Sur la route d’Athènes, au retour du Pirée, où ils ont contemplé un magnifique navire de commerce, trois badauds évoquent la vie qu’ils mèneraient si les Dieux leur donnaient la richesse. L’un d’eux, Adeimantos, commence ainsi :
[22] (ΑΔΕΙΜΑΝΤΟΣ) Τὰ σὰ ῥυθμιεῖς πιθανώτερον, ὦ Λυκῖνε, μετ´ ὀλίγον, ἐπειδὰν αὐτὸς αἰτῇς. Ἐσθὴς ἐπὶ τούτοις ἁλουργὶς καὶ ὁ βίος οἷος ἁβρότατος, ὕπνος ἐφ´ ὅσον ἥδιστος, φίλων πρόσοδοι καὶ δεήσεις καὶ τὸ ἅπαντας ὑποπτήσσειν καὶ προσκυνεῖν, καὶ οἱ μὲν ἕωθεν πρὸς ταῖς θύραις ἄνω καὶ κάτω περιπατήσουσιν, ἐν αὐτοῖς δὲ καὶ Κλεαίνετος καὶ Δημόκριτος [1] οἱ πάνυ, καὶ προσελθοῦσιν γε αὐτοῖς καὶ πρὸ τῶν ἄλλων εἰσδεχθῆναι ἀξιοῦσι θυρωροὶ ἑπτὰ ἐφεστῶτες, εὐμεγέθεις βάρβαροι, προσαραξάτωσαν ἐς τὸ μέτωπον εὐθὺ τὴν θύραν, οἷα νῦν αὐτοὶ ποιοῦσιν. Ἐγὼ δέ, ὁπόταν δόξῃ, προκύψας ὥσπερ ὁ ἥλιος ἐκείνων μὲν οὐδ´ ἐπιβλέψομαι ἐνίους, εἰ δέ τις πένης, οἷος ἦν ἐγὼ πρὸ τοῦ θησαυροῦ, φιλοφρονήσομαι τοῦτον καὶ λουσάμενον ἥκειν κελεύσω τὴν ὥραν ἐπὶ τὸ δεῖπνον. Οἱ δὲ ἀποπνιγήσονται οἱ πλούσιοι ὁρῶντες ὀχήματα, ἵππους καὶ παῖδας ὡραίους ὅσον δισχιλίους, ἐξ ἁπάσης ἡλικίας ὅ τι περ τὸ ἀνθηρότατον.
[23] εἶτα δεῖπνα ἐπὶ χρυσοῦ— εὐτελὴς γὰρ ὁ ἄργυρος καὶ οὐ κατ´ ἐμέ—, τάριχος μὲν ἐξ Ἰβηρίας, οἶνος δὲ ἐξ Ἰταλίας, ἔλαιον δὲ ἐξ Ἰβηρίας καὶ τοῦτο, μέλι δὲ ἡμέτερον τὸ ἄπυρον [2], καὶ ὄψα πανταχόθεν καὶ σύες καὶ λαγώς, καὶ ὅσα πτηνά, ὄρνις ἐκ Φάσιδος καὶ ταὼς ἐξ Ἰνδίας καὶ ἀλεκτρυὼν ὁ Νομαδικός[3] · οἱ δὲ σκευάζοντες ἕκαστα σοφισταί τινες περὶ πέμματα καὶ χυμοὺς[4] ἔχοντες. Εἰ δέ τινι προπίοιμι σκύφον ἢ φιάλην αἰτήσας, ὁ ἐκπιὼν ἀποφερέτω καὶ τὸ ἔκπωμα.
Lucien, Le Navire ou les souhaits, § 22-23.
[22] (ADEIMANTOS) Tu régleras tes souhaits avec plus de vraisemblance, Lykinos, tout à l’heure, quand tu en formeras toi-même. En outre, je m’habillerai de pourpre, je mènerai la vie la plus délicate, je prolongerai mon sommeil autant qu’il me plaira. Mes amis viendront me visiter et me demander des grâces. Dès le matin, les gens feront les cent pas à ma porte, et parmi eux Kléainétos et Dèmocritos, ces grands personnages. Quand ils s’approcheront et demanderont à être introduits les premiers, sept portiers barbares, d’une taille gigantesque, debout sur le seuil, leur jetteront tout droit la porte au nez, comme ces riches le font eux-mêmes à présent. Et moi, lorsqu’il me plaira, j’avancerai la tête dehors comme le soleil levant, et certains de ces courtisans n’obtiendront même pas un regard de moi; mais, si j’aperçois un pauvre tel que j’étais moi-même avant la découverte de mon trésor, je l’accueillerai avec bonté et l’inviterai à venir après le bain, à l’heure du dîner, pour se mettre à table avec moi. Mais les autres, les riches seront suffoqués de dépit, en voyant mes voitures, mes chevaux, mes beaux esclaves, dont le nombre ne sera pas loin de deux mille, choisis, quel que soit leur âge, parmi les plus gracieux.
[23] A ma table, on ne verra que de la vaisselle d’or, car l’argent est trop vil et n’est pas digne de moi. Le poisson salé me viendra d’Ibérie, le vin d’Italie, l’huile d’Ibérie aussi. Le miel sera de chez nous, mais recueilli sans feu. Tous les pays me fourniront des mets, des sangliers et des lièvres, et toutes sortes de volailles, oiseau du Phase, paon de l’Inde, coq de Numidie. Pour apprêter chaque espèce de mets, j’aurai d’habiles cuisiniers, qui veilleront à la composition des gâteaux et des sauces. Si je demande une coupe ou une tasse pour porter la santé de quelqu’un, celui qui aura épuisé la coupe, l’emportera.
- Cléainétos et Démocrite sont des personnages fictifs.
- Le miel est dit « sans feu » parce qu’il a été recueilli sans que les ruches aient été enfumées ; il n’a donc pas le goût de la fumée.
- ὄρνις ἐκ Φάσιδος καὶ ταὼς ἐξ Ἰνδίας καὶ ἀλεκτρυὼν ὁ Νομαδικός désignent le faisan, le paon et la pintade.
- πέμματα καὶ χυμοὺς = les cuissons et les sauces.