Justin (IIIème siècle ap. J-C)

Nous ne savons presque rien de Justin, sinon qu’il abrégea l’ouvrage de l’historien gallo-romain Trogue-Pompée (natif de Vaison-la-Romaine) qui vivait sous Auguste. Justin aurait, lui, vécu au IIIème, voire au IVème siècle.

La fondation de Marseille

Marseille, la calanque du Lacydon

Temporibus Tarquinii regis ex Asia Phocaeensium iuuentus ostio Tiberis inuecta amicitiam cum Romanis iunxit ; inde in ultimos Galliae sinus nauibus profecta Massiliam inter Ligures et feras gentes Gallorum condidit, magnasque res, siue dum armis se aduersus Gallicam feritatem tuentur siue dum ultro lacessunt, a quibus fuerant antea lacessiti, gesserunt. 5 Namque Phocaeenses exiguitate ac macie terrae coacti studiosius mare quam terras exercuere: piscando mercandoque, plerumque etiam latrocinio maris, quod illis temporibus gloriae habebatur, uitam tolerabant. 6 Itaque in ultimam Oceani oram procedere ausi in sinum Gallicum ostio Rhodani amnis deuenere, 7 cuius loci amoenitate capti, reuersi domum referentes quae uiderant, plures sollicitauere. 8 Duces classis Simos et Protis fuere. Itaque regem Segobrigiorum, Nannum nomine, in cuius finibus urbem condere gestiebant, amicitiam petentes conueniunt. 9 Forte eo die rex occupatus in apparatu nuptiarum Gyptis filiae erat, quam more gentis electo inter epulas genero nuptum tradere illic parabat. 10 Itaque cum ad nuptias inuitati omnes proci essent, rogantur etiam Graeci hospites ad conuiuium. 11 Introducta deinde uirgo cum iuberetur a patre aquam porrigere ei, quem uirum eligeret, tunc omissis omnibus ad Graecos conuersa aquam Proti porrigit, qui factus ex hospite gener locum condendae urbis a socero accepit. 12 Condita igitur Massilia est prope ostia Rhodani amnis in remoto sinu, uelut in angulo maris. 13 Sed Ligures incrementis urbis inuidentes Graecos adsiduis bellis fatigabant, qui pericula propulsando in tantum enituerunt, ut uictis hostibus in captiuis agris multas colonias constituerint.

Justin, Histoire universelle, XLIII, 4-12.

Traduction

Aux temps du roi Tarquin, de jeunes Phocéens venus d’Asie, arrivés à l’embouchure du Tibre, se lièrent d’amitié avec les Romains ; puis, s’étant dirigés avec leurs navires à l’extrémité de la mer des Gaules, ils fondèrent Marseille, entre la Ligurie et les nations sauvages des Gaulois et ils accomplirent de grands exploits, soit en se défendant par les armes contre la férocité gauloise, soit en attaquant à leur tour ceux qui les avaient attaqués. 5. Contraints en effet par l’exiguité et l’arridité de leur sol, les Phocéens pratiquèrent plus la mer que les terres :  ils gagnaient leur vie grâce à la pêche, au commerce, souvent même à la piraterie, qui en ces temps-là était en honneur. 6. C’est pourquoi, ayant osé s’avancer jusqu’à l’ultime limite de l’Océan, ils arrivèrent à ce golfe  gaulois à l’embouchure du Rhône : 7. séduits par l’agrément de ce lieu, de retour chez eux, racontant ce qu’ils avaient vu ils incitèrent des gens plus nombreux à partir. Les chefs de la flotte furent Simos et Protis. C’est pourquoi ils viennent trouver le roi  des Ségobriges, du nom de Nannus, sur le territoire duquel ils brûlaient de fonder une ville, et lui demandent son amitié. 9. Par hasard, ce jour-là, le roi était occupé aux préparatifs des noces de sa fille Gyptis, qu’il s’apprêtait, selon la coutume de son pays, à donner là en mariage à un gendre  choisi au milieu du banquet. 10. C’est pourquoi, comme tous les prétendants avaient été invités à la noce, on invite aussi les hôtes Grecs au banquet. 11. Puis, comme la jeune fille, introduite, recevait l’ordre de son père d’offrir de l’eau à celui qu’elle choisissait pour mari, ayant oublié tous les autres, elle se tourna vers les Grecs et offrit l’eau à Protis, qui d’hôte qu’il était, devenu gendre, reçut de son beau-père un lieu pour fonder une ville. 12. Marseille fut donc fondée près de l’embouchure du Rhône, dans un golfe écarté, comme dans un angle de la mer. 13. Mais les Ligures, jaloux de la croissance de la ville, épuisaient par des guerres continuelles les Grecs, qui, en repoussant les périls, arrivèrent au point, une fois les ennemis vaincus, d’installer de nombreuses colonies dans les terres conquises.