Nicolas Gogol, « Les Soirées du hameau » (1831-1832)

Otto Friedrich Theodor von Möller, Public domain, via Wikimedia Commons

Les personnages Les femmes La géographie Le surnaturel
La bêtise dans les Nouvelles La structure narrative Le problème du genre

Il s’agit de la première œuvre en prose de Nicolas Gogol ; ces huit nouvelles ont pour cadre l’Ukraine, et plus particulièrement le gouvernement de Poltava.

Les personnages : étude sociologique

Les personnages réels

Le petit peuple

les huit nouvelles se passent pour l’essentiel dans un hameau, Dikanka ; elles contiennent donc une image de la société paysanne ukrainienne : des paysans (le héros de « la foire de Sorotchinsky », ou encore le grand-père du narrateur Foma Grigoriévitch), un forgeron,
un bouilleur de cru, un tisserand, un aubergiste, quelques propriétaires fonciers (« Ivan Fiodorovitch Chponka et sa tante »)…

Tout ce petit monde se caractérise par le goût de la fête et du rire, la soumission (parfois ronchonne) à l’autorité, que ce soit celle de la femme, du maire, du commissaire…, la crainte et la haine de l’étranger, juif, Polonais, Allemand (souvent allègrement confondus) et surtout une croyance et une terreur sans limite du diable et de ses affidés, notamment les sorcières.

Les détenteurs du pouvoir

Autorités civiles
  • Le Maire, nommé par le Tsar, représente le pouvoir central, russe bien entendu ; à ce titre, il est à la fois respecté et redouté. Dans « Une nuit de mai », le Maire use et abuse de son pouvoir : cf. p. 88-89, et p. 101. Il n’hésite pas à profiter de son statut pour lutiner de toutes les jeunes filles qui lui plaisent, quitte à devenir le rival de son propre fils. Et pourtant, il tremble devant sa « belle-sœur » (qui est plutôt sa maîtresse), et doit se soumettre sans discuter à l’ordre du Commissaire… (voir « La Nuit de mai »)
  • Le Commissaire intervient surtout dans la « Nuit de mai » ; son pouvoir, à l’échelle locale, semble sans limite ; à son égard, le Maire se montre soumis et obséquieux.
  • L’assesseur, présent dans la « Nuit de Noël » ;
  • le Hetman, de l’allemand « hauptmann », chef élu des Cosaques et vice-roi de l’Ukraine.
  • Les plus hautes autorités de l’État font une apparition dans la « Nuit de Noël » : la Tsarine Catherine II et son amant et ministre Potemkine… Mais Gogol se garde bien de parler de l’actualité : la nouvelle est datée du 18ème siècle…
Autorités religieuses

Elles sont assez peu présentes dans les Soirées du Hameau, et il s’agit essentiellement de personnages secondaires : un sacristain fait office de Narrateur (Foma Grigoriévitch), un autre, victime de sa concupiscence, se retrouve dans une situation ridicule dans « la Nuit de Noël »… On retrouve ici la satire des prêtres et des religieux commune à toutes les littératures populaires ; mais l’ironie ne va pas jusqu’aux puissants : le pope est épargné, l’archevêque fait l’objet d’une réception enthousiaste et respectueuse…

Autorités militaires
  • L’Essaoul est un capitaine de l’armée Cosaque (« une terrible vengeance »).

Une société très hiérarchisée

Ce qui frappe à première vue dans cette société ukrainienne, et russe, c’est l’extrême hiérarchisation.

  • Géographiquement : l’Ukraine, elle-même incluse dans l’empire russe, est composée d’ Oblast, ou gouvernements (par exemple celui de Poltava, où est né Gogol), eux-mêmes subdivisés en districts, (par exemple Miragog)… Chacune de ces subdivisions présente à sa tête un administrateur nommé par le Tsar, et dont le pouvoir est quasi illimité.
  • Socialement : chacun semble avoir sa place bien définie, et ne pouvoir se marier qu’à l’intérieur de sa classe : ainsi, dans la « Nuit de Noël », le forgeron Vakoula ne peut prétendre épouser la fille du riche Cosaque Tchoub, à moins de faire la preuve de sa propre richesse. En revanche, Ivan Fiodorovitch Chponka peut espérer épouser l’une des filles de son voisin, car tous deux sont propriétaires fonciers.. Et toute atteinte à cet ordre établi se paie de coups de bâtons et de sévères humiliations !
  • Sur le plan familial :
    • le père a toute autorité sur son fils, le mari sur sa femme… Aussi faut-il à Golopoupenko fils, dans « la Foire de Sorotchinsky », à Petro, dans la « Nuit de la Saint-Jean », à Levko dans « la Nuit de mai » ou à Vakoula des trésors d’audace et d’imagination pour venir à bout de la mauvaise volonté des pères, qu’il s’agisse du leur ou de celui de leur bien-aimée.
    • le mari a toute autorité sur sa femme : « Si tu t’étais avisée de le faire, dit Danilo à Catherine, que pourtant il aime, tu ne serais plus ma femme. Je t’aurais cousue dans un sac et noyée au beau milieu du Dniepr » (p. 207)

Mais tout pouvoir excessif porte en lui sa propre dérision :

  • Les autorités religieuses et politiques sont volontiers ridiculisées : le maire est baffoué et ridiculisé par son fils dans la « Nuit de mai », un sacristain se retrouve cousu dans un sac…
  • A l’intérieur de la famille, les pères voient souvent leur autorité battue en brèche ; et ils sont bien souvent le jouet de leur femme : la marâtre de la « nuit de mai », la sorcière Solokha de la « Nuit de Noël »…

Des personnages surnaturels

Le Diable

Cet esprit du Mal, souvent revêtu d’une casaque rouge (voir « la Foire de Sorotchinsky ») est présent dans la plupart des nouvelles du Hameau.

Si, dans « La Foire… », on peut penser que toutes les manifestations surnaturelles attribuées au Diable sont en fait des manipulations de Tsiganes facétieux, et décidés à venir en aide à un couple d’amoureux, partout ailleurs, le Diable est présenté comme un personnage réel, aux
actions bien concrètes : ainsi dans la « Nuit de Noêl », où il est vaincu et contraint d’agir par le pieux forgeron Vakoula, dans « une terrible vengeance », où il est le protagoniste, redoutable père de Catherine, ou encore dans « le terrain ensorcelé ».

Tout puissant et terrifiant dans « une terrible vengeance », dans les autres nouvelles on le voit assez facilement dompté par des hommes pieux et déterminés ; en réalité, il ne doit son pouvoir qu’à la lâcheté et à la crédulité des gens.

Les suppôts du Diable, les sorcières

Très nombreuses dans le folklore slave (que l’on songe à la célèbre Baba Yaga, dans sa cabane à pattes de poule, les sorcières ne pouvaient qu’être présentes dans les Soirées du hameau. Et comme Baba Yaga, elles sont ambivalentes, tantôt prêtes à aider les humains, tantôt (et le plus souvent) méchantes et nuisibles.

  • Dans « la Nuit de la Saint-Jean », une sorcière, messagère du Diable, oblige Petro à assassiner le petit Ivan.
  • Dans « la Nuit de mai », la marâtre, qui est une sorcière, tente d’abord de tuer sa belle-fille, puis incite le père de celle-ci à la chasser, et enfin se transforme en Ondine : elle sera démasquée par le cosaque Levko.
  • Dans « la dépêche disparue », une sorcière joue aux cartes avec le héros, triche… mais finit par perdre la partie !
  • Enfin, c’est dans « la Nuit de Noël », qu’apparaît la sorcière la plus ambigue, et la plus sympathique – la seule d’ailleurs qui ait un nom : Solokha, la mère du forgeron Vakoula, belle et séduisante femme, qui cache ses amants dans des sacs à charbon.

Autres êtres surnaturels

Ils sont peu nombreux dans les Soirées du Hameau ; citons cependant les Ondines, êtres aquatiques féminins, doux, joueurs et inoffensifs, qui sont les âmes des noyées…

Les femmes dans les Soirées du Hameau

Les personnages féminins suffisamment individualisés pour jouer un rôle, à défaut d’avoir toujours un nom, sont relativement nombreux : une vingtaine. On peut les classer en différents groupes :

Les jeunes filles

Souvent très jeunes (16 à 18 ans), elles sont souvent l’enjeu de la nouvelle : ce sont elles qui font agir le héros, qui doit surmonter des obstacles – l’hostilité d’un père ou d’une marâtre, la pauvreté, ou la coquetterie de la belle elle-même – pour parvenir à les épouser : telle est le cas dans « la foire de Sorotchintsy », « la Nuit de la Saint-Jean », « La Nuit de mai » ou la « Nuit de Noël ».

Parfois douées d’un certain caractère (Hanna, dans la « Nuit de mai » semble entourée d’une cour nombreuse qu’elle domine ; et Levko ne peut rien lui refuser : ainsi il lui raconte l’histoire de la Noyée, pour satisfaire sa curiosité.) Ce sont elles qui entraînent le héros dans l’action : Oksana, par son caprice, oblige Vakoula à affronter le diable et à se rendre chez la Tsarine.

Mais ce sont aussi des êtres dominés, qui ne dirigent pas leur vie : souvent victimes de marâtres qui s’opposent à leur mariage (« la foire de Sorotchintsy ») ou les chassent de la maison (« La Nuit de mai »), elles doivent obéissance à leur père (« La Nuit de mai », « La Nuit de la Saint-Jean ») ; elles sont ensuite sous la coupe de leur mari, qui peut leur interdire toute forme d’action, ou même les mettre à mort :

« Femme ! cria messire Danilo, d’une voix menaçante. Tu sais que je n’aime pas cela. Mêle-toi de tes affaires de femme. » (p. 191), ou encore : « Si tu t’étais avisée de le faire, tu ne serais plus ma femme. Je t’aurais cousue dans un sac et noyée au beau milieu du Dniepr«  (p. 207)

La Noyée elle-même, pourtant devenue Ondine, doit faire appel à un homme, Levko, pour venir à bout de sa marâtre.

Les femmes mûres : des dragons.

Si la femme mariée, dans la société cosaque, a un statut soumis, dès que l’épouse prend de l’âge, elle devient comiquement dominatrice sur son mari et tous les hommes qui l’entourent, au point que tous tremblent devant elle, redoutent de la contrarier, et parfois subissent ses coups : ainsi en est-il de Khivria dans la « Foire de Sorotchintsy » – il faudra les sortilèges de toute une troupe de Tziganes pour que son mari Tchérévik parvienne à marier sa fille sans son consentement ! – ; le Maire tyrannique de la « Nuit de mai » tremble devant sa belle-sœur, comme le Centenier de « La Noyée » devant sa femme ; dans la « Nuit de Noël, le « Compère » est martyrisé par sa femme… sans parler de la Tante de Chponka, vieille fille et véritable virago qui domine entièrement son neveu.

En outre, ces femmes autoritaires ont des appétits sexuels débordants, et n’hésitent pas à tromper leur mari, comme la femme de Tchérévik qui, dans « la Foire de Sorotchintsy », a pour amant le fils du Pope… La mère de Vakoula multiplie également les conquêtes masculines, mais du moins est-elle seule et libre.

Les Sorcières

De la mégère à la sorcière il n’y a qu’un pas, allègrement franchi par le conteur : la marâtre de la « Nuit de mai » se transforme en chat noir pour assassiner sa belle-fille, puis en Ondine pour la tourmenter ; Solokha, mère de Vakoula, voyage la Nuit de Noël sur son balai et vole les étoiles pour le Diable, dont elle est la maîtresse…

D’autres sorcières apparaissent dans les contes : celle qui, dans la « Nuit de la Saint-Jean » exige le sang d’un enfant en échange d’un trésor, celles qui jouent au carte (en trichant !) avec le héros de la « Dépêche disparue »…

La femme a donc partie liée avec le Mal :

Jeune fille, elle peut être fille du Maudit, et à ce titre, sans le vouloir, causer la perte de son mari et de son fils ; dans « Une terrible vengeance », Catherine est à la fois l’instrument du Mal et sa victime.

Instrument du Diable également, Pidorka, l’amante de Pétro – c’est pour elle qu’il va signer un pacte avec le diable ; dans les deux cas, les femmes, causes involontaires du mal, finissent par en être les victimes : l’une meurt assassinée par son propre père, l’autre finit « nonne desséchée dans un couvent ».

Capricieuse, autoritaire (Oksana) ou au contraire faible (Catherine), comique ou tragique, la femme apparaît comme un danger.

Une exception : la Tsarine

Catherine II, Tsarine de 1762 à 1796, a durablement marqué les esprits ; elle est présente ici dans deux nouvelles, la « Nuit de Noël » et la « Dépêche disparue ». Elle apparaît à chaque fois comme un être noble, généreux, qui transfigure le destin du héros ; son statut s’apparente à celui d’un deus ex machina.

Conclusion

La femme n’a donc pas un grand rôle dans la société très masculine du Hameau de Dikanka. Si elle domine, c’est grâce à la lâcheté et à la veulerie des hommes, de Tchérévik au centenier, du Maire à Tchoub. Et c’est souvent dans le registre de la comédie, même si son intervention a parfois des conséquences tragiques.

Dès que le mari joue pleinement son rôle, comme Danilo, la femme aussitôt redevient un être soumis, sans aucun rôle.

Être faible et souvent mauvais, dominé par ses instincts et sa sexualité, la femme est un personnage inquiétant, proche du Diable dont elle est la maîtresse – ou la servante.

Dans les Soirées du Hameau nous sommes dans une littérature d’inspiration populaire, fondamentalement misogyne.

La géographie des nouvelles

Toutes les nouvelles se déroulent pour l’essentiel dans le district (« oblast ») de Poltava, à l’exception d’ « une terrible vengeance » qui se passe à Kiev, et de la « Nuit de Noël », qui nous emmène jusqu’à Saint-Petersbourg, au palais de Catherine II. C’est donc la campagne
ukrainienne, ses villages, ses foires, qui sert de décor aux récits.

La structure narrative

Les Soirées du Hameau reprennent la structure bien traditionnelle du « récit à devisants », que l’on trouve dès la Renaissance (voir Marguerite de Navarre ou Bonaventure des Périers)

Le Narrateur premier est un apiculteur du hameau de Dikanka, près de Poltava : Panko le Rouge. Ce personnage (qui porte le nom de Panass, c’est-à-dire Athanase, grand-père de Gogol), prend en charge, sans médiation, les récits les plus tragiques et les plus élaborés, comme la « Nuit de Mai » ou « une terrible vengeance ».

Mais il est redoublé par un second narrateur : Foma Grigoriévitch, un truculent sacristain, qui raconte des histoires amusantes où les hommes l’emportent souvent sur le Diable et les sorcières : Foma tient lui-même ses récits de son grand-père. Pour ces histoires-là, on est donc
en présence d’une cascade de narrateurs : le grand-père a raconté à Foma, qui raconte à Panko, qui nous le raconte.

Le problème du genre : contes ou nouvelles ?

« Le conte renvoie à une vérité établie, à l’ordre stable d’un monde clos », écrit Jean-Pierre Aubrit dans son ouvrage intitulé Le Conte et la nouvelle (Armand Colin, Paris, 2002, p. 111). Les Récits du Hameau, rapportés par l’apiculteur Roudi Panko, dessinent une communauté paysanne, en partie idéalisée, unie, et qui expulse le méchant ou le traître ; le surnaturel fait partie intégrante de ce monde ; les sorcières et le diable cohabitent avec les hommes. Nous sommes donc bien dans l’univers du conte.

Le surnaturel dans les Soirées du Hameau

Un monde merveilleux

Le merveilleux se définit par une adhésion totale du lecteur comme des personnages au Surnaturel.

Or, dans les Soirées du Hameau, nous avons vu (cf. plus haut) la présence tout à fait banalisée de personnages surnaturels : nul ne s’étonne de voir paraître le Diable, d’assister à la métamorphose d’une femme en sorcière ou en Ondine…

Seul le récit intitulé « La foire de Sorotchintsy » peut faire exception : on y assiste à toutes sortes de sortilèges, dont on ne sait s’il faut y voir l’intervention du Diable, ou tout simplement des mauvais tours de Tsiganes bien décidés à aider un de leurs amis… Mais si ces farces fonctionnent si bien, n’est-ce pas aussi parce que de telles manifestations surnaturelles
apparaissent comme « normales » aux protagonistes ? Ici, seul le lecteur peut vraiment douter…

Fonctions du Surnaturel

Explication d’un monde où le hasard n’existe pas

  • Voir par exemple le « Terrain hanté », où la présence du diable explique des phénomènes insolites sur un terrain ;
  • Ou encore « une terrible vengeance », où les événements tragiques actuels s’expliquent par une faute antérieure, oubliée.

Expression d’une transgression

  • On sait les liens du Diable avec la sexualité ; la femme-sorcière est souvent une femme dangereuse, mais désirable, telle Solokha dans la « Nuit de Noël », ou la marâtre de la « Nuit de Mai » (la méchante nouvelle épouse, qui rejette la fille d’un premier lit…) ; on peut citer aussi celle qui pousse le héros de la « Nuit de la Saint-Jean » à tuer un enfant…
  • Mais il y a aussi des transgressions plus noires : la tentation du trésor caché, et celle du pacte avec le Diable, qui aboutit à l’horreur dans la « Nuit de la Saint-Jean ».

Combat du bien et du mal, où le Bien ne sort pas toujours vainqueur

  • Dans la « Nuit de Noël », le bon forgeron Vakoula oblige le Diable à le servir, puis le transforme en croque-mitaine pour les enfants ;
  • Dans la « Dépêche disparue », le héros bat une sorcière au jeu de cartes ;
  • Mais dans « Une terrible vengeance », Danilo ne parvient pas à sauver sa femme ni son fils, ni à en réchapper lui-même.

La bêtise dans les Soirées du Hameau.

Dans le petit monde de Dikanka, la bêtise n’est presque jamais le fait des gens modestes, forgerons habiles, paysans madrés ou jeunes gens astucieux ; elle est constamment représentée par les tenants d’un certain pouvoir : père, épouse, maire, ecclésiastiques…

  • Dans « la foire de Sorotchintsy », si la marâtre est à la fois méchante, laide, et crédule, le plus sot est sans conteste son malheureux époux Solopi Tchérévik, que tout le monde manipule à loisir… cf. p. 37 : « le jeune homme ne fut pas long à remarquer que le père de sa belle n’avait pas inventé la poudre ».
  • Dans « La Nuit de la Saint-Jean », le responsable de tous les malheurs est le père de la jeune fille, Korj, prêt à marier sa fille à un Polonais qu’elle n’aimait pas, et qui accepte Petro pour gendre dès que celui-ci a de l’argent… Le trait n’est cependant pas très appuyé ; le portrait de Korj reste flou et générique ; il n’est au fond qu’un « type » (le père cupide) qui n’intéresse guère Gogol, plus soucieux du pacte de Petro avec le diable.
  • Dans la « Nuit de mai », apparaît (p. 88-89) le premier portrait caricatural d’un imbécile malfaisant : le Maire, personnage à la fois ridicule – il mime la gravité, s’habille mal, vit avec une « belle-sœur » qui a barre sur lui – et odieux – c’est un hypocrite et un paillard, qui devient le rival de son propre fils. Et bien entendu, il sera vaincu d’abord par sa propre vanité : l’ordre d’un commissaire, et la perspective de l’avoir à dîner, suffiront à le faire céder.
  • Un cas un peu à part : Ivan Fiodorovitch Chponka. Plus qu’un imbécile, c’est un être totalement étranger à sa propre vie, donc totalement passif et incapable de la moindre initiative. Lorsqu’il rencontre une jeune fille, et que sa Tante envisage de le marier, il est frappé de terreur : « Une femme ? Je n’ai aucune idée de ce qu’il faut en faire ! »

Il n’y a pas, ou peu de dimension satirique dans les Soirées du Hameau. La bêtise est davantage traitée comme un élément de l’intrigue, dont les héros savent tirer profit, que comme un vice collectif qu’il convient de fustiger. Il en ira tout autrement dans les Nouvelles de Saint-Pétersbourg.