Texte d'étude et traduction

L'enseignement des druides

Un druideInformations[1]

Dans son livre "La Guerre des Gaules", dans laquelle il raconte sa conquête de la Gaule, Jules César se livre, en particulier au livre VI, à un véritable travail d'anthropologue, qui fut longtemps notre seule source pour connaître la civilisation gauloise. Dans le passage ci-dessous, il s'intéresse aux druides, cette institution si caractéristique de la société celtique.

Disciplina in Britannia1 reperta atque inde in Galliam translata esse existimatur, et nunc qui diligentius eam rem cognoscere uolunt plerumque illo2 discendi causa3 proficiscuntur.

Druides a bello abesse consuerunt4 neque tributa una cum reliquis pendunt, militiae uacationem omniumque rerum habent immunitatem. Tantis excitati praemiis, et sua sponte multi in disciplinam conueniunt et a parentibus propinquisque mittuntur. Magnum ibi numerum uersuum ediscere dicuntur. Itaque annos nonnulli XX5 in disciplina permanent. Neque fas esse existimant ea litteris mandare, cum in reliquis fere rebus, publicis priuatisque rationibus, Graecis litteris utantur. Id mihi duabus de causis6 instituisse uidentur, quod7 neque in uulgum8 disciplinam efferri uelint, neque eos qui discunt, litteris confisos, minus memoriae studere ; quod fere plerisque accidit, ut praesidio litterarum diligentiam in perdiscendo9 ac memoriam remittant. Imprimis hoc uolunt persuadere, non interire animas, sed ab aliis post mortem transire ad alios, atque hoc maxime ad uirtutem excitare putant, metu mortis neglecto. Multa praeterea de sideribus atque eorum motu, de mundi ac terrarum magnitudine, de rerum natura, de deorum immortalium ui ac potestate disputant et iuuentuti tradunt.

César, "La Guerre des Gaules", VI, 13-14

Écoutez attentivement la lecture du texte :

L'enseignement des druides selon Jules César (1:42)Informations[2]

Éclaircissements linguistiques

  1. Britannia : "la Bretagne", c'est-à-dire ce que l'on appelle aujourd'hui la Grande-Bretagne.

  2. illo : là-bas

  3. discendi causa : pour apprendre. Discendi est un gérondif, que nous étudierons dans la séquence 19.

  4. consuerunt = consueuerunt : "ont coutume de" ; parfait avec un sens de présent.

  5. XX = uiginti : vingt

  6. duabus de causis : pour deux raisons. On remarquera l'ordre des mots : la préposition s'inclut à l'intérieur du groupe nominal.

  7. quod : "à savoir que"

  8. uulgum : uulgus, -i est un neutre un peu particulier. Il n'a pas de pluriel et se décline ainsi : Nom., Voc., Acc. : uulgus ou uulgum ; gén. : uulgi ; Dat. et Abl. : uulgo.

  9. in perdiscendo : dans l'apprentissage par cœur. Il s'agit d'un gérondif (voir infra, note 3).

Traduction

On pense que leur doctrine a été découverte en Bretagne, et qu'elle fut de là transportée en Gaule ; et aujourd'hui ceux qui veulent la connaître de manière plus approfondie vont la plupart du temps là-bas pour l'apprendre.

Les druides ont coutume de ne pas aller à la guerre et ne paient aucun des tributs avec les autres ; ils sont dispensés du service militaire et exemptés de toutes les autres charges. Séduits par de si grands privilèges, beaucoup de Gaulois viennent spontanément suivre leur enseignement, ou y sont envoyés par leurs parents et leurs proches. Là, dit-on, ils apprennent un grand nombre de vers. C'est pourquoi certains passent vingt ans dans cet apprentissage. Et ils considèrent qu'il n'est pas permis de confier ce savoir à l'écriture, alors que, dans presque toutes les autres affaires publiques et privées, ils se servent des lettres grecques. Cela me semble avoir été institué pour deux raisons : l'une est d'empêcher la vulgarisation de leur science ; et l'autre, d'éviter que leurs disciples, confiants en l'écriture, n'entraînent moins leur mémoire ; car il arrive à presque tout le monde que grâce au secours des lettres ils relâchent leur zèle à apprendre par cœur et à exercer leur mémoire. En premier lieu ils veulent persuader que les âmes ne meurent pas, mais qu'après la mort, elles passent des uns aux autres, et ils pensent que cette croyance est la plus propre à exciter le courage, en éloignant la crainte de la mort. Ils discutent beaucoup également des astres et de leur mouvement, de la grandeur de l'univers et de la terre, de la physique, de la force et de la puissance des dieux immortels, et ils les transmettent à la jeunesse.

Complément

Pour en savoir plus sur la Guerre des Gaules de Jules César