Pline l’Ancien (23-79 apr. J.-C.)

 

Pline l’Ancien

Histoire Naturelle

Livre II

Sur l’astronome Hipparque

 Idem Hipparchus numquam satis laudatus, ut quo nemo magis adprobauerit cognationem cum homine siderum animasque nostras partem esse caeli, nouam stellam et aliam in aeuo suo genitam deprehendit eiusque motu, qua fulsit, ad dubitationem est adductus, anne hoc saepius fieret mouerenturque et eae, quas putamus adfixasideoque ausus rem etiam deo inprobam, adnumerare posteris stellas ac sidera ad nomen expungere organis excogitatis, per quae singularum loca atque magnitudines signaret, ut facile discerni posset ex eo non modo an obirent ac nascerentur, sed an omnino aliquae transirent mouerenturque, item an crescerent minuerenturque,  cælo in hereditate cunctis relicto, si quisquam, qui cretionem eam caperet, inuentus esset. (II, 24, 95)

Le même Hipparque, jamais assez loué, car personne plus que lui n’a démontré la parenté des astres avec l’homme, et que nos âmes sont une partie du ciel, a découvert une nouvelle étoile, et différente, née de son temps, et son mouvement, quand elle brilla, le fit douter et se demander si cela n’arrivait pas plus souvent, et si les étoiles, que nous pensons fixes, n’étaient pas mues, tant et si bien qu’il osa, chose audacieuse même pour un dieu, énumérer pour la postérité les étoiles et contrôler les astres par leur nom au moyen d’instruments inventés, grâce auxquels il désignait les positions et les magnitudes de chacun, afin de pouvoir facilement repérer non seulement s’ils mouraient ou naissaient, mais si quelques uns traversaient complètement le ciel ou étaient mus, de même s’ils croissaient ou diminuaient, laissant le ciel en héritage à tous, s’il se trouve quelqu’un pour accepter la succession.

Livre VII

Mirabilia du bout du monde

Multos ibi quina cubita constat longitudine excedere, non expuere, non capitis aut dentium aut oculorum ullo dolore adfici, raro aliarum corporis partium : tam moderato solis uapore durari. philosophos eorum, quos gymnosophistas uocant, ab exortu ad occasum perstare contuentes solem inmobilibus oculis, feruentibus harenis toto die alternis pedibus insistere. In monte, cui nomen est Nulo, homines esse auersis plantis octonos digitos in singulis habentes auctor est Megasthenes ; 23 in multis autem montibus genus hominum capitibus caninis ferarum pellibus uelari, pro uoce latratum edere, unguibus armatum uenatu et aucupio uesci ; horum supra centum uiginti milia fuisse prodente se Ctesias scribit, et in quadam gente Indiae feminas semel in uita parere genitosque confestim canescere. Idem hominum genus, qui Monocoli uocarentur, singulis cruribus, mirae pernicitatis ad saltum ; eodem Sciapodas uocari, quod in maiore aestu humi iacentes resupini umbra se pedum protegant. Non longe eos a Trogodytis abesse, rursusque ab his occidentem uersus quosdam sine ceruice oculos in umeris habentes. 24 Sunt et satyri subsolanis Indorum montibus (Catarcludorum dicitur regio), pernicissimum animal, iam quadripedes, iam recte currentes humana effigie ; propter uelocitatem nisi senes aut aegri non capiuntur. Choromandarum gentem uocat Tauron siluestrem, sine uoce, stridoris horrendi, hirtis corporibus, oculis glaucis, dentibus caninis.

Pline l’Ancien, Histoire Naturelles, VII, 2, 22-24.

 

Là beaucoup d’hommes (cela est certain) ont plus de cinq coudées, ne crachent jamais, n’éprouvent jamais de douleur de tête, de dents ou d’yeux, et rarement des douleurs dans d’autres parties ; tant est bien mesurée pour les endurer la chaleur du soleil ! Leurs philosophes, qu’on appelle gymnosophistes, gardent depuis le matin jusqu’au soir les yeux fixés sur le soleil, et se tiennent sur un seul pied pendant toute la journée dans des sables brûlants. Mégasthène rapporte que, dans une montagne nommée Nule les hommes ont les pieds tournés à rebours, et huit doigts à chaque pied. (15) Ctésias a écrit que dans beaucoup de montagnes une race d’hommes à têtes de chien s’habille avec des peaux de bête, aboie au lieu de parler, et, armée de griffes, se nourrit du produit de sa chasse sur les quadrupèdes et les oiseaux : il ajoute qu’il y en avait plus de 120.000 en moment où il écrivait ; il rapporte aussi que dans une certaine nation indienne les femmes n’engendrent qu’une fois dans leur vie, et que leurs enfants prennent aussitôt une chevelure blanche. (16) Il parle aussi d’hommes appelés Monocoles (monos, unique, kôlon, jambe), qui n’ont qu’une jambe et qui sautent avec une agilité extrême ; il dit qu’on les nomme aussi Sciapodes (skia, ombre, pous, pied), parce que dans les grandes chaleurs, couchés par terre sur le dos, ils se détendent du soleil par l’ombre de leur pied ; qu’ils ne sont pas loin des Troglodytes ; et que près d’eux, à l’occident, se trouvent d’autres hommes qui, privés de cou, ont les yeux dans les épaules. (17) Il y a des satyres dans les montagnes indiennes situées au levant équinoxial : le pays est dit des Catharcludes. Ces satyres sont très rapides ; ils courent tant à quatre pattes que sur leurs deux pieds : ils ont la face humaine, et leur agilité fait qu’on ne les prend que vieux ou malades. Tauron donne le nom de nation des Choromandes à une race sauvage, privée de sois, poussant des cris horriblement stridents, ayant le corps velu, les yeux glauques, des dents de chien.

Les premiers cadrans solaires à Rome

[7,60] LX. 212 Tertius consensus fuit in horarum obseruatione, iam hic ratione accedens, quando et a quo in Graecia reperta, diximus secundo uolumine. Serius etiam hic Romae contigit. XII tabulis ortus tantum et occasus nominantur, post aliquot annos adiectus est et meridies, accenso consulum id pronuntiante, cum a curia inter Rostra et Graecostasin1 prospexisset solem ; a columna Maenia ad carcerem inclinato sidere supremam pronuntiauit, sed hoc serenis tantum diebus, usque ad primum Punicum bellum2. Qui princeps solarium horologium statuisse ante XII annos quam cum Pyrro bellatum est3 ad aedem Quirini L. Papirius Cursor, cum eam dedicaret a patre suo uotam, a Fabio Vestale proditur. Sed neque facti horologii rationem uel artificem significat nec unde translatum sit aut apud quem scriptum id inuenerit. M. Varro primum statutum in publico secundum Rostra in columna tradit bello Punico primo a M. Valerio Messala cos., Catina capta in Sicilia, deportatum inde post XXX annos quam de Papiriano horologio traditur, anno urbis CCCCLXXXX. Nec congruebant ad horas eius lineae, paruerunt tamen ei annis undecentum, donec Q. Marcius Philippus, qui cum L. Paulo fuit censor, diligentius ordinatum iuxta posuit, idque munus inter censoria opera gratissima acceptum est. Etiam tum tamen nubilo incertae fuere horae usque ad proximum lustrum4. Tunc Scipio Nasica collega Laenati primus aqua diuisit horas aeque noctium ac dierum idque horologium sub tecto dicauit anno urbis DXCV. Tam diu populo Romano indiscreta lux fuit.

Pline l’Ancien, Histoire Naturelles, VII, 60.

  1. Le Græcostadium ou Græcostasis était un édifice (le Grécostase) où les ambassadeurs des pays étrangers attendaient l’audience du Sénat.
  2. 264-241 av. J-C
  3. 271 av. J-C
  4. Lustre : période de cinq ans, durée d’une censure.

[7,60] LX. (1) Le troisième point d’accord fut l’observation des heures ; on s’en approchait par le calcul. Quand et par qui elle fut trouvée en Grèce, nous avons dit dans le second livre (II, 78) ; elle s’introduisit tardivement aussi chez les Romains. Dans les Douze Tables on ne nomme que le lever et le coucher du soleil ; quelques années après, on y ajouta l’heure de midi, l’appariteur des consuls l’annonçant quand, du sénat, il apercevait le soleil entre les Rostres et la Graecostasis (XXXIII, 6) ; il annonçait la dernière heure quand l’astre était descendu entre la colonne Maenia et la prison : mais cela seulement les jours de beau temps, jusqu’à la première guerre punique. Le premier qui installa un cadran solaire, onze ans avant la guerre de Pyrrhus, près du temple de Quirinus, fut L. Papirius Cursor, selon le vœu de son père, selon le récit de Fabius Vestalis ; mais il n’indique ni la manière dont ce cadran était disposé, ni l’artisan, ni d’où le cadran avait été apporté, ni dans quel auteur il avait lu ce fait. M. Varron rapporte que le premier cadran établi en public le fut auprès des Rostres, sur une colonne, lors de la première guerre punique, par M. Valérius Messala, consul, après la prise de Catane en Sicile. (3) Il fut donc apporté de là 30 ans après la date assignée au cadran de Papirius, l’an de Rome 490. Mais les lignes qui y étaient tracées ne concordaient pas avec les heures. Cependant on s’en servit quatre-vingt dix- neuf ans, jusqu’à ce que L. Martius Philippus, qui fut censeur avec L. Paulus, en fit poser près de l’autre un mieux approprié ; et parmi les actes de sa censure ce fut un des mieux reçus. (4) Même alors, quand le temps était couvert, les heures étaient incertaines, et il en fut ainsi jusqu’au lustre suivant. Alors Scipion Nasica, collègue de Laenas, marqua le premier, à l’aide d’une clepsydre à eau, les heures tant le jour que la nuit ; il la plaça dans un lieu couvert, et en fit la dédicace l’an de Rome 595. Tel fut le long espace pendant lequel la journée fut sans divisions pour le peuple romain.

Livre VIII

Les défenses des éléphants

Pline l’ancien explique comment réagissent les éléphants quand ils sont chassés pour leur ivoire.

Praedam ipsi in se expetendam sciunt1 solam esse in armis suis, quae Iuba cornua appellat, Herodotus tanto antiquior et consuetudo melius dentes : quam ob rem deciduos casu aliquo uel senecta defodiunt. hoc solum ebur est ; cetero et in his2 quoque, qua corpus intexit, uilitas ossea. quamquam nuper ossa etiam in laminas secari coepere paenuria : etenim rara amplitudo iam dentium praeterquam ex India reperitur ; cetera in nostro orbe cessere luxuriae. Dentium candore intelligitur iuuenta. circa hos beluis summa cura : alterius mucroni parcunt, ne sit proeliis hebes, alterius operario usu fodiunt radices, inpellunt moles ; circumuentique a uenantibus primos constituunt quibus sint minimi, ne tanti proelium putetur, postea fessi inpactos arbori frangunt praedaque se redimunt.

Mirum in plerisque animalium scire quare petantur, sed et fere cuncta quid caueant. Elephans homine obuios forte in solitudine et simpliciter oberrante clemens placidusque etiam demonstrare uiam traditur ; idem uestigio hominis animaduerso prius quam homine intremescere insidiarum metu, subsistere ab olfactu, circumspectare, iras proflare nec calcare, sed erutum3 proximo tradere, illum4 sequenti, simili nuntio usque ad extremum, tunc agmen circumagi et reuerti aciemque derigi : adeo omnium odori durare uirus illud maiore ex parte ne nudorum quidem pedum.

1Sciunt a pour sujet « les éléphants »

2His renvoie aux défenses

3Sous-entendre uestigium

4Illum renvoie à proximo

[8,4] (1) Les éléphants savent que les seules dépouilles qu’on recherche en eux sont leurs défenses, que Juba appelle des cornes, mais qu’Hérodote, bien plus ancien, et l’usage général, désignent sous le nom plus juste de dents : aussi quand ces dents tombent par quelque accident ou par l’effet de la vieillesse, ils les enfouissent. Les défenses seules sont de l’ivoire; au reste, la partie même des défenses qui est cachée dans les chairs n’est que de l’os, et n’a pas de valeur. Cependant, dans ces derniers temps, la pénurie de l’ivoire a fait qu’on s’est mis à couper les os en lames. En effet, il est rare qu’on trouve de grosses défenses, excepté dans l’Inde; dans notre partie du monde, tout l’ivoire qui s’y trouvait a été consommé par le luxe. (2) La blancheur des défenses indique la jeunesse; les éléphants en ont un très grand soin ; ils ménagent la pointe d’une des deux, afin de l’avoir en état pour le combat; ils emploient l’autre pour leurs besoins, à arracher les racines, à mouvoir les corps pesants; entourés par les chasseurs, ils mettent en avant ceux qui ont les plus petites défenses, pour que l’ennemi s’imagine que le butin ne vaut pas le combat; puis, las de résister, ils les brisent contre un arbre, et payent ainsi leur rançon.

[8,5] (1) Il est singulier que presque tous les animaux sachent pourquoi on les poursuit, et que tous sachent ce dont ils doivent se garder. Un éléphant, rencontrant par hasard dans la solitude un homme qui n’est que voyageur, se montre clément et doux, et même, dit-on, lui indique le chemin; mais s’il aperçoit la trace d’un homme avant de voir l’homme même, il tremble de tous ses membres, de peur d’embûches; il flaire et s’arrête, il regarde autour de lui, il souffle avec colère, et il ne marche pas sur l’empreinte, mais il arrache la motte de terre qui la porte, il la donne au suivant, celui-ci à un autre, et ainsi de suite jusqu’au dernier; alors la bande tourne tête, revient sur ses pas et se range en bataille, tant l’odeur de cette empreinte due à des pieds qui, la plupart du temps, ne sont pas même nus, est persistante pour l’odorat de ces animaux.

Livre XVIII

Les animaux permettent la prévision météorologique

Voir ici, cours de latin débutant, cours n° 13.

Traduction Littré, 1877.