Cuncta fluunt, omnisque uagans formatur imago;
ipsa quoque adsiduo labuntur tempora motu,
non secus ac flumen; neque enim consistere flumen
nec leuis hora potest: sed ut unda inpellitur unda
urgeturque prior ueniente urgetque priorem,
tempora sic fugiunt pariter pariterque sequuntur
et noua sunt semper; nam quod fuit ante, relictum est,
fitque, quod haut fuerat, momentaque cuncta nouantur.
« Cernis et emensas in lucem tendere noctes,
et iubar hoc nitidum nigrae succedere nocti ;
nec color est idem caelo, cum lassa quiete
cuncta iacent media cumque albo Lucifer exit
clarus equo rursusque alius, cum praeuia lucis
tradendum Phoebo Pallantias inficit orbem.
Ipse dei clipeus, terra cum tollitur ima,
mane rubet, terraque rubet cum conditur ima,
candidus in summo est, melior natura quod illic
aetheris est terraeque procul contagia fugit.
Nec par aut eadem nocturnae forma Dianae
esse potest umquam semperque hodierna sequente,
si crescit, minor est, maior, si contrahit orbem.
« Quid? non in species succedere quattuor annum
adspicis, aetatis peragentem imitamina nostrae?
Nam tener et lactens puerique simillimus aeuo
uere nouo est: tunc herba recens et roboris expers
turget et insolida est et spe delectat agrestes;
omnia tunc florent, florumque coloribus almus
ludit ager, neque adhuc uirtus in frondibus ulla est.
Transit in aestatem post uer robustior annus
fitque ualens iuuenis: neque enim robustior aetas
ulla nec uberior, nec quae magis ardeat, ulla est.
excipit autumnus, posito feruore iuuentae
maturus mitisque inter iuuenemque senemque
temperie medius, sparsus quoque tempora canis.
Inde senilis hiems tremulo uenit horrida passu,
aut spoliata suos, aut, quos habet, alba capillos.
« Nostra quoque ipsorum semper requieque sine ulla
corpora uertuntur, nec quod fuimusue sumusue,
cras erimus; fuit illa dies, qua semina tantum
spesque hominum primae matris latitauimus aluo :
artifices natura manus admouit et angi
corpora uisceribus distentae condita matris
noluit eque domo uacuas emisit in auras.
editus in lucem iacuit sine uiribus infans;
mox quadrupes rituque tulit sua membra ferarum,
paulatimque tremens et nondum poplite firmo
constitit adiutis aliquo conamine neruis.
Inde ualens ueloxque fuit spatiumque iuuentae
transit et emeritis medii quoque temporis annis
labitur occiduae per iter decliue senectae.
Subruit haec aeui demoliturque prioris
robora: fletque Milon senior, cum spectat inanes
illos, qui fuerant solidorum mole tororum
Herculeis similes, fluidos pendere lacertos ;
flet quoque, ut in speculo rugas adspexit aniles,
Tyndaris et secum, cur sit bis rapta, requirit.
Tempus edax rerum, tuque, inuidiosa uetustas,
omnia destruitis uitiataque dentibus aeui
paulatim lenta consumitis omnia morte! |
Tout coule, et tout prend la forme d’une image errante. Le temps lui-même roule comme un fleuve d’un mouvement continu, car ni le fleuve rapide et l’heure légère ne peuvent s’arrêter. Mais, comme l’onde est chassée par l’onde, pressant celle qui la précède, et pressée par celle qui la suit, ainsi les moments s’écoulent également, également se succèdent, et sont toujours nouveaux. L’instant qui vient de commencer, n’est plus; celui qui n’était pas encore arrive : tous passent, et se renouvellent sans cesse. Voyez les nuits, ayant achevé leur course, tendre vers la lumière, et la brillante étoile du matin succéder à la nuit noire. Et le ciel n’a pas la même couleur lorsque tout repose encore fatigué de sommeil, et lorsque l’Étoile du matin resplendissante sort sur son cheval blanc. Cet azur prend une autre nuance, quand l’Aurore, qui précède le jour, colore la terre qui doit être livrée à Phoebus. Le bouclier même du dieu, quand il s’élève de la terre profonde, rougit le matin, et il rougit quand il se cache dans la terre profonde. Mais, au sommet de sa course, il est d’un blanc éclatant, parce que, là-bas, l’air est plus pur, et fuit loin des vapeurs de la terre. Et la forme de la Diane nocturne ne peut jamais être identique à elle-même : suivant sa forme quotidienne, si elle croît, elle est plus petite la veille que le lendemain, et, si elle décroît, plus grande .
Quoi ? Tu ne vois pas quatre aspects se succéder dans l’année, imitant le cours de notre vie ? Au Printemps, tendre et comme à la mammelle, elle est tout à fait semblable à l’enfant en bas âge; Alors l’herbe brillante et sans force, croît et régale d’espoir le laboureur. Tout fleurit alors, et le champ nourrissier, par les couleurs des fleurs, prend un aspect riant ; et il n’y a encore nulle force dans les feuilles. Après le printemps, l’année plus robuste passe à l’été, et devient un vigoureux jeune homme. Aucun âge en effet n’est plus fort, plus fécond, ni plus ardent que celui-là. Arrive l’Automne ; ayant laissé la ferveur de la jeunesse, il est mûr et doux, entre le jeune homme et le vieillard, il tient le milieu par son équilibre, ayant aussi semé du blanc sur ses tempes. Enfin le vieil Hiver âpre arrive d’un pas tremblant, dépouillé de ses cheveux, ou, pour ceux qu’il a, de blanc. Nos corps aussi changent toujours, sans aucun repos : ce que nous fûmes, ce que nous sommes, demain nous ne le serons plus. Il fut un temps où, seulement germes, et premier espoir d’hommes, nous nous cachâmes dans le sein d’une mère. La Nature intervint de ses mains expertes, et ne voulut pas que nos corps cachés dans les entrailles distendues de notre mère soient à l’étroit : elle nous jeta hors de notre demeure à l’air libre. Amené à la lumière, l’enfant gît sans forces ; bientôt, à la manière des bêtes, il se sert de ses membres pour marcher à quatre pattes, et peu à peu, tremblant, pas encore affermi sur ses jarrets, il se dresse en s’aidant de quelque appui. Puis il est vigoureux et rapide, et il traverse l’espace de sa jeunesse, et, les années du milieu de son temps étant aussi achevées, il glisse sur le chemin en pente de la vieillesse qui décline. Elle ruine et détruit les forces de l’âge précédent ; et Milon devenu vieux pleure, quand il voit ses bras inutiles pendre sans force, eux qui, par la masse de leurs muscles solides, avaient été semblables à ceux d’Hercule. Elle pleure aussi, lorsqu’elle voit dans le miroir ses rides de vieille femme, et elle se demande pourquoi elle a été deux fois enlevée. Temps dévoreur des choses, et toi, vieillesse jalouse, vous détruisez tout, et tout ce qui a été abîmé par les dents de l’âge, vous le consumez lentement par la mort. |