Lexique de la rhétorique

Abstraction (une) : Forme particulière de métonymie, qui substitue un nom abstrait de qualité à un adjectif qualificatif

  • Ex : la pluie tombait « sur la propreté des vitres ».
  • On trouve souvent cette figure chez Homère. Ex : ἱερὸν μένος Ἀλκινόοιο : vieille expression formulaire de majesté ; mot à mot : « la force sacrée d’Alcinoos », c’est-à-dire « le puissant et divin Alcinoos ». (Od. VII, 167)

Acmé (une) : sommet d’une phrase longue composée d’une protase (montée) et d’une apodose (descente)

Acronyme (un) : mot formé avec un sigle, des initiales.

  • Ex : un ovni (objet volant non identifié), le sida (syndrome immuno-déficitaire acquis)

Allitération (une) : répétition de consonnes

  • Ex : « pour le chemin caché qui pousse le marcheur (B. Richter)

Anacoluthe (une) : rupture de construction.

« et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre… » (La Fontaine)

Anadiplose (une) : reprise au début d’un vers, d’un membre de phrase ou d’une phrase d’un élément figurant à la fin du vers, du membre de phrase ou de la phrase précédente. L’épanode (cf. ce mot) est un cas particulier d’anadiplose.

  • Ex : « … une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison… » (Voltaire, article Guerre)

Anaphore rhétorique (une) : Répétition d’un même mot ou d’une même expression en début de vers, de phrase, de strophe ou de paragraphe.

  • Ex : Pour l’heure étonnée qui tombe de l’horloge
    pour la pierre qui marche et l’arbre qui s’accroit
    quand je tourne le dos
    Pour le chemin caché qui pousse le marcheur
    pour l’ombre écartelée qu’il foule dans ses pas […] (B. Richter)

Anastrophe (une) : inversion des termes.

  • Ex : « close la bouche et lavé le visage » (Yves Bonnefoy)

Antanaclase (une) : répétitition d’un mot, mais une fois au sens propre, et une fois au sens figuré.

  • Ex : « et la mer est amère, et l’amour est amer » (Marbeuf)

Le mot se dit parfois lorsque la répétition est prise en charge par un autre interlocuteur, un adversaire.

  • Ex : « – Je suis un homme d’affaires
    – Hé bien, des affaires, vous allez en avoir ! Vous êtes mis en examen… »

Dans le cas d’un seul locuteur (ex. de Marbeuf), on parlera alors de diaphore

Antonomase (une) : transformation d’un nom propre en nom commun.

  • Ex : la poubelle, le macadam, un harpagon, un don quichotte, une dulcinée, une rossinante…

Apodose (une) : second versant mélodique, descendant, d’une phrase canonique

Assonance (une) : Répétition de voyelles

  • Ex : « pour la pierre qui marche et l’arbre qui s’accroit » (B. Richter)

Asyndète (une) : Absence, dans une phrase, d’un coordonnant attendu.

  • Ex : bon gré, mal gré.

Axiologie, connotation axiologique (une) : jugement appréciatif ou dépréciatif induit par tel ou tel terme.

  • Ex : le champ lexical de la violence et de la mort, dans l’article « Guerre » de Voltaire, comporte une connotation axiologique négative.

Brachylogie (une) : Raccourci. Énoncé par lequel on désigne une chose par une expression raccourcie ou incomplète.

  • Ex : « boire sa paye » (= boire le montant de sa paye)

Burlesque (le) : Registre consistant à traiter un sujet trivial ou un personnage ordinaire sur un ton grandiloquent, épique ou tragique.

  • Ex : le personnage de Don Quichotte est burlesque.

Cadence majeure / cadence mineure : la cadence majeure est le rythme le plus habituel de la phrase française, qui fait se succéder des groupes syntaxiques de plus en plus longs. La cadence mineure, toujours perçue comme marquée, fait succéder un élément bref à un élément long.

Chiasme (un) : reprise à l’envers de plusieurs mots, sonorités, fonctions grammaticales…

  • Ex :  » Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient« . (Rimbaud, Une Saison en enfer, Prologue). Le chiasme repose ici sur les fonctions grammaticales : S-V / V-S

Clivage (un) : fait de couper l’énoncé. Trois formes de clivage possibles :

  1. Topicalisation (par reprise/anticipation, analepse/prolepse) : « le chat, il a bu tout le lait ! »
  2. Focalisation : « c’est le chat qui a bu tout le lait. »
  3. Pseudo-clivée : » celui qui a bu tout le lait, c’est le chat ».

Concaténation (une) : succession de plusieurs anadiploses

Coupe lyrique (une) : Coupe du vers qui tombe sur un -e muet.

  • Ex : « Et les muses de moi, comme étranges / s’enfuient. (Du Bellay, Regrets, 6)

Déictique (un) : voir deixis.

Deixis (la) : Ensemble des marques qui renvoient aux conditions d’énonciation : marques personnelles, temps des verbes (dans la mesure où ils renvoient au moment de l’énonciation, ou situent l’action par rapport à ce moment), marques temporelles et spatiales (ici, là, maintenant…). On appelle ces marques des déictiques.

Diaphore : voir antanaclase

Ecphrasis (une) : description (littéraire) d’une œuvre d’art.

  •  Ex :  la description du bouclier d’Achille dans l’Iliade, ou celle de la tapisserie dans l' »Epithalame de Thétis et Pélée » de Catulle (Poésies, 64), ou encore celle de la Grotte de Thétis dans Les Amours de Psyché, de La Fontaine ; Plus précisément, c’est une figure qui consiste à mettre sous les yeux du lecteur une description rappelant un autre art que la littérature : la peinture, la sculpture, etc. L’ecphrasis représente une œuvre d’art par le biais de l’écriture.

Épanadiplose (une) :présence d’un même terme au début et à la fin d’un énoncé.

  • Ex : « les soldats se battent, vivent les soldats ».
  • Princeps pro patria certat, milites pro principe (le Prince se bat pour la patrie, les soldats pour le Prince. Tacite)

Epanode (une) : cas particulier d’anadiplose, dans lequel la reprise est le point de départ d’un développement prédicatif.

  • Ex : l’exemple donné pour l’anadiplose, « une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison… (Voltaire, article Guerre) est plutôt une épanode.

Épanorthose (une) : toute forme d’autocorrection par adjonction ; « ou plutôt… », « je veux dire… ».

  • Dans le vers de Racine : «J’aime (que dis-je aimer ?), j’idolâtre Junie » (Britannicus, II, 2, v. 384), l’on a à la fois une épanorthose (parenthèse) et une gradation (aimer / idolâtrer).

Epitrochasme (un) : succession de mots brefs et fortement expressifs.

Épitrope (une) : figure par laquelle on provoque ironiquement un ennemi à faire le mal.

  • « Poursuis, Néron, avec de tels ministres ! » (Britannicus, V, 4)

Epizeuxe (un) : Répétition contiguë d’un même terme.

  • Ex : Oh triste, triste était mon âme
    A cause, à cause d’une femme… (Verlaine)
  • « Ils allaient, ils allaient, au galop de quatre chevaux… » (Flaubert, Madame Bovary)

Euphémisme (un) : utilisation d’un mot neutre ou positif pour désigner une réalité désagréable ou inquiétante.

  • « il n’est plus » ; « un mal-voyant » ; les Euménides (Bienveillantes), déesses redoutables de la Vengeance

Expolition (une) : répétition de la même information sous une forme différente.

  • Ex : Le second vers du poème de Marbeuf n’apporte rien de plus sur le plan de la stricte information par rapport au premier :
    Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage
    Et la mer est amère, et l’amour est amer […]

Figure dérivative (une) : Fait d’utiliser dans la même phrase deux mots fondés sur la même racine.

  • Ex : marche / marcheur (B. Richter)
  • « Ton bras est invaincu, mais non pas invincible » (Corneille, Le Cid)

Focalisation (une) : voir clivage ; le mot désigne aussi le « point de vue adopté » sur l’action.

  1. focalisation interne : l’action est vue par les yeux d’un personnage ; le lecteur ne saura que ce que le personnage peut percevoir.
  2. focalisation externe : l’action est vue par un regard extérieur aux personnages, généralement par un narrateur extra-diégétique.

Gradation (une) : succession de deux ou plusieurs termes, dont le sens est de plus en plus fort.

  • Ex : « je meurs, je suis mort, je suis assassiné ! » (Molière)

Hendiadyn (un) : mot à mot « un en deux » : fait de scinder en deux termes ce qui normalement n’eût dû s’exprimer qu’en un seul syntagme.

  • Ex : « tu commences à m’énerver, toi et tes caprices ! « 

Homéotéleute (adj.) : qui se termine par les mêmes sons. La rime est un cas particulier d’homéotéleutes.

  • Ex : « prince » et « province » sont homéotéleutes dans l’article « Guerre » de Voltaire.

Homéoptotes (adj.) : cas particulier d’homéotéleutes, dans lequel l’effet de répétition sonore est produit par le retour de la même désinence grammaticale.

  • Ex : « se détestant, s’unissant, s’attaquant » dans l’article « Guerre »de Voltaire.

Hypallage (une) : Figure par laquelle on attribue à un mot ce qui appartient à d’autres mots de la même phrase.

  • Ex : « ibant obscuri sola sub nocte per umbras » (Virgile, Énéide VI) : ils allaient obscurs dans la nuit solitaire à travers les ombres.

Hyperbate (une) : Continuation, reprise d’une phrase qui semblait terminée.

  • Ex : « Albe le veut, et Rome (Corneille, Horace)

Hypéronymie (une) : Fait d’employer le mot désignant la catégorie la plus vaste.

  • Ex : « arbre » est une hypéronymie, par opposition à « chêne », « orme »…

Hyponymie (une) : Fait d’employer le mot désignant la catégorie la plus étroite.

  • Ex : « chêne » est un hyponyme par rapport à « arbre »

Hypotypose (une) : accumulation de détails concrets, souvent fragmentaires, pour donner l’impression d’un tableau

  • « Des gens arrivaient hors d’haleine ; des barriques, des câbles, des corbeilles de linge gênaient la circulation ; les matelots ne répondaient à personne, on se heurtait. » (Flaubert, incipit de l’Education sentimentale)

Hypozeuxe (un) : succession de proposition construites rigoureusement en parallélisme.

  • Ex : Pour l’heure étonnée qui tombe… / pour la pierre qui marche/ pour le chemin qui pousse… (Brigitte Richter).
  • On trouve de nombreux exemples dans le Prologue de la Saison en enfer de Rimbaud :
    • « Et je l’ai trouvée amère / et je l’ai injuriée
    • je me suis armé / je me suis enfui
    • j’ai appelé les bourreaux pour… /j’ai appelé les fléaux pour…
    • Je me suis allongé… / je me suis séché…

Isocolie (une) : équilibre rythmique entre les différents constituants d’une phrase.

Isotopie (une) : récurrence d’un même sème générique ou spécifique.

  • Ex : « l’enfant dort » : isotopie générique /animé/
  • « l’aube allume la source » : isotopie spécifique /commencement/

Métalepse (une) : énoncé dérivé par lequel on fait entendre un autre énoncé, plus brutal.

  • Ex : « Avez-vous l’heure ? » (= quelle heure est-il ?) ; « pouvez-vous me donner la définition de… » (=  » donnez-moi »)

Métonymie (une) : figure qui substitue au signifié littéral un signifié dérivé, l’un étant traité, dans son entier, comme un élément de l’autre.

  • La partie pour le tout
  • Le tout pour la partie (rare) Ex : « laver la cuisine » pour « le sol de la cuisine »
  • la matière pour l’objet : « les fers »
  • le contenant pour le contenu : « boire un verre »
  • l’effet pour la cause
  • Le lieu de production pour l’objet : « un camembert, un bordeaux »
  • Le corps pour la personne
  • etc.

Oxymore ou oxymoron (un) : présence dans un même groupe syntaxique de deux termes sémantiquement incompatibles.

  • Ex : Un silence éloquent ; « cette obscure clarté » (Corneille)

Paradiastole (une) : alignement de segments de même longueur, de même construction syntaxique, de même rythme.

  • Ex : préambule des Confessions : « ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus » ;
  • « qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. » (ibid.)

Parembole (une) : commentaire inclus dans le texte.

  • « Horresco referens » (Virgile, II, 204 : mort de Laocoon).
  • Cf. Jérôme Garcin : « Le théâtre, c’est sa folie, c’est sa bouleversante illusion, exige… »

Paronomase (une) : rapprochement de deux mots semblables par le son, à un phonème près.

  • Ex : Lingères légères (Eluard)

Protase (une) : premier versant mélodique, ascendant, d’une phrase canonique

Polyptote (un) : isolexisme morphologique et syntaxique : une même lexie est déclinée de plusieurs manières (verbe conjugué, participe…) ; le mot, à l’origine, s’appliquait au grec et au latin, langues à flexion. (poly-ptote = plusieurs cas)

  • Ex : « Madame se meurt, Madame est morte » (Bossuet)
  • « Rome vous craindra plus que vous ne la craignez » (Corneille, Nicomède)

Prétérition (une) : figure par laquelle on annonce que l’on ne tiendra pas un discours que, précisément, l’on va tenir. « Je ne vous dirai pas que… »

Pseudo-clivée (une) : voir clivage

Syllepse (une) de sens : figure de style par laquelle un mot est employé à la fois au propre et au figuré.

  • Ex : « Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage » (Marbeuf)

Topicalisation (une) : voir clivage

Zeugma (un) : « attelage » de deux compléments d’objet qui donnent au verbe qu’ils complètent deux sens simultanément.

  • Ex : « après avoir sauté sa belle-sœur et le repas de midi, le Petit Prince reprit ses esprits et une banane » (Desproges)

On peut aussi trouver des « attelages » d’adjectifs appartenant à des catégories différentes, comme dans ces expressions de Rachid Boudjedra (La Vie à l’endroit, Éditions Grasset et Fasquelle, 1997, p. 75-76) :
« un pont emblématique, suspendu et métallique », ou encore « Un architecte brésilien et surdoué ».