Plaute, « La Béotienne » (fragment)

Sur Plaute, voir ici.

Mosaïque de Trèves : Anaximandre inventant le cadran solaire.

Texte et traduction

PARASITUS

Vt illum di perdant primus qui horas repperit
Quique adeo primus statuit hic solarium !
Qui mihi comminuit misero articulatim diem.
Nam unum me puero uenter erat solarium
Multo omnium istorum optimum et uerissimum
Vbi is te monebat, esses nisi cum nil erat.
Nunc etiam quod est, non estur, nisi Soli libet.
Itaque adeo iam oppletum oppidum est solariis,
Maior pars populi aridi reptant fame.

Vbi primum accensus clamarat meridiem…

Traduction

LE PARASITE

Que les dieux perdent premier qui inventa les heures
et qui le premier installa ici un cadran solaire !
Car il m’a brisé ma journée en mille morceaux, malheureux que je suis.
En effet, depuis mon enfance, mon seul cadran solaire était mon ventre,
de loin le meilleur et le plus vrai de tous ceux-là,
Quand il t’avertissait, tu mangeais, sauf quand il n’y avait rien à manger.
Maintenant, même quand il y a de quoi, on ne mange pas, sauf si cela plaît au Soleil.
Du coup, alors que désormais la ville est remplie de cadrans solaires,
la plupart des gens se traînent, desséchés par la faim.

Dès que l’huissier avait annoncé midi…

Commentaire

Ce fragment, cité par Aulu-Gelle, appartiendrait à une comédie intitulée La Béotienne, qui ne figure pas dans le corpus des 21 pièces énumérées par Varron. On ne sait rien de l’intrigue ; les Béotiens n’étaient pas seulement, pour les Athéniens – rappelons que les pièces étaient censées se passer en Grèce, et qu’elles étaient souvent inspirées par des pièces de la nouvelle comédie athénienne – les concitoyens d’Œdipe et d’Antigone, mais aussi, surtout, « l’étranger proche » dont on adore se moquer.

Le monologue ici présenté est dit par un parasite ou pique-assiette (l’ancêtre de notre Neveu de Rameau), personnage récurrent dans la comédie (voir par exemple Les Ménechmes) qui se caractérise par un solide appétit et une absence totale de scrupules. C’est un homme libre, mais pauvre, qui vit aux dépens de ceux qui veulent bien le recevoir.

Il est question ici du cadran solaire : il s’agit probablement d’une invention assez récente à Rome en ce IIIème siècle av. J-C, probablement venue du monde grec (on se souviendra qu’Anaximandre passe pour en être l’un des inventeurs). Si l’objet était complètement entré dans les mœurs, on ne trouverait plus personne pour râler contre cette invention…

Le ventre comme cadran solaire personnel : la métaphore sera reprise par Ammien Marcellin (23, 6, 77) : « uenter unicuique uelut solarium est« , « le ventre est pour chacun comme un cadran solaire ».

Sur les horaires des repas à Rome, voir ici.