Max Jacob (1876-1944)

Biographie

Né à Quimper en 1876, dans une famille juive, il monte à Paris, où il fait la connaissance de nombreux peintres, comme Picasso ou Juan Gris.

Le 22 septembre 1909, il raconte que le Christ lui est apparu sur le mur de sa chambre ; il se convertit au catholicisme, et se fait baptiser le 18 février 1915 ; Picasso est son parrain.

En 1913, il séjourne à Céret, dans les Pyrénées-Atlantiques, en compagnie de Juan Gris.

En 1916, il publie le Cornet à dés, recueil de poèmes en prose

De 1921 à 1928, il effectue un premier séjour à Saint-Benoît-sur-Loire, avant de s’y retirer définitivement en 1936 ; cette retraite inspirera certainement son ami (et néanmoins concurrent) Pierre Reverdy. Mais la vie quasi monastique qu’il y mène ne suffira pas à le protéger de la Gestapo, qui l’arrête le 24 février 1944. Envoyé au camp de Drancy, il y meurt le 5 mars, malgré les tentatives (tardives) de Cocteau ou de Sacha Guitry pour obtenir sa libération. En 1949, son corps est inhumé à Saint-Benoît-sur-Loire.

Le Cornet à dés (1916)

La préface de 1916 et la querelle du poème en prose.

Lorsqu’il publie Le Cornet à dés en 1916, Max Jacob a été précédé par un jeune poète, Pierre Reverdy. Il en prendra un vif ombrage, persuadé que celui-ci, au courant des textes qu’il conservait dans une malle, l’a pillé – ou désireux, lui-même, d’affirmer son antériorité.

Par ailleurs, dans sa préface, il mettait à mal Rimbaud, que Reverdy, lui, considérait comme le maître du poème en prose :

Rimbaud n’a ni style, ni situation : il a la surprise baudelairienne ; c’est le triomphe du désordre romantique.

Rimbaud a élargi le champ de la sensibilité et tous les littérateurs lui doivent de la reconnaissance, mais les auteurs de poèmes en prose ne peuvent le prendre pour modèle, car le poème en prose pour exister doit se soumettre aux lois de tout art, qui sont le style ou volonté et la situation ou émotion, et Rimbaud ne conduit qu’au désordre et à l’exaspération.

Deux notions essentielles sont mises en valeur ici :

  1. La situation : une œuvre « située » est directement issue du langage personnel, ou de l’inconscient du poète, ce qui la rend vivante.
  2. Le style : c’est la « volonté de s’extérioriser par des moyens choisis », c’est à dire l’art de construire un texte autonome, fermé sur lui-même, « classique » en somme.

Pourtant, Jacob doit beaucoup à Rimbaud, comme le rappelle Etienne-Alain Hubert, dans Circonstances de la poésie, p. 175 :

Ce que Max Jacob a reçu de Rimbaud […] c’est une brièveté dense et éclatante s’alliant à la liberté d’une imagination qui transgresse les limites du réel, cela dans un langage qui manipule ironiquement les lieux communs et ne recule pas devant le calembour créatif »

Mais Max Jacob, solitaire et démuni à Paris en 1915, perçoit Reverdy comme un rival et accueille avec amertume la publication des Poèmes en prose. Il écrira même une chronique assez méchante dans La Vie artistique n° 291, illustrée par Picabia : « Les imitateurs de Rimbaud sont peut-être des poètes en prose, ils ne sont pas des auteurs de poèmes en prose« .

C’est peut-être Reverdy qu’il attaque directement, lorsqu’il ajoute dans sa préface de 1916 :

On comprendra que je ne regarde pas comme poèmes en prose les cahiers d’impressions plus ou moins curieuses que publient de temps en temps les confrères qui ont de l’excédent. Une page en prose n’est pas un poème en prose, quand bien même elle encadrerait deux ou trois trouvailles…

Max Jacob semble vouloir introduire dans le poème en prose une forme de classicisme, à l’opposé du « désordre romantique » ; s’il transcrit des rêves, des visions, il exige une organisation, une cohérence qui diffère de l’écriture automatique et de la transcription brute que pratiqueront un peu plus tard les Surréalistes. Ses histoires sont souvent fondées sur la fantaisie, le calembour, le jeu de mots (ce qui n’est pas si éloigné des recherches d’un Apollinaire.

De même, à la fin de sa « Préface », Max Jacob semble rejoindre la préoccupation majeure d’Apollinaire, Reverdy et leurs amis peintres.

Une œuvre d’art vaut par elle-même et non par les confrontations qu’on peut en faire avec la réalité…

Max Jacob trouvera quelques héritiers en la personne de Cocteau, ou encore Jean Rousselot ; mais bientôt cette volonté de classicisme se trouvera submergée par l’émergence du dadaïsme, et surtout du Surréalisme.

Bibliographie

  • Le Christ à Montparnasse (1909)
  • Saint-Matorel (1911)
  • La Côte (1911)
  • Œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel (1912)
  • Le Siège de Jérusalem‚ grande tentation céleste de Frère Matorel (1914)
  • Le Cornet à dés (1916) qui lui apporte la notoriété
  • Le Phanérogame (1918)
  • La Défense de Tartuffe (1919)
  • Cinématoma (1920)
  • Le Laboratoire central (1921)
  • Le Roi de Béotie (1921)
  • Le Cabinet noir (1922)
  • Art Poétique (1922)
  • Filibuth ou la Montre en or (1923)
  • Le Terrain Bouchaballe (1923)
  • Les Tabar (1924) in Selection 3 12/1924 (pp 209-219)
  • Visions infernales (1924)
  • L’Homme de chair et l’Homme reflet (1924)
  • Les Pénitents en maillots roses (1925)
  • Le Fond de l’eau (1927)
  • Le Tableau de la Bourgeoisie (1929)
  • Sacrifice impérial (192])
  • Rivage (1931)
  • Bourgeois de France et d’ailleurs (1932)
  • Ballades (1938)
  • Derniers Poèmes (posthumes – 1945)