Le roman de chevalerie en France

Le roman de chevalerie est né de la rencontre de la chanson de geste au Nord, et de la Fin'amor des cours de langue d'Oc, au sein d'une aristocratie à la fois riche et stable – notamment dans les domaines des Plantagenêts, continentaux et insulaires, et de plus en plus cultivée

Les langues régionales en France : les domaines de la langue d'oïl et de la langue d'oc.

L'exemple type en est Chrétien de Troyes, qui vécut à la cour de Marie de Champagne, fille d'Aliénor d'Aquitaine.

L'idéologie chevaleresque

Une idéologie d'inspiration religieuse

À l'origine des romans de chevalerie, on trouve une idéologie d'inspiration religieuse, dont le couronnement est le De laude nouae militiae de Saint-Bernard, plus ou moins liée à l'esprit des Croisades. Elle récupère peu à peu l'idéologie royale qui s'exprime dans le serment du Sacre :

On retrouvera ces principes notamment dans les romans arthuriens en prose (Queste del Saint Graal ; leçons de la "Dame du Lac" à Lancelot dans les Lancelot en prose.

Viviane, la Dame du lac, emportant Lancelot

L'idéologie de la "cortoisie"

Elle tient en deux mots : "chevalerie" et "clergie", autrement dit, force physique et morale, et culture, et s'opposent à la "vilénie", mode de vie du "vilain" qui se définit par l'âpreté au gain, l'avarice, la rusticité, la saleté, la grossièreté.

L'on rejette la force brutale des "mauvais chevaliers", pillards, violeurs, incendiaires (les brigands, mais aussi Galoain ou Limors dans Érec et Énide.

La "cortoisie" suppose aussi un bon usage de la richesse : largesse et générosité.

Introduit à la Cour de France par Aliénor d'Aquitaine, cet idéal se transmettra, au XIIIème siècle à la frange la plus instruite de la bourgeoisie.

L'Amour courtois

Enfin, l'Amour courtois (à ne pas confondre avec la courtoisie), dérive de la fin'amor célébré par les Troubadours depuis la fin du XIème siècle. Amour adultère et secret, fondé sur le culte du désir autant que sur celui de la Dame. La Fin'amor repose sur le fait de toujours différer la satisfaction du désir, qui est aussi sa mort, et sur la nécessité pour l'Amant de se soumettre à des épreuves imposées par la Dame. Celle-ci est inaccessible :

Premier baiser entre Guenièvre et Lancelot, d'après un manuscrit du XIVème siècle (BNF)

L'expression didactique la plus achevée de l'Amour courtois est le Roman de la Rose, de Guillaume de Lorris.

Le roman de la Rose, d'après un manuscrit du XIVème siècle (British Library)

La naissance du roman

C'est d'abord un texte en langue romane ; puis il se définit comme une fiction narrative de registre romanesque.

Le roman antique

Il naît du grand mouvement de traduction d'œuvres latines qui caractérise la France de l'Ouest au milieu du XIIème siècle, sous l'impulsion des Plantagenêts.

Tous ces romans sont écrits en couplets d'octosyllabes, comme l'historiographie ; mais le roman se distingue de la chronique par sa composition. Il ne suit pas seulement le fil des événements, mais correspond à une composition, une conjointure.

De même, sous l'influence d'Ovide, très apprécié à l'époque, apparaissent des personnages féminins, et le thème de l'amour.

Enfin, ces romans sont anachroniques : c'est la France médiévale qui est décrite ; au nom de la "translatio imperii et studii" il s'agit de montrer que la France du XIIème siècle est l'héritière des grandes civilisations antiques.

Le roman arthurien

Certes il est fondé sur des légendes celtiques, mais c'est bien Chrétien de Troyes qui le fait naître véritablement.

Le roman s'interroge sur l'amour, notamment au sein du couple marié.

Le principe structurel de tout roman arthurien est l'aventure chevaleresque. Le chevalier est un errant qui parcourt le monde pour éprouver sa valeur, conquérir une gloire qui lui donnera sa place au sein de la cour d'Arthur et, surtout dans Yvain, secourir les pauvres et les déshérités.

L'aventure prend souvent la forme d'une quête, d'un objet (le Graal), d'un animal (un petit chien), d'un chevalier... sur sa route, le héros rencontre la merveille qu'il doit maîtriser ou abolir, et dont il doit comprendre le sens. Il franchit aussi souvent les frontières de "l'autre monde" (êtres "faés", morts...)

La postérité de Chrétien de Troyes

Des dizaines de romans arthuriens en vers vont être publiés jusqu'à la fin du XIIIème siècle, et même au XIVème siècle :

On trouvera aussi des romans en prose, dus notamment à des "dérimeurs" (XIIIèmesiècle).

Les romans de Tristan

La mort de Tristan et Iseut

L'Évolution ultérieure

La chanson de geste tend à devenir romanesque au XIVème siècle.

Le XVème siècle est le siècle des "dérimeurs" : on met en prose les œuvres en vers des siècles précédents, alors que le roman en vers disparaît presque complètement.

On voit naître des "biographies chevaleresques", en vers ou en prose, à mi-chemin de la chronique et du roman, célébrant les exploits de chevaliers contemporains.

==> Froissart écrit ses Chroniques (1370-1400), et Philippe de Commynes est le premier historien moderne (1489-1498 : Mémoires)

Quant aux romans de chevalerie proprement dits, ils connaîtront une belle postérité, notamment en Espagne.