Tyrtamos, connu sous le pseudonyme de Théophraste, naquit en 372 av. J-C à Érésos, ville de Lesbos. Son père tenait un atelier de foulons, ce qui en faisait un riche industriel.
Il partit faire ses études à Athènes, où Platon achevait sa carrière : il fut l’auditeur de celui-ci jusqu’à sa mort en 347. Il s’attacha alors à Aristote, disciple et successeur de Platon.
En 323, Aristote dut quitter Athènes sous la menace d’une accusation d’impiété : il confia alors la direction de son école à Théophraste, à qui il légua sa bibliothèque.
Durant 35 ans, Théophraste dirigea l’école péripatéticienne, s’adonnant tout entier à l’enseignement et à la recherche. On estimait à environ 240 le nombre des livres qu’il avait écrits, et son enseignement attira des centaines, voire des milliers de disciples à Athènes. Il fut en relation avec les rois et les princes, Cassandre de Macédoine, Ptolémée Sôter, Démétrios de Phalère qui avait été son disciple… On ne connaît guère qu’un incident, au cours de cette vie toute entière vouée à l’étude : en 318, on interdit la tenue d’écoles philosophiques à Athènes, et il dut s’exiler ; mais la mesure fut rapportée dès l’année suivante, et il revint triomphalement.
Il avait acquis le jardin du Lycée, où Aristote, puis lui-même, avaient professé, et le légua à ses disciples : ce lieu devint ainsi le siège officiel de l’École péripatéticienne durant plusieurs siècles.
Il mourut vers 287, à l’âge de 85 ans environ.
L’œuvre de Théophraste
Comme son maître Aristote, Théophraste a écrit une œuvre encyclopédique. S’il créa peu lui-même, il approfondit et compléta l’œuvre de son maître. Sa curiosité universelle toucha à tous les domaines : métaphysique, morale, politique, droit, logique, rhétorique et littérature, physique, géologie….
De cette œuvre immense, il ne reste plus aujourd’hui que des fragments, et deux ouvrages complets : Recherches sur les plantes, et les Causes des plantes, ainsi qu’un opuscule : les Caractères.
Les Caractères
Cette œuvre énigmatique est un hapax dans la littérature grecque. Faisait-elle partie d’un traité de morale ? S’agissait-il de notes en vue d’un ouvrage plus étendu ?
Le texte, tel qu’il nous est parvenu, est resté inédit jusqu’à la fin du IIe siècle av. J.-C. Théophraste avait légué ses manuscrits personnels, avec ceux d’Aristote dont il avait hérité, à son disciple Néleus, qui les emporta à Skepsis, sa ville natale de Mésie. Les héritiers de Néleus les cachèrent dans une cave, pour éviter qu’ils ne soient pillés par le roi de Pergame, qui cherchait des livres dans tout le monde grec pour sa bibliothèque ; ils y furent oubliés jusqu’à la fin du IIe siècle. Redécouvert alors par Apellicon de Téos, ils furent copiés, malheureusement de manière très défectueuse, et déposés à Athènes. Sylla, lors de la prise de cette ville, en 87 av. J-C, les fit transporter à Rome : ils furent alors largement copiés et diffusés.
Le texte connut un très grand succès , qui se prolongea au Moyen-âge et à la Renaissance.
Les éditions des Caractères
- L’édition princeps fut publiée en 1527 à Nuremberg, accompagnée d’une traduction latine ; elle ne contenait que les 15 premiers chapitres.
- En 1552, à Venise, une édition plus complète vit le jours, avec 23 Caractères.
- En 1592, l’édition de Casaubon ne contenait toujours que 23 Caractères, mais une seconde édition, en 1599, en présentait 5 autres. On savait que le livre devait contenir 30 chapitres, mais il en manquait toujours deux… C’est cette édition que connut La Bruyère.
- En 1786, à Parme, parut une édition complète, fondée sur le manuscrit de la Bibliothèque Vaticane, le Vaticanus 110, qui non seulement présentait les Caractères 29 et 30, jusque là manquants, mais également complétait les Caractères déjà connus. C’est finalement cette version qui est utilisée aujourd’hui, bien qu’elle soit affublée d’une préface manifestement apocryphe, et de « moralités » assez plates, d’époque byzantine.
Quelques caractères
Des exemples parmi d’autres de tous les casse-pieds, rabat-joie, fâcheux, enquiquineurs, empêcheurs de tourner en rond, dont l’Athènes du IVe-IIIe siècle, comme la France de La Bruyère, comme celle d’aujourd’hui, se trouvait abondamment pourvue…
X – ΜΙΚΡΟΛΟΓΙΑΣ. Ἔστι δὲ ἡ μικρολογία φειδωλία τοῦ διαφόρου ὑπὲρ τὸν καιρόν, ὁ δὲ μικρολόγος τοιοῦτός τις, οἷος ἐν τῷ μηνὶ ἡμιωβόλιον ἀπαιτεῖν ἐλθὼν ἐπὶ τὴν οἰκίαν. καὶ ὁμοσιτῶν ἀριθμεῖν τὰς κύλικας, πόσας ἕκαστος πέπωκε, καὶ ἀπάρχεσθαι ἐλάχιστον τῇ Ἀρτέμιδι τῶν συνδειπνούντων. καὶ ὅσα μικροῦ τις πριάμενος λογίζεται, περιττὰ φάσκειν εἶναι. καὶ οἰκέτου χύτραν ἔνην ἢ λοπάδα κατάξαντος εἰσπρᾶξαι ἀπὸ τῶν ἐπιτηδείων. καὶ τῆς γυναικὸς ἐκβαλούσης τρίχαλκον οἷος μεταφέρειν τὰ σκεύη καὶ τὰς κλίνας καὶ τὰς κιβωτοὺς καὶ διφᾶν τὰ καλύμματα. καὶ ἐάν τι πωλῇ, τοσούτου ἀποδόσθαι, ὥστε μὴ λυσιτελεῖν τῷ πριαμένῳ. καὶ οὐκ ἂν ἐᾶσαι οὔτε συκοτραγῆσαι ἐκ τοῦ αὑτοῦ κήπου οὔτε διὰ τοῦ αὑτοῦ ἀγροῦ πορευθῆναι οὔτε ἐλάαν ἢ φοίνικα τῶν χαμαὶ πεπτωκότων ἀνελέσθαι. καὶ τοὺς ὅρους δ´ ἐπισκοπεῖσθαι ὁσημέραι εἰ διαμένουσιν οἱ αὐτοί. δεινὸς δὲ καὶ ὑπερημερίαν πρᾶξαι καὶ τόκον τόκου. καὶ ἑστιῶν δημότας μικρὰ τὰ κρέα κόψας παραθεῖναι. καὶ ὀψωνῶν μηθὲν πριάμενος εἰσελθεῖν. καὶ ἀπαγορεῦσαι τῇ γυναικὶ μήτε ἅλας χρηννύειν μήτε ἐλλύχνιον μήτε κύμινον μήτε ὀρίγανον μήτε ὀλὰς μήτε στέμματα μήτε θυηλήματα, ἀλλὰ λέγειν, ὅτι τὰ μικρὰ ταῦτα πολλά ἐστι τοῦ ἐνιαυτοῦ. {καὶ τὸ ὅλον δὲ τῶν μικρολόγων καὶ τὰς ἀργυροθήκας ἔστιν ἰδεῖν εὐρωτιώσας καὶ τὰς κλεῖς ἰωμένας καὶ αὐτοὺς δὲ φοροῦντας ἐλάττω τῶν μηρῶν τὰ ἱμάτια καὶ ἐκ ληκυθίων μικρῶν πάνυ ἀλειφομένους καὶ ἐν χρῷ κειρομένους καὶ τὸ μέσον τῆς ἡμέρας ὑποδουμένους καὶ πρὸς τοὺς γναφεῖς διατεινομένους, ὅπως τὸ ἱμάτιον αὐτοῖς ἕξει πολλὴν γῆν, ἵνα μὴ ῥυπαίνηται ταχύ.}
X – AVARICE. La pingrerie, c’est une économie de la dépense qui dépasse les bornes, et le pingre est du genre (2) à réclamer endéans le mois, à domicile, le remboursement d’une demi-obole. (3) Dans un repas de corps, il tient compte des coupes que chacun a bues et, parmi les convives, c’est lui qui fait à Artémis l’offrande la plus chiche. (4) Tout ce qu’on lui porte en compte, acheté à bas prix, il le déclare <…>. (5) Un serviteur brise-t-il un pot ou un plat, il se rembourse sur sa ration quotidienne. (6) Et si sa femme laisse tomber une piécette de monnaie, notre homme est capable de déplacer meubles, lits, coffres et de fouiller tous les revêtements du logis. (7) S’il veut vendre quelque chose, il en demande tant que l’affaire est sans intérêt pour l’acheteur. (8) Il ne permet pas que l’on cueille une figue dans son jardin, ni qu’on passe par son champ, ni qu’on y ramasse une olive ou une figue tombée par terre. (9) Il inspecte chaque jour les bornes de sa propriété pour voir si elles restent bien en place. (10) Il est capable aussi d’exiger une indemnité de retard et un intérêt composé. (11) Offre-t-il un repas aux gens de sa commune, il fait servir les viandes coupées en tout petits morceaux. (12) Quand il fait les courses, il rentre sans avoir rien acheté. (13) Il défend à sa femme de prêter ni sel, ni lumignon, ni cumin ou origan, ni grains d’orge, bandelettes ou gâteaux de sacrifice : c’est que, dit-il, ces petites choses-là, ça finit par faire beaucoup, sur l’année… (14) {Bref, chez les pingres, on peut voir les coffres-forts moisir et les clés, rouiller, tandis qu’eux-mêmes portent des manteaux trop courts pour leurs cuisses, font leurs frictions avec de toutes petites burettes d’huile, se font raser la tête, ne mettent leurs chaussures que l’après-midi et conjurent les teinturiers de mettre beaucoup de dégraissant sur leur manteau afin qu’il ne se salisse pas trop vite.}
Traduction de Marie-Paule LOICQ-BERGER (2002)
XVII – ΜΕΜΨΙΜΟΙΡΙΑΣ. Ἔστι δὲ ἡ μεμψιμοιρία ἐπιτίμησις παρὰ τὸ προσῆκον τῶν δεδομένων, ὁ δὲ μεμψίμοιρος τοιόσδε τις, οἷος ἀποστείλαντος μερίδα τοῦ φίλου εἰπεῖν πρὸς τὸν φέροντα· Ἐφθόνησάς μοι τοῦ ζωμοῦ καὶ τοῦ οἰναρίου οὐκ ἐπὶ δεῖπνον καλέσας. καὶ ὑπὸ τῆς ἑταίρας καταφιλούμενος εἰπεῖν· Θαυμάζω, εἰ σὺ καὶ ἀπὸ τῆς ψυχῆς οὕτω με φιλεῖς. καὶ τῷ Διὶ ἀγανακτεῖν, οὐ διότι ὕει, ἀλλὰ διότι ὕστερον. καὶ εὑρὼν ἐν τῇ ὁδῷ βαλλάντιόν τι εἰπεῖν· Ἀλλ´ οὐ θησαυρὸν εὕρηκα οὐδέποτε. καὶ πριάμενος ἀνδράποδον ἄξιον καὶ πολλὰ δεηθεὶς τοῦ πωλοῦντος· Θαυμάζω, εἰπεῖν, ὅ τι ὑγιὲς οὕτω ἄξιον ἐώνημαι. καὶ πρὸς τὸν εὐαγγελιζόμενον, ὅτι Υἱός σοι γέγονεν, εἰπεῖν, ὅτι Ἂν προσθῇς· καὶ τῆς οὐσίας τὸ ἥμισυ ἄπεστιν, ἀληθῆ ἐρεῖς. καὶ δίκην νικήσας καὶ λαβὼν πάσας τὰς ψήφους ἐγκαλεῖν τῷ γράψαντι τὸν λόγον ὡς πολλὰ παραλελοιπότι τῶν δικαίων. καὶ ἐράνου εἰσενεχθέντος παρὰ τῶν φίλων καὶ φήσαντός τινος· Ἱλαρὸς ἴσθι, Καὶ πῶς; εἰπεῖν, Ὅτι δεῖ τἀργύριον ἀποδοῦναι ἑκάστῳ καὶ χωρὶς τούτων χάριν ὀφείλειν ὡς εὐεργετημένον ;
XVII – LE JAMAIS CONTENT. (1) Râler, c’est critiquer contre tout usage ce qui vous a été offert, et le râleur est du genre (2) à dire au livreur de l’ami qui lui envoie une portion d’un bon repas : « Ainsi, on me refuse le bouillon et la lampée de vin, en ne m’invitant pas à dîner ! » (3) Est-il embrassé par son amie, « je me demande, dit-il, si c’est vraiment du fond du coeur que tu m’aimes ainsi ». (4) Il est fâché contre Zeus, non parce qu’il fait pleuvoir, mais parce qu’il le fait trop tard. (5) Trouve-t-il une bourse sur son chemin, « soit, dit-il, mais je n’ai jamais trouvé de trésor ! ». (6) A-t-il acheté un esclave bon marché, après avoir beaucoup marchandé avec le vendeur, « je me demande bien, dit-il, ce que j’ai acheté là de valable, à si bas prix ! » (7) Au messager qui lui apporte l’heureuse nouvelle « Tu as un fils ! », il répond : « Si tu y ajoutes : « et la moitié de ta fortune en moins », alors tu diras vrai ! ». (8) A-t-il gagné un procès, et ce, en recueillant même l’unanimité des suffrages, il reproche au rédacteur du plaidoyer d’avoir laissé de côté quantité d’excellents arguments. (9) S’il a reçu un prêt d’amis qui se sont cotisés et que quelqu’un lui dise « allez ! souris un peu ! », il rétorque : « Et comment, ça ? Parce que je dois rendre à chacun son argent et, en plus, devoir de la reconnaissance sous prétexte qu’on m’a rendu service ? » !
Traduction de Marie-Paule LOICQ-BERGER (2002)
XXIII – ΑΛΑΖΟΝΕΙΑΣ. Ἀμέλει δὲ ἡ ἀλαζονεία δόξει εἶναι προσποίησίς τις ἀγαθῶν οὐκ ὄντων, ὁ δὲ ἀλαζὼν τοιοῦτός τις, οἷος ἐν τῷ διαζεύγματι ἑστηκὼς διηγεῖσθαι ξένοις, ὡς πολλὰ χρήματα αὐτῷ ἐστιν ἐν τῇ θαλάττῃ· καὶ περὶ τῆς ἐργασίας τῆς δανειστικῆς διεξιέναι, ἡλίκη, καὶ αὐτὸς ὅσα εἴληφε καὶ ἀπολώλεκε· καὶ ἅμα ταῦτα πλεθρίζων πέμπειν τὸ παιδάριον εἰς τὴν τράπεζαν, δραχμῆς αὐτῷ κειμένης. καὶ συνοδοιπόρου δὲ ἀπολαῦσαι ἐν τῇ ὁδῷ δεινὸς λέγων, ὡς μετ´ Ἀλεξάνδρου ἐστρατεύσατο, καὶ ὡς αὐτῷ εἶχε, καὶ ὅσα λιθοκόλλητα ποτήρια ἐκόμισε· καὶ περὶ τῶν τεχνιτῶν τῶν ἐν τῇ Ἀσίᾳ, ὅτι βελτίους εἰσὶ τῶν ἐν τῇ Εὐρώπῃ, ἀμφισβητῆσαι· καὶ ταῦτα ψοφῆσαι, οὐδαμοῦ ἐκ τῆς πόλεως ἀποδεδημηκώς. καὶ γράμματα δὲ εἰπεῖν, ὡς πάρεστι παρ´ Ἀντιπάτρου τριττὰ δὴ λέγοντα παραγενέσθαι αὐτὸν εἰς Μακεδονίαν· καὶ διδομένης αὐτῷ ἐξαγωγῆς ξύλων ἀτελοῦς ὅτι ἀπείρηται, ὅπως μηδ´ ὑφ´ ἑνὸς συκοφαντηθῇ, Περαιτέρω φιλοσοφεῖν προσῆκε τοῖς Μακεδόσι· καὶ ἐν τῇ σιτοδείᾳ δὲ ὡς πλείω ἢ πέντε τάλαντα αὑτῷ γένοιτο τὰ ἀναλώματα διδόντι τοῖς ἀπόροις τῶν πολιτῶν, ἀνανεύειν γὰρ οὐ δύνασθαι. καὶ ἀγνώτων δὲ παρακαθημένων κελεῦσαι θεῖναι τὰς ψήφους ἕνα αὐτῶν καὶ ποσῶν κατὰ χιλίας καὶ κατὰ μίαν καὶ προστιθεὶς πιθανὰ ἑκάστοις τούτων ὀνόματα ποιῆσαι καὶ δέκα τάλαντα· καὶ τοῦτο φῆσαι εἰσενηνοχέναι εἰς ἐράνους αὐτῶν· καὶ τὰς τριηραρχίας εἰπεῖν, ὅτι οὐ τίθησιν, οὐδὲ τὰς λειτουργίας, ὅσας λελειτούργηκε. καὶ προσελθὼν δ´ εἰς τοὺς ἵππους τοὺς ἀγαθοὺς τοῖς πωλοῦσι προσποιήσασθαι ὠνητιᾶν. καὶ ἐπὶ τὰς κλίνας ἐλθὼν ἱματισμὸν ζητῆσαι εἰς δύο τάλαντα καὶ τῷ παιδὶ μάχεσθαι, ὅτι τὸ χρυσίον οὐκ ἔχων αὐτῷ ἀκολουθεῖ. καὶ ἐν μισθῷ τὴν οἰκίαν οἰκῶν φῆσαι ταύτην εἶναι τὴν πατρῴαν πρὸς τὸν μὴ εἰδότα, καὶ διότι μέλλει πωλεῖν αὐτὴν διὰ τὸ ἐλάττω εἶναι αὐτῷ πρὸς τὰς ξενοδοχίας.
XXIII – LE VANTARD. (1) Faire semblant de disposer de biens en réalité inexistants : telle apparaîtra sans doute la hâblerie, et le hâbleur est du genre que voici. (2) Debout sur le môle, il explique à des étrangers qu’il a des fonds considérables engagés en mer; il discourt sur l’importance de son entreprise de prêt, en précisant combien il y a lui-même perdu et gagné . Et tout en enflant les chiffres, il envoie son petit esclave à la banque — où il a tout juste une drachme ! (3) En voyage, il est homme à snober son compagnon de route, en racontant comment il a fait campagne avec Alexandre, en quels termes il était avec lui, et combien de coupes incrustées de pierreries il a rapportées; il prétend que les artisans d’Asie sont meilleurs que ceux d’Europe — voilà ce qu’il affirme, lui qui n’a jamais résidé nulle part en dehors de sa cité ! (4) Il dit aussi qu’il possède des lettres d’Antipatros, trois en fait, qui l’invitent en Macédoine; on lui donnait licence d’exporter du bois en franchise, ce qu’il a refusé de peur d’être attaqué ne serait-ce que par un seul délateur — « les Macédoniens auraient bien dû penser un peu plus loin » ! (5) Et d’affirmer encore qu’à l’époque de la disette, il a dépensé plus de cinq talents en faveur de ses concitoyens nécessiteux, car il ne sait pas dire non. (6) Des inconnus se sont-ils assis près de lui, notre homme prie l’un d’eux de disposer les jetons à calcul et, faisant le total depuis la colonne des milliers jusqu’à celle des unités, puis ajoutant de façon toute plausible les noms des bénéficiaires, il arrive bien à dix talents — et ceci, affirme-t-il, pour n’alléguer que ses prêts d’amitié, sans parler de ses triérarchies et de toutes les liturgies dont il s’est acquitté. (7) Allant du côté des chevaux de prix, il se donne l’air auprès des vendeurs de vouloir acheter. (8) Se dirigeant vers le secteur des lits au marché, il affirme chercher des tissus pouvant aller jusqu’à deux talents et gourmande son esclave, parce qu’il l’escorte sans avoir pris d’or avec lui. (9) Habitant une maison dont il est locataire, il assure à qui l’ignore que c’est sa demeure de famille et qu’il va la vendre parce qu’elle est trop exiguë pour ses réceptions…
Traduction de Marie-Paule LOICQ-BERGER (2002)