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Biographie de Cyrano, vérité et légende
Mal connu de son vivant, et jusqu’à ce que Nodier en 1838 et Théophile Gautier en 1844 ne le réhabilitent, Cyrano de Bergerac est surtout victime aujourd’hui de l’image erronée qu’en a donné Edmond Rostand dans sa fameuse pièce de 1897, image encore renforcée depuis par le film de Jean-Paul Rappenau en 1990.
Une légende bien inexacte
- Cyrano serait gascon : en réalité, Bergerac se trouve dans la région de Chevreuse, en région parisienne !
- Cyrano serait un bretteur invétéré : en réalité il le fut fort peu. C’était plutôt un intellectuel !
- Cyrano était un épicurien, menant joyeuse vie : s’il fut épicurien, ce fut à la manière d’Épicure lui-même : il était végétarien et buvait de l’eau !
- Il écrivit peu de vers galants, et aucun de ses contemporains n’a parlé de son nez.
En somme, les deux seuls éléments de vérité de la légende furent les suivants :
- Il fut pauvre ;
- Il mourut à 36 ans, assommé par la chute d’une poutre, « accident » probablement d’origine criminelle.
Les faits et les dates
chronologie de l’époque
- Il naît en 1619, à Paris.
- il étudie au collège de Beauvais de Paris, dont le principal, Jean Grangier, lui inspire le personnage principal du Pédant joué.
- En 1638, il s’engage, avec son ami Henry Le Bret dans la compagnie Royal Gascogne du baron Alexandre Carbon de Casteljaloux du régiment des gardes du roi ; ce régiment comptant de nombreux Gascons, c’est probablement de là que vient la légende d’un Cyrano gascon.
- Engagé dans les combats qui opposent Français et Espagnols pendant la guerre de trente ans, il est blessé en 1639 au siège de Mouzon, puis en 1640 au siège d’Arras : c’est la fin de sa carrière militaire.
- En 1641, il reprend ses études au collège de Lisieux ; il a alors 22 ans.
- Il fait alors la connaissance de Chapelle, et de son maître Gassendi ; libre penseur, il est l’ami de Molière, La Mothe le Vayer fils, et Tristan l’hermite, à qui il rendit un hommage appuyé dans Les États et Empires de la lune : « Le seul homme libre et le seul philosophe que la France eut ». Il admirait également Sorel, et, chose plus étonnante, Descartes.
- Il écrivit de très nombreuses lettres (où il s’efforce de réhabiliter la « pointe », alors passée de mode. Il publia aussi une comédie, Le Pédant joué, et une tragédie, La Mort d’Agrippine, toutes deux publiées en 1654.
- Mais son œuvre la plus importante ne fut pas publiée de son vivant : il s’agit du diptique des États et Empires de la Lune et du Soleil, parfois intitulé L’Autre monde.
L’Autre monde (1657-1662)
Le contexte philosophique et scientifique
Cyrano avait lu l’Utopie de Thomas More, et la Ciuitas Solis de Campanella. Il admirait également beaucoup Giordano Bruno, brûlé vif par l’Inquisition en 1600 pour avoir cru en la pluralité des mondes.
Par ailleurs, en 1610, l’invention de la lunette astronomique avait permis d’observer des montagnes dans la lune, et des taches sur le soleil ; en 1636, Gassendi avait cartographié la lune, et en 1648, un Italien avait expérimenté une machine volante.
Cyrano dispose de solides connaissances scientifiques ; il voulut tenter l’impossible synthèse de l’atomisme de Gassendi et de la physique de Descartes ( qu’il admirait beaucoup, même s’il avait démonté sa métaphysique)…