Athéna

Athéna intéresse moins l’individu que la cité : elle est le type achevé de la divinité poliade ; elle forme souvent des triades avec d’autres divinités, notamment Zeus et Apollon : ils sont unis dans le serment athénien. Pour l’intelligentsia, Athéna est la Déesse par excellente. Elle exprime une civilisation claire, intelligente, raisonnable, sans mystère ni mysticisme.

Origines et légendes

Nous trouvons le culte d’Athéna très tôt et dans des parties très diverses du monde grec. Elle est  mêlée à toutes les légendes locales les plus anciennes ; Athéna est d’abord pré-hellénique.

Une déesse mycénienne

La première Athéna est protectrice des princes régnants de Crète et de Mycènes. Il y a en Crète le culte d’une déesse-serpent, terre-mère. On connaît aussi un culte des arbres, en rapport avec le culte de la déesse de la fécondité. Or l’Athéna primitive a pour compagnon habituel un serpent : Érechthée, dieu-serpent, fils de la terre. Un arbre, l’olivier, était consacré à Athéna. On la reconnaît sur des peintures de Mycènes, dans les palais vivant en autarcie : Athéna artisane. Dans cette société de féodaux, la protection du palais prend un aspect martial. Cette Athéna est retrouvée sur l’Acropole, colline où se trouvait à l’origine un palais mycénien. L’acropole prend le nom de la déesse : Athènè ; par son locatif, Ἀθηναῖ devient pluriel, justifié par le synœcisme (union de plusieurs bourgades) ; Athéna protège la nouvelle cité. Elle est liée à tous les produits du roc, vie animale et végétale des crevasses et des cavernes : olivier, serpent, chouette qui pullulent sur l’Acropole.

Athéna fusionne avec une déesse grecque

L’Athéna mycénienne se heurta à une divinité nordique amenée par les Doriens (?), Pallas Athéna, la Παρθένος, jeune fille ou jeune femme, vierge sévère, rebelle à l’amour. Cette virginité s’est transformée dans l’Athéna classique. Les caractères pré-grecs sont les plus importants. Dans l’Olympe classique, Athéna nous donne l’impression d’une intruse : dans l’Iliade, Arès se plaint de l’arrivée d’Athéna dans le cercle des dieux de l’Olympe.

Naissance fabuleuse d’Athéna

Elle sort toute armée du crâne de Zeus, et devient sa fille bien-aimée. Hésiode lui trouve une mère dans la Théogonie : Métis, la Sagesse ou la ruse, maîtresse choisie par Zeus pour donner la vie à la divinité exemplaire. Zeus pense sa descendance en même temps qu’il l’engendre : « Athéna descendit de mon front dans le ventre de Métis. J’ai pensé Athéna« . Elle est toujours à côté de son père, se bat avec lui contre ses ennemis, les Tritons. Elle tua une Gorgone, Méduse, effigie sur son bouclier.

Les fonctions d’Athéna

Athéna protectrice des cités

Elle est la divinité poliade par excellence, la seule avec Zeus. Elle est devenue la divinité protectrice des cités, toujours dans les temples situés sur les hauteurs. Elle a une valeur religieuse et militaire. Beaucoup de villes ont une image miraculeuse de la déesse, le palladion. On la trouve à Sparte, Rhodes, une multitude de cités : c’est une déesse panhellénique.

Elle est la déesse de la concorde intérieure, réalise l’unanimité qui, dans les conseils, les communautés politiques, inspire les grands conseils de l’État : Athéna Boulaïa. C’est par elle que Périclès a essayé de réaliser son dessein : dépasser la cité pour tenter de créer une nation grecque autour d’Athéna.

Sa cité favorite, Athènes

Le Parthénon – photographie Michèle Tillard, mai 2016

Athéna a choisi Athènes au cours d’une rivalité avec Poséidon. Elle donne l’olivier, providence de l’Attique, nourriture et ombre, huile pour les Athéniens. Elle est chez elle : Athéna Nikè, le Parthénon, l’Érechthéion. Elle est le recours suprème. Quand les Athéniens abandonnent leur cité en 480, au moment des guerres médiques, c’est à Athéna qu’ils la confient ; elle va jusqu’à intercéder avec le destin : interpénétration de la ville et de la déesse.

Déesse vierge et divinité familiale

Elle représente la volonté d’ascèse : elle est fière et jalouse, d’une chasteté farouche, méticuleuse. Tirésias est aveuglé pour l’avoir vue nue : il devient devin. Elle n’excuse pas les faiblesses de la chair, défend l’honneur du foyer familial : elle est déesse du mariage et de la famille.

Athéna Aréia, divinité guerrière

Athéna – musée de l’Acropole à Athènes. Photographie Michèle Tillard, mai 2016

Athéna déteste le meurtre, l’incendie, le pillage : ses caractères guerriers sont la suite logique de ceux de la cité ; celle-ci ne peut vivre si elle n’est pas assez forte. Elle combat aux côtés de ceux qui veulent rester libres. Athéna Promachos combat en avant. Énergique, vaillante, indomptable, terreur des armées, elle est Athéna Nikè, la Victorieuse. Un jour de victoire, elle inventa la trompette ; elle invente aussi le char de guerre. Dompteuse de chevaux, elle devient la déesse de l’art hippique.

Temple d’Athéna Nikè – Acropole d’Athènes
Photographie Michèle Tillard, mai 2016

Athéna déesse de l’industrie et des travaux manuels

Elle aime la vie libre, préside à tous les arts et à tous les travaux de la paix qui expriment la plus haute activité manuelle. Elle tisse un péplos. De petites Athéniennes lui offrent en ce souvenir le péplos qu’elles ont tissé. Athéna Erganè, l’artisane.

La légende d’Arachnè

Arachné est une princesse de Lydie qui prétend tisser mieux qu’Athéna. Elle défie la déesse, qui déchire son œuvre, et transforme la jeune fille en araignée.

Elle est aussi la patronne des potiers (elle invente le tour), des armuriers et des ouvriers du bronze, des charpentiers et des sculpteurs.

Athéna, divinité agricole

Athéna est une déesse chtonienne. Cette divinité de la terre devient fatalement agraire, mais elle n’a pas de traits sombres, cruels (sauf pour Arachné…) ou mystérieux : elle est toujours en pleine lumière. Elle est aussi déesse des eaux et des fontaines.

Athéna, déesse de la santé

Athéna Hygieia a sa statue sur l’Acropole et de nombreux autels : elle est déesse de la bonne santé, guérisseuse, thaumaturge. Elle partage ces pouvoirs avec Apollon, plus disputés avec Asclépios, parce que déesse de la pureté, de l’équilibre physique et moral, de l’harmonie ; c’est une déesse purificatrice. Déesse de la réhabilitation, elle prend la défense de l’homicide involontaire ; déesse de la compréhension, elle pardonne. Elle joue un rôle déterminant dans le procès d’Oreste (voir les procès plaidés au palladion).

Athéna, déesse de la justice

Par l’intelligence et la raison, et par le sentiment ; elle est la déesse de tout savoir et de tout art. Elle exprime et patronne les plus hautes manifestations de l’esprit. Sa sagesse guide les hommes et les États ; son rôle est comparable à celui de Thémis, mais ajoute la compréhension humaine, sensible. La justice d’Athéna est une justice humaine : elle rejette les justices primitives et fonde l’Aréopage, le premier tribunal. Depuis le procès d’Oreste, elle est la voix qui sauve : Oreste représente la libération de l’homme grec face à tous les jougs primitifs. Un tribunal grec créé pour les hommes porte le nom de Palladion en souvenir d’Athéna.

Athéna incarne la vertu de l’hospitalité. Elle inspire les artistes, les poètes, les chercheurs : Athéna Ἀηδών, le « rossignol ».

Le culte d’Athéna

Le culte d’Athéna est célébré partout, spécialement dans les Cyclades, en Thessalie, en Béotie. Elle est vénérée en Attique. Certains villages semblent avoir connu un culte extrêmement ancien. À Athènes, la déesse est continuatrice des divinités préhellènes et la manifestation de Pallas. Les principales fêtes entrent dans leur grande majorité dans un cycle agraire.

  • En octobre-novembre, quatre petites filles de 7 à 11 ans, les Arrhéphores (ἀρρηφόροι) élues par l’Archonte-Roi l’année précédente, logées sur l’Acropole, accomplissaient avant de sortir de leur charge une cérémonie nocturne. Une prêtresse leur met sur la tête une corbeille sacrée au contenu mystérieux ; ainsi chargées, les fillettes descendent de l’Acropole par un souterrain qui traverse la butte et se termine en cul de sac. Arrivées au bout, elles déposent les corbeilles et en rapportent d’autres. Il s’agissait de gâteaux représentant les symboles de la fécondité. On mélange les restes à la semence. Ces gâteaux sont pénétrés de l’influx magique de la terre-mer.
  • Fin novembre, des prêtres (βουζύγης) procèdent au labourage sacré. Derrière eux, d’autres prêtres sèment : ce sont les Βουζυγίαι.
  • Fin de l’hiver, quand les pousses de blé grandissent, on offre à Athéna un sacrifice de reconnaissance et propitiatoire (τὰ προχαριστήρια). Les magistrats assistent à cette fête.
  • Mai-juin :
    • τὰ πλυντήρια. Nettoyage dans les temples d’Athéna, puis procession qui conduisait la statue du culte, parée, vers la mer où on la plongeait. Jour néfaste, liesse populaire et sacrifice.
    • Τὰ ὠσχοφόρια, « la jeune pousse ». Procession sur la voie sacrée qui mène à Éleusis, dans un champ crayeux, sec, on dépose sur le sol la statue et on la frotte avec des cailloux pour sauver la moisson.
    • ἡ συνοικήσις et τὰ νικητήρια : fêtes de la réunion et de la victoire : victoire d’Athéna sur Poséidon – et aussi la victoire de Platées.
  • L’année se termine avec les χαλκεία : fête du bronze.

Les Panathénées

Ces fêtes sont célébrées tous les ans ; les Grandes Panathénées ont lieu tous les quatre ans.

Historique

La tradition attribuait leur fondation à Érichthonios, premier roi d’Athènes. À l’origine, c’était une fête très locale. Plus tard, Thésée, auteur du synœcisme, donne à la fête une résonance beaucoup plus grande, dans toute l’Attique. Jusqu’à Pisistrate, la fête est annuelle ; Pisistrate crée la fête quadriennale. Périclès augmente encore l’ampleur. Les Grandes Panathénées ont toujours lieu la 3ème année de l’Olympiade, le 28 du mois d’Hécatombéion (juillet-août). Elles sont organisées par tous les magistrats, assistés de fonctionnaires : les hiéropes (au nombre de 10, désignés par le sort, chargés de préparer les sacrifices). Il y a aussi 10 athlothètes, chargés des concours – car il y avait 10 tribus.

Les concours

La différence entre les Grandes Panathénées et les autres, c’est que tous les 4 ans il y a des concours  musicaux, gymniques et hippiques ouverts à tous les Grecs.

  • Les concours musicaux inaugurent la fête.
    • Concours de rhapsodes, institué par Pisistrate ;
    • puis concours musical proprement dit : institué par Périclès, qui aurait fait construire l’Odéon pour cela.
    • Concours de poésie avec accompagnement de cithares et d’aulos (flûte à anches) ; puis concours d’aulos, et ensuite de cithare. Les prix étaient une somme d’argent et une couronne de laurier. Il semble y avoir eu un concours pour enfants.
  • Le concours gymnique, institué par Pisistrate. Il n’y avait alors pas de stade à Athènes : localisé près du Pirée, Echalidai. Au IVème siècle, sur la rive gauche de l’Ilissos, stade panathénaïque. Le concours dure deux jours pleins. Course, lutte, pugilat, pancrace et pentathlon. Les concurrents étaient répartis en trois séries : enfants, jeunes gens et hommes. Les prix : des amphores d’huile et lecture des décrets honorifiques.
  • Le concours hippique, le plus ancien, fondé par Érichthonios. Chevaux montés, attelés, voltige et lancer du javelot.
  • Il y avait aussi des petits concours, organisés obligatoirement par certains citoyens désignés dans le cadre des liturgies.

La cérémonie religieuse

Apogée de la fête, le dernier jour des Panathénées. Remise à Athéna d’un nouveau péplos, tissé par les ἀρρηφόροι. Elle avait lieu tous les 2 ou 4 ans, cela a varié selon les époques. Les Arrhéphores choisies par l’Ecclésia se mettaient à l’œuvre 10 mois avant la fête. Pendant les dernières semaines, elles étaient aidées par les Athéniennes. Le péplos était obligatoirement de laine jaune, décoré de scènes représentant la lutte d’Athéna contre les géants. Figurait-il dans la procession ? Seulement quand la remise du péplos coïncidait avec les Grandes Panathénées.

La frise des Panathénées – musée de l’Acropole.

À partir du IVème siècle, le péplos était placé comme une voile sur un char en forme de bateau : emprunt au culte d’Isis. La procession conduit à l’autel d’Athéna sur l’Acropole les victimes qui seront sacrifiées à la déesse. On partait du céramique, et on traversait presque entièrement la ville. Au point du jour, on se mettait en marche. Les principaux magistrats de la cité : prytanes, archontes, stratèges et les trésoriers de la déesse, les sacrificateurs, leurs aides, les canéphores (cf les Caryatides), les athlothètes, les hiéropes, les arrhéphores, une délégation de métèques… On faisait deux stations : sur l’agora, et l’Éleusinion. Puis on montait la voie sacrée dallée de marbre. Athéna Promachos avait deux sacrifices ; puis Athéna Polias avait un grand sacrifice : bœufs et moutons. La viande était partagée selon les dèmes.

Ces fêtes duraient dix jours : c’était un des sommets de la vie d’Athènes.