Claude Simon (1913-2005)

Claude Simon en 1967

Biographie de Claude Simon

Claude Simon naît le 10 octobre 1913, à Tananarive, dans l’île de Madagascar, d’un père militaire, qui meurt dès le 27 août 1914 dans la Grande Guerre.

Dès la fin de la guerre, durant l’été 1919, sa mère l’entraîne sur les champs de bataille, à la recherche de la tombe paternelle ; il racontera ce périple, traumatisant pour un enfant de cinq ans, dans L’Acacia.

Sa mère, elle, décède d’un cancer le 5 mai 1925, alors que l’enfant n’a que 12 ans.

L’enfant sera élevé par sa grand-mère maternelle, arrière-arrière-petite-fille du général révolutionnaire Jean-Pierre Lacombe-Saint-Michel ; et durant les vacances, par les trois sœurs célibataires de son père Louis, Louise, Eugénie et Artémise Simon ; il en dressera le portrait dans L’Herbe (1958) ; durant l’année scolaire, il est interne au collège Stanislas de Paris.

En 1931, il décide de se consacrer à la peinture et à la photographie ; il fait connaissance de sa première compagne, Renée Crog, avec qui il vivra jusqu’en 1944 ; après son service militaire dans un régiment de dragons à Lunéville (1934-35), il se rend en Espagne au moment de la guerre civile, sans participer directement aux combats, ce qui sera le sujet de son roman Le Palace. En 1937, il effectue un voyage en Pologne et en URSS.

Lorsque éclate la Seconde guerre mondiale, il est mobilisé à nouveau dans un régiment de dragons.

Prisonnier des Allemands en 1940, il s’évade, rejoint Perpignan, puis, après la fin de la zone libre, rentre à Paris où il participe à la Résistance.

Le 7 octobre 1944, son épouse, Renée, se suicide.

Après la guerre, il devient viticulteur en Roussillon, tout en se consacrant à son œuvre littéraire.

En 1951, il épouse Yvonne, divorcée de Marc Saint-Saëns (un descendant du compositeur), et elle-même peintre et sculpteur.

Les œuvres antérieures au Vent diffèrent profondément de celles qui vont suivre ; Claude Simon ne souhaitera pas les rééditer. À partir de 1955, il entame les recherches qui le mèneront aux grands romans.

En 1960, il signe le Manifeste des 121 contre la guerre d’Algérie, ce qui lui vaut une inculpation.

En 1962, son couple avec Yvonne s’est refroidi ; il fait la connaissance de Réa Karavas, une Athénienne de 34 ans. Ils décident de vivre ensemble (sans qu’il divorce d’Yvonne, à qui il continue de rendre visite).

En 1967, il obtient le Prix Médicis pour son roman Histoire.

En 1971, il participe avec Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et d’autres au colloque de Cerisy-La-Salle sur Le Nouveau roman ; et en 1973, un second colloque lui est entièrement consacré.

Le divorce avec Yvonne est prononcé en 1977 ; Claude Simon épouse Réa en 1978.

En 1985, il est lauréat du Prix Nobel de littérature.

À la fin de sa vie, il résidait entre sa maison de Salses-le-château et son appartement parisien du n° 3, rue Monge, en plein quartier latin. Il était l’ami des peintres Pierre Soulages et Jean Dubuffet.

Il meurt le 6 juillet 2005, et repose au cimetière Montmartre.

Les œuvres de Claude Simon

  • Le Tricheur, Minuit, 1945
  • La Corde raide, Minuit, 1947
  • Gulliver, Calmann-Lévy, 1952
  • Le Sacre du Printemps, Calmann-Lévy, 1954
  • Le Vent, tentative de restitution d’un retable baroque, Minuit, 1957
  • L’Herbe, Minuit, 1958
  • La Route des Flandres, Minuit, 1960
  • Le Palace, Minuit, 1962
  • Femmes (sur 23 peintures de Joan Mirò), Éditions Maeght, 1966
  • Histoire, Minuit, 1967 (Prix Médicis)
  • La Bataille de Pharsale, Minuit, 1969
  • Orion aveugle (avec 21 illustrations), « Les Sentiers de la création », Éditions Skira, 1970
  • Les Corps conducteurs, Minuit, 1971
  • Triptyque, Minuit, 1973
  • Leçon de choses, Minuit, 1975
  • Les Géorgiques, Minuit, 1981
  • La Chevelure de Bérénice, Minuit, 1984
  • Discours de Stockholm, Minuit, 1986
  • L’Invitation, Minuit, 1987
  • Album d’un amateur, Éditions Rommerskirchen, 1988
  • L’Acacia, Minuit, 1989
  • Photographies, 1937-1970, Éditions Maeght, 1992
  • Correspondance avec Jean Dubuffet, Éditions L’Échoppe, 1994
  • Le Jardin des Plantes, 1997
  • Le Tramway, Minuit, 2001
  • Archipel et Nord, Minuit, 2009

Claude Simon et le « Nouveau Roman »

Voir la synthèse sur le Nouveau Roman.

Si Claude Simon, dès le départ, fait partie du groupe de romanciers à l’origine de ce qu’on a appelé le « Nouveau Roman », très vite, il s’en distingue par une attitude beaucoup moins dogmatique que celle, par exemple, d’un Jean Ricardou ou d’un Alain Robbe-Grillet. Il se distingue du mouvement par plusieurs points essentiels.

Le rejet de toute forme de réalisme, et de la notion de référent

Dès le départ, Claude Simon est en porte-à-faux par rapport à cette exigence du Nouveau Roman : loin de refuser la notion de référent, il s’appuie au contraire, et de manière parfaitement consciente, sur une réalité vécue, auto-biographique.

Ainsi, la Route des Flandres est-elle une route bien réelle, que l’auteur a parcourue en 1940 lors du tragique épisode de la défaite ; le cheminement des quatre cavaliers, la mort de Reixach sont des anecdotes vécues. Cette dimension auto-biographique est clairement revendiquée par l’auteur ; Alain Robbe-Grillet s’en fera l’écho dans Les jardins publics, p. 33 :

« Il faut bien croire que S. accorde aux référents une importance supérieure à celle que font les autres romanciers de cette réunion. »

La dimension auto-biographique, le travail de la mémoire sont donc essentiels à l’œuvre de Claude Simon.

Certes, il ne faut pas pour autant s’attendre à voir respecté un quelconque « pacte auto-biographique » tel que défini par Philippe Lejeune ; mais ces romans, qui restent des romans, sont faits « à base de vécu ». On serait plus proche, finalement, d’une forme d’autofiction.

Les Nouveaux romanciers refusent métaphore et comparaison

Or, chez Claude Simon, on trouve au contraire un usage proliférant de la métaphore.

Robbe-Grillet, dit-il, veut refuser sévèrement (j’allais dire superstitieusement) la métaphore, alors que toute mon œuvre est construite sur la nature métaphorique de la langue ». (« Pour en finir avec l’équivoque du réalisme », L’Humanité, 20 mai 1977).

Dans Nouveau Roman, hier, aujourd’hui, il cite son ami le poète Michel Deguy, qui dit :
« En ce qui concerne, donc, la métaphore, je ne puis m’empêcher, en définitive, malgré certains débats récents où tel romancier, ou néo-romancier, croyait pouvoir annnoncer la fin de la métaphore, de prendre la métaphore pour le nom générique du trope, le nom de la capacité propre de la langue. Elle est l’articulation même du « langage articulé » que nous parlons (avec tous les risques d’arthrite que vous voudrez). »

À lire :

Nouveau Roman, hier, aujourd’hui, ouvrage collectif, éditions 10/18, 1972

  1. Tome 1 : problèmes généraux
  2. Tome 2 : pratiques. Avec des communications de Nathalie Sarraute, Claude Simon (p. 73-97), Alain
    Robbe-Grillet, Claude Ollier, Michel Butor, Robert Pinget et Jean Ricardou.

Bibliographie critique

  • Collectif, Claude Simon, La Route des Flandres, Klincksieck, coll. « Littératures contemporaines », 1997.
  • Allemand Roger-Michel, Le Nouveau Roman, Éd. Ellipses, 1996.
  • Butor Michel et Calle-Gruber Mireille, Claude Simon, Chemins de la mémoire, Pug – Le Griffon d’argile, 1993.
  • Calle-Gruber Mireille, Le Grand Temps : Essai sur l’œuvre de Claude Simon, Presses universitaires du Septentrion, 2004.
  • Calle-Gruber Mireille, Claude Simon. Une vie à écrire, Paris, Éditions du Seuil, collection Biographie, 2011.
  • Dällenbach Lucien, Dragonetti Roger, Raillard Georges, Starobinski Jean, Sur Claude Simon, Éd. de Minuit, 1987.
  • Genin Christine, L’expérience du lecteur dans les romans de Claude Simon. Lecture studieuse et lecture poignante.
    Paris, Champion (Littérature de notre siècle, 6), 1997.
  • Genin Christine, L’écheveau de la mémoire. La Route des Flandres de Claude Simon. Paris, Champion (Unichamp, 59), 1997.
  • Rannoux Catherie, L’écriture du labyrinthe : Claude Simon, La Route des Flandres, Paradigme, 2000.
  • Jean Ricardou (dir.), Colloque de Cerisy, Claude Simon, analyse/théorie, UGE, coll. 10/18, 1975,
    réédité chez Impressions nouvelles, 1986.
  • Viart Dominique, Une mémoire inquiète. ‘La Route des Flandres’ de Claude Simon, PUF, 1997, réédition Presses
    Universitaires du Septentrion, 2010.