Sur les sanctuaires panhelléniques, voir ici.
Ce sanctuaire fut créé par la confédération des 12 peuples, surtout doriens ; puis il fut fréquenté par tous les Grecs, et à partir de la conquête romaine, par tout le monde méditerranéen. Il possède l’Omphalos – le nombril du monde.
Le site
Il est décrit par Henry Miller dans Le Colosse de Maroussi. En Phocide, au nord du golfe de Corinthe, au pied du Parnasse, il domine Amphissa. C’est un carrefour important, entre les routes nord-sud et est-ouest, en direction du Péloponnèse. On y accédait plus facilement par le golfe et le port sacré de Kirrha. Le sanctuaire se trouve dans une brèche : au Nord le Parnasse, longtemps enneigé, qui entoure tout le site comme un amphithéâtre ; devant lui, les Phédriades, falaises de porphyre rouge : Hyampeia à droite et Nauplia à gauche. Au centre, une crevasse où jaillit la source Castallie ; en contre-bas , à l’est, la vallée du Pleistos, très étroite, qui s’étale au bas du sanctuaire : c’est la « mer des oliviers », jusqu’à la côte.
L’oracle
C’est le plus important de tous les oracles : voir L’Hymne homérique à Apollon Pythien. Delphes est pour les Achéens une création qui leur appartient. En réalité, le mythe résume la lutte des chtoniens pré-achéens et des ouraniens aryens. Les premières divinités furent chtoniennes : la Terre-Mère (Gé ou Gaia), qui avait pour serviteur le serpent, et rendait des oracles. Cf. Euripide, Oniromancie. Apollon recueille l’héritage, mais de manière libératrice. Son instrument est la Pythie, prophétesse inspirée au métier exténuant. La tension nerveuse est permanente : à l’époque classique, trois pythies se relaient. La pythie en exercice est assise sur un trépied, ou sur l’omphalos. Elle entre en transe, et sa réponse est interprétée par les exégètes.
Les anciens relient la Pythie au vieil oracle, et à une particularité géo-physique : une crevasse à l’endroit du temple, d’où sortiraient des émanations ; des chèvres auraient été prises de délire à cet endroit. En fait, on n’a relevé aucun phénomène volcanique à Delphes. La Pythie prenait-elle des drogues hallucinogènes ?
Le rôle politique de l’oracle
Malgré son rôle très important, il n’a jamais été un facteur unificateur, mais plutôt un facteur de discorde, en se mettant du côté du plus fort. Son rôle commence à la fin du XIIIème siècle (guerre de Troie : 1200-1183) : l’influence de l’oracle s’accroît, on lui accorde un revenu substantiel, les serfs d’Apollon sont les peuples soumis. L’oracle pousse à la conquête du Péloponnèse, qui devient zone dorienne ; Sparte est une ville dorienne ; Lycurgue, législateur plus ou moins légendaire de Sparte, se dit inspiré par l’oracle… Pendant les guerres de Messénie, l’oracle justifie toujours l’attitude spartiate. Mais lorsque Sparte prend place dans la Confédération d’Olympie, Delphes se tourne vers Athènes.
A Athènes, Delphes appuie les oligarques ; durant la 1ère guerre médique, l’oracle interdit à Sparte d’intervenir ; durant la seconde, il « médise », retarde Sparte… Finalement, l’interprétation de l’oracle par Thémistocle (la Grèce sera sauvée par des «remparts de bois», c’est-à-dire par des bateaux) permet la victoire de la Grèce à Salamine, et la sauvegarde de la civilisation occidentale. Durant la guerre du Péloponnèse, Delphes se rallie à Sparte ; puis il se ralliera à Philippe de Macédoine.
Description du sanctuaire
C’est l’un des mieux connus et des mieux conservés, grâce à une description de Pausanias (IIème siècle ap. J-C), et aux fouilles de l’école française d’Athènes. C’est un quadrilatère irrégulier qui s’étale à flanc de coteaux, de 200m (N-S) sur 130 m (E-O), entouré d’un mur d’enceinte, tantôt d’appareil cyclopéen (polygonal), tantôt d’appareil helladique, interrompu aux Propylées, à l’angle sud-est du quadrilatère. De là part la voie sacrée, sinueuse, qui monte jusqu’au temple. De chaque côté de la voie sacrée se pressent des édifices de toutes sortes.
Du sud-est au nord-est
- Le taureau de Corcyre (2) : ex-voto dédié à Apollon pour une pêche au thon miraculeuse : piédestal surmonté d’une tête de taureau.
- Ex-voto des Athéniens après Marathon (3) : décrit par Pausanias. L’auteur en est Phidias : série de statues de héros grecs.
- Ex-voto des Lacédémoniens (4) ou monument de Lysandre, après la victoire d’Ægos-Potamos : statues en bronze des dieux et des amiraux. On savait qu’il y avait aussi des ex-votos des Arcadiens, des Argiens (5, 6 et 7), des Tarentiens, qu’on ne peut actuellement localiser de manière sûre.
- Trésor de Sicyone (9) : petit édicule du Vième siècle, dorique à antes
- Trésor de Siphnos (10)
- Trésor de Cnide (17), avec une frise ionique et des caryatides ; on y voit la lutte entre les dieux et les géants, l’assemblée des Dieux, les combats devant Troie.
- Le Trésor des Thébains.
Sud ouest-nord est
- Trésor des Athéniens(15), construit après Marathon. C’est le seul édifice entièrement reconstitué pierre par pierre par l’École française d’Athènes, de 1904 à 1906. C’est un édicule dorique à antes de 10 m sur 6 m, décoré d’une frise montrant les exploits d’Héraklès et de Thésée. On y trouve deux hymnes à Apollon et des textes relatifs à la théorie envoyée par Athènes chaque année. L’architrave est faite d’un entablement et d’une frise. tresor_atheniens
- Bouleutérion (salle du conseil) (16)
- Place de l’ancien oracle de Gaia (18) ; l’aire a environ 15 m de diamètre : s’y déroulait la représentation du drame sacré du combat entre Apollon et le Python.
- Sphynx des Naxiens (19) : colonne dorique de 10 m de haut, avec un chapiteau en forme de sphynx.
- Trésor de Corinthe (22)
- Terrasse (25) avec un mur de soutènement polygonal (83 m sur 3 m) recouvert de 700 inscriptions reconnues.
Portion sud-nord
- Carrefour des trépieds (31), avec l’ex-voto des phocidiens, le trépied de Platées (26), colonne de bronze faite de 3 serpents entrelacés, et le socle de l’ex-voto des Rhodiens (27) ; sur le carrefour, on trouve aussi les ex-votos de Gellon, de Hiéron…
- Temple d’Apollon (30) : reconstruit pour la dernière fois en 369 ; il ne reste que le plan et quelques colonnes. L’adyton ou se trouvait l’omphalos (au musée d’Athènes) est en forme de crypte sous l’édifice. La décoration des frontons a été décrite par Pausanias. A l’est : Apollon, Artémis, Latone, les Muses et le coucher d’Hélios ; à l’ouest, Dionysos.
- Sanctuaire de Néoptolème (34)
- Quadrige de Gellon (l’aurige du musée de Delphes)
- Le théâtre (40), construit au IVième siècle, restauré en 159.
- La lesché de Cnide (36), lieu de réunion pour les pélerins
- Plus loin, au-delà du théâtre, stade de 199 m de long, pouvant recevoir 7000 spectateurs.
Le sanctuaire d’Athéna Pronaia
Il est séparé du sanctuaire d’Apollon par le Pappadia et la fontaine de Castallie ( à l’est du sanctuaire d’Apollon). Sur ce site, on a trouvé les restes d’un sanctuaire mycénien.
On y trouve une tholos, merveille de l’architecture grecque. Il ne reste qu’une plate-forme et 3 des 20 colonnes d’origine qui soutiennent une frise extraordinaire représentant les combats des Amazones et des Centaures. En marbre, elle fut construite au début du IVème siècle par Théodore de Phocée.