Problèmes religieux au XVIème siècle

L’Église catholique régnait sans partage en Europe occidentale depuis le Moyen-Âge – en gros, depuis que les Cathares avaient été exterminés dans le sang. Mais au début du XVIème siècle, des voix s’élèvent, contre les abus d’une Église devenue trop puissante, et exigeant des réformes.

L’Évangélisme

Érasme de Rotterdam, gravure d’Albrecht Dürer, 1526 – Le Louvre Lens.
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Essentiellement représenté par Érasme, puis par Rabelais, l’Évangélisme prône un retour vers la lecture directe des Écritures – à ce titre, il préfigure le protestantisme – et cherche une religion plus pure et plus rationnelle, débarrassée de la superstition (croyance aux Saints et aux miracles).

Parmi les personnalités évangélistes, on trouve Marguerite de Navarre : née en 1492 à Angoulême, Marguerite est la sœur aînée de François 1er. En 1509, elle épouse Charles, duc d’Alençon – un mariage malheureux, sans enfant. A la mort de son mari, en 1526, elle épouse en 1527 Henri d’Albret, roi de Navarre ; elle sera la mère de Jeanne d’Albret, future reine de France, et mère d’Henri de Navarre, qui deviendra Henri IV.

Marguerite de Navarre
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Ouverte aux idées nouvelles, protectrice des arts et des lettres, elle-même écrivain de premier plan, elle fréquente le « cercle de Meaux » fondé en 1521 par Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux, qui deviendra son directeur spirituel, et son vicaire Lefebvre d’Étaples. Elle protègera les membres du Cénacle lorsque celui-ci se trouvera en butte aux persécutions de la Sorbonne, et en particulier du théologien Jérôme Bédier. En 1525, le cercle doit néanmoins disparaître.

Le « Cercle de Meaux », formé de Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux, de Lefebvre d’Étaples, de Farel, de Jacques Pavannes… il part du constat que le bas clergé est d’une inculture totale ; il se révolte également contre le faste de l’église Romaine et la pratique de la simonie (commerce des indulgences par exemple). Il veut réformer l’église, par une lecture et un travail philologique approfondi sur les textes sacrés, que l’on traduira en langue vulgaire, et par un retour à l’église des origines.

Proches des Luthériens et des Calvinistes, les évangélistes restent néanmoins fidèles à l’église traditionnelle, refusant le schisme : ils seront donc tout autant en butte à la haine des réformés qu’aux persécutions des catholiques !

Au sein du catholicisme : gallicans et ultra-montains

Le gallicanisme se réclame de Saint-Louis, et estime que la nécessaire réforme de l’église de France doivent être entreprises par des évêques résident effectivement dans leur diocèse (ce qui va à l’encontre du cumul des évêchés) et non décidées de Rome par le pape. Un tel vœu va à l’encontre des intérêts italiens : un tiers des bénéfices français sont aux mains d’Italiens… résidant à Rome !

Le gallicanisme s’accompagne de critiques sévères à l’égard de la papauté, qui se comporte essentiellement en prince italien ; les gallicans souhaitent réformer le conclave – avec un vote par nation et non par tête, qui favorise les Italiens –, un concile véritablement œcuménique (ce que ne sera jamais le concile de Trente).

Les partisans du gallicanisme sont, sous Henri II, Claude d’Espence (1511-1571), Michel de l’Hospital ( L’Hospital est devenu chancelier en 1560), le connétable Anne de Montmorency (1493-1567) et le cardinal Jean du Bellay (1492-1560). Charles de Lorraine, ennemi personnel de Jean du Bellay, est gallican jusqu’à la fin des années 50 ; il devient ensuite ultramontain (c’est-à-dire favorable au pape et aux Italiens) ; mais il demeure iréniste, c’est-à-dire favorable à la paix, jusqu’à l’assassinat de son frère François en 1563.

Le protestantisme

Le Protestantisme se divise essentiellement, au XVIème siècle, en deux grands mouvements : le luthérianisme, fondé par Luther, né en Allemagne et qui se répand dans une partie de l’Europe, notamment en France, et le calvinisme, du nom de Calvin, centré sur Genève (mais qui, lui aussi, déborde en partie en France, notamment dans les régions proches de la Suisse).

Le Luthérianisme

Martin Luther, par Lucas Cranach l’ancien (1528)

Le 31 octobre 1517, les étudiants du moine et docteur en théologie Martin Luther réagissent à la campagne d’indulgences lancée par Albert de Brandebourg : ils affichent sur la porte de l’église de Brandebourg une lettre rédigée par Martin Luther adressée à Albert de Brandebourg constituée de 95 thèses, à la fois constat des dérives de l’Église, critique virulente des abus et solutions. Parmi les thèses, l’accès de tous à la Bible sans discrimination sociale et l’égalité entre les hommes ont un fort écho dans la population majoritairement paysanne, à tel point qu’elle provoque au printemps 1525 la Bauernkrieg (guerre des paysans) dans le Saint-Empire romain germanique.

Afin de mettre un terme rapide à cette explosion de violence contre la classe dirigeante, les princes se réunissent lors de la première diète de Spire, en 1526. Ils conviennent du décret de l’état d’urgence et décident que chaque prince choisit le culte à pratiquer dans son État, les opposants étant contraints de fuir vers un autre État favorable à leur foi. Cette confessionnalisation est déjà initiée à la fin de 1525 par Jean de Saxe qui institutionnalisa le luthéranisme.

Cependant, absent de cette assemblée formée par ses électeurs, Charles Quint demeure hostile à ces dispositions. Accusé par le Saint-Siège de soutenir Luther, il décide d’endiguer la propagation des thèses luthériennes. Il convoque donc en 1529, avec son frère Ferdinand Ier, une seconde diète de Spire lors de laquelle il révoque toutes les concessions faites par les princes aux paysans. Ainsi, il réinstaure le culte catholique et la messe en latin. Ces derniers réagissent immédiatement sous la conduite de Jean de Saxe en émettant une protestation. Les princes signataires sont appelés « protestants « .

En 1546, l’Empereur choisit l’action militaire, combattant les princes luthériens unis dans la ligue dite de Schmalkalden. Malgré une victoire militaire, une négociation s’impose: Les protestants comptent trop d’adeptes parmi les puissants princes allemands. Une négociation commence à Augsbourg. Le 29 septembre 1555, la Paix d’Augsbourg suspend les hostilités entre les États luthériens et les États catholiques en Allemagne. Elle repose sur un principe fondamental : cuius regio, eius religio soit tel prince, telle religion : c’est le retour à la première diète de Spire, en 1526 !

Le luthérianisme s’est d’abord défini par rejet des Indulgences – idée selon laquelle on peut acheter son salut, quels que soient les crimes commis !

Comme le calvinisme, il repose essentiellement sur les Écritures : Luther est l’auteur d’une traduction de la Bible en allemand, considérée comme l’acte de naissance du « Hochdeutsch », l’allemand moderne.

Les quatre piliers du luthérianisme sont :

  1. Sola gratia, « par la grâce seule » : l’homme n’est pas sauvé par ses œuvres, mais par le don gratuit de Dieu.
  2. Sola fide, « par la foi seule » : ce don se fait par une rencontre personnelle avec Dieu ; la foi n’est ni une doctrine, ni une œuvre humaine ; elle peut naître par la médiation d’un pasteur.
  3. Sola scriptura, « par l’écriture seule » : d’où l’importance de la Bible, et de la prédication qui permet au pasteur de la faire connaître.
  4. Solo Christo, « par le Christ seul ».

Le calvinisme

Jean Calvin (1509-64) peint par un anonyme
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Né en 1509 à Noyon (Picardie), Jean Cauvin fut d’abord étudiant en droit, puis en lettres ; mais en 1533, il se dirige vers la théologie, et adopte les idées de la Réforme, ce qui lui vaut d’être chassé de l’Université de Paris. Alors que l’ « Affaire des placards » (1534) provoque les premières persécutions contre les Réformés, pour les défendre, Calvin rédige en latin sa Christiana religionis institutio qu’il publie en 1536, et traduit lui-même en français en 1541, sous le titre Institution de la Religion chrétienne. Cet ouvrage fonde le mouvement calviniste.

En 1536, Calvin s’installe à Genève, puis à Strasbourg (1538-1541), où il accueille les protestants fuyant les persécutions du Royaume de France. En 1541, il revient définitivement à Genève, rédige les Ordonnances, adoptées comme constitution par le Conseil de la ville, et fonde l’Académie de Genève, université internationale de formation des pasteurs.

A Genève même il doit régler, parfois violemment, des conflits : ainsi, il fit condamner l’humaniste Michel Servet au bûcher en 1553, alors même que la République était menacée par les troupes catholiques du Duc de Savoie.

Devenu citoyen de Genève en 1560, il y mourut en 1564 et fut enterré dans la plus extrême simplicité : on ignore l’emplacement de son tombeau.

Pour Calvin, c’est l’Écriture sainte, et elle seule, qui fixe toute théologie et doit inspirer toute institution humaine.

Dieu a créé le monde bon ; mais le péché originel a conduit les hommes à oublier la conscience de Dieu, ou à n’y parvenir que de manière incomplète ; cependant une claire perception de la révélation a été donnée à l’humanité, par l’Écriture, ou par le « grand livre du monde » : le salut est donc possible pour ceux qui parviennent à comprendre la véritable nature de l’homme – toujours imparfaite – et à se repentir.

Depuis le péché originel, tous les hommes méritent en effet la damnation ; mais le Christ intercède pour les élus (c’est la doctrine de la prédestination).

En ce qui concerne l’Église, Calvin impose une réforme radicale : elle a pour seul rôle de prêcher, et d’administrer les Sacrements, lesquels sont réduits à deux, seuls mentionnés dans les Évangiles : le baptème et l’Eucharistie. Ce sont des mystères auxquels le Christ était spirituellement présent.

Ce sont les calvinistes français que l’on appelle les Huguenots.

Les guerres de religion

Lire l’excellent article de Wikipedia sur la question.