La République en crise (79-49 av. J-C)

La conjuration de Catilina

« Quousque tandem, Catilina… »

La situation politique :

Emergence des « imperatores » (= généraux en chef), à la tête de puissantes armées, et pleins d’ambitions politiques : César, qui s’est illustré en Orient, notamment contre Mithridate, et surtout Pompée.

Trois partis se disputent le pouvoir :

  • Les « Optimates », aile la plus conservatrice de la Nobilitas, très attachée à la tradition oligarchique, représentée notamment par Caton.
  • Les « Equites », milieux d’affaires, qui s’appuient sur Pompée et Cicéron
  • Les « Populares », prêts à s’appuyer sur une plèbe appauvrie, une noblesse désargentée et révoltée, et des hommes de main prêts à toutes les aventures. Ils ont la sympathie de César et de Crassus – jusqu’à un certain point.

Dans cette situation, Cicéron cherche à créer une « concordia ordinum« , alliance « au centre » qui réunirait milieux d’affaires et nobiles modérés, en éliminant à la fois les ultra-conservateurs du Sénat et les aventuriers « populares« . Cette union permettrait aussi de défendre le pouvoir civil contre les Imperatores, surtout César – Cicéron s’étant acquis le soutien de Pompée.

NB : si, dans une certaine mesure, on peut identifier les « optimates » à une « droite », les « populares » seraient très abusivement assimilés à un parti de « gauche », selon une distinction datant de la Révolution française. S’ils prônent parfois une réforme agraire, ils cherchent surtout à s’emparer du pouvoir, et ne voient dans le peuple qu’un appui et un réservoir d’hommes de mains.

La situation économique :

  • Crise agraire, après les guerres puniques et les conquêtes orientales ; extension considérable de la grande propriété (jusqu’à 250 hectares), produisant de manière extensive, avec un grand nombre d’esclaves, des produits rentables : vignes, oliviers, plus que le blé. Or les rendements sont faibles, notamment à cause d’un outillage défaillant : on n’utilise que la faucille, 6 fois moins rentable que la faux !
  • Guerres permanentes : chaque année, jusqu’à la fin de la guerre, mobilisation de 15 à 20 légions, soit à peu près 100 000 citoyens et presque autant d’alliés, tous en âge de produire et de travailler.
  • Transformation brutale de la société : apparition des « negotiatores« , trafiquants ou hommes d’affaires opérant dans l’Orient hellénistique ; depuis la disparition de Corinthe et de Carthage, toutes deux anéanties en 146, il n’y a plus de concurrence pour Rome.
    • Enorme trafic d’esclaves, qui transitent par Délos, devenue port franc en 165 ; par dizaines de milliers (50 000 d’un coup après la prise de Carthage, autant en Sardaigne, 150 000 Macédoniens après la prise de Pydna)
    • Très grands convois de blé d’Etrurie, de Sicile, d’Espagne, d’Afrique ou de Gaule
    • Les banquiers des villes d’Orient leur prêtent à des taux usuraires : 48 % au lieu de 12 % à Rome. Mais en 67,  une grave crise de crédit va sévir à Rome en raison des troubles d’Orient : les créances seront brutalement exigées, entraînant la ruine de nombreux Nobiles… dont Catilina.

Les événements :

  • 146 av. J-C : prise de Carthage par Scipion Emilien
  • 133 : prise de Numance. La Gaule méridionale devient Provincia Romana, d’où un afflux de blé qui ruine les paysans romains. Les chevaliers et les sénateurs s’enrichissent, les uns en pillant les provinces, les autres en usurpant l’Ager publicus. Tiberius et Caïus Gracchus proposent des lois agraires et frumentaires : en 133, Tiberius est assassiné.
  • 121 : assassinat de Caïus Gracchus.
  • 121-109 : Le gouvernement est aux mains des propriétaires fonciers, « optimates », qui s’opposent au parti populaire. Sylla, qui appartient aux premiers, mène la guerre sociale ; Marius est le chef du parti populaire.
  • 108 : naissance de Catilina
  • 107 : consulat de Marius, qui réforme l’armée, termine la guerre contre Jugurtha, les Cimbres… Sylla, lui, fait la guerre contre Mithridate.
    Catilina grandit sous le gouvernement populaire de Marius, qu’il admire.
  • 88 :  Sylla est consul : proscriptions contre les Marianistes.
  • 83 : Au retour de Sylla, Catilina, qui a 25 ans, veut se concilier les grâces des vainqueurs : il tue un marianiste, parent de Cicéron.
  • 79 : abdication de Sylla
  • 70 : Consulat de Crassus, vainqueur de Spartacus, et de Pompée, vainqueur des Marianistes, des pirates et futur vainqueur de Mithridate (66).
  • 67 : Catilina se livre au cursus honorum : prêteur, puis proprêteur en Afrique, il est accusé de concussion ; il ne peut se présenter aux élections consulaires de 66.
    • 1er janvier 65 : 1ère conjuration :Catilina veut tuer les deux consuls élus ; échec
    • 5 février 65 : seconde tentative, mais César ne donne pas le signal convenu ; nouvel échec.
    • Printemps 65 : procès des proscripteurs. Catilina est absous, mais le peuple est scandalisé par son acte. Il ne peut donc se présenter aux élections consulaires de 65
    • 64 : Catilina peut enfin être candidat, avec Cicéron et Antoine. Cicéron et Antoine sont élus, soutenus par les chevaliers et les sénateurs. Antoine est neutralisé.
    • Juillet 64-octobre 63 : préparation de la 2ème conjuration ; Catilina lui-même s’occupe de Rome, tandis que Manlius tente de soulever l’Italie.
    • Octobre 63-janvier 62 : les candidats au consulat sont Silanus, Servius Sulpicius, Murena et Catilina.
      • 20-21 octobre 63 : Crassus prévient Cicéron des projets de Catilina ; le 21 octobre, séance du Sénat.
      • 28 octobre : Murena et Silanus sont élus consuls
      • 6-7 novembre : Catilina projette d’incendier Rome, de soulever l’Italie et d’assassiner Cicéron
      • 8 novembre : Cicéron et Catilina se retrouvent au Sénat : 1ère Catilinaire
      • 9 novembre : Catilina est parti, Cicéron triomphe un peu vite : 2ème Catilinaire
      • 3 décembre : propositions de Lentulus aux Allobroges ; il y a désormais des preuves écrites de la conjuration. 3ème Catilinaire, qui est un interrogatoire.
      • 4 décembre : tentative de coup de main pour libérer les prisonniers
      • 5 décembre : le Sénat décide du sort des prisonniers. César prône la clémence, Caton obtient la peine de mort, que Cicéron fait aussitôt exécuter. Celui-ci est raccompagné chez lui en triomphe ; en chemin, ses partisans bousculent César.
      • 5 janvier 62 : Catilina est tué lors d’un combat.

Bibliographie :

  • Voir le portrait de Catilina par Cicéron dans le Pro Caelio.
  • Marcel Bordet, Précis d’histoire romaine, Armand Colin, coll. U, 2000, pp. 128-131.
  • Cicéron, les Catilinaires, in Discours, tome 10, éditions Belles Lettres, 1986
  • Salluste, La Conjuration de Catilina, éditions Belles Lettres, 1981
  • Tite-Live, Histoire Romaine, livres 101 à 103. Ces livres sont perdus, en partie grâce à l’action destructrice du pape Grégoire le Grand, le bien mal nommé, qui vouait une haine fanatique aux lettres profanes. Cf. cette remarque d’Antonin, archevêque de Florence (1446-1459) citée par l’édition de la Pléïade : « Omnes libros quos potuit habere T. Livii, comburi fecit Gregorius, quare ibi multa narrantur de superstitione idolorum ». (p. 10). Un ancêtre des Talibans… Nous ne possédons plus que les sommaires.
  • Plutarque, Vie de Cicéron, in Vies Parallèles, tome 2, Flammarion, GF n° 841, 1996