrections apportées par Molière après la première représentation) paraîtra en Hollande en 1683.
Nous nous appuierons sur le texte de 1682.
Acte I :
1 : Gusman et Sganarelle : éloge du tabac
2 : Dom Juan et Sganarelle è tirade de Dom Juan
3 : Donne Elvire / Dom Juan
Acte II : Intermède PAYSAN
1 : Charlotte - Pierrot
2 : Dom Juan - Charlotte
3 : Dom Juan - Pierrot - Charlotte
4 : Dom Juan - Charlotte - Mathurine
5 : Dom Juan - Charlotte - Mathurine ==> Dom Juan part.
Acte III : PROBLÈME DE LA RELIGION
1 : Dom Juan - Sganarelle ==> tirade de Sganarelle sur la foi
3 : Dom Carlos
4 : Dom Alonse - Dom Carlos - Dom Juan
5 : le tombeau du Commandeur.
Acte IV : VISITES MULTIPLES : DIVERS APPELS A LA CONVERSION.
1 : Dom Juan - Sganarelle
2 : La Violette (Transition )
3 : Monsieur Dimanche (Transition )
4 : Dom Louis
5 : Dom Juan - Sganarelle (Transition)
6 : Dom Juan - Donne Elvire
7 : Souper Dom Juan - Sganarelle
8 : Statue du Commandeur
Acte V :
1 : Dom Louis
2 : Dom Juan - Sganarelle ==> tirade de l'hypocrisie
3 : Dom Carlos
4 : Dom Juan - Sganarelle : scène intermédiaire
BRIÈVETÉ DU DÉNOUEMENT :
5 : Un spectre
LA CONSTRUCTION :
UNE PIÈCE DE FACTURE PEU CLASSIQUE :
Unités de lieu et de temps mises à mal : on a peine à croire à tant de rencontres en un jour ; mais unité de caractère d'un personnage, Dom Juan.
Il s'agit d'un " travelling " qui suit le personnage dans ses pérégrinations.
CONCLUSION :
==> ESTHÉTIQUE BAROQUE.
Le mythe de Dom Juan, avant et après Molière.
1. Les sources
- Espagnoles (Tirso de Molina)
- Italiennes et françaises
Le mythe est double : religieux (DJ libertin) et social-psychologique (DJ séducteur)
2. Molière :
Chez lui les deux aspects se retrouvent, mais insistance sur l'aspect religieux :
- le pauvre
- l'hypocrisie…
3. 18ème siècle : Mozart et Da Ponte :
- l'aspect religieux tend à disparaître : plus de scène du Pauvre.
- Mais Don Giovanni est un séducteur sans scrupule, un être immoral (1ère scène : il tue le Commandeur après avoir failli violer sa fille !)
- C'est un danger social (on est à la veille de 1789), qui révèle durement la lutte paysans ~ noblesse : épisode de Masetto, plus pathétique que l'intermède paysan de Molière. Masetto est digne, et se bat.
4. Le Don Juan romantique, ou post-romantique :
- le défi à Dieu - ou au Diable ! cf. Verlaine : Dom Juan pipé, in Jadis et Naguère.
- Ou sens de l'absurdité, refus de se fixer è proche du héros romantique (Hernani !)
La condamnation morale s'efface, au profit d'une fascination : Baudelaire, Mérimée, Barbey d'Aurévilly…
5. Une résurgence au 20ème siècle :
- film de Losey, ballet de Béjart, nombreux opéras.
- Héros individualiste, anarchiste… refusant toutes les lois : héros positif.
- Le personnage de Mozart l'emporte sur celui de Molière (la question religieuse n'est plus d'actualité ; en revanche, on s'interroge sur le comportement amoureux : homosexualité refoulée ? rapports Sganarelle / Dom Juan !
- Dernier avatar : La Nuit de Valognes, d'Eric-Emmanuel Schmidt (années 90) : Dom Juan, vieilli, est jugé par ses victimes, qui ont déjà choisi le châtiment. Il est condamné à épouser sa dernière
conquête, Angélique. A la surprise générale, Dom Juan accepte, et annonce même qu'il sera fidèle… et complaisant !
La vérité finit par se faire jour : Dom Juan avait bien rencontré l'amour… mais un amour homosexuel, qu'il n'a su ni reconnaître, ni assumer. Et depuis, il est brisé !