Virgile, Énéide, chant VII

Virgile écrivant l’Énéide entre Clio et Melpomène, mosaïque du Musée national du Bardo, Tunis

Les alliés de Turnus, v. 641-690

Pandite nunc Helicona, deae, cantusque mouete,

qui bello exciti reges, quae quemque secutae

complerint campos acies, quibus Itala iam tum

floruerit terra alma uiris, quibus arserit armis.

645  Et meministis enim, diuae, et memorare potestis :

ad nos uix tenuis famae perlabitur aura.

Primus init bellum Tyrrhenis asper ab oris

contemptor diuom Mezentius agminaque armat.

Filius huic iuxta Lausus, quo pulchrior alter

650  non fuit excepto Laurentis corpore Turni,

Lausus, equum domitor debellatorque ferarum,

ducit Agyllina nequiquam ex urbe secutos

mille uiros, dignus, patriis qui laetior esset

imperiis et cui pater haud Mezentius esset.

645  Post hos insignem palma per gramina currum

uictoresque ostentat equos satus Hercule pulchro

pulcher Auentinus, clipeoque insigne paternum

centum angues cinctamque gerit serpentibus hydram ;

collis Auentini silua quem Rhea sacerdos

650  furtiuum partu sub luminis edidit oras,

mixta deo mulier, postquam Laurentia uictor

Geryone extincto Tirynthius attigit arua

Tyrrhenoque boues in flumine lauit Hiberas.

Pila manu saeuosque gerunt in bella dolones

655  et tereti pugnant mucrone ueruque Sabello.

Ipse pedes, tegumen torquens immane leonis,

terribili impexum saetacum dentibus albis

indutus capiti, sic regia tecta subibat,

horridus, Herculeoque umeros innexus amictu.

660 Tum gemini fratres Tiburtia moenia linquunt,

fratris Tiburti dictam cognomine gentem,

Catillusque acerque Coras, Argiua iuuentus,

et primam ante aciem densa inter tela feruntur :

ceu duo nubigenae cum uertice montis ab alto

665  descendunt centauri, Homolen Othrymque niualem

linquentes cursu rapido; dat euntibus ingens

silua locum et magno cedunt uirgulta fragore.

Nec Praenestinae fundator defuit urbis,

Volcano genitum pecora inter agrestia regem

670  inuentumque focis omnis quem credidit aetas

Caeculus. Hunc late legio comitatur agrestis :

quique altum Praeneste uiri quique arua Gabinae

Iunonis gelidumque Anienem et roscida riuis

Hernica saxa colunt, quos diues Anagnia pascit,

675  quos, Amasene pater. Non illis omnibus arma,

nec clipei currusue sonant : pars maxima glandes

liuentis plumbi spargit, pars spicula gestat

bina manu, fuluosque lupi de pelle galeros

tegmen habent capiti, uestigia nuda sinistri

680  instituere pedis, crudus tegit altera pero.

Ouvrez maintenant l’Hélicon, déesses, et inspirez mes chants, dites quels rois furent attirés à la guerre, quelles armées, suivant chacun d’eux, remplirent les plaines, de quels guerriers fleurit déjà alors la terre nourricière d’Italie, de quelles armes elle brûla. Et vous vous en souvenez en effet, déesses, et vous pouvez le rappeler : vers nous, à peine glissera le souffle ténu de la renommée.

Le premier à aller à la guerre fut, des rivages tyrrhéniens, le rude Mézence, contempteur des dieux, et il arme ses bataillons. Son fils Lausus est près de lui ; nul ne fut plus beau que lui, à l’exception du beau Laurente Turnus, Lausus, dompteur de chevaux et vainqueur des fauves, mène en vain de la ville d’Agylla mille soldats, digne d’être plus heureux par le pouvoir paternel, et qui n’aurait pas dû avoir Mézence pour père.

Après eux le bel Aventinus, né du bel Hercule, montre à travers les prés son char orné d’une palme et ses chevaux victorieux, et il mène sur son bouclier l’insigne paternel, cent serpents et l’Hydre ceinte de serpents ; dans la forêt de l’Aventin, la prêtresse Rhéa le mit au monde en secret, femme unie à un dieu, après que le Tirynthien vainqueur, après avoir tué Géryon, eut atteint les champs laurentes et eut lavé ses bœufs ibères1 dans le fleuve tyrrhénien. Ils viennent à la guerre le javelot à la main et de cruels poignards, et ils combattent avec la courte épée et la pique2 sabellienne. Lui-même va à pied, enroulant une immense peau de lion, ayant couvert sa tête terrible d’une crinière en désordre et de dents blanches, il allait ainsi, horrible, vers le palais royal, les épaules couvertes du manteau d’Hercule.

660 Puis des jumeaux quittent les murailles de Tibur, dont la famille est appelée du nom de leur frère Tiburtus, Catillus et l’impétueux Coras, jeunesse argienne, et ils se portent en première ligne au milieu d’une grêle de traits : comme deux centaures fils de la nue descendent du haut sommet d’une montagne, quittant d’une course rapide l’Homolé et le neigeux Othrys3 ; l’immense forêt leur donne passage, et à grand fracas, les broussailles s’écartent.

668 Et le fondateur de la ville de Préneste ne fit pas défaut, Cæculus, roi que toute génération a cru né de Vulcain au milieu des troupeaux agrestes et trouvé dans un foyer. Une légion champêtre l’accompagne largement : tous les hommes qui habitent la haute Préneste et les champs de Junon Gabinienne et l’Anio gelé et les rochers Herniques couverts de rosée, qu’alimente la riche Anagnie et toi, vénérable Amasene. Ils n’ont pas tous des armes, ni des boucliers, ni des chars qui résonnent : une très grande partie lance des balles de plomb bleuâtre, une partie porte à la main un double javelot, ils ont la tête couverte de fauves bonnets en peau de loup, ils laissent l’empreinte nue de leur pied gauche, une bottine couvre l’autre pied.

1Géryon était un roi d’Ibérie ; après l’avoir tué, Hercule s’empara de ses troupeaux.

2Veru, us : broche, pique

3L’Homolé et l’Othrys sont des montagnes de Thessalie