Xénophon, La Cyropédie

Xénophon

Livre III

Xénophon, Cyropédie, III, 3, 43-46 : discours aux soldats.

Cyrus s’apprête à attaquer le roi d’Assyrie, Crésus… Celui-ci s’adresse à ses soldats.

Παρέταττε δὲ αὐτοὺς αὐτὸς ὁ βασιλεὺς ἐφ’ ἅρματος παρελαύνων καὶ τοιάδε παρεκελεύετο. (44) – « Ἄνδρες ᾿Ασσύριοι, νῦν δεῖ ἄνδρας ἀγαθοὺς εἶναι· νῦν γὰρ ὑπὲρ ψυχῶν τῶν ὑμετέρων ἁγὼν καὶ ὑπὲρ γῆς ἐν ᾗ ἔφυτε καὶ (περὶ) οἴκων ἐν οἷς ἐτράφητε, καὶ ὑπὲρ γυναικῶν τε καὶ τέκνων καὶ περὶ πάντων ὧν πέπασθε ἀγαθῶν. νικήσαντες μὲν γὰρ ἁπάντων τούτων ὑμεῖς ὥσπερ πρόσθεν κύριοι ἔσεσθε· εἰ δ’ ἡττηθήσεσθε, εὖ ἴστε ὅτι παραδώσετε ταῦτα πάντα τοῖς πολεμίοις. (45) Ἅτε οὖν νίκης ἐρῶντες μένοντες μάχεσθε. Μῶρον γὰρ τὸ κρατεῖν βουλομένους τὰ τυφλὰ τοῦ σώματος καὶ ἄοπλα καὶ ἄχειρα ταῦτα ἐναντία τάττειν τοῖς πολεμίοις φεύγοντας· μῶρος δὲ καὶ εἴ τις ζῆν βουλόμενος φεύγειν ἐπιχειροίη, εἰδὼς ὅτι οἱ μὲν νικῶντες σῴζονται, οἱ δὲ φεύγοντες ἀποθνῄσκουσι μᾶλλον τῶν μενόντων· μῶρος δὲ καὶ εἴ τις χρημάτων ἐπιθυμῶν ἧτταν προσίεται. Τίς γὰρ οὐκ οἶδεν ὅτι οἱ μὲν νικῶντες τά τε ἑαυτῶν σῴζουσι καὶ τὰ τῶν ἡττωμένων προσλαμβάνουσιν, οἱ δὲ ἡττώμενοι ἅμα ἑαυτούς τε καὶ τὰ ἑαυτῶν πάντα ἀποβάλλουσιν; » Ὁ μὲν δὴ ᾿Ασσύριος ἐν τούτοις ἦν.

Traduction

(44) «Assyriens, c’est à présent qu’il faut montrer votre bravoure ; car, à présent, c’est pour votre vie que vous combattez, c’est pour la terre où vous êtes nés, pour les maisons où vous avez été élevés, c’est pour vos femmes et vos enfants et pour tous les biens que vous possédez. Vainqueurs, vous restez maîtres, comme auparavant, de tous ces biens ; vaincus, sachez que vous laissez tout cela aux mains de l’ennemi. (45) Combattez donc de pied ferme, en hommes qui veulent être vainqueurs ; car c’est une folie, quand on veut la victoire, d’opposer, en fuyant, à l’ennemi les parties du corps qui sont sans yeux, sans armes et sans mains. C’est une folie aussi, quand on veut vivre, de se mettre à fuir ; car on sait que ce sont les vainqueurs qui sauvent leur vie et qu’en fuyant on est plus exposé à la mort qu’en tenant ferme. C’est une folie encore quand on désire la richesse, de se laisser vaincre ; car qui ne sait que les vainqueurs non seulement sauvent leurs biens, mais encore prennent ceux des vaincus, et que les vaincus perdent à la fois leur personne et leurs biens ?» Voilà ce que faisait l’Assyrien.

Commentaire

Ce discours, formé d’un certain nombre de clichés, a probablement servi de source à Salluste pour le discours que Catilina adresse à ses troupes avant l’ultime bataille ; on y trouve à peu près les mêmes éléments :

« c’est pour votre vie que vous combattez, pour la terre… les maisons… les femmes et les enfants… » devient chez Catilina : « nos pro patria, pro libertate, pro uita certamus » même usage de l’anaphore, mais réduite ici à un groupe ternaire ascendant pour le sens, décroissant pour le rythme.
Nécessité du courage, et folie de la fuite : « nam in fuga salutem sperare, cum arma quibus corpus tegitur ab hostibus auorteris, ea uero dementia est ».
Ce sont les fuyards qui courent le plus grand danger : « semper in proelio eis maxumum est periculum qui maxume timent ; audacia pro muro habetur. »
Mais là où le Grec multiplie les détails concrets, dans un style presque baroque (« les parties du corps qui sont sans yeux, sans armes et sans mains… »), le Romain demeure plus sobre, et plus direct.