Chrétien de Troyes
Chronologie du XIIème siècle
Histoire du XIIème siècle en France
Le roman de chevalerie en France
Erec et Enide, premier roman de Chrétien de Troyes,
est aussi le seul manuscrit contenant son nom en entier : il figure une première fois au vers 9, puis sous sa forme
raccourcie, "Crestien", au vers 26, à la fin du Prologue.
Un auteur au XIIème siècle.
Certains médiévistes récusent la notion d'auteur pour cette époque. En effet, le terme peut recouvrir
des réalités bien différentes :
- Le copiste : le texte ne nous est parvenu que par leur intermédiaire ; les manuscrits dont
nous disposons montrent une grande "mouvance" du texte, susceptible de nombreux changements d'un copiste
à l'autre. Mais, en ce qui concerne Chrétien de Troyes, et Erec et Enide en particulier, nous
avons la chance de posséder un manuscrit particulièrement remarquable, le bnf fr 794 signé d'un
copiste de Provins, Guiot qui nous sert de référence. Ici, nous voyons clairement que le copiste se
distingue de l'auteur : chacun revendique son identité.
- Le jongleur : Il s'agit de celui qui "dit" le texte, au cours d'une "performance", devant un
public assez restreint (au contraire des Chansons de geste qui requéraient un large public) ; ce sont de
purs récitants, à l'égard desquels Chrétien manifeste son mépris :
«D'Erec, le fil Lac, est li contes,
Que devant rois et devant contes
Depecier et corrompre suelent
Cil qui de conter vivre vuelent.» (v. 19-22)
- L'auteur proprement dit : Il s'agit de celui qui a véritablement écrit, c'est-à-dire créé,
parfois par imitation, l'œuvre. Or Chrétien de Troyes s'affirme comme un auteur à part entière.
Chrétien de Troyes
Un clerc du XIIème siècle.
Un prénom courant, peut-être celui d'un juif converti.
Le nom de notre auteur, composé d'un prénom et d'une origine géographique, peut faire penser à
un pseudonyme ; il est tout à fait vain de se demander quel individu il cache.
Le prénom de Chrétien était relativement courant à l'époque ; et il était assez souvent porté
par des Juifs convertis. Or Chrétien a pu être lié à la communauté intellectuelle formée autour
de Rachi(1040-1105), théologien et exégète juif, une communauté bien en cour en Champagne...
Troyes en Champagne, et Troie
Troyes était à l'époque une cité importante, prospère grâce à ses deux grandes foires annuelles,
et important foyer culturel, grâce notamment à l'action d'Henri le Libéral et de son épouse,
Marie de Champagne, fille d'Aliénor d'Aquitaine et de Louis VII. Le milieu évoqué par ce nom
est donc illustre, et dépasse de loin la région champenoise : il se rattache aux cours royales
de France et d'Angleterre.
Mais le nom évoque aussi Troie, la cité antique vaincue par les Grecs, mais dont fut originaire
Énée et son illustre descendance :
- Énée est le héros d'un "roman" contemporain, Eneas, l'un des plus importants
de la "matière de Rome", riche matière littéraire inspirée des héros de l'Antiquité, et mise
précisément en valeur sous l'influence de la Reine d'Angleterre, Aliénor d'Aquitaine ;
- Or, l'un des descendants d'Énée est "Brut" (Brutus !), lui-même ancêtre d'Arthur, personnage
central de la "matière de Bretagne", qui unit ainsi le souvenir Romain à la mythologie celtique !
Or la légende arthurienne est née en 1137, sous la plume de Geoffroy de Monmouth dans son
Historia Regum Britanniae, traduite à la demande d'Henri II Plantagenêt par le clerc
normand Wace dans son Roman de Brut : c'est le point de départ de la légende arthurienne,
dont l'œuvre de Chrétien de Troyes constitue une étape décisive.
Une œuvre considérable
Alors que les auteurs de son époque ne sont, en général, connus que pour un ou deux ouvrages,
Chrétien de Troyes est à la tête d'une œuvre considérable et multiple.
Les romans arthuriens
Chrétien de Troyes est l'auteur assuré de cinq romans :
- Erec et Enide (vers 1170), premier "roman"
de la légende arthurienne ;
- Cligès, seul roman qui n'ait guère connu de postérité ;
- Le Chevalier à la charrette (1178-1181), histoire de Lancelot ;
- Le Chevalier au lion(1178-1181), histoire d'Yvain ;
- Le Conte du Graal (1185), histoire inachevée de Perceval.
Autres œuvres
Outre cet ensemble d'environ 36 000 vers, formant un ensemble (même milieu arthurien, personnages
récurrents, intrigues parfois imbriquées), Chrétien semble être l'auteur d'ouvrages très différents.
Lui-même dresse une bibliographie dans le prologue de Cligès ; on peut donc noter :
- des œuvres inspirées par Ovide : Les Commandements d'Ovide, L'Art d'amour, La
Morsure de l'épaule (cette dernière inspirée de l'histoire de Pélops dans les Métamorphoses) ;
- Du Roi Marc et de la blonde Yseut, légende tristanienne, qui, curieusement, n'est pas
centrée sur le personnage du neveu, Tristan, mais sur celle de Marc, son oncle ;
- La Métamorphose de la huppe, de l'hirondelle et du rossignol, connue sous le titre
de Philomela dans une tardive compilation médiévale ;
- Enfin, deux chansons courtoises, vestiges d'une œuvre lyrique plus étendue, montrent
que Chrétien de Troyes fut probablement le premier trouvère : en contact avec les
Troubadours, comme Bernart de Ventadour, il aurait importé en langue d'oïl la lyrique courtoise
du pays d'oc.
Bibliographie
Outils pour l'étude de Chrétien de Troyes
Études :
- Thierry Delcourt, La littérature Arthurienne, Paris, Presses universitaires de France,
coll. « Que sais-je ? », 2000 (ISBN 978-2130510499)
- Estelle Doudet, Chrétien de Troyes, Tallandier, 2009, 360 p. (ISBN 978-2-84734-340-3)
- Jean Frappier, Chrétien de Troyes : l'homme et l’œuvre, Hatier, 1957
- Philippe Walter, Chrétien de Troyes, Paris, Presses universitaires de France,
coll. « Que sais-je ? », 1997 (ISBN 978-2130483885)
- Norris J. Lacy et Joan Tasker Grimbert, A companion to Chrétien de Troyes, D.S.Brewer, 2008
(ISBN 978-1843841616)
- Leslie T. Topsfield, Chrétien de Troyes : A Study of the Arthurian Romances, Cambridge
University Press, 1981, 376 p. (ISBN 978-0521155298)