Le christianisme à Rome

Les origines

Le Judaïsme

Tout commence par l’histoire du judaïsme. En 63 av. J-C, sous Pompée, la Judée devient un protectorat romain. Une première révolte éclate en 57 av. J-C ; elle sera réprimée ; plusieurs autres suivront. De nombreux juifs sont envoyés en esclavage en Italie. En 6 ap. J-C, la Judée devient province romaine à part entière.

Au Ier siècle ap. J-C, de 66 à 70, éclate une grande révolte des juifs contre le pouvoir Romain : le temple est détruit, et les juifs sont alors chassés de Jérusalem, dispersés dans tout l’empire : ce sera la diaspora. Il existe des communautés juives un peu partout dans l’Empire.

Judaïsme et christianisme

Le mouvement créé par Jésus de Nazareth et ses disciples apparaît d’abord comme une variante du judaïsme ; dans les années 40, il se répand en Palestine, mais aussi chez les juifs de langue grecque et dans la Diaspora ; contrairement au judaïsme officiel, qui ne pratique guère le prosélytisme, ce groupe se livre à une propagande active.

Le Nouveau Testament est rédigé entre les années 50 et les années 90-95.

La présence de premiers chrétiens à Rome est très précoce : un senatus-consulte de 35 définit déjà le christianisme comme superstitio illicita, et l’on trouve des vestiges chrétiens à Pompéi et Herculanum, donc antérieurs à l’éruption du Vésuve de 79. Cette définition de « superstition illicite » n’implique d’ailleurs pas qu’elle soit systématiquement pourchassée : les Romains admettaient parfaitement de telles religions dans le cadre privé, à l’intérieur de la domus.

Cependant, il faut attendre 135 pour que la rupture entre judaïsme et christianisme soit officielle.

Le christianisme dans l’Empire païen

Le poisson, symbole chrétien

Malgré la présence précoce de chrétiens à Rome et un peu partout dans l’Empire dès le 1er siècle, sa diffusion fut longtemps très confidentielle ; les Chrétiens apparaissent aux Romains comme une infime minorité, une religion orientale parmi d’autres, avec néanmoins des caractéristiques qui déplaisaient profondément : ainsi, contrairement à la plupart des autres religions, celle-ci prétendait à l’exclusivité, affirmant qu’il « n’y a qu’un seul Dieu« , et que tout autre culte relève d’une superstition criminelle. Par conséquent, les Chrétiens non seulement rejetaient l’ensemble des dieux romains – ce qui, aux yeux des Romains, ne pouvait que susciter la colère de ceux-ci – mais ils refusaient catégoriquement le culte impérial, ciment du régime…

Par ailleurs, leur attitude lors des persécutions, leur recherche d’un martyre volontaire, semblait aux Romains le comble de la folie, ou de la perversité.

Premier et deuxième siècle

Durant cette période, on ne peut parler de persécutions massives : les chrétiens sont  trop peu nombreux pour susciter de telles réactions. Les autorités se méfient d’eux, mais pas davantage que du culte de Mithra, de celui d’Attis, ou de celui d’Isis, un temps interdit. Théoriquement illicite, la religion chrétienne est tolérée.

Parmi les épisodes fameux – et largement amplifiés par les sources chrétiennes – figure la persécution consécutive à l’incendie de Rome sous le règne de Néron (64). L’Empereur, impuissant à détruire la rumeur qui le rendait responsable de cet incendie catastrophique, aurait voulu détourner la colère populaire en désignant d’autres coupables : la petite secte des Chrétiens, qui aurait peut-être malencontreusement attisé la haine des Romains en célébrant dans cet incendie l’annonce de la fin des temps et du Jugement dernier…

Autre épisode célèbre, celui des martyrs de Lyon : une cinquantaine de personnes arrêtées, torturées et mises à mort en 177 ; mais il témoigne surtout du rejet profond de la secte chrétienne par l’opinion publique, irritée par le prosélytisme et le refus de toute religion civique. Si cet épisode fut par la suite considéré comme un événement fondateur, il dut apparaître aux contemporains comme assez anecdotique, dans une société violente.

Lyon, amphithéâtre des Trois Gaules, où eut lieu le martyre.
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La peste antonine, une épidémie, probablement de variole, qui sévit dans tout l’empire entre 166 et 190, montre la force de la religion païenne : le culte d’Apollon connaît alors une très grande expansion.

Les catacombes de Rome sont creusées au cours du IIème siècle ; il ne s’agit pas, contrairement à une légende tardive (colportée notamment à l’époque Romantique, par Chateaubriand), de lieux de culte clandestins, mais tout simplement de cimetières, où les Chrétiens enterraient leurs morts le long de la Via Appia, hors du Pomerium (enceinte sacrée de Rome), selon leurs propres rites.

Troisième et quatrième siècle

Les crises du IIIème siècle

La fin de la dynastie des Sévère, avec l’assassinat de Sévère Alexandre en 235, marque le début d’une période de trouble profond, aussi bien à l’intérieur – on assiste à une succession d’empereurs très précaires, aucun règne ne durant plus de trois ou quatre ans – qu’à l’extérieur : crise climatique (après l’optimum climatique romain du début de l’empire, moment de grande douceur et de riches récoltes), menaces sur les frontières, crise monétaire…  Ajoutons, entre 251 et 260, une pandémie de peste (peut-être le typhus) appelée « peste de Cyprien », particulièrement meurtrière, et qui toucha la totalité de l’Afrique du Nord et de l’Europe occidentale.

Parallèlement, le culte impérial se transforme et s’approfondit : ainsi Aurélien institue le culte du Soleil (Sol inuictus) comme culte national.

Disque dédié à Sol Invictus portant la couronne radiée, argent, œuvre romaine, IIIème siècle. Provenance : Pessinus (Bala-Hissar, Asie mineure).

Dans ce contexte, grandit la conviction qu’une restauration religieuse était nécessaire pour retrouver la « paix des Dieux » ; or les Chrétiens apparurent comme les ennemis des dieux traditionnels, et par conséquent les responsables des malheurs du temps : durant le règne de Valérien (253-560), plusieurs édits lancèrent une persécution générale des Chrétiens ; plusieurs figures de premier plan y perdent la vie (Cyprien, évêque de Carthage, Saint Laurent, l’évêque de Rome Sixte II…), et le nombre de victimes fut relativement élevé. Mais en 260, Gallien, fils de Valérien, promulgue un édit de tolérance, qui assure une quarantaine d’années de paix religieuse, appelée « petite paix de l’Église ».

Le IIIème siècle s’achève avec le règne de Dioclétien (284-305) : celui-ci tenta de réformer l’Empire, et de le consolider, notamment en créant la tétrarchie : c’est-à-dire la répartition du pouvoir entre quatre co-empereurs :

  • Dioclétien, depuis Nicomédie, suit les affaires d’Asie et d’Égypte ;
  • Maximien, à Milan, a la responsabilité de l’Italie et l’Afrique et de l’Hispanie.
  • Galère, à Sirmium, est responsable de l’Illyrie et des régions du Danube ;
  • Constance Chlore, à Trèves, est chargé de la Bretagne, et de la Gaule.

En réalité, Dioclétien dirige le tout, les trois autres lui étant subordonnés.

Le IVème siècle, de la persécution de Dioclétien au règne de Constantin

Jusqu’en 303, les Chrétiens ne furent pas inquiétés ; ils bénéficièrent de la « petite paix de l’Église » et purent se développer. Cependant, croissait aussi un parti vigoureusement anti-chrétien, notamment grâce aux écrits de Porphyre ; par ailleurs, Galère, l’un des quatre tétrarques, était un païen fanatique ; quant à Dioclétien, il souhaitait promouvoir l’unité de l’Empire, et le christianisme lui apparaissait comme un corps étranger qu’il convenait d’extirper.

De février 303 à février 304, pas moins de quatre édits de persécution des chrétiens furent promulgués : destruction des édifices cultuels, confiscation des livres et vases sacrés, destitution des fonctionnaires chrétiens, emprisonnement du clergé, obligation de sacrifier aux dieux du paganisme.

En 305, Maximien et Dioclétien renoncent au pouvoir ; en 306, Constance Chlore décède : Constantin et Maxence s’emparent du pouvoir, qu’ils exercent conjointement avec Galère.

Cependant, face à l’inefficacité de ces mesures et à la résistance des Chrétiens, Galère finit par renoncer et promulgue, en 311, un édit de tolérance : le christianisme est désormais autorisé dans l’Empire. Il meurt la même année.

Le christianisme reste encore largement minoritaire jusqu’à la fin de la période : on considère qu’en 312, les Chrétiens ne représentent que 4 à 5 % de la population totale de l’Empire ; à Rome, ville la plus christianisée d’Italie, en compte environ 10 % ; ils sont environ 20 % en Égypte, 10 à 20 % en Afrique.

En 312, Constantin parvient à s’emparer seul du pouvoir après avoir éliminé Maxence : c’est la fin définitive de la tétrarchie.

L’année suivante, en 313, à Milan, est lancée une nouvelle politique à l’égard du christianisme : les biens de l’Église sont restitués. Constantin, quant à lui, évolue vers une sympathie de plus en plus affichée à l’égard des Chrétiens ; vers 316 commencent à apparaître, sur les monnaies, des signes chrétiens ; l’Empereur finira par se convertir, à la fin de son règne, en 337.

Il faudra cependant attendre la fin du IVème siècle, sous l’empereur Théodose, pour que le christianisme devienne la religion officielle de l’Empire.