Euripide, « Ion »

Le temple d’Apollon à Delphes.

Introduction : une pièce patriotique athénienne Composition de l’œuvre Prologue Épisode 1
Épisode 2 Épisode 3 Épisode 4

Introduction : Une pièce patriotique athénienne

Écrite sans doute en 419 ou 418 av. J-C, à une époque où Athènes pouvait encore rêver d’une hégémonie sur le Péloponnèse, Ion est avant tout une pièce patriotique. Elle se passe à Delphes, certes, mais il yest question des premiers Rois athéniens. Créüse, fille d’Érechthée, doit donner à la cité un héritier légitime du trône ; mais elle est mariée à un étranger, Xouthos, et le couple est stérile…

Une situation dynastique compliquée

Créüse est l’unique survivante des enfants d’Érechthée ; elle est mariée à Xouthos, qui certes a sauvé Athènes, mais n’est pas athénien. Deux hypothèses, aussi désastreuses l’une que l’autre, se présentent :

  1. Ou bien elle aura un fils de Xouthos, mais celui-ci sera à demi Athénien seulement ; aux yeux d’un Athénien contemporain de Périclès, il ne peut être qu’un métèque !
  2. Ou bien elle restera stérile, mais alors la lignée d’Érechthée disparaîtra.

Le salut ne peut donc venir que des dieux : dès le début de la pièce, par le récit d’Hermès, le public est averti (mais non les personnages !) que Créüse a eu un enfant, et du seul père possible qui ne mette pas en péril la dynastie athénienne : un dieu, en l’occurrence Apollon. Cet enfant, Ion, est triplement béni des dieux : par son père Apollon, qui l’a conçu et a veillé sur lui, par Hermès, qui l’introduit dès le début, et l’a amené à Delphes, par Athéna qui clôt la pièce et l’introduit officiellement à Athènes.
D’Hermès, simple messager, à Apollon, dieu delphien, prestigieux mais un peu éloigné d’Athènes, et enfin à Athéna, incarnation même de la ville, on notera la progression.

Un personnage qui évolue

Au début de la pièce, Ion est un adolescent (quinze ans peut-être ?), encore puéril, très attaché à son dieu et au sanctuaire où il a grandi ; face à Xouthos, on note déjà sa fierté ombrageuse… mais c’est encore un jeune garçon qui n’a pas très envie de quitter le monde de l’enfance pour un avenir hasardeux et de lourdes responsabilités.
Il se révèle au moment du danger : face à une tentative d’assassinat, il prend les choses en main, arrête le vieillard, interroge Créüse : il manifeste alors une autorité naturelle et un sang-froid digne d’un chef.
Sans être Athénien, ou plutôt ignorant qu’il l’est, il semble posséder spontanément les valeurs de la Cité : souci de sa propre légitimité, exigence de justice… Respectueux des lois athéniennes, il n’a aucune intention d’usurper un pouvoir auquel il n’aurait pas droit.

Des personnages qui partagent tous ces valeurs athéniennes

Xouthos

C’est peut-être celui qui en est le plus éloigné ; mais c’est à la demande de Créüse, qu’il semble aimer sincèrement, qu’il est venu à Delphes. Lorsque le dieu désigne Ion comme son fils, il l’accueille chaleureusement, sans trop se poser de questions, dans une totale acceptation de la volonté des dieux.
Conscient d’être un étranger à Athènes, il ne semble pas revendiquer d’imposer sa propre dynastie.
D’ailleurs, il quitte la scène aussitôt après avoir reconnu Ion… et il sera tenu à l’écart de la vérité !

Créüse

Son rôle pourrait paraître délicat : elle a trahi la confiance de Xouthos en lui cachant qu’elle avait eu un enfant ; elle tente ensuite d’assassiner cet enfant… Tout pourrait donc conduire à faire d’elle une sorte de monstre, à la manière de Médée. Mais ses motivations sont exclusivement patriotiques, et en ce sens, non seulement pardonnables, mais même, aux yeux des Athéniens, héroïques.

  1. Elle a été victime d’un viol ; et elle a voulu écarté l’enfant né d’un viol, qui eût été un bâtard, illégitime.
  2. Si elle veut tuer celui qu’elle croit l’enfant de Xouthos, ce n’est pas pour des motifs de jalousie personnelle, mais pour sauver la dynastie d’Érechthée, que cet enfant menace. Dès qu’elle l’a reconnu, elle se comporte comme une mère, et lui cède le pouvoir.

Une prophétie « sur mesure »

Ion, récit inventé par Euripide, n’est pas une fin, mais un commencement. Ion, petit-fils de l’autochtone Érechthée, est aussi l’ancêtre des Ioniens, aussi bien de l’Attique que de l’Asie Mineure ; ceux-ci constituent le peuple le plus glorieux. Dôros, fils de Créüse et Xouthos, est lui l’ancêtre des Doriens – notamment des Spartiates : hiérarchiquement, ils sont donc en-deçà…
Cette œuvre d’Euripide avait donc pour but de donner aux Athéniens un héros éponyme, possédant une triple qualité :

  • Un personnage romanesque et sympathique
  • Un héros autochtone, puisque descendant d’Érechthée
  • Une origine semi-divine, puisqu’il est fils d’Apollon.

La composition de la pièce

Pour la structure d’une tragédie grecque classique, voir ici.

Prologos

Il s’agit de la scène d’exposition, qui précède l’entrée du chœur.

Ici, le prologue est en deux parties :

  1. Un long monologue d’Hermès (v. 1-81) racontant l’histoire de Créüse : le viol que lui a fait subir Apollon, la naissance et l’exposition de l’enfant, recueilli et élevé par le Dieu, le mariage de Créüse avec Xouthos, et enfin la décision d’Apollon de donner son fils au couple.
  2. Puis une partie « mélo-dramatique » (c’est-à-dire mi-parlée, mi-chantée) (v. 82-183) faisant entrer en scène Ion, accompagné de serviteurs.

Parodos, ou entrée du chœur

Composé d’une quinzaine de servantes de Créüse, qui décrivent le temple d’Apollon à Delphes, et rencontrent Ion, serviteur du dieu. (v. 184-237)

Premier épisode

Une première scène, pathétique, met en présence Créüse et Ion, qui ignorent l’un et l’autre quels liens les unissent : chacun raconte sa propre histoire à l’autre, dans un bel exemple d’ironie tragique. (v. 238-400)

Une seconde, beaucoup plus brève, voit entrer Xouthos ; on comprend que le couple est venu demander au dieu de lui donner un enfant. (v. 401-428)

Enfin, dans une dernière scène, nous voyons Ion seul, et perplexe : il s’interroge sur les motivations de Créüse. (v. 429-451)

Premier stasimon (v. 452-509)

Le chœur chante la douleur de ceux qui n’ont pas d’enfant.

Deuxième épisode (v. 510-675)

Xouthos sort tout heureux du temple d’Apollon : le dieu lui a révélé qu’Ion était son fils. Celui-ci commence par douter, puis accepte l’idée, tout en regrettant vivement son bonheur de serviteur delphique, tellement préférable à un destin de prince !

Second stasimon (v. 676-724)

Le chœur a appris la reconnaissance d’Ion par Xouthos – mais en déduit que celui-ci veut imposer un bâtard à Créüse, et mettre celle-ci à l’écart. Le chœur ici n’a pas seulement un rôle de commentateur : il est partie prenante de l’intrigue.

Troisième épisode (v. 725-1047)

C’est l’épisode le plus dramatique de la pièce : Créüse entre en scène, accompagnée d’un vieillard. Le chœur lui apprend que Xouthos a désormais un fils, cet Ion qu’elle-même a rencontré. Sur le conseil du vieillard, elle décide alors de l’assassiner ; c’est le vieil homme qui se chargera de l’exécution.

Troisième stasimon (v. 1048-1105)

Le chœur plaint Créüse et accuse les cruelles amours masculines

Quatrième épisode (v. 1106-1618)

Cet épisode s’ouvre sur un coup de théâtre : Créüse est recherchée pour être mise à mort. Le plan du vieillard a échoué, et il a dû avouer le complot. Créüse se réfugie près de l’autel d’Apollon.

Au moment où Ion allait exécuter Créüse, la Pythie intervient (bel exemple de deus ex machina !) et produit la corbeille où fut déposé Ion bébé… et que Créüse reconnaît instantanément. Et elle guérit également Ion de sa crainte continuel d’être de naissance obscure : il est le fils d’Apollon en personne !

Ion conservant encore quelques doutes, c’est Athéna elle-même, à la demande d’Apollon, qui vient lui confirmer qu’il est bien fils du dieu, petit-fils d’Érechthée, et roi légitime d’Athènes.

Exodos

L’exodos, ou sortie du chœur, est très brève : v. 1619-1622.

Le Prologue.

Vers 1-81 : le récit d’Hermès

Le texte commence par un récit d’Hermès, qui tient lieu de scène d’exposition ; il compte 81 vers.

Vers 1-7 : entrée en matière

ΕΡΜΗΣ
Ἄτλας, ὁ χαλκέοισιν νώτοις οὐρανὸν
θεῶν παλαιὸν οἶκον ἐκτρίβων, θεῶν
μιᾶς ἔφυσε Μαῖαν, ἣ ´μ´ ἐγείνατο
Ἑρμῆν μεγίστῳ Ζηνί, δαιμόνων λάτριν.
ἥκω δὲ Δελφῶν τήνδε γῆν, ἵν´ ὀμφαλὸν
μέσον καθίζων Φοῖβος ὑμνῳδεῖ βροτοῖς
τά τ´ ὄντα καὶ μέλλοντα θεσπίζων ἀεί.
Atlas, qui sur ses épaules d’airain use le ciel, antique maison des dieux, conçut une seule déesse, Maia, qui m’a enfanté des œuvres du très grand Zeus, moi Hermès, serviteur des divinités. Je suis arrivé sur cette terre de Delphes, là où, assis sur le nombril du monde, Phoibos rend des oracles en prédisant sans cesse aux mortels le présent et l’avenir.
  • ἐκτρίβω : user en frottant. Ici, Atlas « use le ciel de ses épaules de bronze » : on peut penser à une hypallage ; il use plutôt ses épaules à porter le ciel !
  • λάτρις, ιος (ὁ, ἡ) : serviteur (ou servante)
  • ὑμνῳδέω -ῶ : prononcer des oracles
  • θεσπίζω : prédire

Vers 8-27 : naissance et abandon d’Ion

L’acropole vue de l’Olympéion ; on aperçoit les « hautes roches », et l’antre de Pan où Ion est censé avoir été abandonné.

 

Ἔστιν γὰρ οὐκ ἄσημος Ἑλλήνων πόλις,
τῆς χρυσολόγχου Παλλάδος κεκλημένη,
οὗ παῖδ´ Ἐρεχθέως Φοῖβος ἔζευξεν γάμοις
βίαι Κρέουσαν, ἔνθα προσβόρρους πέτρας
Παλλάδος ὑπ´ ὄχθῳ τῆς Ἀθηναίων χθονὸς
Μακρὰς καλοῦσι γῆς ἄνακτες Ἀτθίδος.
Ἀγνὼς δὲ πατρί (τῷ θεῷ γὰρ ἦν φίλον)
γαστρὸς διήνεγκ´ ὄγκον. Ὡς δ´ ἦλθεν χρόνος,
τεκοῦς´ ἐν οἴκοις παῖδ´ ἀπήνεγκεν βρέφος
ἐς ταὐτὸν ἄντρον οὗπερ ηὐνάσθη θεῷ
Κρέουσα, κἀκτίθησιν ὡς θανούμενον
κοίλης ἐν ἀντίπηγος εὐτρόχῳ κύκλῳ,
προγόνων νόμον σώιζουσα τοῦ τε γηγενοῦς
Ἐριχθονίου. Κείνῳ γὰρ ἡ Διὸς κόρη
φρουρὼ παραζεύξασα φύλακε σώματος
δισσὼ δράκοντε, παρθένοις Ἀγλαυρίσιν
δίδωσι σώιζειν· ὅθεν Ἐρεχθείδαις ἐκεῖ
νόμος τις ἔστιν ὄφεσιν ἐν χρυσηλάτοις
τρέφειν τέκν´. Ἀλλ´ ἣν εἶχε παρθένος χλιδὴν
τέκνῳ προσάψας´ ἔλιπεν ὡς θανουμένῳ.
Il est en effet une cité grecque, non sans gloire, nommée du nom de Pallas à la lance d’or, où Phoibos s’unit de force à Créüse, fille d’Érechthée, là où les maîtres de la terre attique, au pied de la colline de Pallas, sur la terre athénienne, appellent Hautes Roches les pierres tournées vers le Nord. À l’insu de son père (car tel était le bon plaisir du dieu) elle supporta sa grossesse. Lorsque le terme fut venu, accouchant dans le palais, Créüse emporta l’enfant nouveau-né dans cette même caverne où elle avait été prise par le dieu, et elle abandonna, dans le cercle parfait d’une corbeille creuse, l’enfant destiné à mourir, suivant la loi de ses aïeux et d’Érichtonios né de la terre. En effet, la fille de Zeus, ayant attaché à celui-ci, comme gardes du corps, deux serpents, le confie aux vierges Aglaurides ; de là vient la coutume pour les descendants d’Érechthée, de faire porter aux enfants des serpents d’or. Mais la jeune fille, ayant attaché à l’enfant condamné la parure qu’elle portait, l’abandonna.
  • ἄσημος ος, ον : sans signe, confus, obscur
  • χρυσόλογχος ος, ον : à la lance d’or
  • οὗ : ici, relatif de lieu, « où »
  • ζεύγνυμι γάμοις : s’unir par le mariage ; ici, on parlera plutôt de viol !
  • πρόσϐορρος ος, ον : exposé au Nord
  • ὄχθος ου (ὁ) : escarpement, colline
  • ἡ Ἀτθίς ίδος : l’Attique
  • τῷ θεῷ γὰρ ἦν φίλον : car cela plaisait au Dieu. On trouve ici le « bon plaisir », c’est-à-dire l’arbitraire des Dieux, qui se soucient peu des humains.
  • ὄγκος ου (ὁ) : masse, grosseur, ici « grossesse ».
  • βρέφος : nouveau-né, nourrisson
  • ηὐνάσθη : aoriste passif de εὐνάζω : être placé sur un lit
  • γηγενής, ής, ές : né de la terre, autochtone
  • χλιδή ῆς : parure

Vers 28-56 : L’enfance d’Ion à Delphes

Κἄμ´ ὢν ἀδελφὸς Φοῖβος αἰτεῖται τάδε·
Ὦ σύγγον´, ἐλθὼν λαὸν εἰς αὐτόχθονα
κλεινῶν Ἀθηνῶν (οἶσθα γὰρ θεᾶς πόλιν)
λαβὼν βρέφος νεογνὸν ἐκ κοίλης πέτρας
αὐτῷ σὺν ἄγγει σπαργάνοισί θ´ οἷς ἔχει
ἔνεγκε Δελφῶν τἀμὰ πρὸς χρηστήρια
καὶ θὲς πρὸς αὐταῖς εἰσόδοις δόμων ἐμῶν.
Τὰ δ´ ἄλλ´ (ἐμὸς γάρ ἐστιν, ὡς εἰδῇς, ὁ παῖς)
ἡμῖν μελήσει. Λοξίαι δ´ ἐγὼ χάριν
πράσσων ἀδελφῷ πλεκτὸν ἐξάρας κύτος
ἤνεγκα καὶ τὸν παῖδα κρηπίδων ἔπι
τίθημι ναοῦ τοῦδ´, ἀναπτύξας κύτος
ἑλικτὸν ἀντίπηγος, ὡς ὁρῷθ´ ὁ παῖς.
Κυρεῖ δ´ ἅμ´ ἱππεύοντος ἡλίου κύκλῳ
προφῆτις ἐσβαίνουσα μαντεῖον θεοῦ·
ὄψιν δὲ προσβαλοῦσα παιδὶ νηπίῳ
ἐθαύμας´ εἴ τις Δελφίδων τλαίη κόρη
λαθραῖον ὠδῖν´ ἐς θεοῦ ῥῖψαι δόμον,
ὑπέρ τε θυμέλας διορίσαι πρόθυμος ἦν·
οἴκτῳ δ´ ἀφῆκεν ὠμότητα, καὶ θεὸς
συνεργὸς ἦν τῷ παιδὶ μὴ ´κπεσεῖν δόμων.
Τρέφει δέ νιν λαβοῦσα, τὸν σπείραντα δὲ
οὐκ οἶδε Φοῖβον οὐδὲ μητέρ´ ἧς ἔφυ,
ὁ παῖς τε τοὺς τεκόντας οὐκ ἐπίσταται.
Νέος μὲν οὖν ὢν ἀμφὶ βωμίους τροφὰς
ἠλᾶτ´ ἀθύρων· ὡς δ´ ἀπηνδρώθη δέμας,
Δελφοί σφ´ ἔθεντο χρυσοφύλακα τοῦ θεοῦ
ταμίαν τε πάντων πιστόν, ἐν δ´ ἀνακτόροις
θεοῦ καταζῇ δεῦρ´ ἀεὶ σεμνὸν βίον.
Et Phoibos, étant mon frère, me demande ceci : « mon frère, va vers le peuple autochtone de l’illustre Athènes (tu connais en effet la cité de la déesse), prends un nouveau-né dans une caverne creuse avec sa corbeille, les langes qu’il a sur lui, et apporte-le auprès de l’oracle de Delphes, et pose-le sur le seuil même de ma demeure. Le reste – cet enfant, comme tu le vois, est le mien – cela nous regarde. » Moi, pour rendre service à mon frère Loxias, je pris la corbeille et l’apportai, et je dépose l’enfant sur le seuil de ce temple-ci, après avoir ouvert le couvercle du berceau, afin que l’on voie l’enfant. Tandis que le soleil commençait sa chevauchée circulaire, la prophétesse se trouve à entrer dans le temple du dieu ; elle jette un regard sur le bébé, et s’étonne qu’une Delphienne ait osé jeter le fruit d’amours clandestines dans la demeure du dieu, et elle était prête à le transporter hors des autels.Mais elle laissa la cruauté pour la pitié, et le dieu vint au secours de son enfant, pour qu’il ne soit pas chassé de sa maison. Elle le prit et l’éleva. Elle ne sait pas que Phoibos est son géniteur, ni de quelle mère il est né. L’enfant ignore qui sont ses parents. Dans son enfance, donc, il vagabondait en jouant autour des autels nourriciers ; lorsqu’il devint homme, les Delphiens en firent le gardien des trésors d’Apollon, et le fidèle intendant de toutes ses richesses, et dans le palais du dieu, il continue à vivre une vie pure.
  • ἄγγος, -ους (τὸ) : corbeille où l’on exposait les enfants abandonnés
  • σπάργανον ου (τὸ) : lange
  • χρηστήριον ου (τὸ) : oracle, lieu où se tenait un oracle
  • πλεκτὸν κύτος : corbeille (tressée)
  • κρηπίδων ἔπι : ἡ κρηπῖς, ῖδος = fondement d’une construction ; ici « sur le socle, sur la base » du temple. Noter ἔπι postposé.
  • Ἀναπτύξας < ἀναπτύσσω : ouvrir
  • κυρέω-ῶ : se trouver
  • ἑλικτός, ή, όν : courbe ; ἑλικτὸν κύτος : corbeille ronde (ici, couvercle de la corbeille)
  • ἀντίπηξ, -πηγος : berceau
  • τλαίη : optatif présent, 3ème personne du sing. de τλάω, oser
  • λαθραῖος, α, ον : clandestin
  • ὡδῖς, -ῖνος : douleur de l’accouchement, d’où enfant, bébé
  • ῥίπτω : jeter
  • θυμέλη, ης : autel
  • διορίζω : transporter
  • ὡμότης, -τητος : cruauté
  • ἡλᾶτ’ἀθύρων < ἁλάομαι-ῶμαι : vagabonder ; ἀθύρω : jouer
  • ἀπηνδρώθη δέμας < ἀπανδράω-ῶ : devenir homme ; δέμας : accusatif de relation « par son corps, physiquement »

Le plan d’Apollon (v. 57-75)

Κρέουσα δ´ ἡ τεκοῦσα τὸν νεανίαν
Ξούθῳ γαμεῖται συμφορᾶς τοιᾶσδ´ ὕπο·
ἦν ταῖς Ἀθήναις τοῖς τε Χαλκωδοντίδαις,
οἳ γῆν ἔχους´ Εὐβοῖδα, πολέμιος κλύδων·
ὃν συμπονήσας καὶ συνεξελὼν δορὶ
γάμων Κρεούσης ἀξίωμ´ ἐδέξατο,
οὐκ ἐγγενὴς ὤν, Αἰόλου δὲ τοῦ Διὸς
γεγὼς Ἀχαιός. Χρόνια δὲ σπείρας λέχη
ἄτεκνός ἐστι καὶ Κρέους´· ὧν οὕνεκα
ἥκουσι πρὸς μαντεῖ´ Ἀπόλλωνος τάδε
ἔρωτι παίδων. Λοξίας δὲ τὴν τύχην
ἐς τοῦτ´ ἐλαύνει, κοὐ λέληθεν, ὡς δοκεῖ·
δώσει γὰρ εἰσελθόντι μαντεῖον τόδε
Ξούθῳ τὸν αὑτοῦ παῖδα καὶ πεφυκέναι
κείνου σφε φήσει, μητρὸς ὡς ἐλθὼν δόμους
γνωσθῇ Κρεούσῃ καὶ γάμοι τε Λοξίου
κρυπτοὶ γένωνται παῖς τ´ ἔχῃ τὰ πρόσφορα.
Ἴωνα δ´ αὐτόν, κτίστορ´ Ἀσιάδος χθονός,
ὄνομα κεκλῆσθαι θήσεται καθ´ Ἑλλάδα.
Créüse, la mère du jeune
homme, épouse Xouthos dans les circonstances que voici : il y avait entre Athènes et les Chalcodontides, qui habitent l’Eubée, un trouble belliqueux ; ayant participé au conflit et aidé à la victoire avec l’épée, il reçut en récompense la main de Créüse, alors qu’il n’était pas un compatriote, étant né achéen d’ Aiolos fils de Zeus. Mais malgré la longueur de leur union, Créüse et lui restent stériles ; c’est pourquoi ils sont venus consulter ici l’oracle d’Apollon, poussés par le désir d’enfant. C’est Loxias qui conduit le destin à ce point, et cela ne m’échappe pas, à ce qu’il semble ; il donnera en effet à Xouthos, à son entrée dans le temple, son propre fils et il dira qu’il est né de Xouthos, afin qu’une fois arrivé dans la maison de sa mère il soit reconnu par Créüse, que les amours de Loxias restent cachées, et que l’enfant ait son dû. Il fera en sorte qu’il soit célèbre à travers la Grèce, sous le nom d’Ion, fondateur de l’Asie
  • Ὁ κλύδων ωνος : orage, trouble
  • συμπονέω-ῶ : participer
  • συνεξαιρέω f. συνεξαιρήσω, ao.2 συνεξεῖλον : aider à prendre, à détruire
  • σπείρας χρόνια λέχη : ayant produit une longue union (du verbe σπείρω, semer)
  • Ὁ κτίστωρ, ορος : forme poétique pour ὁ κτίστης, ου : le fondateur

L’entrée d’Ion (v. 76-81)

Ἀλλ´ ἐς δαφνώδη γύαλα βήσομαι τάδε,
τὸ κρανθὲν ὡς ἂν ἐκμάθω παιδὸς πέρι.
Ὁρῶ γὰρ ἐκβαίνοντα Λοξίου γόνον
τόνδ´, ὡς πρὸ ναοῦ λαμπρὰ θῇ πυλώματα
δάφνης κλάδοισιν. Ὄνομα δ´, οὗ μέλλει τυχεῖν,
Ἴων´ ἐγώ νιν πρῶτος ὀνομάζω θεῶν.
Mais je vais aller dans ce vallon orné de lauriers, afin d’apprendre ce qui est arrivé à propos de l’enfant. Je vois sortir ce rejeton de Loxias, pour orner les portes brillantes du temple de branches de laurier. Le nom qu’on va lui attribuer, Ion, c’est moi qui, le premier des dieux, le lui donne.
  • τὰ γύαλα : vallée, vallon
  • τὸ κρανθὲν : participe aoriste passif neutre du verbe κραίνω, achever, accomplir
  • τὸ πύλωμα, -ματος : la porte

Mélodrame, première partie : les anapestes d’Ion (v. 82-111)

ἅρματα μὲν τάδε λαμπρὰ τεθρίππων·
Ἥλιος ἤδη λάμπει κατὰ γῆν,
ἄστρα δὲ φεύγει πυρὶ τῷδ´ αἰθέρος
ἐς νύχθ´ ἱεράν·
Παρνασιάδες δ´ ἄβατοι κορυφαὶ
καταλαμπόμεναι τὴν ἡμερίαν
ἁψῖδα βροτοῖσι δέχονται.
Σμύρνης δ´ ἀνύδρου καπνὸς εἰς ὀρόφους
Φοίβου πέτεται.
Θάσσει δὲ γυνὴ τρίποδα ζάθεον
Δελφίς, ἀείδους´ Ἕλλησι βοάς,
ἃς ἂν Ἀπόλλων κελαδήσῃ.
Ἀλλ´, ὦ Φοίβου Δελφοὶ θέραπες,
τὰς Κασταλίας ἀργυροειδεῖς
βαίνετε δίνας, καθαραῖς δὲ δρόσοις
ἀφυδρανάμενοι στείχετε ναούς·
στόμα τ´ εὔφημοι φρουρεῖτ´ ἀγαθόν,
φήμας ἀγαθὰς
τοῖς ἐθέλουσιν μαντεύεσθαι
γλώσσης ἰδίας ἀποφαίνειν.
Ἡμεῖς δέ, πόνους οὓς ἐκ παιδὸς
μοχθοῦμεν ἀεί, πτόρθοισι δάφνης
στέφεσίν θ´ ἱεροῖς ἐσόδους Φοίβου
καθαρὰς θήσομεν ὑγραῖς τε πέδον
ῥανίσιν νοτερόν· πτηνῶν τ´ ἀγέλας,
αἳ βλάπτουσιν σέμν´ ἀναθήματα,
τόξοισιν ἐμοῖς φυγάδας θήσομεν·
ὡς γὰρ ἀμήτωρ ἀπάτωρ τε γεγὼς
τοὺς θρέψαντας
Φοίβου ναοὺς θεραπεύω.
Voici le char lumineux à quatre chevaux ; déjà le soleil brille sur la terre, les astres fuient ce feu de l’éther dans la nuit sacrée ; les sommets inaccessibles du Parnasse illuminés reçoivent le disque du jour pour les mortels. La fumée de la myrrhe sèche s’envole vers toits de Phoibos. La Delphienne est assise sur le vénérable trépied, chantant pour les Grecs les paroles qu’Apollon fait retentir. Hé bien, serviteurs delphiens de Phoibos, allez vers Castallie aux remous argentés, puis baignés de ses eaux pures, dirigez-vous vers le temple ; prenez garde que prononçant des paroles pures, votre bouche reste pure, et que pour ceux qui veulent entendre des paroles favorables ne soit produit qu’un langage convenable. Quant à nous, prenons les peines qui sont toujours les nôtres depuis l’enfance : avec de jeunes rameaux de laurier et des bandelettes sacrées, nous allons purifier le seuil de Phoibos, et avec des gouttes d’eau, le sol humide ; et les troupes d’oiseaux qui menacent les saintes offrandes, je les mettrai en fuite avec mes flèches. C’est ainsi que, né sans père ni mère je sers le temple de Phébus, qui m’a élevé.
  • ἁψίς ῖδος (ἡ) : disque du soleil
  • σμύρνα ης (ἡ : myrrhe
  • ὄροφος ου (ὁ) : chaume, toit
  • θάσσω seul. prés. et impf. : être assis
  • ζάθεος η ou ος, ον : tout à fait divin, vénérable
  • κελαδέω -ῶ : faire retentir. Il s’agit ici d’un subjonctif aoriste avec ἂν, indiquant la répétition. Ion décrit une scène quotidienne.
  • δίνη ης (ἡ) : le tourbillon (ici, acc. de relation)
  • δρόσος ου (ἡ) : la rosée, l’eau d’une source ou d’une rivière
  • στείχω : aller, se diriger
  • πτόρθος ου (ὁ) : jeune branche
  • στέφος ion. -εος, att. -ους (τὸ) : bandelettes sacrées, guirlandes
  • ῥανίς ίδος (ἡ) : goutte d’eau, goutte de pluie
  • νοτερός ά, όν : humide
  • ἀγέλη ης (ἡ) : troupeau, troupe
  • θρέψας : participe aoriste actif de τρέφω, nourrir, éduquer.

Cette partie, mi-chantée, mi-parlée,est en anapestes : Mètre ou pied, grec ou latin, composé de deux brèves suivies d’une longue.

Épisode I – vers 238-451

Scène 1 : Ion et Créüse, v. 238-400

Vers 238-299

ΙΩΝ
Γενναιότης σοι καὶ τρόπων τεκμήριον
τὸ σχῆμ´ ἔχεις τόδ´, ἥτις εἶ ποτ´, ὦ γύναι.
γνοίη δ´ ἂν ὡς τὰ πολλά γ´ ἀνθρώπου πέρι
τὸ σχῆμ´ ἰδών τις εἰ πέφυκεν εὐγενής.
Ἔα· ἀλλ´ ἐξέπληξάς μ´, ὄμμα συγκλῄσασα σὸν
δακρύοις θ´ ὑγράνας´ εὐγενῆ παρηίδα,
ὡς εἶδες ἁγνὰ Λοξίου χρηστήρια.
τί ποτε μερίμνης ἐς τόδ´ ἦλθες, ὦ γύναι ;
οὗ πάντες ἄλλοι γύαλα λεύσσοντες θεοῦ
χαίρουσιν, ἐνταῦθ´ ὄμμα σὸν δακρυρροεῖ ;
ΚΡΕΟΥΣΑ
ὦ ξένε, τὸ μὲν σὸν οὐκ ἀπαιδεύτως ἔχει
ἐς θαύματ´ ἐλθεῖν δακρύων ἐμῶν πέρι·
ἐγὼ δ´ ἰδοῦσα τούσδ´ Ἀπόλλωνος δόμους
μνήμην παλαιὰν ἀνεμετρησάμην τινά.
Οἴκοι δὲ τὸν νοῦν ἔσχον ἐνθάδ’ οὖσα που.
ὦ τλήμονες γυναῖκες· ὦ τολμήματα
θεῶν. τί δῆτα ; ποῖ δίκην ἀνοίσομεν,
εἰ τῶν κρατούντων ἀδικίαις ὀλούμεθα ;
I – τί χρῆμ´ ἀνερμήνευτα δυσθυμῇ, γύναι ;
K – οὐδέν· μεθῆκα τόξα· τἀπὶ τῷδε δὲ
ἐγώ τε σιγῶ καὶ σὺ μὴ φρόντιζ´ ἔτι.
I – τίς δ´ εἶ ; πόθεν γῆς ἦλθες ; ἐκ ποίας πάτρας
πέφυκας ; ὄνομα τί σε καλεῖν ἡμᾶς χρεών ;
K – Κρέουσα μέν μοι τοὔνομ´, ἐκ δ´ Ἐρεχθέως
πέφυκα, πατρὶς γῆ δ´ Ἀθηναίων πόλις.
I – ὦ κλεινὸν οἰκοῦς´ ἄστυ γενναίων τ´ ἄπο
τραφεῖσα πατέρων, ὥς σε θαυμάζω, γύναι.
K – τοσαῦτα κεὐτυχοῦμεν, ὦ ξέν´, οὐ πέρα.
I – πρὸς θεῶν, ἀληθῶς, ὡς μεμύθευται βροτοῖς…
K – τί χρῆμ´ ἐρωτᾷς, ὦ ξέν´, ἐκμαθεῖν θέλων ;
I – ἐκ γῆς πατρός σου πρόγονος ἔβλαστεν πατήρ ;
K – Ἐριχθόνιός γε· τὸ δὲ γένος μ´ οὐκ ὠφελεῖ.
I – ἦ καί σφ´ Ἀθάνα γῆθεν ἐξανείλετο ;
K – ἐς παρθένους γε χεῖρας, οὐ τεκοῦσά νιν.
I – δίδωσι δ´, ὥσπερ ἐν γραφῇ νομίζεται
K – Κέκροπός γε σώιζειν παισὶν οὐχ ὁρώμενον.
I – ἤκουσα λῦσαι παρθένους τεῦχος θεᾶς.
K – τοιγὰρ θανοῦσαι σκόπελον ἥιμαξαν πέτρας.
I – εἶἑν·
τί δαὶ τόδ´ ; ἆρ´ ἀληθὲς ἢ μάτην λόγος ;
K – τί χρῆμ´ ἐρωτᾷς ; καὶ γὰρ οὐ κάμνω σχολῇ.
I – πατὴρ Ἐρεχθεὺς σὰς ἔθυσε συγγόνους ;
K – ἔτλη πρὸ γαίας σφάγια παρθένους κτανεῖν.
I – σὺ δ´ ἐξεσώθης πῶς κασιγνήτων μόνη ;
K – βρέφος νεογνὸν μητρὸς ἦν ἐν ἀγκάλαις.
I – πατέρα δ´ ἀληθῶς χάσμα σὸν κρύπτει χθονός ;
K – πληγαὶ τριαίνης ποντίου σφ´ ἀπώλεσαν.
I – Μακραὶ δὲ χῶρός ἐστ´ ἐκεῖ κεκλημένος ;
K – τί δ´ ἱστορεῖς τόδ´ ; ὥς μ´ ἀνέμνησάς τινος.
I – τιμᾷ σφε Πύθιος ἀστραπαί τε Πύθιαι.
K – τιμᾶ ματαίως· μήποτ´ ὤφελόν σφ´ ἰδεῖν.
I – τί δέ ; στυγεῖς σὺ τοῦ θεοῦ τὰ φίλτατα ;
K – οὐδέν· ξύνοιδ´ ἄντροισιν αἰσχύνην τινά.
I – πόσις δὲ τίς ς´ ἔγημ´ Ἀθηναίων, γύναι ;
K – οὐκ ἀστὸς ἀλλ´ ἐπακτὸς ἐξ ἄλλης χθονός.
I – τίς ; εὐγενῆ νιν δεῖ πεφυκέναι τινά.
K – Ξοῦθος, πεφυκὼς Αἰόλου Διός τ´ ἄπο.
I – καὶ πῶς ξένος ς´ ὢν ἔσχεν οὖσαν ἐγγενῆ ;
K – Εὔβοι´ Ἀθήναις ἔστι τις γείτων πόλις.
I – ὅροις ὑγροῖσιν, ὡς λέγους´, ὡρισμένη.
K – ταύτην ἔπερσε Κεκροπίδαις κοινῷ δορί.
I – ἐπίκουρος ἐλθών ; κἆιτα σὸν γαμεῖ λέχος ;
K – φερνάς γε πολέμου καὶ δορὸς λαβὼν γέρας.
I – σὺν ἀνδρὶ δ´ ἥκεις ἢ μόνη χρηστήρια ;
Ion
Tu as de la noblesse et ta manière d’être est la preuve de ton caractère, qui que tu sois, femme. La plupart du temps on pourrait reconnaître, au sujet d’un homme, en voyant son attitude, s’il est né noble. Hé ! Tu m’as stupéfié, ayant fermé les yeux, ayant mouillé de pleurs tes nobles joues, lorsque tu vis le saint oracle de Loxias. Pour quel souci es-tu venu ici, femme ? Tous les autres, contemplant le vallon de ce dieu, se réjouissent, là où ton œil ruisselle de pleurs ?
CREÜSE
Étranger, il n’est pas grossier de ta part de t’étonner de mes larmes ; mais moi, ayant vu le palais d’Apollon j’ai revécu un ancien souvenir ; j’avais l’esprit chez moi en étant ici. Ô malheureuses femmes, ô forfaits des dieux ! Hé quoi ? Où trouverai-je justice, si nous périssons par les iniquités des puissants ?
I – Quel fait mystérieux t’a découragée, femme ?
K – Rien. J’ai posé mon arc ; après cela je me tais et toi, n’y pense plus.
I – Qui es-tu ? De quel pays es-tu venue ? De quels parents es-tu née ? De quel nom devons-nous t’appeler ?
K – Mon nom est Créüse ; je suis née d’Érechthée, ma patrie est la cité d’Athènes.
I – Tu habites une ville illustre, et tu es née de parents nobles, comme je t’admire, femme !
K – Tel est mon bonheur, étranger, pas au-delà.
I – Par les dieux, c’est donc vrai, ce qu’on raconte aux mortels…
K – Que demandes-tu, étranger, que veux-tu apprendre ?
I – Ton grand-père n’est-il pas issu de la terre ?
K – Oui, Érichthonios ; mais ma race ne me sert à rien.
I – Et Athéna l’a pris en l’arrachant à la terre ?
K – dans ses mains de jeune fille, sans l’avoir enfanté.
I – Elle la lui donne, comme on le représente dans un tableau ?
K – aux enfants de Cécrops pour qu’elles le sauvent, sans être vu d’elles.
I – J’ai entendu dire que les jeunes filles ont ouvert la corbeille de la déesse.
K – Alors en mourant elles ensanglantèrent le sommet du rocher.
I – Soit. Qu’est cela ? La vérité ou un discours vain ?
K – que demandes-tu ? Je n’ai pas de peine dans le loisir.
I – Ton père Érechthée a sacrifié tes sœurs ?
K – il a osé tuer des jeunes filles, en sacrifice pour sa terre.
I – Mais toi, comment fus-tu sauvée, seule de tes sœurs ?
K – j’étais un bébé nouveau-né dans les bras de ma mère.
I – Est-il vrai qu’un gouffre béant cache ton père ?
K – Des coups du trident marin l’ont tué.
I – Est-ce l’endroit qu’on appelle là les Hautes Roches ?
K – Pourquoi racontes-tu cela ? Quel souvenir me rappelles-tu !
I – Pythios et ses foudres pythiennes l’honorent.
K – Ils l’honorent en vain ; il m’aurait été utile de ne jamais le voir !
I – Hé quoi ? Toi tu hais ce que le dieu aime le plus ?
K – nullement. Je sais une honteuse vérité pour ces antres.
I – Quel mari athénien t’a épousé, femme ?
K – Pas un Athénien, mais un étranger venu d’une autre terre.
I – Qui ? Il doit ête de noble naissance.
K – Xouthos, né d’Aiolos, fils de Zeus.
I – Et comment, étant étranger, a-t-il obtenu une Athénienne ?
K – L’Eubée est une cité voisine d’Athènes.
I – Elle est limitée, dit-on, par des montagnes humides.
K – il l’a dévastée avec son épée alliée aux Cecropides.
I – étant venu à son secours ? Et ensuite il t’a épousée ?
K – il m’a prise en dot, comme part d’honneur de la guerre et de son épée.
I – Tu es venue seule voir l’oracle, ou avec ton mari ?
  • γενναιότης ητος (ἡ) qualité d’une âme bien née, générosité, noblesse
  • σχῆμα ατος (τὸ) : manière d’être, attitude
  • ἐκπλήσσω f. ἐκπλήξω, ao. Ἐξέπληξα : frapper de stupeur
  • συγκλείω : fermer
  • παρηΐς ΐδος (ἡ) : joue
  • μέριμνα ης (ἡ) : soin, souci
  • λεύσσω ao. ἔλευσα, pf. Inus. : voir, regarder, contempler
  • ἀπαιδεύτως : grossièrement, sans éducation
  • ἀναμετρέω -ῶ : parcourir à nouveau
  • τόλμημα ατος (τὸ) : action audacieuse, forfait
  • πέρα adv. et prép. : au delà
  • μυθεύω faire un récit fabuleux
  • τεῦχος ion. -εος, att. -ους (τὸ) : récipient, corbeille
  • σκόπελος ου (ὁ) : rocher, cime
  • κάμνω f. καμοῦμαι, ao.2 ἔκαμον, pf. Κέκμηκα : être fatigué
  • σφάγιον ου (τὸ) : victime, sacrifice
  • ἀγκάλη ης (ἡ) : bras recourbé
  • χάσμα ατος (τὸ) : ouverture béante
  • τρίαινα ης (ἡ) fourche à trois pointes, particul. trident
  • πόντιος, ου : maritime
  • στυγέω -ῶ : haïr, avoir en horreur
  • πέρθω f. πέρσω, ao. Ἔπερσα : dévaster
  • ἐπίκουρος ος, ον : qui vient au secours de
  • φερνή ῆς (ἡ) : ce qu’on apporte en mariage, dot
  • δορός : gén. poét. de δόρυ
  • χρηστήριον ου (τὸ) : l’oracle

Vers 300-400

K – Σὺν ἀνδρί· Σηκοῖς δ’ὑστερεῖ Τροφωνίου.
I – Πότερα θεατὴς ἢ χάριν μαντευμάτων ;
K – Κείνου τε Φοίβου θ´ ἓν θέλων μαθεῖν ἔπος.
I – Καρποῦ δ´ ὕπερ γῆς ἥκετ´ ἢ παίδων πέρι ;
K – Ἄπαιδές ἐσμεν, χρόνι´ ἔχοντ´ εὐνήματα.
I – Οὐδ´ ἔτεκες οὐδὲν πώποτ´ ἀλλ´ ἄτεκνος εἶ ;
K – Ὁ Φοῖβος οἶδε τὴν ἐμὴν ἀπαιδίαν.
I – Ὦ τλῆμον, ὡς τἄλλ´ εὐτυχοῦς´ οὐκ εὐτυχεῖς.
K – Σὺ δ´ εἶ τίς ; ὥς σου τὴν τεκοῦσαν ὤλβισα.
I – Τοῦ θεοῦ καλοῦμαι δοῦλος, εἰμί τ´, ὦ γύναι.
K – Ἀνάθημα πόλεως ἤ τινος πραθεὶς ὕπο ;
I – Οὐκ οἶδα πλὴν ἕν· Λοξίου κεκλήμεθα.
K – Ἡμεῖς ς´ ἄρ´ αὖθις, ὦ ξέν´, ἀντοικτίρομεν.
I – Ὡς μὴ εἰδόθ´ ἥτις μ´ ἔτεκεν ἐξ ὅτου τ´ ἔφυν ;
K – Ναοῖσι δ´ οἰκεῖς τοισίδ´ ἢ κατὰ στέγας ;
I – Ἅπαν θεοῦ μοι δῶμ´, ἵν´ ἂν λάβῃ μ´ ὕπνος.
K – Παῖς δ´ ὢν ἀφίκου ναὸν ἢ νεανίας ;
I – Βρέφος λέγουσιν οἱ δοκοῦντες εἰδέναι.
K – Καὶ τίς γάλακτί ς´ ἐξέθρεψε Δελφίδων ;
I – Οὐπώποτ´ ἔγνων μαστόν· ἣ δ´ ἔθρεψέ με
K – Τίς, ὦ ταλαίπωρ´ ; Ὡς νοσοῦς´ ηὗρον νόσους.
I – Φοίβου προφῆτιν μητέρ´ ὣς νομίζομεν.
K – ἐς δ´ ἄνδρ´ ἀφίκου τίνα τροφὴν κεκτημένος ;
I – βωμοί μ´ ἔφερβον οὑπιών τ´ ἀεὶ ξένος.
K – τάλαινά ς´ ἡ τεκοῦσα·τίς ποτ’ἦν ἄρα ;
I – ἀδίκημά του γυναικὸς ἐγενόμην ἴσως.
K – ἔχεις δὲ βίοτον· εὖ γὰρ ἤσκησαι πέπλοις.
I – τοῖς τοῦ θεοῦ κοσμούμεθ´ ᾧ δουλεύομεν.
K – οὐδ´ ᾖξας εἰς ἔρευναν ἐξευρεῖν γονάς ;
I – ἔχω γὰρ οὐδέν, ὦ γύναι, τεκμήριον.
K – φεῦ· πέπονθέ τις σῇ μητρὶ ταὔτ´ ἄλλη γυνή.
I – τίς ; εἰ πόνου μοι ξυλλάβοι, χαίροιμεν ἄν.
K – ἧς οὕνεκ´ ἦλθον δεῦρο πρὶν πόσιν μολεῖν.
I – ποῖόν τι χρῄζους´ ; ὡς ὑπουργήσω, γύναι.
K – μάντευμα κρυπτὸν δεομένη Φοίβου μαθεῖν.
I – λέγοις ἄν· ἡμεῖς τἄλλα προξενήσομεν.
K – ἄκουε δὴ τὸν μῦθον· ἀλλ´ αἰδούμεθα.
I – οὔ τἄρα πράξεις οὐδέν· ἀργὸς ἡ θεός.
K – Φοίβῳ μιγῆναί φησί τις φίλων ἐμῶν.
I – Φοίβῳ γυνὴ γεγῶσα ; μὴ λέγ´, ὦ ξένη.
K – καὶ παῖδά γ´ ἔτεκε τῶι θεῶι λάθραι πατρός.
I – οὐκ ἔστιν· ἀνδρὸς ἀδικίαν αἰσχύνεται.
K – οὔ φησιν αὐτή· καὶ πέπονθεν ἄθλια.
I – τί χρῆμα δράσας´, εἰ θεῶι συνεζύγη ;
K – τὸν παῖδ´ ὃν ἔτεκεν ἐξέθηκε δωμάτων.
I – ὁ δ´ ἐκτεθεὶς παῖς ποῦ ´στιν ; εἰσορᾷ φάος ;
K – οὐκ οἶδεν οὐδείς· ταῦτα καὶ μαντεύομαι.
I – εἰ δ´ οὐκέτ´ ἔστι, τίνι τρόπῳ διεφθάρη ;
K – θῆράς σφε τὸν δύστηνον ἐλπίζει κτανεῖν.
I – Ποίῳ τόδ´ ἔγνω χρωμένη τεκμηρίῳ ;
K – Ἐλθοῦσ’ ἵν’ αὐτόν ἐξέθηκ’ οὐχ ηὗρ’ ἔτι.
K – Avec mon mari ; mais il est resté chez Trophonios.
I – [tu es venue] en spectatrice ou pour consulter l’oracle ?
K – Pour apprendre une seule parole du grand Phoibos.
I – Tu es venue pour le fruit de la terre, ou pour des enfants ?
K – Nous sommes sans enfants, malgré notre longue union.
I – Et tu n’as jamais eu d’enfant ?
K – Phoibos sait que j’en suis privée.
I – Ô malheureuse, tu n’es pas heureuse malgré tout ton bonheur.
K – Mais toi, qui es-tu ? Comme j’envie ta mère !
I – On m’appelle l’esclave du dieu, et je le suis, femme.
K – Tu es l’offrande d’une cité, ou d’un particulier ?
I – Je ne sais pas, sauf une chose : on nous dit de Loxias.
K – C’est à nous, en retour, de te prendre en pitié, étranger.
I – Parce que je ne sais pas quelle mère m’a enfanté ni de quel père je suis né ?
K – Tu habites ce temple ou dans ta propre maison ?
I – Toute la demeure du dieu est à moi, οù que me prenne le sommeil ;
K – Tu es arrivé enfant au temple, ou déjà jeune homme ?
I – Nouveau-né, disent ceux qui semblent savoir.
K – Et quelle delphienne t’a nourri de son lait ?
I – Je n’ai jamais connu le sein. Celle qui m’a élevé…
K – Qui, malheureuse ? Quelles douleurs ai-je trouvé, moi qui souffre !
I – La prêtresse de Phébus, je la considère comme une mère.
K- Tu es arrivé à l’âge d’homme, muni de quelle éducation ?
I – Les autels m’ont nourri, et l’étranger de passage.
K- Malheureuse est ta mère ! Qui donc était-elle ?
I – Je suis peut-être né de la faute d’une femme.
K – Tu as des ressources ? Tu es bien habillé.
Ι – Nous sommes parés par les vêtements du dieu que nous servons.
K – Tu ne t’es pas précipité à la recherche de tes parents ?
I –Je ne possède aucun indice, femme.
K – Hélas ! Une autre femme que ta mère a subi cela.
I – Qui ? Si elle partageait ma peine, je serais content.
K – celle pour qui je suis venue ici, avant que mon mari ne vienne.
I – Que demandes-tu ? Car je vais t’aider, femme.
K – je demande à apprendre un oracle secret de Phoibos.
I – parle ; pour le reste, j’intercèderai.
K – écoute l’histoire ; mais j’ai honte…
I – Alors tu ne feras rien. Cette déesse est peu efficace !
Κ – L’une de mes amies dit avoir été unie à Phoibos
I – Une femme ? À Phoibos ? Tais-toi, étrangère !
K – et elle eut un enfant du dieu, à l’insu de son père.
I – Ce n’est pas vrai. Elle a honte du forfait d’un homme.
K – Elle dit que non. Et elle a subi un sort misérable.
I – Pourquoi donc, si elle s’est unie à un dieu ?
K – L’enfant qu’elle a eu, elle l’a exposé hors de sa maison.
I – Et cet enfant exposé, où est-il ? Voit-il le jour ?
Κ – Personne ne le sait ; c’est cela que je veux apprendre.
I – S’il n’est plus, comment a-t-il péri ?
K – Elle pense que les bêtes sauvages ont tué l’infortuné.
I – Avec quelle preuve le sait-elle ?
K – Elle est allée là où elle l’avait déposé et ne l’a plus trouvé.
  • σηκός οῦ (ὁ) lieu clos
  • ὑστερέω-ῶ : s’attarder
  • ὀλϐίζω ao. ὤλϐισα, pf. Inus. : regarder comme heureux
  • στέγη ης (ἡ) : toit , maison : κατὰ στέγας, à la maison
  • μαστός οῦ (ὁ) : le sein
  • φέρϐω seul. prés., impf. et pqp. Ἐπεφόρϐειν : nourrir, faire paître. Le mot s’applique surtout aux animaux…
  • οὑπιών crase p. ὁ ἐπιώ ; ἐπιών οῦσα, όν part. prés. de ἔπειμι, s’approcher, aller vers, venir
    par hasard. Ὁ ἐπιών = le premier venu
  • βίοτος ου (ὁ) : moyens d’existence, ressources
  • ἀσκέω -ῶ impf. ἤσκουν, f. ἀσκήσω, ao. ἤσκησα, pf. ἄσκηκα Pass. ἀσκηθήσομαι, ao. ἠσκήθην,
    pf. ἤσκημαι : parer, orner
  • ᾖξα p. contr. de ἤϊξα, ao. de ἀΐσσω : s’agiter, se précipiter
  • ἔρευνα ης (ἡ) recherche, perquisition
  • μολεῖν inf. de l’ao.2 ἔμολον v. βλώσκω, aller
  • χρῄζω : solliciter, demander
  • ὑπουργέω -ῶ : rendre service, aider
  • προξενέω -ῶ f. προξενήσω, ao. προὐξένησα, pf. προὐξένηκα : servir de médiateur, de guide, obtenir
  • ἀργός ός, όν (ἀ-εργός) : inactif, qui n’aboutit à rien
  • μιγῆναι : participe aoriste passif de μίγνυμι, unir, mêler
  • δύστηνος ος, ον : infortuné, misérable.
I – ἦν δὲ σταλαγμὸς ἐν στίβῳ τις αἵματος ;
K – Οὔ φησι· καίτοι πόλλ´ ἐπεστράφη πέδον.
I – Χρόνος δὲ τίς τῷ παιδὶ διαπεπραγμένῳ ;
K – Σοὶ ταὐτὸν ἥβης, εἴπερ ἦν, εἶχ´ ἂν μέτρον.
I – Ἀδικεῖ νιν ὁ θεός, ἡ τεκοῦσα δ´ ἀθλία.
K – Οὔκουν ἔτ´ ἄλλον γ´ ὕστερον τίκτει γόνον.
I – Τί δ´ εἰ λάθρᾳ νιν Φοῖβος ἐκτρέφει λαβών ;
K – Τὰ κοινὰ χαίρων οὐ δίκαια δρᾷ μόνος.
I – Οἴμοι· προσῳδὸς ἡ τύχη τὠμῷ πάθει.
K – Καὶ ς´, ὦ ξέν´, οἶμαι μητέρ´ ἀθλίαν ποθεῖν.
I – Καὶ μή γ´ ἐπ´ οἶκτον μ´ἔξαγ´ οὗ ´λελήσμεθα.
K – Σιγῶ· πέραινε δ´ ὧν ς´ ἀνιστορῶ πέρι.
I – Οἶσθ´ οὖν ὃ κάμνει τοῦ λόγου μάλιστά σοι ;
K – Τί δ´ οὐκ ἐκείνῃ τῇ ταλαιπώρῳ νοσεῖ ;
I – Πῶς ὁ θεὸς ὃ λαθεῖν βούλεται μαντεύσεται ;
K – Εἴπερ καθίζει τρίποδα κοινὸν Ἑλλάδος.
I – Αἰσχύνεται τὸ πρᾶγμα· μὴ ´ξέλεγχέ νιν.
K – Ἀλγύνεται δέ γ´ ἡ παθοῦσα τῇ τύχῃ.
I – Οὐκ ἔστιν ὅστις σοι προφητεύσει τάδε.
Ἐν τοῖς γὰρ αὑτοῦ δώμασιν κακὸς φανεὶς
Φοῖβος δικαίως τὸν θεμιστεύοντά σοι
δράσειεν ἄν τι πῆμ´. Ἀπαλλάσσου, γύναι·
τῷ γὰρ θεῷ τἀναντί´ οὐ μαντευτέον.
Ἐς τοσοῦτον γὰρ ἀμαθίας ἔλθοιμεν ἄν,
εἰ τοὺς θεοὺς ἄκοντας ἐκπονήσομεν
φράζειν ἃ μὴ θέλουσιν, ἢ προβωμίοις
σφαγαῖσι μήλων ἢ δι´ οἰωνῶν πτεροῖς.
Ἃν γὰρ βίᾳ σπεύδωμεν ἀκόντων θεῶν,
ἄκοντα κεκτήμεσθα τἀγάθ´, ὦ γύναι·
ἃ δ´ ἂν διδῶς´ ἑκόντες, ὠφελούμεθα.
(ΧΟΡΟΣ)
Πολλαί γε πολλοῖς εἰσι συμφοραὶ βροτοῖς,
μορφαὶ δὲ διαφέρουσιν· ἕν δ´ ἂν εὐτυχὲς
μόλις ποτ´ ἐξεύροι τις ἀνθρώπων βίῳ.
K – ὦ Φοῖβε, κἀκεῖ κἀνθάδ´ οὐ δίκαιος εἶ
ἐς τὴν ἀποῦσαν, ἧς πάρεισιν οἱ λόγοι·
ὅς γ´ οὔτ´ ἔσωσας τὸν σὸν ὃν σῶσαί ς´ ἐχρῆν
οὔθ´ ἱστορούσῃ μητρὶ μάντις ὢν ἐρεῖς,
ὡς, εἰ μὲν οὐκέτ´ ἔστιν, ὀγκωθῇ τάφῳ,
εἰ δ´ ἔστιν, ἔλθῃ μητρὸς εἰς ὄψιν ποτέ.
ἀλλ´ ἐᾶν χρὴ τάδ´, εἰ πρὸς τοῦ θεοῦ
κωλυόμεσθα μὴ μαθεῖν ἃ βούλομαι.
Ἀλλ´, ὦ ξέν´, εἰσορῶ γὰρ εὐγενῆ πόσιν
Ξοῦθον πέλας δὴ τόνδε, τὰς Τροφωνίου
λιπόντα θαλάμας, τοὺς λελεγμένους λόγους
σίγα πρὸς ἄνδρα, μή τιν´ αἰσχύνην λάβω
διακονοῦσα κρυπτά, καὶ προβῇ λόγος
οὐχ ᾗπερ ἡμεῖς αὐτὸν ἐξειλίσσομεν.
Τὰ γὰρ γυναικῶν δυσχερῆ πρὸς ἄρσενας,
κἀν ταῖς κακαῖσιν ἁγαθαὶ μεμειγμέναι
μισούμεθ´· οὕτω δυστυχεῖς πεφύκαμεν.
Il y avait des gouttes de sang sur le chemin ?
K – Elle dit que non ; pourtant elle a bien observé le sol.
Ι – Cela fait combien de temps que cet enfant a été tué ?
K – S’il vivait, il serait du même âge que toi.
I – Le dieu lui a fait du tort, et sa mère est malheureuse.
K – Ensuite elle n’a pas eu d’autre enfant.
Ι – Ηé quoi, si l’ayant pris Phoibos l’élève en secret ?
Κ – il n’agit pas justement en profitant seul des biens communs.
Ι – Hélas ! Le destin s’accorde à ma souffrance.
K – Et toi, étranger, je crois que tu regrettes ta malheureuse mère.I – Ne me ramène pas vers un chagrin oublié.

K – Je me tais ; accomplis ce sur quoi je t’interroge.
I – Tu sais donc ce qui, de ce discours, te fait le plus de peine ?
Κ – Pour cette malheureuse, qu’est-ce qui n’est pas souffrance ?
I – Comment le dieu dira-t-il dans son oracle ce qu’il veut cacher?
K – [il le fera] si du moins il siège sur le trépied commun à la Grèce.
I – Il a honte de son acte ; ne le mets pas au pied du mur.
K – Mais c’est sa victime qui subit son destin !
I – Il n’y a personne pour te donner ces oracles. Montré comme criminel dans sa propre maison Phoibos à juste titre infligerait un malheur à celui qui te l’aurait délivré. Éloigne-toi, femme. On ne peut donner des oracles contraires aux dieux. Nous en arriverions à un tel degré de folie, si nous entreprenions de dire, contre la volonté des dieux, ce qu’ils ne veulent pas, soit en sacrifiant des moutons sur les autels, ou par le vol des oiseaux. Si nous nous efforçons avec violence contre la volonté des dieux, nous n’obtenons que des biens stériles, femme ; seuls nous sont utiles ceux qu’ils donnent de leur plein gré.
LE CHŒUR – Nombreux sont les malheurs pour la plupart des mortels, et ils diffèrent par leurs formes ; on trouverait à peine un seul bonheur dans la vie des hommes.
K – Phoibos, que ce soit ici ou là-bas, tu n’es pas juste envers l’absente, dont les paroles sont présentes ; toi qui n’as pas sauvé celui que tu aurais dû sauver, et devin, tu ne répondras pas aux questions d’une mère, afin que, s’il n’est plus il soit enseveli dans un tombeau, et s’il vit, qu’il soit une fois vu de sa mère ! Mais il faut laisser cela, puisque nous sommes empêchée par le dieu d’apprendre ce que nous voulons. Mais, étranger, je vois mon noble époux Xouthos venir
ici, ayant laissé le gîte de Trophonios ; ne dis rien à mon mari des paroles dites, afin que je subisse pas de honte pour avoir servi des dessins secrets, et que mon discours n’en arrive pas là où nous nous ne voulons pas le faire tourner. Les affaires des femmes sont difficiles envers les hommes, les bonnes étant mêlées avec les mauvaises, nous sommes haïes ; tant nous sommes nées malheureuses !

  • σταλαγμός οῦ (ὁ) : écoulement goutte à goutte
  • στίϐος ου (ὁ) : chemin, piste
  • ἐπιστρέφω : faire bien attention à
  • διαπράττω : faire périr, tuer
  • προσῳδός ός, όν que l’on chante avec accompagnement d’un instrument ; fig. qui s’accorde avec, τινι
  • οἶκτος ου (ὁ) : lamentation, chagrin
  • περαίνω f. περανῶ, ao. Ἐπέρανα : accomplir
  • ἀνιστορέω -ῶ : interroger
  • ἐξελέγχω : convaincre d’un crime, confondre
  • πῆμα ατος (τὸ) : malheur, dommage, calamité
  • ἀπαλλάσσω : éloigner
  • ἐκπονέω -ῶ : exécuter, achever
  • μῆλον ου (τὸ) : mouton
  • ὀγκόω-ω : ici, ensevelir
  • ἐξελίσσω : faire tourner

Épisode II – vers 510-675

La « reconnaissance » entre Ion et Xouthos (v. 510-568)

Vers 510-549

ΙΩΝ – πρόσπολοι γυναῖκες, αἳ τῶνδ´ ἀμφὶ κρηπῖδας δόμων
θυοδόκων φρούρημ´ ἔχουσαι δεσπότιν φυλάσσετε,
ἐκλέλοιπ´ ἤδη τὸν ἱερὸν τρίποδα καὶ χρηστήριον
Ξοῦθος ἢ μίμνει κατ´ οἶκον ἱστορῶν ἀπαιδίαν ;
(ΧΟΡΟΣ) ἐν δόμοις ἔστ´, ὦ ξέν´· οὔπω δῶμ´ ὑπερβαίνει
τόδε. ὡς δ´ ἐπ´ ἐξόδοισιν ὄντος, τῶνδ´ ἀκούομεν πυλῶν
δοῦπον, ἐξιόντα τ´ ἤδη δεσπότην ὁρᾶν πάρα.
ΞΟΥΘΟΣ – ὦ τέκνον, χαῖρ´· ἡ γὰρ ἀρχὴ τοῦ λόγου πρέπουσά μοι.
I – χαίρομεν· σὺ δ´ εὖ φρόνει γε, καὶ δύ´ ὄντ´ εὖ πράξομεν.
Ξ – δὸς χερὸς φίλημά μοι σῆς σώματός τ´ ἀμφιπτυχάς.
I – εὖ φρονεῖς μέν ; ἤ ς´ ἔμηνεν θεοῦ τις, ὦ ξένε, βλάβη ;
Ξ – οὐ φρονῶ, τὰ φίλταθ´ εὑρὼν εἰ φιλεῖν ἐφίεμαι ;
I – παῦε, μὴ ψαύσας τὰ τοῦ θεοῦ στέμματα ῥήξῃς χερί.
Ξ – ἅψομαι· κοὐ ῥυσιάζω, τἀμὰ δ´ εὑρίσκω φίλα.
I – οὐκ ἀπαλλάξῃ, πρὶν εἴσω τόξα πλευμόνων λαβεῖν ;
Ξ – ὡς τί δὴ φεύγεις με ; σαυτοῦ γνωρίσας τὰ φίλτατα…
I – οὐ φιλῶ φρενοῦν ἀμούσους καὶ μεμηνότας ξένους.
Ξ – κτεῖνε καὶ πίμπρη· πατρὸς γάρ, ἢν κτάνῃς, ἔσῃ φονεύς.
I – ποῦ δέ μοι πατὴρ σύ ; ταῦτ´ οὖν οὐ γέλως κλύειν ἐμοί ;
Ξ – οὔ· τρέχων ὁ μῦθος ἄν σοι τἀμὰ σημήνειεν ἄν.
I – καὶ τί μοι λέξεις ;
Ξ – πατὴρ σός εἰμι καὶ σὺ παῖς ἐμός.
I – τίς λέγει τάδ´ ;
Ξ – ὅς ς´ ἔθρεψεν ὄντα Λοξίας ἐμόν.
I – μαρτυρεῖς σαυτῷ.
Ξ – τὰ τοῦ θεοῦ γ´ ἐκμαθὼν χρηστήρια.
I – ἐσφάλης αἴνιγμ´ ἀκούσας.
Ξ – οὐκ ἄρ´ ὄρθ´ ἀκούομεν.
I – ὁ δὲ λόγος τίς ἐστι Φοίβου ;
Ξ – τὸν συναντήσαντά μοι
I – τίνα συνάντησιν ;
Ξ – δόμων τῶνδ´ ἐξιόντι τοῦ θεοῦ
I – συμφορᾶς τίνος κυρῆσαι ;
Ξ – παῖδ´ ἐμὸν πεφυκέναι.
I – σὸν γεγῶτ´ ἢ δῶρον ἄλλων ;
Ξ – δῶρον, ὄντα δ´ ἐξ ἐμοῦ.
I – πρῶτα δῆτ´ ἐμοὶ ξυνάπτεις πόδα σόν ;
Ξ – οὐκ ἄλλῳ τέκνον.
I – ἡ τύχη πόθεν ποθ´ ἥκει ;
Ξ – δύο μίαν θαυμάζομεν.
I – ἐκ τίνος δέ σοι πέφυκα μητρός ;
Ξ – οὐκ ἔχω φράσαι.
I – οὐδὲ Φοῖβος εἶπε ;
Ξ – τερφθεὶς τοῦτο, κεῖν´ οὐκ ἠρόμην.
I – γῆς ἄρ´ ἐκπέφυκα μητρός ;
Ξ – οὐ πέδον τίκτει τέκνα.
I – πῶς ἂν οὖν εἴην σός ;
Ξ – οὐκ οἶδ´, ἀναφέρω δ´ ἐς τὸν θεόν.
I – φέρε λόγων ἁψώμεθ´ ἄλλων.
Ξ – τοῦτ´ ἄμεινον, ὦ τέκνον.
I – ἦλθες ἐς νόθον τι λέκτρον ;
Ξ – μωρίᾳ γε τοῦ νέου.
I – πρὶν κόρην λαβεῖν Ἐρεχθέως ;&nbs
p;   Ξ – οὐ γὰρ ὕστερόν γέ πω.
I – ἆρα δῆτ´ ἐκεῖ
μ´ ἔφυσας ;Ξ – τῷ χρόνῳ γε συντρέχει.
I – κᾆτα πῶς
ἀφικόμεσθα δεῦρο

Ξ – τοῦτ´ ἀμηχανῶ.
I – διὰ μακρᾶς ἐλθὼν
κελεύθου ;

Ξ – τοῦτο κἄμ´ ἀπαιολᾷ.

Ion – Servantes, qui près du socle de ce palais qui reçoit des parfums, soucieuses, gardez votre maîtresse, Xouthos a-t-il déjà quitté le trépied sacré et l’oracle, ou reste-t-il à l’intérieur, interrogeant sur son manque d’enfant ?
Le Chœur – il est à l’intérieur, étranger ; il n’a pas encore quitté la demeure. Mais il est sur le seuil, nous entendons le bruit de ces portes, voici déjà mon maître qui sort.
Xouthos – Mon enfant, sois content ! Ce début de discours me convient.
I – Nous le sommes ; toi, sois sage, et tout ira bien pour nous deux.
X – Laisse-moi baiser ta main et embrasser ton corps.
I – Tu es sensé ? Ou le dommage causé par un dieu t’a rendu fou, étranger ?
X – Je suis fou, si ayant trouvé ce qui m’est le plus cher, je viens l’embrasser ?
I – Cesse, ne brise pas en les touchant de ta main les bandelettes du dieu.
X- je toucherai, et ne prends pas de force, puisque je trouve ce qui m’est cher.
I – Tu ne partiras pas, avant de prendre ce javelot dans le poumon ?
X – Pourquoi me fuis-tu ? Reconnais ce qui t’est le plus cher…
I – Je n’aime pas faire entendre raison à des étrangers grossiers et fous.
X – Hé bien tue et brûle ! Si tu me tues, tu seras le meurtrier de ton père.
I – Et d’où es-tu mon père ? N’est-ce pas ridicule à entendre ?
X – Non. Mon récit te le montrerait clairement.
I – Et que vas-tu me dire ?
X – Je suis ton père et tu es mon fils.
I – Qui dit cela ?
X – Loxias, qui t’a élevé, mon enfant.
I – Tu es ton propre témoin.
X – Je l’ai appris de l’oracle du dieu.
I – Tu te trompes, tu as entendu une énigme !
X – Nous n’entendons donc pas bien ?
I – Quelle est la parole de Phoibos ?
X – que celui que je rencontrerai…
I – Quelle rencontre ?
X – en sortant de la demeure du dieu…
I – aurait quel sort ?
X – serait mon enfant.
I – Né de toi, ou cadeau des autres ?
X – un cadeau, né de moi.
I – Et c’est donc moi que tu as touché de tes premiers pas ?
X – et non un autre, fils.
I – D’où vient cette fortune ?
X- nous nous en étonnons tous deux.
I – Mais qui est ma mère ?
X – Je ne puis le dire.
I – Phoibos ne l’a pas dit ?
X J’étais heureux, je ne l’ai pas demandé.
I – Suis-je donc né de la Terre mère ?
X – Le sol ne produit pas d’enfants.
I – Comment donc serais-je de toi ?
X – Je ne sais pas, je m’en réfère au dieu.
I – Hé bien, parlons d’autre chose.
X C’est mieux, mon enfant.
I – tu es venu dans un lit étranger ?
X – Par une folie de jeunesse.
I – Avant d’avoir épousé la fille d’Érechthée ?
X – et jamais après.
I – C’est donc là que tu m’as engendré ?
X – Cela correspond à la chronologie.
I – Et ensuite comment suis-je arrivé ici ?
X – Cela m’embarrasse.
I – J’y suis venu par un long chemin ?
X – Moi aussi, cela me rend perplexe.
  • πρόσπολος ου (ὁ, ἡ) : serviteur, servante
  • κρηπίς, ῖδος (ἡ) : fondement d’une construction
  • θυοδόκος ος, ον : qui reçoit les parfums, où l’on sert les parfums
  • δοῦπος ου (ὁ) : bruit sourd
  • ἀμφιπτυχή ῆς (ἡ) : embrassement
  • φίλημα ατος (τὸ) : baiser
  • βλάϐη ης (ἡ) : dommage, tort
  • ψαύω : toucher, atteindre
  • ῥυσιάζω : enlever de force, arracher
  • φρενόω -ῶ f. φρενώσω, pf. Pass. Πεφρένωμαι : rendre sage ou sensé, ramener à la raison
  • ἄμουσος ος, ον : étranger aux muses, c’est-à-dire grossier, sans goût
  • ἐσφάλην : aoriste passif de σφάλλω : induire en erreur
  • κέλευθος ου (ἡ) plur. κέλευθοι ou κέλευθα : chemin, route
  • ἀπαιολάω -ῶ égarer, rendre perplexe

Vers 550-568

ΙΩΝ – Πυθίαν δ´ ἦλθες πέτραν πρίν ;
Ξ – ἐς φανάς γε Βακχίου.
I – Προξένων δ´ ἔν του κατέσχες ;
Ξ – ὅς με Δελφίσιν κόραις…
I – ἐθιάσευς´, ἢ πῶς τάδ´ αὐδᾷς ;
Ξ – Μαινάσιν γε Βακχίου.
I – Ἔμφρον´ ἢ κάτοινον ὄντα ;
Ξ – Βακχίου πρὸς ἡδοναῖς.
I – Τοῦτ´ ἐκεῖν´ ἵν´ ἐσπάρημεν.
Ξ – ὁ πότμος ἐξηῦρεν, τέκνον.
I – Πῶς δ´ ἀφικόμεσθα ναούς ;
Ξ – ἔκβολον κόρης ἴσως.
I – Ἐκπεφεύγαμεν τὸ δοῦλον.
Ξ – πατέρα νυν δέχου, τέκνον.
I – Τῷ θεῷ γοῦν οὐκ ἀπιστεῖν εἰκός.
Ξ – Εὖ φρονεῖς ἄρα.
I – Καὶ τί βουλόμεσθά γ´ ἄλλο…
Ξ – Νῦν ὁρᾷς ἃ χρή ς´ ὁρᾶν.
I – Ἢ Διὸς παιδὸς γενέσθαι παῖς ;
Ξ – ὃ σοί γε γίγνεται.
I – Ἦ θίγω δῆθ´ ὅς μ´ ἔφυσας ;
Ξ – πιθόμενός γε τῷ θεῷ.
I – Χαῖρέ μοι, πάτερ.
Ξ – Φίλον γε φθέγμ´ ἐδεξάμην τόδε.
I – Ἡμέρα θ´ ἡ νῦν παροῦσα…
Ξ – …μακάριόν γ´ ἔθηκέ με.
I – Ὦ φίλη μῆτερ, πότ´ ἆρα καὶ σὸν ὄψομαι δέμας ;
Νῦν ποθῶ σε μᾶλλον ἢ πρίν, ἥτις εἶ ποτ´, εἰσιδεῖν.
Ἀλλ´ ἴσως τέθνηκας, ἡμεῖς δ´ οὐδ´ ὄναρ δυναίμεθ´ ἄν.
ΧΟΡΟΣ – κοιναὶ μὲν ἡμῖν δωμάτων εὐπραξίαι·
ὅμως δὲ καὶ δέσποιναν ἐς τέκν´ εὐτυχεῖν
ἐβουλόμην ἂν τούς τ´ Ἐρεχθέως δόμους.
I – Tu es venu auparavant à la pierre pythienne ?
X – Oui, aux flambeaux de Bacchus.
I – Tu résidas chez l’un des proxènes ?
X – Qui, aux filles de Delphes…
I – T’introduisis dans le thiase, n’est-ce pas ?
X – Aux Ménades de Bacchus.
I – Lucide, ou ivre ?
X – Dans les plaisirs de Bacchus.
I – Voilà le lieu où je fus conçu.
X – C’est le destin qui l’a voulu, mon enfant.
I – Comment suis-je arrivé au temple ?
X – Exposé par la jeune fille, peut-être.
I – J’ai donc échappé à l’esclavage.
X – Hé bien reçois un père, mon enfant.
I – Assurément on ne peut pas se défier du dieu.
X – Te voilà donc raisonnable.
I – Et que voulons-nous d’autre…
X – Maintenant tu vois ce qu’il te faut voir.
I – Être l’enfant d’un enfant de Zeus ?
X – C’est ce qui t’arrive.
I – Dois-je toucher maintenant ceux qui m’ont fait naître ?
X – Oui, convaincu par le dieu.
I – Salut, père.
X– C’est une parole qui m’est chère, que j’ai reçue là.
I – Le jour qui est là maintenant…
X – …m’a rendu heureux.
I – Ô chère mère, te verrai-je un jour ? À présent je désire plus qu’avant te voir, qui que tu sois. Mais peut-être es-tu morte, et nous ne pouvons même pas espérer un songe.
LE CHŒUR – Les bonheurs de la maisonnée nous sont communs ; pourtant je voudrais que ma maîtresse aussi ait la joie d’un enfant, ainsi que la maison d’Érechthée.
  • Θιασεύω : introduire dans un thiase (un cortège sacré)
  • αὐδάω-ῶ : dire
  • πότμος, ου (ὁ) ce qui tombe au sort , sort, destin
  • ἐξευρίσκω f. ἐξευρήσω, ao. ἐξεῦρον ou ἐξηῦρον : trouver, imaginer
  • θίγω : subjonctif aoriste de θιγγάνω f. θίξω, ao.2 ἔθιγον, pf. Inus. : toucher
  • φθέγμα, ατος (τὸ) : voix ; cri ; parole ; langage

La scène, d’abord sous la forme d’une stichomythie, puis d’une hémistichomytie, en tétramètres trochaïques, évolue du
comique – lorsque Ion s’indigne de l’extravagance de Xouthos, à laquelle il ne comprend rien, et menace de le frapper ; on n’est alors pas très loin de la farce – à l’émotion, lorsque les deux personnages finissent par se « reconnaître » et expriment leur affection et leur joie..

Mais la froideur du chœur , qui s’exprime par un retour au vers « parlé », le trimètre iambique, rappelle au spectateur que les héros sont en réalité victimes d’une illusion et des machinations des dieux : Ion n’est pas, en vérité, le fils de Xouthos, et cette pseudo-reconnaissance pourrait bien avoir des conséquences tragiques…

L’ « ἀγων λέγων» ou débat théorique (v. 569-675)

Les malheurs promis à l’intrus (v. 569-620)

ΞΟΥΘΟΣ – Ὦ τέκνον, ἐς μὲν σὴν ἀνεύρεσιν θεὸς
ὀρθῶς ἔκρανε, καὶ συνῆψ´ ἐμοί τε σὲ
σύ τ´ αὖ τὰ φίλταθ´ ηὗρες οὐκ εἰδὼς πάρος·
ὃ δ´ ᾖξας ὀρθῶς, τοῦτο κἄμ´ ἔχει πόθος,
ὅπως σύ τ´, ὦ παῖ, μητέρ´ εὑρήσεις σέθεν
ἐγώ θ´ ὁποίας μοι γυναικὸς ἐξέφυς.
Χρόνῳ δὲ δόντες ταῦτ´ ἴσως εὕροιμεν ἄν.
Ἀλλ´ ἐκλιπὼν θεοῦ δάπεδ´ ἀλητείαν τε σὴν
ἐς τὰς Ἀθήνας στεῖχε κοινόφρων πατρί
οὗ σ’ ὄλβιον μὲν σκῆπτρον ἀναμένει πατρός,
πολὺς δὲ πλοῦτος· οὐδὲ θάτερον νοσῶν
δυοῖν κεκλήσῃ δυσγενὴς πένης θ´ ἅμα,
ἀλλ´ εὐγενής τε καὶ πολυκτήμων βίου.
σιγᾷς ;τί πρὸς γῆν ὄμμα σὸν βαλὼν ἔχεις
ἐς φροντίδας τ´ ἀπῆλθες, ἐκ δὲ χαρμονῆς
πάλιν μεταστὰς δεῖμα προσβάλλεις πατρί ;
ΙΩΝ – Οὐ ταὐτὸν εἶδος φαίνεται τῶν πραγμάτων
πρόσωθεν ὄντων ἐγγύθεν θ´ ὁρωμένων.
Ἐγὼ δὲ τὴν μὲν συμφορὰν ἀσπάζομαι,
πατέρα σ’ ἀνευρών· ὧν δὲ γιγνώσκω, πάτερ,
ἄκουσον. Εἶναί φασι τὰς αὐτόχθονας
κλεινὰς Ἀθήνας οὐκ ἐπείσακτον γένος,
ἵν´ ἐσπεσοῦμαι δύο νόσω κεκτημένος,
πατρός τ´ ἐπακτοῦ καὐτὸς ὢν νοθαγενής.
Καὶ τοῦτ´ ἔχων τοὔνειδος ἀσθενὴς μένων
μηδὲν κοὐδένων κεκλήσομαι.
Ἢν δ´ ἐς τὸ πρῶτον πόλεος ὁρμηθεὶς ζυγὸν
ζητῶ τις εἶναι, τῶν μὲν ἀδυνάτων ὕπο
μισησόμεσθα· λυπρὰ γὰρ τὰ κρείσσονα.
Ὅσοι δέ, χρηστοὶ δυνάμενοί τ´, ὄντες σοφοί,
σιγῶσι κοὐ σπεύδουσιν ἐς τὰ πράγματα,
γέλωτ´ ἐν αὐτοῖς μωρίαν τε λήψομαι
οὐχ ἡσυχάζων ἐν πόλει φόβου πλέᾳ.
Τῶν δ´ αὖ λόγῳ τε χρωμένων τε τῇ πόλει
ἐς ἀξίωμα βὰς πλέον φρουρήσομαι
ψήφοισιν. Οὕτω γὰρ τάδ´, ὦ πάτερ, φιλεῖ·
οἳ τὰς πόλεις ἔχουσι κἀξιώματα
τοῖς ἀνθαμίλλοις εἰσὶ πολεμιώτατοι.
Ἐλθὼν δ´ ἐς οἶκον ἀλλότριον ἔπηλυς ὢν
γυναῖκά θ´ ὡς ἄτεκνον, ἣ κοινουμένη
τῆς συμφορᾶς σοι πρόσθεν ἀπολαχοῦσα νῦν
αὐτὴ καθ´ αὑτὴν τὴν τύχην οἴσει πικρῶς,
πῶς οὐχ ὑπ´ αὐτῆς εἰκότως μισήσομαι,
ὅταν παραστῶ σοὶ μὲν ἐγγύθεν ποδός,
ἡ δ´ οὖσ’ ἄτεκνος τὰ σὰ φίλ´ εἰσορᾷ πικρῶς,
κᾆτ´ ἢ προδοὺς σύ μ´ ἐς δάμαρτα σὴν βλέπῃς
ἢ τἀμὰ τιμῶν δῶμα συγχέας ἔχῃς ;
ὅσας σφαγὰς δὴ φαρμάκων τε θανασίμων
γυναῖκες ηὗρον ἀνδράσιν διαφθοράς.
ἄλλως τε τὴν σὴν ἄλοχον οἰκτίρω, πάτερ
,
ἄπαιδα γηράσκουσαν· οὐ γὰρ ἀξία
πατέρων ἀπ´ ἐσθλῶν οὖσ’ ἀπαιδίᾳ νοσεῖν.
X – Mon enfant, le dieu a bien réussi nos retrouvailles, et il m’a rapproché de toi, et toi tu as trouvé un père, sans savoir qu’il était devant toi ; et ce qui t’agite justement, moi aussi j’en éprouve le désir : que toi, mon fils, tu trouves ta mère et moi la femme qui t’a conçu. Confions cela au temps, et peut-être nous trouverons. Mais quittant le pays du dieu et ta vie errante va à Athènes en plein accord avec ton père, là où t’attendent le sceptre illustre de ton père et une grande richesse ; et ne souffrant plus de ces deux maux, tu ne seras plus appelé pauvre et mal né à la fois, mais noble et riche. Tu ne dis rien ? Pourquoi tenant ton regard à terre tu sembles soucieux et tu t’éloignes, et changes-tu pour ton père la joie en crainte ?
ION – La forme des choses n’apparaît pas la même selon qu’on la voit de près ou de loin. J’accueille avec joie cette aventure et j’ai trouvé un père en toi ; mais ce que je sais, père, écoute-le. On dit que les nobles Athéniens autochtones ne sont pas un peuple importé, là où je vais tomber, possédant une double disgrâce, né d’un père étranger et étant moi-même bâtard. Et portant ce reproche, si je restais faible on m’appellera « rien et fils de personne ». Mais si, étant parvenu au rang suprême de la cité je cherche à être quelqu’un, je serai haï des incapables : la supériorité est odieuse. Tous ceux qui, honnêtes et capables, étant sages, se taisent et ne s’occupent pas des affaires, chez eux je serai pris pour ridicule et sot, si je ne me tiens pas tranquille dans une cité pleine de peur. Quant à ceux qui usent à la fois de la raison et de la politique, si je monte aux honneurs, je serais encore plus écarté par leurs votes. C’est ainsi, père, que se font les choses d’ordinaire. Ceux qui ont les magistratures et les honneurs sont les plus belliqueux envers leurs rivaux. Arrivé dans la maison d’autrui, étranger, chez une femme sans enfant, qui, partageant ton malheur auparavant, et à présent privée par le sort selon le même destin, supportera amèrement, comment ne me haïrait-elle pas à bon droit, lorsque je me tiendrai à tes côtés, et elle, stérile, verra avec amertume ton cher fils ; et ensuite, ou bien toi tu me trahiras pour ta maison, ou m’honorant, tu ruineras ton foyer ? Combien de meurtres et d’assassinats par des poisons mortels les femmes ont-elles trouvé pour leurs maris ! En outre, père, j’ai pitié de ton épouse, qui va vieillir sans enfant ; elle ne méritait pas, fille de nobles ancêtres, de souffrir de stérilité.
  • κραίνω f. κρανῶ, ao. ἔκρανα, pf. Inus. : accomplir
  • ἀΐσσω impf. ἤϊσσον > ᾖσσον, f. ἀΐξω > ᾄξω, ao. ἤϊξα > ᾖξα, pf. inus. : agiter vivement
  • δάπεδον ου (τὸ) : sol, pays, contrée
  • ἀλητεία ας (ἡ) : vie errante
  • στείχω f. inus., ao.2 ἔστιχον, pf. Inus. : 1 s’avancer en ligne, s’avancer, aller, marcher
  • χαρμονή ῆς (ἡ) : joie, plaisir
  • δεῖμα, ατος (τὸ) : crainte, frayeur
  • ἀσπάζομαι impf. ἠσπαζόμην, f. ἀσπάσομαι, ao. ἠσπασάμην, pf. ἤσπασμαι accueillir avec affection ou avec empressement
  • ἐπείσακτος ος, ον : importé, amené du dehors, étranger
  • ἐπακτός ός, όν : importé, intrus
  • ἀνθάμιλλος ος, ον : rival
  • ἔπηλυς υς, υ ; gén. Υδος : qui arrive, qui vient du dehors, étranger
  • ἀπολαγχάνω f. ἀπολήξομαι, ao.2 ἀπέλαχον : ne pas obtenir du sort
  • σφαγή ῆς (ἡ) : égorgement, meurtre, immolation

Les tristesses du pouvoir (v. 621-675)

Τυραννίδος δὲ τῆς μάτην αἰνουμένης
τὸ μὲν πρόσωπον ἡδύ, τἄνδον ὄντα δὲ
λυπηρά· τίς γὰρ μακάριος, τίς εὐτυχής,
ὅστις δεδοικὼς καὶ περιβλέπων βίαν
αἰῶνα τείνει ; δημότης ἂν εὐτυχὴς
ζῆν ἂν θέλοιμι μᾶλλον ἢ τύραννος ὤν,
ᾧ τοὺς πονηροὺς ἡδονὴ φίλους ἔχειν,
ἐσθλοὺς δὲ μισεῖ κατθανεῖν φοβούμενος.
Εἴποις ἂν ὡς ὁ χρυσὸς ἐκνικᾷ τάδε,
πλουτεῖν τε τερπνόν· οὐ φιλῶ ψόφους κλύειν
ἐν χερσὶ σῴζων ὄλβον οὐδ´ ἔχειν πόνους·
εἴη γ´ ἐμοὶ μὲν μέτρια μὴ λυπουμένῳ.
Ἃ δ´ ἐνθάδ´ εἶχον ἀγάθ´ ἄκουσόν μου, πάτερ·
τὴν φιλτάτην μὲν πρῶτον ἀνθρώποις σχολὴν
ὄχλον τε μέτριον, οὐδέ μ´ ἐξέπληξ´ ὁδοῦ
πονηρὸς οὐδείς· κεῖνο δ´ οὐκ ἀνασχετόν,
εἴκειν ὁδοῦ χαλῶντα τοῖς κακίοσιν.
Θεῶν δ´ ἐν εὐχαῖς ἢ λόγοισιν ἦ βροτῶν
ὑπηρετῶν χαίρουσιν οὐ γοωμένοις.
Καὶ τοὺς μὲν ἐξέπεμπον, οἱ δ´ ἧκον ξένοι,
ὥσθ´ ἡδὺς αἰεὶ καινὸς ἐν καινοῖσιν ἦ.
Ὃ δ´ εὐκτὸν ἀνθρώποισι, κἂν ἄκουσιν ᾖ,
δίκαιον εἶναί μ´ ὁ νόμος ἡ φύσις θ´ ἅμα
παρεῖχε τῷ θεῷ. Ταῦτα συννοούμενος
κρείσσω νομίζω τἀνθάδ´ ἢ τἀκεῖ, πάτερ.
Ἔα δέ μ´ αὐτοῦ ζῆν· ἴση γὰρ ἡ χάρις
μεγάλοισι χαίρειν σμικρά θ´ ἡδέως ἔχειν.
ΧΟΡΟΣ – καλῶς ἔλεξας, εἴπερ οὓς ἐγὼ φιλῶ
ἐν τοῖσι σοῖσιν εὐτυχήσουσιν λόγοις.
ΞΟΥΘΟΣ – παῦσαι λόγων τῶνδ´, εὐτυχεῖν δ´ ἐπίστασο·
θέλω γὰρ οὗπέρ σ’ ηὗρον ἄρξασθαι, τέκνον,
κοινῆς τραπέζης, δαῖτα πρὸς κοινὴν πεσών,
θῦσαί θ´ ἅ σου πρὶν γενέθλι´ οὐκ ἐθύσαμεν.
Καὶ νῦν μὲν ὡς δὴ ξένον ἄγων σ’ ἐφέστιον
δείπνοισι τέρψω, τῆς δ´ Ἀθηναίων χθονὸς
ἄξω θεατὴν δῆθεν, οὐχ ὡς ὄντ´ ἐμόν.
Καὶ γὰρ γυναῖκα τὴν ἐμὴν οὐ βούλομαι
λυπεῖν ἄτεκνον οὖσαν αὐτὸς εὐτυχῶν.
Χρόνῳ δὲ καιρὸν λαμβάνων προσάξομαι
δάμαρτ´ ἐᾶν σε σκῆπτρα τἄμ´ ἔχειν χθονός.
Ἴωνα δ´ ὀνομάζω σε τῇ τύχῃ πρέπον,
ὁθούνεκ´ ἀδύτων ἐξιόντι μοι θεοῦ
ἴχνος συνῆψας πρῶτος. Ἀλλὰ τῶν φίλων
πλήρωμ´ ἀθροίσας βουθύτῳ σὺν ἡδονῇ
πρόσειπε, μέλλων Δελφίδ´ ἐκλιπεῖν πόλιν.
Ὑμῖν δὲ σιγᾶν, δμωίδες, λέγω τάδε,
ἢ θάνατον εἰπούσαισι πρὸς δάμαρτ´ ἐμήν.
ΙΩΝ – Στείχοιμ´ ἄν. ἓν δὲ τῆς τύχης ἄπεστί μοι·
εἰ μὴ γὰρ ἥτις μ´ ἔτεκεν εὑρήσω, πάτερ,
ἀβίωτον ἡμῖν. Εἰ δ´ ἐπεύξασθαι χρεών,
ἐκ τῶν Ἀθηνῶν μ´ ἡ τεκοῦσ’ εἴη γυνή,
ὥς μοι γένηται μητρόθεν παρρησία.
Καθαρὰν γὰρ ἤν τις ἐς πόλιν πέσῃ ξένος,
κἂν τοῖς λόγοισιν ἀστὸς ᾖ, τό γε στόμα
δοῦλον πέπαται κοὐκ ἔχει παρρησίαν.
Quant au pouvoir royal qu’on loue en vain, son visage est agréable, mais sa réalité est triste. Qui est heureux, qui est chanceux, qui dans la crainte passe sa vie à redouter la violence ? Je voudrais, simple homme du peuple, vivre heureux plutôt qu’en étant tyran, pour qui c’est un plaisir d’avoir des méchants pour amis, et qui craint les gens honnêtes parce qu’il a peur de mourir. Tu pourrais me dire que l’or compense cela, qu’être riche est un délice ; je n’aime pas entendre les bruits ni prendre la peine de garder mes trésors dans la main. Un bien modeste me suffirait, si je n’ai pas de tourments. Les biens que j’avais ici, écoute-moi, père : tout d’abord le loisir, le bien le plus cher aux hommes, peu d’embarras, et aucun méchant ne m’a jamais écarté de ma route ; or ce n’est pas supportable de laisser sa route en cédant aux méchants. Dans les cultes des dieux ou les discours avec les hommes, ils se réjouissent de mes services sans jamais se plaindre. Et je raccompagnais les uns, d’autres étrangers, arrivaient, de sorte que j’étais toujours un nouvel ami agréable pour de nouveaux amis. Mais ce qui est le plus souhaitable pour les hommes, même contre leur gré, être juste, la loi et la nature me l’ont offert pour le dieu. Quand je pense à cela, je pense qu’il vaut mieux, père, vivre ici que là-bas. Permets-moi de vivre ici. C’est une grâce égale, de jouir de grands biens ou de posséder agréablement des biens modestes.
LE CHŒUR – Tu as bien parlé, si du moins, dans tes discours, les maîtres que j’aime trouvent leur bonheur.
XOUTHOS – Cesse de parler ainsi, apprends à être heureux. Je veux en effet, là où précisément je t’ai trouvé, mon enfant, inaugurer notre table commune pour un repas commun et faire le sacrifice de naissance que nous n’avons pas accompli. Et maintenant, te conduisant comme un hôte au foyer, je te charmerai par un dîer ; de là je t’emmènerai sur la terre d’Athènes en visiteur, et non comme mon fils. Et je ne veux pas que ma femme souffre, elle qui n’a pas d’enfant, quand moi je suis heureux. Avec le temps, saisissant l’occasion, je l’amènerai à te laisser mon sceptre et à posséder ma terre. Je te nomme Ion, nom conforme au destin, car tu es, le premier, venu à ma rencontre quand je sortais de la demeure du dieu, ayant suivi mes pas. Hé bien, convoque la foule de tes amis, et annonce-leur, avec la joie d’une hécatombe, que tu vas quitter Delphes. Servantes, je vous ordonne de vous taire, ou bien, pour celles qui parleront à ma femme, la mort !
ION – J’irai. Mais une seule chose me manque du destin. Si je ne trouve pas celle qui m’a enfanté, père, il m’est impossible de vivre. S’il est permis de faire un vœu, que ma mère soit Athénienne, afin que j’aie la franchise maternelle. Si quelque étranger arrive dans une cité pure, même si légalement il est citadin, sa bouche reste esclave et il n’a pas la liberté de parole.
  • ὄλϐος ου (ὁ) : fortune, richesses
  • ὄχλος ου (ὁ) : foule, d’où : embarras, gêne
  • χαλάω -ῶ : céder
  • γοάομαι-ῶμαι gémir, se lamenter
  • πεσών < πίπτω : tomber surrencontrer
  • ἐφέστιος, ος, ον : qui vient en hôte dans une maison, invité
  • ἡ δάμαρ, -αρτος : l’épouse
  • προσάξομαι < προσάγω : mener à, amener à
  • ὁθούνεκα : parce que
  • ὁ ἴχνος, ου : pas, trace
  • βούθυτος, ος, ον : où on immole des bœufs
  • ἐπεύξασθαι < ἐπεύχομαι : exprimer un vœu
  • πέπαμαι < πάομαι : au présent, acquérir ; au parfait : avoir acquis, posséder

Épisode III – vers 725-1047

Ce troisième épisode représente l’acmé de l’action, la « crise ». Ignorant les bonnes dispositions du jeune Ion à l’égard d’Athènes et ses réelles réticences à prendre un pouvoir qu’il ne trouve guère légitime, les servantes, et à leur suite Créüse, ne voient en lui qu’un usurpateur, un étranger qu’il faut à tout prix empêcher de s’emparer d’un trône détenu par les « autochtones », descendants d’Érechthée. Nous sommes au cœur du malentendu tragique : Créüse va fomenter, sans le savoir, le meurtre de celui-là même qu’elle recherche désespérément, et qui lui est le plus cher au monde.

Nous allons, dans cet épisode III, étudier deux passages particulièrement dramatiques.

Créüse apprend la « trahison » de Xouthos, v. 747-856

K – Γυναῖκες, ἱστῶν τῶν ἐμῶν καὶ κερκίδος
δούλευμα πιστόν, τίνα τύχην λαβὼν πόσις
βέβηκε παίδων, ὧνπερ οὕνεχ´ ἥκομεν ;
σημήνατ´· εἰ γὰρ ἀγαθά μοι μηνύσετε,
οὐκ εἰς ἀπίστους δεσπότας βαλεῖς χάριν.
X – ἰὼ δαῖμον.
Π – τὸ φροίμιον μὲν τῶν λόγων οὐκ εὐτυχές.
X – ἰὼ τλᾶμον.
Π – Ἀλλ´ ἦ τι θεσφάτοισι δεσποτῶν νοσῶ ;
X – Αἰαῖ· τί δρῶμεν θάνατος ὧν κεῖται πέρι ;
K– Τίς ἥδε μοῦσα χὠ φόβος τίνων πέρι ;
X – Εἴπωμεν ἢ σιγῶμεν ἢ τί δράσομεν ;
K– Εἴφ´· ὡς ἔχεις γε συμφοράν τιν´ εἰς ἐμέ.
X – Εἰρήσεταί τοι, κεἰ θανεῖν μέλλω διπλῇ.
Οὐκ ἔστι σοι, δέσποιν´, ἐπ´ ἀγκάλαις λαβεῖν
τέκν´ οὐδὲ μαστῷ σῷ προσαρμόσαι ποτέ.
K– ὤμοι, θάνοιμι.
Π – θύγατερ. K– ὦ τάλαιν´
ἐγὼ συμφορᾶς, ἔλαβον ἔπαθον ἄχος
ἀβίοτον, φίλαι.
Π – διοιχόμεσθα. τέκνον.
K– αἰαῖ αἰαῖ·
διανταῖος ἔτυπεν ὀδύνα με πλευμόνων
τῶνδ´ ἔσω.
Π – Μήπω στενάξῃς… K – ἀλλὰ πάρεισι γόοι.
Π – Πρὶν ἂν μάθωμεν K – Ἀγγελίαν τίνα μοι ;
Π – Εἰ ταὐτὰ πράσσων δεσπότης τῆς συμφορᾶς
κοινωνός ἐστιν ἢ μόνη σὺ δυστυχεῖς.
X – Κείνῳ μέν, ὦ γεραιέ, παῖδα Λοξίας
ἔδωκεν, ἰδίᾳ δ´ εὐτυχεῖ ταύτης δίχα.
K– Τόδ´ ἐπὶ τῷδε κακὸν ἄκρον ἔλακες ἔλακες
ἄχος ἐμοὶ στένειν.
Π – Πότερα δὲ φῦναι δεῖ γυναικὸς ἔκ τινος
τὸν παῖδ´ ὃν εἶπας ἢ γεγῶτ´ ἐθέσπισεν ;
X – Ἤδη πεφυκότ´ ἐκτελῆ νεανίαν
δίδωσιν αὐτῷ Λοξίας· παρῆ δ´ ἐγώ.
K– Πῶς φῄς ; ἄφατον ἄφατον ἀναύδητον
λόγον ἐμοὶ θροεῖς.
Π – Κἄμοιγε. Πῶς δ´ ὁ χρησμὸς ἐκπεραίνεται
σαφέστερόν μοι φράζε χὤστις ἔσθ´ ὁ παῖς.
X – ὅτῳ ξυναντήσειεν ἐκ θεοῦ συθεὶς
πρώτῳ πόσις σός, παῖδ´ ἔδωκ´ αὐτῷ θεός.
K– ὀτοτοτοῖ· τὸν ἐμὸν ἄτεκνον ἄτεκνον ἔλακ´
ἄρα βίοτον, ἐρημίᾳ δ´ ὀρφανοὺς
δόμους οἰκήσω.
Π – Τίς οὖν ἐχρήσθη ; Τῷ συνῆψ´ ἴχνος ποδὸς
πόσις ταλαίνης ; Πῶς δὲ ποῦ νιν εἰσιδών ;
X – οἶσθ´, ὦ φίλη δέσποινα, τὸν νεανίαν
ὃς τόνδ´ ἔσαιρε ναόν ; οὗτός ἐσθ´ ὁ παῖς.
K– Ἀν´ ὑγρὸν ἀμπταίην αἰθέρα πόρσω γαίας
Ἑλλανίας ἀστέρας ἑσπέρους,
οἷον οἷον ἄλγος ἔπαθον, φίλαι.
Π – Ὄνομα δὲ ποῖον αὐτὸν ὀνομάζει πατήρ ;
Οἶσθ´, ἢ σιωπῇ τοῦτ´ ἀκύρωτον μένει ;
X – Ἴων´, ἐπείπερ πρῶτος ἤντησεν πατρί.
Π – Μητρὸς δ´ ὁποίας ἐστὶν ;
X – Οὐκ ἔχω φράσαι.
Φροῦδος δ´, ἵν´ εἰδῇς πάντα τἀπ´ ἐμοῦ, γέρον,
παιδὸς προθύσων ξένια καὶ γενέθλια
σκηνὰς ἐς ἱερὰς τῆσδε λαθραίως πόσις, κοινὴν ξυνάψων δαῖτα παιδὶ τῷ νέῳ.
Π – δέσποινα, προδεδόμεσθα (σὺν γὰρ σοὶ νοσῶ)
τοῦ σοῦ πρὸς ἀνδρὸς καὶ μεμηχανημένως
ὑβριζόμεσθα δωμάτων τ´ Ἐρεχθέως
ἐκβαλλόμεσθα. Καὶ σὸν οὐ στυγῶν πόσιν
λέγω, σὲ μέντοι μᾶλλον ἢ κεῖνον φιλῶν,
ὅστις σε γήμας ξένος ἐπεισελθὼν πόλιν
καὶ δῶμα καὶ σὴν παραλαβὼν παγκληρίαν
ἄλλης γυναικὸς παῖδας ἐκκαρπούμενος
λάθραι πέφηνεν· ὡς λάθραι δ´, ἐγὼ φράσω.
Ἐπεί ς´ ἄτεκνον ᾔσθετ´, οὐκ ἔστεργέ σοι
ὅμοιος εἶναι τῆς τύχης τ´ ἴσον φέρειν,
λαβὼν δὲ δοῦλα λέκτρα νυμφεύσας λάθρα
τὸν παῖδ´ ἔφυσεν, ἐξενωμένον δέ τῳ
Δελφῶν δίδωσιν ἐκτρέφειν. Ὁ δ´ ἐν θεοῦ
δόμοισιν ἄφετος, ὡς λάθοι, παιδεύεται.
Νεανίαν δ´ ὡς ᾔσθετ´ ἐκτεθραμμένον,
ἐλθεῖν σ´ ἔπεισε δεῦρ´ ἀπαιδίας χάριν.
Κᾆθ´ ὁ θεὸς οὐκ ἐψεύσαθ´, ὅδε δ´ ἐψεύσατο
πάλαι τρέφων τὸν παῖδα, κἄπλεκεν πλοκὰς
τοιάσδ´· ἁλοὺς μὲν ἀνέφερ´ ἐς τὸν δαίμονα,
ἐλθὼν δὲ καὶ τὸν χρόνον ἀμύνεσθαι θέλων
τυραννίδ´ αὐτῷ περιβαλεῖν ἔμελλε γῆς.
Καινὸν δὲ τοὔνομ´ ἀνὰ χρόνον πεπλασμένον
Ἴων, ἰόντι δῆθεν ὅτι συνήντετο.
X – Οἴμοι, κακούργους ἄνδρας ὡς ἀεὶ στυγῶ,
οἳ συντιθέντες τἄδικ´ εἶτα μηχαναῖς
κοσμοῦσι. Φαῦλον χρηστὸν ἂν λαβεῖν φίλον
θέλοιμι μᾶλλον ἢ κακὸν σοφώτερον.
Π – Καὶ τῶνδ´ ἁπάντων ἔσχατον πείσῃ κακόν,
ἀμήτορ´, ἀναρίθμητον, ἐκ δούλης τινὸς
γυναικὸς ἐς σὸν δῶμα δεσπότην ἄγει.
Ἁπλοῦν ἂν ἦν γὰρ τὸ κακόν, εἰ παρ´ εὐγενοῦς
μητρός, πιθών σε, σὴν λέγων ἀπαιδίαν,
ἐσῴκις´ οἴκους· εἰ δέ σοι τόδ´ ἦν πικρόν,
τῶν Αἰόλου νιν χρῆν ὀρεχθῆναι γάμων.
Ἐκ τῶνδε δεῖ σε δὴ γυναικεῖόν τι δρᾶν.
ἢ γὰρ ξίφος λαβοῦσαν ἢ δόλῳ τινὶ
ἢ φαρμάκοισι σὸν κατακτεῖναι πόσιν
καὶ παῖδα, πρὶν σοὶ θάνατον ἐκ κείνων μολεῖν.
Εἰ γάρ γ´ ὑφήσεις τοῦδ´, ἀπαλλάξῃ βίου.
Δυοῖν γὰρ ἐχθροῖν εἰς ἓν ἐλθόντοιν στέγος
ἢ θάτερον δεῖ δυστυχεῖν ἢ θάτερον.
Ἐγὼ μὲν οὖν σοι καὶ συνεκπονεῖν θέλω,
καὶ συμφονεύειν παῖδ´ ὑπεισελθὼν δόμους
οὗ δαῖθ´ ὁπλίζει καὶ τροφεῖα δεσπόταις
ἀποδοὺς θανεῖν τε ζῶν τε φέγγος εἰσορᾶν.
Ἓν γάρ τι τοῖς δούλοισιν αἰσχύνην φέρει,
τοὔνομα· τὰ δ´ ἄλλα πάντα τῶν ἐλευθέρων
οὐδὲν κακίων δοῦλος, ὅστις ἐσθλὸς ᾖ.
CREUSE – Femmes , fidèles esclaves de mon métier à tisser et de ma navette, quel sort mon époux a-t-il reçu quand il est sorti, au sujet des enfants pour lesquels nous sommes venus ? Dites-le moi ; si vous m’annoncez de bonnes nouvelles, vous ne adresserez pas un bienfait vers des maîtres ingrats.
LE CHŒUR – Hélas, ô dieu !
LE VIEILLARD
– Ce préambule n’est pas de bon augure.
CH – Hélas, malheureuse !
V – Hé bien les oracles de mes maîtres me réservent-ils quelque malheur ?
CH – Ah ! Que faire, sur un sujet où il y va de la vie ?
C – Quelle est cette parole ? À quel sujet cette crainte ?
CH – Faut-il parler ou nous taire ? Que faire ?
C – Parle ! Tu as pour moi une mauvaise nouvelle.
CH – Je parlerai, même si je dois mourir deux fois. Il ne t’est pas permis, maîtresse, de prendre un enfant dans tes bras, ni de le bercer jamais sur ton sein.
C – Hélas ! Puissé-je mourir !
V – Ma fille ! C – Ô malheureuse ! J’ai reçu, je souffre la douleur invivable du malheur, amies.
V – Nous sommes perdus, mon enfant.
K – Une douleur inflexible m’a frappée dans la poitrine.
V – Ne gémis pas encore…. C – Mais mes plaintes sont présentes.
V – Avant que nous ayons appris… C – quelle nouvelle pour moi ?
V – Si faisant les mêmes choses, le maître partage ton malheur ou si tu es seule infortunée.
CH – À lui, vieillard, Loxias a donné un enfant, il est heureux de son côté, loin d’elle.
C – Tu m’annonces un malheur qui est le comble, tu m’annonces une souffrance à pleurer.
V – Et doit-il naître d’une femme, l’enfant dont tu parles ou bien, l’oracle a-t-il annoncé qu’il était déjà né ?
CH – Déjà né : Loxias lui a donné un jeune homme dans la force de l’âge. J’étais présente.
C – Que dis-tu ? Indicible, indicible, inaudible, le discours que tu me tiens.
V – Pour moi aussi. Dis-moi plus clairement comment l’oracle s’accomplit, et qui est l’enfant.
CH – Celui que ton époux rencontrerait le premier en sortant du temple, le dieu le lui a donné comme enfant.
C – Hélas, hélas ! Il m’a prédit une vie sans enfants, sans enfants, et j’habiterai une maison orpheline, dans un désert.
V – Qui fut désigné par l’oracle ? De qui l’époux de cette malheureuse a-t-il croisé le pas ? Où et comment l’a-t-il vu ?
CH – Tu connais, chère maîtresse, le jeune homme qui balayait ce temple ? C’est lui l’enfant.
C – Ah si je pouvais m’envoler dans l’air humide, loin de la terre grecque, jusqu’aux astres du soir, si grande, si grande est ma douleur, amies.
V – De quel nom l’appelle son père ? Tu le sais, ou cela reste-t-il enseveli dans le silence ?
CH – Ion, puisque le premier il a rencontré son père.
V – De quelle mère est-il né ?
CH – Je ne peux le dire. Mais pour que tu saches tout de moi, vieillard, l’époux est en route vers les tentes sacrées, pour faire les sacrifices d’accueil et de naissance de l’enfant, à l’insu de celle-ci, s’apprêtant à s’asseoir à un banquet commun avec son nouvel enfant.
V – Maîtresse, nous sommes trahis (car je suis atteint avec toi) par ton époux, et nous sommes outragés avec fourberie et nous sommes chassés de la demeure d’Érechthée, et je ne parle pas par haine de ton époux, mais parce que je t’aime plus que lui, lui qui, étranger, est venu dans la cité en t’ayant épousé, s’est emparé de ta demeure et de tout ton héritage, et qui se révèle avoir eu, en secret, des enfants d’une autre femme ; qu’il l’a fait en secret, moi je vais le dire. Lorsqu’il s’est aperçu que tu étais stérile, il n’a pas voulu être comme toi et partager ton sort, mais prenant pour amante une esclave il fit cet enfant en secret ; et l’ayant envoyé à l’étranger il le donne à élever à quelque Delphien. Celui-ci, lâché dans la demeure du dieu, est éduqué en secret. Lorsqu’il s’est aperçu que l’enfant était devenu grand, il t’a persuadé de venir ici pour consulter à propos de ta stérilité. Ainsi le dieu n’a pas menti, mais lui a menti depuis longtemps en faisant élever l’enfant, et il a tramé de tels complots ; pris, il reportait la faute surle dieu ; sinon, voulant lutter contre la jalousie des citoyens, il s’apprêtait à lui donner la tyrannie. Et ce nouveau nom avait été forgé après coup, Ion, parce qu’il s’est trouvé sur sa route.
C – Hélas, comme je hais toujours les hommes malfaisants, qui, faisant le mal, le maquillent ensuite par des ruses. Je préfèrerais prendre pour ami un ignorant honnête plutôt qu’un méchant plus savant. Mais tu subiras le pire de tes malheurs, conduire dans ta maison un maître sans mère, sans nom, né de quelque esclave. Ton malheur eût été plus simple, s’il avait, après t’avoir convaincue en te parlant de ta stérilité, amené chez toi un garçon né d’une mère honorable ; et si cela t’était amer, il aurait dû désirer épouser une femme de la famille d’Éole. Par suite il faut que tu fasses une action digne d’une femme ; ou bien en prenant une épée, ou par quelque ruse, ou encore par des poisons tuer ton époux et l’enfant, avant que la mort te vienne d’eux. Si tu renonces, tu mets fin à ta vie. Quand deux ennemis arrivent sous le même toit, il faut que l’un ou l’autre succombe. Quant à moi, je veux partager ta peine, et le meurtre de l’enfant, en m’élançant vers la maison où il apprête un festin, et rendant à mes maîtres le pain qu’ils m’ont donné, mourir ou en vivant voir la lumière. Une seule chose pour les esclaves apporte la honte, le nom. Pour tout le reste, l’esclave n’est en rien inférieur aux hommes libres, s’il est généreux.
  • Ὁ ἱστός, οῦ : métier à tisser, chaîne, trame
  • τὸ φροίμιον = τὸ προοίμιον : exorde, commencement
  • θέσφατος, ος, ον : annoncé, prédit par les dieux, qui vient des dieux
  • αἱ ἄγκαλαι, ῶν : bras recourbés (le plus souvent au pluriel)
  • προσαρμόζω = προσαρμόττω : ajuster à
  • τὸ ἄχος, ους : douleur morale, affliction
  • διοίχομαι : être perdu
  • διανταῖος, α / ος, ον : inflexible, qui frappe droit.
  • στενάζω f. στενάξω, ao. Ἐστέναξα : gémir, déplorer
  • λάσκω, λακήσομαι, ἐλάκησα / ἔλακον, λέλακα : annoncer des nouvelles
  • στένω : gémir, se lamenter
  • θεσπίζω : annoncer dans un oracle
  • θροέω-ῶ seul. prés. et ao. ἐθρόησα : dire, prononcer, crier
  • ἐκπεραίνω : conduire à terme, achever, accomplir
  • σύθην ao. pass. poét. de σεύω, sortir de
  • σαίρω f. σαρῶ, ao. ἔσηρα : balayer
  • ἀμπταίην : optatif aoriste de ἀναπέτομαι : s’envoler
  • φροῦδος η ou ος, ον litt. qui est en route, p. suite qui est parti, qui a disparu, qui est mort
    Étym. crase p. πρὸ, ὁδός, avec déplac. de l’aspiration de ὁδός
  • μεμηχανημένως (adv.) : avec fourberie
  • παγκληρία ας (ἡ) : héritage entier
  • νυμφεύω : épouser une jeune fille
  • πλέκω f. πλέξω, ao. Ἔπλεξα : tisser, tramer
  • ἀναρίθμητος ος, ον : qu’on ne peut compter ; ici, qu’on ne peut nommer.
  • ἁπλόος -οῦς, όη-ῆ, όον-οῦν : simple, sans détour, naturel
  • ὀρεχθέω : désirer
  • ὑφίημι f. ὑφήσω, ao. ὑφῆκα : renoncer, laisser tomber
  • ἀπαλλάσσω : mettre fin à

Vers 978-1047 : Funestes préparatifs

Dans les vers précédents, Créüse, en une belle monodie, a fait allusion à son drame intime ; le vieillard et le chœur la poussent aux confidences, et découvrent alors qu’elle a eu, et perdu, un enfant né du viol d’Apollon. Mais elle affirme, et tous la croient, que l’enfant est mort.

Π – Νῦν δ´ ἀλλὰ παῖδα τὸν ἐπὶ σοὶ πεφηνότα.
Κ – Πῶς ; Εἰ γὰρ εἴη δυνατόν· ὡς θέλοιμί γ´ ἄν.
Π – ξιφηφόρους σοὺς ὁπλίσας´ ὀπάονας.
Κ – στείχοιμ´ ἄν· ἀλλὰ ποῦ γενήσεται τόδε ;
Π – Ἱεραῖσιν ἐν σκηναῖσιν οὗ θοινᾷ φίλους.
Κ – Ἐπίσημον ὁ φόνος καὶ τὸ δοῦλον ἀσθενές.
Π – Ὤμοι, κακίζῃ· φέρε, σύ νυν βούλευέ τι.
Κ – Καὶ μὴν ἔχω γε δόλια καὶ δραστήρια.
Π – Ἀμφοῖν ἂν εἴην τοῖνδ´ ὑπηρέτης ἐγώ.
Κ – Ἄκουε τοίνυν· οἶσθα γηγενῆ μάχην ;
Π – Οἶδ´, ἣν Φλέγρᾳ Γίγαντες ἔστησαν θεοῖς.
Κ – Ἐνταῦθα Γοργόν´ ἔτεκε Γῆ, δεινὸν τέρας.
Π – Ἦ παισὶν αὑτῆς σύμμαχον, θεῶν πόνον ;
Κ – Ναί· καί νιν ἔκτειν´ ἡ Διὸς Παλλὰς θεά.
Π – Ἆρ´ οὗτός ἐσθ´ ὁ μῦθος ὃν κλύω πάλαι ;
Κ – Ταύτης Ἀθάναν δέρος ἐπὶ στέρνοις ἔχειν.
Π – Ἣν αἰγίδ´ ὀνομάζουσι, Παλλάδος στολήν ;
Κ – Τόδ´ ἔσχεν ὄνομα θεῶν ὅτ´ ἦιξεν ἐς δόρυ.
Π – Ποῖόν τι μορφῆς σχῆμ´ ἔχουσαν ἀγρίας ;
Κ – Θώρακ´ ἐχίδνης περιβόλοις ὡπλισμένον.
Π – Τί δῆτα, θύγατερ, τοῦτο σοῖς ἐχθροῖς βλάβο
ς ;
Κ – Ἐριχθόνιον οἶσθ´ ἢ οὔ ; Τί δ´ οὐ μέλλεις, γέρ
ον ;
Π – Ὃν πρῶτον ὑμῶν πρόγονον ἐξανῆκε γῆ ;
Κ – Τούτῳ δίδωσι Παλλὰς ὄντι νεογόνῳ
Π – Τί χρῆμα ; μέλλον γάρ τι προσφέρεις ἔπος.
Κ – Δισσοὺς σταλαγμοὺς αἵματος Γοργοῦς ἄπο.
Π – Ἰσχὺν ἔχοντας τίνα πρὸς ἀνθρώπου φύσιν ;
Κ – Τὸν μὲν θανάσιμον, τὸν δ´ ἀκεσφόρον νόσων.
Π – Ἐν τῷ καθάψας´ ἀμφὶ παιδὶ σώματος ;
Κ – Χρυσέοισι δεσμοῖς· ὁ δὲ δίδως´ ἐμῷ πατρί.
Π – Κείνου δὲ κατθανόντος ἐς ς´ ἀφίκετο ;
Κ – Ναί· κἀπὶ καρπῷγ´ αὔτ´ ἐγὼ χερὸς φέρω.
Π – Πῶς οὖν κέκρανται δίπτυχον δῶρον θεᾶς ;
Κ – Κοίλης μὲν ὅστις φλεβὸς ἀπέσταξεν φόνος…
Π – Τί τῷδε χρῆσθαι ; δύναμιν ἐκφέρει τίνα ;
Κ – Νόσους ἀπείργει καὶ τροφὰς ἔχει βίου.
Π – Ὁ δεύτερος δ´ ἀριθμὸς ὧν λέγεις τί δρᾷ ;
Κ – Κτείνει, δρακόντων ἰὸς ὢν τῶν Γοργόνος.
Π – Ἐς ἓν δὲ κραθέντ´ αὐτὸν ἢ χωρὶς φορεῖς ;
Κ – Χωρίς· κακῷ γὰρ ἐσθλὸν οὐ συμμείγνυται.
Π – Ὦ φιλτάτη παῖ, πάντ´ ἔχεις ὅσων σε δεῖ.
Κ – Τούτῳ θανεῖται παῖς· σὺ δ´ ὁ κτείνων ἔσῃ.
Π – Ποῦ καὶ τί δράσας ; σὸν λέγειν, τολμᾶν δ´ ἐμόν.
Κ – Ἐν ταῖς Ἀθήναις, δῶμ´ ὅταν τοὐμὸν μόλῃ.
Π – Οὐκ εὖ τόδ´ εἶπας· καὶ σὺ γὰρ τοὐμὸν ψέγεις.
Κ – Πῶς ; ἆρ´ ὑπείδου τοῦθ´ ὃ κἄμ´ ἐσέρχεται ;
Π – Σὺ παῖδα δόξεις διολέσαι, κεἰ μὴ κτενεῖς.
Κ – Ὀρθῶς· φθονεῖν γάρ φασι μητρυιὰς τέκνοις.
Π – Αὐτοῦ νυν αὐτὸν κτεῖν´, ἵν´ ἀρνήσῃ φόνους.
Κ – Προλάζυμαι γοῦν τῷ χρόνῳ τῆς ἡδονῆς.
Π – Καὶ σόν γε λήσεις πόσιν ἅ σε σπεύδει λαθεῖν.
Κ – Οἶσθ´ οὖν ὃ δρᾶσον· χειρὸς ἐξ ἐμῆς λαβὼν
χρύσωμ´ Ἀθάνας τόδε, παλαιὸν ὄργανον,
ἐλθὼν ἵν´ ἡμῖν βουθυτεῖ λάθρα πόσις,
δείπνων ὅταν λήγωσι καὶ σπονδὰς θεοῖς
μέλλωσι λείβειν, ἐν πέπλοις ἔχων τόδε
κάθες βαλὼν ἐς πῶμα τῷ νεανίᾳ –
ἰδίᾳ γε, μή τι πᾶσι – χωρίσας ποτόν
τῷ τῶν ἐμῶν μέλλοντι δεσπόζειν δόμων.
Κἄνπερ διέλθῃ λαιμόν, οὔποθ´ ἵξεται
κλεινὰς Ἀθήνας, κατθανὼν δ´ αὐτοῦ μενεῖ.
Π – Σὺ μέν νυν εἴσω προξένων μέθες πόδα·
ἡμεῖς δ´ ἐφ´ ᾧ τετάγμεθ´ ἐκπονήσομεν.
Ἄγ´, ὦ γεραιὲ πούς, νεανίας γενοῦ
ἔργοισι, κεἰ μὴ τῷ χρόνῳ πάρεστί σοι.
Ἐχθρὸν δ´ ἐπ´ ἄνδρα στεῖχε δεσποτῶν μέτα
καὶ συμφόνευε καὶ συνεξαίρει δόμων.
Τὴν δ´ εὐσέβειαν εὐτυχοῦσι μὲν καλὸν
τιμᾶν· ὅταν δὲ πολεμίους δρᾶσαι κακῶς
θέλῃ τις, οὐδεὶς ἐμποδὼν κεῖται νόμος.
V – Hé bien, frappe l’enfant qui s’est montré contre toi.
C – Comment ? Ah si c’était possible ! Je le voudrais bien.
V – En armant tes serviteurs d’une épée.
C – Allons ! Mais où cela aura-t-il lieu ?
V – Dans la tente sacrée où il régale ses amis.
C – C’est une chose remarquable que le meurtre, et l’esclave est faible.
V – Hélas, tu es lâche ; Hé bien, toi, prends une décision.
C – J’ai des solutions, à la fois rusées et faisables.
V – Pour les unes et les autres je serais à ton service.
C – Hé bien, écoute ; tu connais le combat des Géants ?
V – Oui, celui que les Géants menèrent contre les dieux à Phlégra.
C – Là, Gé donna naissance à Gorgone, terrible monstre.
V – Comme allié de ses fils, fléau pour les dieux ?
C – Oui. Et Pallas, fille de Zeus, l’a tuée.
V – C’est le récit que j’ai entendu autrefois ?
C – Oui, et qu’Athéna porte sur son sein sa peau.
V – Celle que nous appelons « égide », armement de Pallas ?
C – Elle prit ce nom, parce que Pallas se rua au combat des dieux.
V – Quel est l’aspect de cette terrible forme ?
C – Une cuirasse armée d’enroulements de serpents.
V – Quel mal, donc, ma fille, pour tes ennemis ?
C – Tu connais Érichthonios ou non ? Pourquoi n’hésites tu pas, vieillard ?
V – Votre premier ancêtre, que fit naître la terre ?
C – Pallas lui donne, alors qu’il était nouveau-né…
V – Quoi donc ? Tu profères une parole bien tardive…
C – Deux gouttes de sang de la Gorgone.
V – Ayant quel pouvoir pour la nature humaine ?
C – l’un mortel, l’autre guérit les maladies.
V – Comment l’attacha-t-elle au corps de l’enfant ?
C – par une chaîne d’or ; celui-ci le donna à mon père.
V – Et à la mort de celui-ci, il arriva à toi ?
C – Oui, et moi je le porte au poignet.
V – Comment se mêle le double don de la déesse ?
C – Celui que le meurtre fit couler de la veine cave…
V – À quoi sert-il ? Quel pouvoir porte-t-il ?
C – Il écarte les maladies, et nourrit la vie.
V – Le second que tu as dénombré, que fait-il ?
C – Il tue, étant le venin des serpents de Gorgone.
V – Les portes-tu mêlés ou séparément ?
C – Séparément. On ne mêle pas le bon au mauvais.
V – Ô très chère enfant, tu as tout ce qu’il faut.
C – L’enfant mourra ainsi. Et c’est toi qui le tueras.
V – Où et comment ? Dis ton projet, j’oserai tenir mon rôle.
C – À Athènes, lorsqu’il viendra dans ma maison.
V – Tu n’as pas bien dit ; toi aussi tu blâmes mon projet…
C – Comment ? Tu te méfies aussi de ce qui me vient à l’esprit ?
V – C’est toi qui sembleras avoir perdu l’enfant, même si tu ne le tues pas.
C – C’est juste ; on dit que les belles-mères haïssent les enfants.
V – Tue-le ici, afin de nier le meurtre.
C – J’anticipe donc sur le temps du plaisir.
V – Et tu cacheras à ton mari ce qu’il cherche à te cacher.
C – Sais-tu ce qu’il faut faire ? Prends de ma main ce bijou d’or, antique ouvrage, va là où mon époux prépare en secret une hécatombe, et lorsqu’ils auront fini de dîner et s’apprêteront à faire des libations pour les dieux, le gardant sous ton manteau, verse-le dans une coupe pour le jeune homme – à lui seul, non à tous – réservant la boisson à celui qui voulait se rendre maître de ma maison. S’il coule en son gosier, jamais il ne siègera dans la glorieuse Athènes, et il restera ici, mort.
V – Toi, porte tes pas chez les proxènes ; nous exécuterons ce qui a été décidé. Allons, vieille jambe, redeviens jeune homme pour l’action, même si pour toi il n’en est plus temps. Marche avec nos maîtres contre cet ennemi, tuons-le et faisons-le disparaître de la maison. La piété, pour les gens heureux, c’est d’honorer le beau ; mais lorsque l’on veut frapper des ennemis, aucune loi n’y fait obstacle.
  • ὀπάων ὀπάονος (ὁ, ἡ) : suivant(e), servante
  • θοινάω -ῶ : manger dans un festin, régaler
  • ἐπίσημος ος, ον : remarquable. Noter que l’adjectif est au neutre : « c’est une chose remarquable que… »
  • κακίζομαι : se conduire en lâche
  • γηγενής ής, ές : né de la terre. οἱ Γηγενεῖς, les Fils de la terre, càd les Titans et les Géants.
  • Φλέγρᾳ : à Phlégra, dans la péninsule de Pallène (aujourd’hui Kassandra)
  • στολή ῆς (ἡ) : équipement, armement. L’égide (littéralement « peau de chèvre ») est spécifique de deux dieux :
    • Zeus, portant un bouclier fabriqué par Héphaïstos, à partir du cuir de la chèvre Amalthée ;
    • Athéna, portant bouclier ou cuirasse faits de la peau, soit de la Gorgone, comme ici, soit d’un des Géants.
      Euripide propose ici une étymologie fantaisiste : L’égide porterait ce nom parce qu’Athéna se serait « ruée »
      (ᾖξεν, du verbe ἀΐσσειν) au combat.
  • δόρυ δόρατος (τὸ) : épée ou lance ; ici, combat (par métonymie).
  • σχῆμα ατος (τὸ) : attitude extérieure, aspect
  • ἔχιδνα, ης (ἡ) : vipère
  • ἀκεσφόρος ος, ον : qui guérit, qui secourt, qui sauve
  • καθάπτω f. καθάψω, ao. καθῆψα : attacher à
  • καρπός οῦ (ὁ) : le poignet.Attention à ne pas confondre avec l’homonyme, καρπός οῦ (ὁ), le fruit.
  • Κέκραμαι, parfait de κεράννυμι : mêler, mélanger.
  • δίπτυχος ος, ον : double
  • ἰός, ἰοῦ (ὁ) : venin
  • κραθείς : participe aoriste passif de κεράννυμι, mêler
  • ὑπειδόμην ao.2 moy. de ὑφοράω : regarder avec méfiance
  • προλάζυμαι : prendre ou saisir d’avance
  • λήσω : futur de λανθάνω, cacher, échapper à
  • λήγω f. λήξω, ao. Ἔληξα : se terminer
  • κάθες aor. 2 imper. Δε καθίημι : faire tomber
  • λαιμός οῦ (ὁ) : gorge, gosier
  • συνεξαιρέω f. συνεξαιρήσω, ao.2 συνεξεῖλον, etc. : aider à faire disparaître

Épisode 4

Vers 1170-1228 : La tentative de meurtre est déjouée !

Un serviteur de Créüse vient annoncer que celle-ci est recherchée, et que le complot est éventé. Il raconte ensuite les événements qui ont mené à cette découverte.

[…]                 Ὡς δ´ ἀνεῖσαν ἡδονὴν
παρελθὼν πρέσβυς ἐς μέσον πέδον
ἔστη, γέλων δ´ ἔθηκε συνδείπνοις πολὺν
πρόθυμα πράσσων· ἔκ τε γὰρ κρωσσῶν ὕδωρ
χεροῖν ἔπεμπε νίπτρα κἀξεθυμία
σμύρνης ἱδρῶτα χρυσέων τ´ ἐκπωμάτων
ἦρχ´, αὐτὸς αὑτῷ τόνδε προστάξας πόνον.
Ἐπεὶ δ´ ἐς αὐλοὺς ἧκον ἐς κρατῆρά τε
κοινόν, γέρων ἔλεξ´· « Ἀφαρπάζειν χρεὼν
οἰνηρὰ τεύχη σμικρά, μεγάλα δ´ ἐσφέρειν,
ὡς θᾶσσον ἔλθως´ οἵδ´ ἐς ἡδονὰς φρενῶν. »
Ἦν δὴ φερόντων μόχθος ἀργυρηλάτους
χρυσέας τε φιάλας· ὁ δὲ λαβὼν ἐξαίρετον,
ὡς τῷ νέῳ δὴ δεσπότῃ χάριν φέρων,
ἔδωκε πλῆρες τεῦχος, εἰς οἶνον βαλὼν
ὅ φασι δοῦναι φάρμακον δραστήριον
δέσποιναν, ὡς παῖς ὁ νέος ἐκλίποι φάος.
Κοὐδεὶς τάδ´ ᾔδειν. Ἐν χεροῖν ἔχοντι δὲ
σπονδὰς μετ´ ἄλλων παιδὶ τῷ πεφηνότι
βλασφημίαν τις οἰκετῶν ἐφθέγξατο.
Ὁ δ´, ὡς ἐν ἱερῷ μάντεσίν τ´ ἐσθλοῖς τραφείς,
οἰωνὸν ἔθετο κἀκέλευς´ ἄλλον νέον
κρατῆρα πληροῦν· τὰς δὲ πρὶν σπονδὰς θεοῦ
δίδωσι γαίᾳ πᾶσί τ´ ἐκσπένδειν λέγει.
Σιγὴ δ´ ὑπῆλθεν· ἐκ δ´ ἐπίμπλαμεν δρόσου
κρατῆρας ἱεροὺς Βυβλίνου τε πώματος.
Κἀν τῷδε μόχθῳ πτηνὸς ἐσπίπτει δόμους
κῶμος πελειῶν – Λοξίου γὰρ ἐν δόμοις
ἄτρεστα ναίους´ –, ὡς δ´ ἀπέσπεισαν μέθυ
ἐς αὐτὸ χείλη πώματος κεχρημέναι
καθῆκαν, εἷλκον δ´ εὐπτέρους ἐς αὐχένας.
Καὶ ταῖς μὲν ἄλλαις ἄνοσος ἦν λοιβὴ θεοῦ·
ἣ δ´ ἕζετ´ ἔνθ´ ὁ καινὸς ἔσπεισεν γόνος
ποτοῦ τ´ ἐγεύσατ´ εὐθὺς εὔπτερον δέμας
ἔσεισε κἀβάκχευσεν, ἐκ δ´ ἔκλαγξ´ ὄπα
ἀξύνετον αἰάζους´· ἐθάμβησεν δὲ πᾶς
θοινατόρων ὅμιλος ὄρνιθος πόνους.
Θνῄσκει δ´ ἀπασπαίρουσα, φοινικοσκελεῖς
χηλὰς παρεῖσα. Γυμνὰ δ´ ἐκ πέπλων μέλη
ὑπὲρ τραπέζης ἧχ´ ὁ μαντευτὸς γόνος,
βοᾷ δέ· « Τίς μ´ ἔμελλεν ἀνθρώπων κτανεῖν ;
σήμαινε, πρέσβυ· σὴ γὰρ ἡ προθυμία
καὶ πῶμα χειρὸς σῆς ἐδεξάμην πάρα. »
Εὐθὺς δ´ ἐρευνᾷ γραῖαν ὠλένην λαβών,
ἐπ´ αὐτοφώρῳ πρέσβυν ὡς ἔχονθ´ ἕλοι.
Ὤφθη δὲ καὶ κατεῖπ´ ἀναγκασθεὶς μόλις
τόλμας Κρεούσης πώματός τε μηχανάς.
Θεῖ δ´ εὐθὺς ἔξω συλλαβὼν θοινάτορας
ὁ θόχρηστος Λοξίου νεανίας,
κἀν κοιράνοισι θικοῖς σταθεὶς λέγει·
« Ὦ γαῖα σεμνή, τῆς Ἐρεχθέως ὕπο,
ξένης γυναικός, φαρμάκοισι θνῄσκομεν. »
Δελφῶν δ´ ἄνακτες ὥρισαν πετρορριφῆ
θανεῖν ἐμὴν δέσποιναν οὐ ψήφῳ μιᾷ,
τὸν ἱερὸν ὡς κτείνουσαν ἔν τ´ ἀνακτόροις
φόνον τιθεῖσαν. Πᾶσα δὲ ζητεῖ πόλις
τὴν ἀθλίως σπεύσασαν ἀθλίαν ὁδόν·
παίδων γὰρ ἐλθοῦς´ εἰς ἔρον Φοίβου πάρα
τὸ σῶμα κοινῇ τοῖς τέκνοις ἀπώλεσεν.
Quand ils eurent relâché le plaisir du dîner, un vieillard s’avança et s’arrêta au milieu du sol, et il fit rire les convives en faisant de nombreuses cérémonies préliminaires ; il jetait de l’eau lustrale des cruches sur leurs mains, et faisait évaporer la sueur de la myrrhe, ou se chargeait des coupes d’or, s’étant lui-même attribué cette peine. Mais lorsque ils furent arrivés aux flûtes et au cratère commun, le vieillard dit : « il faut enlever les petites coupes à vin, et apporter les grandes, afin que ceux-ci atteignent plus vite les plaisirs des entrailles. » Le travail de ceux qui apportaient des coupes d’or et d’argent battait son plein ; notre homme prit une coupe choisie, et comme pour rendre hommage au nouveau maître, il lui donna une coupe pleine, après avoir versé dans le vin un poison violent que, dit-on, lui avait donné notre maîtresse, afin que l’enfant nouveau quitte la lumière. Et personne ne l’avait vu. Mais tandis que cet enfant révélé avait dans ses mains, avec les autres, les libations, l’un des serviteurs prononça une parole de mauvais augure. Lui, nourri dans le temple et par les meilleurs devins, reconnut le présage et ordonna de remplir un nouveau cratère ; il verse à terre la précédente libation, et dit à tous d’en faire de même. Un silence se fit ; nous remplîmes les cratères sacrés d’eau et de vin de Βyblos. Mais durant ce travail, une troupe ailée de colombes s’abat sur la maison – habitant dans la demeure de Loxias elles sont intrépides – comme ils avaient répandu du vin, elles y plongent leur bec, s’appropriant le vin, et elles l’aspiraient dans leur poitrine emplumée. Et pour toutes, la libation du dieu était inoffensive ; mais celle qui se tenait là où le nouvel enfant avait fait une libation et versé la boisson, aussitôt agita son corps ailé et fut prise de délire, et elle poussait en gémissant, des cris inintelligibles ; la foule toute entière des convives fut frappée de stupeur par les souffrances de l’oiseau. Il meurt dans un spasme, détendant ses pattes rouges. L’enfant de l’oracle tendit ses bras nus sortis du manteau au-dessus de la table et crie : « Qui voulait me tuer ? Dénonce-le, vieillard, c’est toi qui as fait du zèle, et c’est de ta main que nous avons reçu la boisson. » Aussitôt il prend le vieillard par le bras et l’interroge, afin, tenant le vieillard, de prendre le coupable sur le fait. Découvert et contraint il avoue avec peine les audaces de Créüse et les ruses de la coupe. Tout de suite, le jeune homme révélé par l’oracle d’Apollon, escorté des convives, sort en courant et, se tenant devant les magistrats de Delphes, il dit : « Ô sol sacré, la fille d’Érechthée – une femme étrangère – a tenté de m’empoisonner. » Les chefs de Delphes décidèrent, et pas par un seul vote ! Que ma maîtresse mourrait précipitée d’un rocher, pour avoir voulu tuer un être sacré en introduisant le meurtre dans le palais du dieu. Toute la cité recherche celle qui par malheur a accompli ce malheureux voyage ; en effet, étant venue chez Phébus pour le désir d’enfants, elle a perdu sa vie en même temps que les enfants qu’elle espérait.
  • Ἀνεῖσαν : aoriste du verbe ἀνίημι impf. ἀνίην, f. ἀνήσω, ao. ἀνῆκα, pf. Ἀνεῖκα, 3ème personne du pluriel – détendre, calmer
  • πρόθυμα ατος (τὸ) offrande avant le sacrifice, cérémonie préliminaire d’un sacrifice
  • νίπτρον ου (τὸ) : eau pour se laver
  • κἀξεθυμία = καὶ ἐξεθυμία ; ἐκθυμιάω-ῶ : faire brûler (de l’encens), faire évaporer
  • ἱδρώς ῶτος (ὁ) : sueur
  • τεῦχος. -ους (τὸ) : récipient, vase, coupe
  • οἰνηρός ά, όν : qui contient du vin (coupe, vase, etc.)
  • φρήν φρενός (ἡ) : l’esprit ; au pl. αἱ φρένες viscères, entrailles
  • δραστήριος ος, ον : actif, violent
  • οἰωνός οῦ (ὁ) : oiseau qui annonce l’avenir ; présage qu’on tire du vol ou du cri des oiseaux ; auspice
  • πέλεια, ας (ἡ) : pigeon, colombe
  • ἄτρεστος ος, ον : intrépide, tranquille
  • ἀποσπένδω ao. Ἀπέσπεισα : faire une libation de
  • μέθυ, υος, τό : vin
  • ἕλκω impf. εἷλκον, f. ἕλξω, ao. εἷλξα, moins usité que εἵλκυσα : tirer, ici, aspirer
  • λοιϐή ῆς (ἡ) libation
  • σείω f. σείσω, ao. ἔσεισα : secouer, agiter
  • βακχεύω : être pris de délire
  • θαμϐέω -ῶ impf. ἐθάμϐουν, f. inus., ao. ἐθάμϐησα, pf. τεθάμϐηκα : être frappé de stupeur
  • ὅμιλος ου (ὁ) : la foule
  • θοινάτωρ = θοινατήρ, τῆρος (ὁ) qui donne un festin
  • φοινικοσκελής ής, ές : aux pattes rouges
  • ἐρευνάω -ῶ : interroger, chercher à connaître
  • ὠλένη ης (ἡ) haut du bras, bras
  • γραῖος = γηραῖος, vieux, du vieillard
  • ἐπ’ αὐτοφώρῳ λαμϐάνειν : prendre sur le fait
  • μόλις adv. : avec peine, difficilement
  • κοίρανος ου (ὁ, qqf ἡ) : chef, souverain, magistrats
  • ὁρίζω impf. ὥριζον, f. ὁρίσω, att. ὁριῶ, ao. ὥρισα, pf. ὥρικα : délimiter, décider
  • πετρορριφής ής, ές : précipité du haut d’un rocher
  • ἀνάκτορον ου (τὸ) temple d’un dieu ; palais
  • ἔρος ου (ὁ) : désir violent, grand désir

Vers 1320-1394 : Intervention de la Pythie

ΠΥΘΙΑ – ἐπίσχες, ὦ παῖ· τρίποδα γὰρ χρηστήριον
λιποῦσα θριγκοὺς τούσδ´ ὑπερβάλλω πόδα
Φοίβου προφῆτις, τρίποδος ἀρχαῖον νόμον
σῴζουσα, πασῶν Δελφίδων ἐξαίρετος.
ΙΩΝ – Χαῖρ´, ὦ φίλη μοι μῆτερ, οὐ τεκοῦσά περ.
ΠΥ – Ἀλλ´ οὖν λεγώμεθά γ´· ἡ φάτις δ´ οὔ μοι πικρά.
Ι – Ἤκουσας ὥς μ´ ἔκτεινεν ἥδε μηχαναῖς ;
ΠΥ – Ἤκουσα· καὶ σὺ δ´ ὠμὸς ὢν ἁμαρτάνεις.
Ι – Οὐ χρή με τοὺς κτείνοντας ἀνταπολλύναι ;
ΠΥ – Προγόνοις δάμαρτες δυσμενεῖς ἀεί ποτε.
Ι – Ἡμεῖς δὲ μητρυιαῖς γε πάσχοντες κακῶς…
ΠΥ – Μὴ ταῦτα· λείπων ἱερὰ καὶ στείχων πάτραν…
Ι – Τί δή με δρᾶσαι νουθετούμενον χρεών ;
ΠΥ – Καθαρὸς Ἀθήνας ἔλθ´ ὑπ´ οἰωνῶν καλῶν.
Ι – Καθαρὸς ἅπας τοι πολεμίους ὃς ἂν κτάνῃ.
ΠΥ – Μὴ σύ γε· παρ´ ἡμῶν δ´ ἔκλαβ´ οὓς ἔχω λόγους.
Ι – Λέγοις ἄν· εὔνους δ´ οὖς´ ἐρεῖς ὅς´ ἂν λέγῃς.
ΠΥ – Ὁρᾷς τόδ´ ἄγγος χερὸς ὑπ´ ἀγκάλαις ἐμαῖς ;
Ι – Ὁρῶ παλαιὰν ἀντίπηγ´ ἐν στέμμασιν.
ΠΥ – Ἐν τῇδέ ς´ ἔλαβον νεόγονον βρέφος ποτέ.
Ι – Τί φῄς ; ὁ μῦθος εἰσενήνεκται νέος.
ΠΥ – Σιγῇ γὰρ εἶχον αὐτά· νῦν δὲ δείκνυμεν.
Ι – Πῶς οὖν ἔκρυπτες τότε λαβοῦς´ ἡμᾶς πάλαι ;
ΠΥ – Ὁ θεὸς ἐβούλετ´ ἐν δόμοις ς´ ἔχειν λάτριν.
Ι – Νῦν δ´ οὐχὶ χρῄζει ; τῷ τόδε γνῶναί με χρή ;
ΠΥ – Πατέρα κατειπὼν τῆσδέ ς´ ἐκπέμπει χθονός.
Ι – Σὺ δ´ ἐκ κελευσμῶν ἢ πόθεν σῴζεις τάδε ;
ΠΥ – Ἐνθύμιόν μοι τότε τίθησι Λοξίας.
Ι – Τί χρῆμα δρᾶσαι ; Λέγε, πέραινε σοὺς λόγους.
ΠΥ – Σῶσαι τόδ´ εὕρημ´ ἐς τὸν ὄντα νῦν χρόνον.
Ι – Ἔχει δέ μοι τί κέρδος ἢ τίνα βλάβην ;
ΠΥ – Ἐνθάδε κέκρυπται σπάργαν´ οἷς ἐνῆσθα σύ.
Ι – Μητρὸς τάδ´ ἡμῖν ἐκφέρεις ζητήματα ;
ΠΥ – Ἐπεί γ´ ὁ δαίμων βούλεται· πάροιθε δ´ οὔ.
Ι – Ὦ μακαρία μοι φασμάτων ἥδ´ ἡμέρα.
ΠΥ – Λαβών νυν αὐτὰ τὴν τεκοῦσαν ἐκπόνει.
Ι – Πᾶσάν γ´ ἐπελθὼν Ἀσιάδ´ Εὐρώπης θ´ ὅρους.
ΠΥ – Γνώσῃ τάδ´ αὐτός. Τοῦ θεοῦ δ´ ἕκατί σε
ἔθρεψά τ´, ὦ παῖ, καὶ τάδ´ ἀποδίδωμί σοι,
ἃ κεῖνος ἀκέλευστόν μ´ ἐβουλήθη λαβεῖν
σῶσαί θ´· ὅτου δ´ ἐβούλεθ´ οὕνεκ´ οὐκ ἔχω λέγειν.
ἬΙδει δὲ θνητῶν οὔτις ἀνθρώπων τάδε
ἔχοντας ἡμᾶς οὐδ´ ἵν´ ἦν κεκρυμμένα.
Καὶ χαῖρ´· ἴσον γάρ ς´ ὡς τεκοῦς´ ἀσπάζομαι.
Ἄρξαι δ´ ὅθεν σὴν μητέρα ζητεῖν σε χρή·
πρῶτον μὲν εἴ τις Δελφίδων τεκοῦσά σε
ἐς τούσδε ναοὺς ἐξέθηκε παρθένος,
ἔπειτα δ´ εἴ τις Ἑλλάς. Ἐξ ἡμῶν δ´ ἔχεις
ἅπαντα Φοίβου θ´, ὃς μετέσχε τῆς τύχης.
Ι – Φεῦ φεῦ· κατ´ ὄσσων ὡς ὑγρὸν βάλλω δάκρυ,
ἐκεῖσε τὸν νοῦν δοὺς ὅθ´ ἡ τεκοῦσά με
κρυφαῖα νυμφευθεῖς´ ἀπημπόλα λάθρᾳ
καὶ μαστὸν οὐκ ἐπέσχεν· ἀλλ´ ἀνώνυμος
ἐν θεοῦ μελάθροις εἶχον οἰκέτην βίον.
Τὰ τοῦ θεοῦ μὲν χρηστά, τοῦ δὲ δαίμονος
βαρέα· χρόνον γὰρ ὅν μ´ ἐχρῆν ἐν ἀγκάλαις
μητρὸς τρυφῆσαι καί τι τερφθῆναι βίου
ἀπεστερήθην φιλτάτης μητρὸς τροφῆς.
Τλήμων δὲ χἠ τεκοῦσά μ´· ὡς ταὐτὸν πάθος
πέπονθε, παιδὸς ἀπολέσασα χαρμονάς.
Καὶ νῦν λαβὼν τήνδ´ ἀντίπηγ´ οἴσω θεῷ
ἀνάθημ´, ἵν´ εὕρω μηδὲν ὧν οὐ βούλομαι.
Εἰ γάρ με δούλη τυγχάνει τεκοῦσά τις,
εὑρεῖν κάκιον μητέρ´ ἢ σιγῶντ´ ἐᾶν.
Ὦ Φοῖβε, ναοῖς ἀνατίθημι τήνδε σοῖς·
καίτοι τί πάσχω ; τοῦ θεοῦ προθυμίᾳ
πολεμῶ, τὰ μητρὸς σύμβολ´ ὃς σέσωκέ μοι ;
ἀνοικτέον τάδ´ ἐστὶ καὶ τολμητέον·
τὰ γὰρ πεπρωμέν´ οὐχ ὑπερβαίην ποτ´ ἄν.
Ὦ στέμμαθ´ ἱερά, τί ποτέ μοι κεκεύθατε,
καὶ σύνδεθ´ οἷσι τἄμ´ ἐφρουρήθη φίλα ;
ἰδοὺ περίπτυγμ´ ἀντίπηγος εὐκύκλου
ὡς οὐ γεγήρακ´ ἔκ τινος θεηλάτου,
εὐρώς τ´ ἄπεστι πλεγμάτων· ὁ δ´ ἐν μέσῳ
χρόνος πολὺς δὴ τοῖσδε θησαυρίσμασιν.
LA PYTHIE – Attends, enfant ; j’ai laissé le trépied prophétique pour franchir de mon pied cette clôture, moi la prophétesse de Phébus, qui préserve l’antique loi du trépied, choisie entre toutes les Delphiennes.
ION – Salut, mère qui m’est chère, même si tu ne m’as pas enfanté.
P – Disons-le ainsi ; cette parole ne m’est pas amère.
I – tu as entendu que cette femme voulait me tuer par ses ruses ?
P – Oui. Mais toi aussi, tu as tort d’être cruel.
I – Je ne dois pas punir ceux qui veulent me tuer ?
P – Les épouses sont toujours malintentionnées à l’égard des enfants du prermier lit.
I – Et nous, maltraités, aux marâtres…
P – Non. Quittant le temple et allant dans ta patrie…
I – Que dois-je faire, une fois calmé ?
P – Va à Athènes, pur, sous de beaux auspices.
I – On est pur, si l’on tue ses ennemis.
P – Ne le fais pas. Apprends de moi ce que j’ai à te dire.
Ι – Parle. Tout ce que tu diras, tu le diras de bon cœur.
P – Tu vois cette corbeille dans mes bras ?
I – Je vois un vieux berceau dans des bandelettes.
P – C’est là que je t’ai pris quand tu étais nouveau-né
Ι – Que dis-tu ? Ce que tu rapportes est nouveau.
P – Je le gardais secret ; maintenant je le dévoile.
I – Comment donc as-tu caché que tu m’avais pris autrefois ?
P – Le dieu voulait t’avoir comme serviteur dans sa maison.
I – Et maintenant il dit ne plus vouloir ? Comment faut-il que je le sache ?
P – Il t’a désigné ton père et te renvoie de cette terre.
I – Et toi, est-ce sur ordre, ou pour quelle raison as-tu gardé ces objets ?
P – Loxias m’a inspiré cette pensée…
I – De quoi faire ? Parle, achève tes propos !
P – de préserver cette trouvaille jusqu’à maintenant.
I – Elle contient pour moi un profit ou un mal ?
P – On y a caché les langes qui t’enveloppaient.
I- Tu m’apportes là un moyen de retrouver ma mère ?
P – Hé bien le dieu le veut ; avant, non.
I – Ô bienheureux pour moi le jour de cette vision !
P – Prends cela et trouve enfin celle qui t’enfanta.
I – En parcourant toute l’Asie et les frontières de l’Europe !
P – Sache-le par toi-même. À cause d’Apollon, mon enfant, je t’ai élevé, et je te rends ces objets, que le dieu, sans m’en donner l’ordre, a voulu que je prenne et conserve. Pourquoi il l’a voulu, je ne peux le dire. Personne parmi les hommes mortels ne savait que je les possédais ni où ils étaient cachés. Hé bien, adieu ; je t’embrasse comme si j’étais ta mère. Commence par où il te faut chercher ta mère ; tout d’abord, si quelque jeune fille delphienne, t’ayant mis au monde, t’a déposé dans ce temple, ensuite, si c’est quelque Grecque. Tu tiens tout de moi et du dieu qui s’intéressa à ton sort.
I – Hélas, hélas ! De mes yeux je jette des pleurs humides, en songeant au moment où celle qui m’a enfanté, unie clandestinement, m’a exposé en secret et ne m’a pas donné le sein ; dans la demeure du dieu, anonyme, je menais une vie de serviteur. Le dieu fut honnête, mais le destin, lourd ! Le temps que j’aurais dû vivre doucement dans les bras de ma mère et profiter de la vie, je fus privé des soins de ma mère chérie. Malheureuse aussi celle qui m’a mis au monde ! Elle a souffert le même mal, ayant perdu les joies d’avoir un enfant. Et maintenant, ayant pris cette corbeille je la porterai au dieu en guise d’offrande, afin de ne rien trouver de ce que je veux. Si en effet ma mère était une esclave, la trouver serait pire que la laisser dans le silence. Phébus, je la dépose dans ton temple ; mais qu’est-ce qui m’arrive ? Je fais la guerre à la volonté du dieu, qui a préservé pour moi les indices de ma mère ? Il faut ouvrir cette corbeille et oser. Je ne pourrais échapper à ce qui est fixé par le destin. Ô bandelettes sacrées, que contenez-vous pour moi, et vous, liens par lesquels ont été protégés mes chers objets ? Voici l’enveloppe de la corbeille bien ronde ; elle n’a pas vieilli, par quelque miracle, et la moisissure est absente de l’osier ; pourtant beaucoup de temps a passé pour ces trésors.
  • ἐπέχω f. ἐφέξω ou ἐπισχήσω, ao.2 ἐπέσχον : attendre, faire halte
  • θριγκός οῦ (ὁ) : mur de clôture
  • ὠμός ή, όν : dur, cruel, inhumain
  • νουθετέω -ῶ : avertir, calmer
  • ἄγγος ion. -εος, att. -ους (τὸ) : corbeille où l’on exposait les enfants abandonnés
  • ἀντίπηξ, πηγος (ἡ) : corbeille ou berceau d’enfant
  • στέμμα ατος (τὸ) : couronne, bandeau, bandelette
  • εἰσενήνεκται : parfait médio-passif, 3ème personne du sing. du verbe εἰσφέρω, rapporter
  • λάτρις ιος (ὁ, ἡ) : serviteur, servante
  • σπάργανον ου (τὸ) : lange pour les enfants
  • πάροιθε(ν) : auparavant
  • φάσμα ατος (τὸ) : apparition, vision, présage
  • ἐκπονέω -ῶ : obtenir par ses efforts, exécuter un travail jusqu’au bout
  • ὅρος ου (ὁ) : la limite, la frontière. Ne pas confondre avec τὸ ὄρος ion. -εος, att. -ους, montagne, colline.
  • Ἀσπάζομαι : embrasser
  • ὄσσε ὄσσων, ὄσσοις, ὄσσε (τὼ) : les deux yeux
  • νυμφεύομαι : unir une jeune fille à
  • ἀπεμπολάω -ῶ impf. Ἀπεμπόλων : vendre, emmener, emporter (un esclave, un objet acheté)
  • μέλαθρον ου (τὸ) : demeure, maison
  • τρυφάω -ῶ : vivre dans la mollesse
  • χαρμονή ῆς (ἡ) : joie, plaisir
  • κεύθω f. κεύσω, ao.2 ἔκυθον, pf. κέκευθα : cacher, renfermer, tenir caché ou renfermé, contenir
  • περίπτυγμα ατος (τὸ) : enveloppe
  • θεήλατος ος, ον : appelé litt. poussé par la divinité
  • εὐρώς ῶτος (ἡ) : moisissure

V. 1395-1552 : la reconnaissance

Vers 1395-1444

ΚΡΕΟΥΣΑ – Τί δῆτα φάσμα τῶν ἀνελπίστων ὁρῶ ;
ΙΩΝ – Σιγᾶν σὺ πολλὰ καὶ πάροιθεν οἶσθα μοι.
K – Οὐκ ἐν σιωπῇ τἀμά· μή με νουθέτει.
Ὁρῶ γὰρ ἄγγος ᾧ ´ξέθηκ´ ἐγώ ποτε
σέ γ´, ὦ τέκνον μοι, βρέφος ἔτ´ ὄντα νήπιον,
Κέκροπος ἐς ἄντρα καὶ Μακρὰς πετρηρεφεῖς.
Λείψω δὲ βωμὸν τόνδε, κεἰ θανεῖν με χρή.
I – Λάζυσθε τήνδε· θεομανὴς γὰρ ἥλατο
βωμοῦ λιποῦσα ξόανα· δεῖτε δ´ ὠλένας.
K – Σφάζοντες οὐ λήγοιτ´ ἄν· ὡς ἀνθέξομαι
καὶ τῆσδε καὶ σοῦ τῶν τ´ ἔσω κεκρυμμένων.
I – Τάδ´ οὐχὶ δεινά ; ῥυσιάζομαι λόγῳ.
K – Οὔκ, ἀλλὰ σοῖς φίλοισιν εὑρίσκῃ φίλος.
I – Ἐγὼ φίλος σός ; κᾆτά μ´ ἔκτεινες λάθρᾳ ;
K – Παῖς γ´, εἰ τόδ´ ἐστὶ τοῖς τεκοῦσι φίλτατον.
I – Παῦσαι πλέκουσα – λήψομαί ς´ ἐγώ καλῶς.
K – Ἐς τοῦθ´ ἱκοίμην, τοῦδε τοξεύω, τέκνον.
I – κενὸν τόδ´ ἄγγος ἢ στέγει πλήρωμά τι ;
K – Σά γ´ ἔνδυθ´, οἷσί ς´ ἐξέθηκ´ ἐγώ ποτε.
I – Καὶ τοὔνομ´ αὐτῶν ἐξερεῖς πρὶν εἰσιδεῖν ;
K – Κἂν μὴ φράσω γε, κατθανεῖν ὑφίσταμαι.
I – Λέγ´· ὡς ἔχει τι δεινὸν ἥ γε τόλμα σου.
K – Σκέψασθ´ ὃ παῖς ποτ´ οὖς´ ὕφασμ´ ὕφην´ ἐγώ.
I – Ποῖόν τι ; πολλὰ παρθένων ὑφάσματα.
K – Οὐ τέλεον, οἷον δ´ ἐκδίδαγμα κερκίδος.
I – Μορφὴν ἔχον τίν´ ; Ὥς με μὴ ταύτῃ λάβῃς.
K – Γοργὼν μὲν ἐν μέσοισιν ἠτρίοις πέπλων.
I – Ὦ Ζεῦ, τίς ἡμᾶς ἐκκυνηγετεῖ πότμος ;
K – κεκρασπέδωται δ´ ὄφεσιν αἰγίδος τρόπον.
I – ἰδού·
Τόδ´ ἔσθ´ ὕφασμα· θέσφαθ´ ὡς εὑρίσκομεν.
K – Ὦ χρόνιον ἱστῶν παρθένευμα τῶν ἐμῶν.
I – Ἔστιν τι πρὸς τῷδ´ ἢ μόνον τόδ´ εὐτυχεῖς ;
K – δράκοντες, ἀρχαῖον τι πάγχρυσοί γ’ἔνι.
I – τί δρᾶν, τί χρῆσθαι, φράζε μοι, χρυσώματι ;
K – Δέραια παιδὶ νεογόνῳ φέρειν, τέκνον.
δώρημ´ Ἀθάνας, οἷς τέκν´ ἐντρέφειν λέγει,
Ἐριχθονίου γε τοῦ πάλαι μιμήματα.
I – Ἔνεισιν οἵδε· τὸ δὲ τρίτον ποθῶ μαθεῖν.
K – Στέφανον ἐλαίας ἀμφέθηκά σοι τότε,
ἣν πρῶτ´ Ἀθάνα σκόπελος εἰσηνέγκατο,
ὅς, εἴπερ ἐστίν, οὔποτ´ ἐκλείπει χλόην,
θάλλει δ´, ἐλαίας ἐξ ἀκηράτου γεγώς.
I – Ὦ φιλτάτη μοι μῆτερ, ἄσμενός σ´ ἰδὼν
πρὸς ἀσμένας πέπτωκα σὰς παρηίδας.
K – Ὦ τέκνον, ὦ φῶς μητρὶ κρεῖσσον ἡλίου
(συγγνώσεται γὰρ ὁ θεός), ἐν χεροῖν σ´ ἔχω,
ἄελπτον εὕρημ´, ὃν κατὰ γᾶς ἐνέρων
χθόνιον μέτα Περσεφόνας τ´ ἐδόκουν ναίειν.
I – Ἀλλ´, ὦ φίλη μοι μῆτερ, ἐν χεροῖν σέθεν
ὁ κατθανών τε κοὐ θανὼν φαντάζομαι.
Créüse – Quelle apparition inespérée vois-je ?
Ion – Tu as su me cacher beaucoup de choses auparavant…
C – Je ne garderai pas le silence ; ne me gronde pas. Je vois la corbeille où un jour je t’ai déposé, mon enfant, quand tu étais encore un nouveau-né, dans l’antre de Cécrops et les Hautes Roches. Je vais quitter cet autel, même s’il me faut mourir.
I – Saisissez-la ; affolée par le dieu, elle a quitté les statues des autels et s’est élancée ; liez-lui les mains.
C – En m’égorgeant vous ne me ferez pas cesser ; car je m’attacherai à cette corbeille, à toi, et à tes biens cachés à l’intérieur.
I – N’est-ce pas terrible ? Son discours me retient de force.
C – Non, mais, aimé, tu es retrouvé par ceux qui t’aiment.
I – Moi, tu m’aimes ? Εt tu cherchais à me tuer en sercret ?
C – tu es mon enfant, si cela est le plus cher pour des parents.
I – Cesse d’inventer – je te prendrai bien !
C – Puissé-je en arriver là, c’est là mon but, enfant.
I – Cette corbeille est-elle vide, ou cache-t-elle quelque contenu ?
C – les objets avec lesquels je t’exposai jadis.
I – Et tu en diras le nom avant de les voir ?
C – Et si je ne les nomme pas, je promets de mourir.
I – Parle. Ton audace a quelque chose de terrible.
C – Regardez, le tissu que j’ai tissé quand j’étais enfant.
I – Comment est-il ? Il y a beaucoup d’ouvrages de jeunes filles.
C – Inachevé, comme un essai de ma navette.
Ι – Quelle forme avait-il ? Afin que tu ne me prennes pas ainsi.
C – Une Gorgone, au centre du tissu.
I – Ô Zeus, quel destin nous poursuit de sa meute ?
C – Il a été frangé de serpents, comme une égide.
I – Vois ; C’est ce tissu. Comme nous avons trouvé l’oracle !
C – Ô antique ouvrage de jeune fille, fait sur mon métier !
Ι – Il y a quelque chose de plus, ou ne réussis-tu qu’une fois ?
C – des serpents, quelque chose d’ancien, tout en or.
I – Que faire, quel usage, dis-moi, pour cet objet d’or ?
C – Un collier que porte l’enfant nouveau-né, mon fils, cadeau d’Athéna, qui ordonne que les enfants le portent, pour imiter notre ancêtre Érichthonios.
I – Ceux-là y sont. Je désire vivement apprendre ce qu’est le troisième objet.
C – J’ai posé alors sur toi une couronne de l’olivier, qu’Athéna apporta en premier sur la cime de son rocher, une couronne qui, si elle y est, est toujours verte et fleurit, née d’un olivier qui ne flétrit jamais.
I – O mère qui m’est très chère, je suis heureux de te voir, je me suis penché sur tes joues heureuses.
C – Ô mon enfant, ô lumière plus grande que le soleil pour une mère (le dieu me pardonnera), je te tiens dans mes mains, trouvaille inespérée, toi que je croyais habiter, sous la terre, chez les morts, avec Perséphone.
I – Hé bien, ô ma chère mère, dans tes bras j’étais mort, et me voilà vivant !
  • πάροιθεν : auparavant
  • νουθετέω -ῶ : réprimander, faire la leçon
  • ἄγγος , -ους (τὸ) : corbeille où l’on exposait les enfants abandonnés.
  • πετρηρεφής ής, ές : couvert d’une voûte de rochers
  • λάζυμαι (seul. prés.) : prendre, saisir
  • θεομανής ής, ές : frappé de démence par les dieux
  • ἥλατο 3e sg. ao. de ἅλλομαι, impf. ἡλλόμην, f. ἁλοῦμαι, ao. ἡλάμην :
    sauter, bondir, s’élancer
  • ξόανον ου (τὸ) : statue de dieu en bois ou en pierre
  • ὠλένη ης (ἡ) haut du bras, coude ; d’où bras, main
  • λήγω f. λήξω, ao. ἔληξα : faire cesser
  • σφάζω f. σφάξω, ao. ἔσφαξα : égorger
  • ἀντέχω f. ἀνθέξω, ao.2 ἀντέσχον : persister, s’attacher à
  • ῥυσιάζω : enlever de force, arracher ; prendre et retenir en gage
  • στέγω f. στέξω, ao. ἔστεξα : tenir caché
  • ἐνδυτός ός ou ή, όν : qu’on a revêtu (vêtement, robe)
  • ὑφίστημι : promettre de
  • ἐκδίδαγμα ατος (τὸ) : apprentissage
  • κερκίς ίδος (ἡ) : navette
  • ἤτριον ου (τὸ) trame, tissu
  • ἐκκυνηγετέω -ῶ : poursuivre avec une meute
  • κρασπεδόω -ῶ garnir d’une frange, d’une bordure
  • δέραιον ου (τὸ) : collier, parure
  • σκόπελος ου (ὁ) : rocher élevé, cime de rocher
  • παρηΐς ΐδος (ἡ) : joue
  • ἔνεροι ων (οἱ) : ceux qui sont sous la terre, les morts

Vers 1445-1509

K – Ἰὼ ἰὼ λαμπρᾶς αἰθέρος ἀμπτυχαί,
τίν´ αὐδὰν ἀύσω βοάσω ; Πόθεν μοι
συνέκυρσ’ ἀδόκητος ἡδονά ;
Πόθεν ἐλάβομεν χαράν ;
I – Ἐμοὶ γενέσθαι πάντα μᾶλλον ἄν ποτε,
μῆτερ, παρέστη τῶνδ´, ὅπως σός εἰμ´ ἐγώ.
K – Ἔτι φόβῳ τρέμω.
I – Μῶν οὐκ ἔχειν μ´ ἔχουσα ; K – Τὰς γὰρ ἐλπίδας
ἀπέβαλον πρόσω.
Ἰὼ ἰὼ γύναι, πόθεν ἔλαβες ἐμὸν
βρέφος ἐς ἀγκάλας ;
Τίν´ ἀνὰ χέρα δόμους ἔβα Λοξίου ;
I – Θεῖον τόδ´· ἀλλὰ τἀπίλοιπα τῆς τύχης
εὐδαιμονοῖμεν, ὡς τὰ πρόσθ´ ἐδυστύχει.
K – Τέκνον, οὐκ ἀδάκρυτος ἐκλοχεύῃ,
γόοις δὲ ματρὸς ἐκ χερῶν ὁρίζῃ.
Νῦν δὲ γενειάσιν πάρα σέθεν πνέω
μακαριωτάτας τυχοῦσ’ ἡδονᾶς.
I – Τοὐμὸν λέγουσα καὶ τὸ σὸν κοινῶς λέγεις.
K – Ἄπαιδες οὐκέτ´ ἐσμὲν οὐδ´ ἄτεκνοι·
δῶμ´ ἑστιοῦται, γᾶ δ´ ἔχει τυράννους,
ἀνηβᾶι δ´ Ἐρεχθεύς·
ὅ τε γηγενέτας δόμος οὐκέτι νύκτα δέρκεται,
ἀελίου δ´ ἀναβλέπει λαμπάσιν.
I – Μῆτερ, παρών μοι καὶ πατὴρ μετασχέτω
τῆς ἡδονῆς τῆσδ´ ἧς ἔδωχ´ ὑμῖν ἐγώ.
K – Ὦ τέκνον,
τί φῄς ; Οἷον οἷον ἀνελέγχομαι.
I – Πῶς εἶπας ; K – Ἄλλοθεν γέγονας, ἄλλοθεν.
I – Ὤμοι· νόθον με παρθένευμ´ ἔτικτε σόν ;
K – Οὐχ ὑπὸ λαμπάδων οὐδὲ χορευμάτων
ὑμέναιος ἐμός,
τέκνον, ἔτικτε σὸν κάρα.
I – Αἰαῖ· πέφυκα δυσγενής, μῆτερ ; πόθεν ;
K – Ἴστω Γοργοφόνα I – τί τοῦτ´ ἔλεξας ;
K – Ἃ σκοπέλοις ἐπ´ ἐμοῖς
τὸν ἐλαιοφυῆ πάγον θάσσει…
I – Λέγεις μοι σκολιὰ κοὐ σαφῆ τάδε.
K – Παρ´ ἀηδόνιον πέτραν
Φοίβῳ… I – τί Φοῖβον αὐδᾷς ;
K – Κρυπτόμενον λέχος ηὐνάσθην…
I – Λέγ´· ὡς ἐρεῖς τι κεδνὸν εὐτυχές τέ μοι.
K – Δεκάτῳ δέ σε μηνὸς ἐν
κύκλῳ κρύφιον ὠδῖν´ ἔτεκον Φοίβῳ.
I – Ὦ φίλτατ´ εἰποῦσ’, εἰ λέγεις ἐτήτυμα.
K – Παρθένια δ´ ἐμᾶς δείματι ματέρος
σπάργαν´ ἀμφίβολά σοι τάδ´ ἀνῆψα κερκίδος
ἐμᾶς πλάνους.
Γάλακτι δ´ οὐκ ἐπέσχον οὐδὲ μαστῷ
τροφεῖα ματρὸς οὐδὲ λουτρὰ χειροῖν,
ἀνὰ δ´ ἄντρον ἔρημον οἰωνῶν
γαμφηλαῖς φόνευμα θοίναμά τ´ εἰς
Ἅιδαν ἐκβάλλῃ.
I – Ὦ δεινὰ τλᾶσα, μῆτερ. K – Ἐν φόβῳ, τέκνον,
καταδεθεῖσα σὰν ἀπέβαλον ψυχάν.
ἔκτεινάσ’ ἄκουσ’. I – ἐξ ἐμοῦ τ´ οὐχ ὅσι´ ἔθνῃσκες.
K – ἰὼ ἰώ· δειναὶ μὲν αἱ τότε τύχαι,
δεινὰ δὲ καὶ τάδ´· ἑλισσόμεσθ´ ἐκεῖθεν
ἐνθάδε δυστυχίαισιν εὐτυχίαις τε πάλιν,
μεθίσταται δὲ πνεύματα.
μενέτω· τὰ πάροιθεν ἅλις κακά· νῦν
δὲ γένοιτό τις οὖρος ἐκ κακῶν, ὦ παῖ.
(ΧΟΡΟΣ) μηδεὶς δοκείτω μηδὲν ἀνθρώπων ποτὲ
ἄελπτον εἶναι πρὸς τὰ τυγχάνοντα νῦν.
I – Ὦ μεταβαλοῦσα μυρίους ἤδη βροτῶν
καὶ δυστυχῆσαι καὖθις αὖ πρᾶξαι καλῶς
Τύχη, παρ´ οἵαν ἤλθομεν στάθμην βίου
μητέρα φονεῦσαι καὶ παθεῖν ἀνάξια.
φεῦ·
ἆρ´ ἐν φαενναῖς ἡλίου περιπτυχαῖς
ἔνεστι πάντα τάδε καθ´ ἡμέραν μαθεῖν ;
φίλον μὲν οὖνσ’ εὕρημα, μῆτερ, ηὕρομεν,
καὶ τὸ γένος οὐδὲν μεμπτόν, ὡς ἡμῖν, τόδε·
τὰ δ´ ἄλλα πρὸς σὲ βούλομαι μόνην φράσαι.
δεῦρ´ ἔλθ´· ἐς οὖς γὰρ τοὺς λόγους εἰπεῖν θέλω
καὶ περικαλύψαι τοῖσι πράγμασι σκότον.
Ὅρα σύ, μῆτερ, μὴ σφαλεῖσ’ ἃ παρθένοις
ἐγγίγνεται νοσήματ´ ἐς κρυπτοὺς γάμους
ἔπειτα τῷ θεῷ προστίθης τὴν αἰτίαν
καὶ τοὐμὸν αἰσχρὸν ἀποφυγεῖν πειρωμένη
Φοίβῳ τεκεῖν με φῄς, τεκοῦσ’ οὐκ ἐκ θεοῦ.
K – μὰ τὴν παρασπίζουσαν ἅρμασίν ποτε
Νίκην Ἀθάναν Ζηνὶ γηγενεῖς ἔπι,
οὐκ ἔστιν οὐδείς σοι πατὴρ θνητῶν, τέκνον,
ἀλλ´ ὅσπερ ἐξέθρεψε Λοξίας ἄναξ.
I – Πῶς οὖν τὸν αὑτοῦ παῖδ´ ἔδωκ´ ἄλλῳ πατρὶ
Ξούθου τέ φησι παῖδά μ´ ἐκπεφυκέναι ;
K – Πεφυκέναι μὲν οὐχί, δωρεῖται δέ σε
αὑτοῦ γεγῶτα· καὶ γὰρ ἂν φίλος φίλῳ
δοίη τὸν αὑτοῦ παῖδα δεσπότην δόμων.
I – Ὁ θεὸς ἀληθὴς ἢ μάτην μαντεύεται ;
ἐμοῦ ταράσσει, μῆτερ, εἰκότως φρένα.
K – Ἄκουε δή νυν ἅμ´ ἐσῆλθεν, ὦ τέκνον·
εὐεργετῶν σε Λοξίας ἐς εὐγενῆ
δόμον καθίζει· τοῦ θεοῦ δὲ λεγόμενος
οὐκ ἔσχες ἄν ποτ´ οὔτε παγκλήρους δόμους
οὔτ´ ὄνομα πατρός. Πῶς γάρ, οὗ γ´ ἐγὼ γάμους
ἔκρυπτον αὐτὴ καίσ’ ἀπέκτεινον λάθρᾳ ;
Ὁ δ´ ὠφελῶν σε προστίθησ’ ἄλλῳ πατρί.
I – Οὐχ ὧδε φαύλως αὔτ´ ἐγὼ μετέρχομαι,
ἀλλ´ ἱστορήσω Φοῖβον εἰσελθὼν δόμους
εἴτ´ εἰμὶ θνητοῦ πατρὸς εἴτε Λοξίου.
Ἔα· τίς οἴκων θυοδόκων ὑπερτελὴς
ἀντήλιον πρόσωπον ἐκφαίνει θεῶν ;
Φεύγωμεν, ὦ τεκοῦσα, μὴ τὰ δαιμόνων
ὁρῶμεν, εἰ μὴ καιρός ἐσθ´ ἡμᾶς ὁρᾶν.
C – Ah !!splendeur de l’espace éthéré, quel cri vais-je pousser et lancer ? D’où me vient cette joie inespérée ? D’où cette grâce ?
I – Je m’attendais à tout plutôt qu’à cela, mère, que je sois ton fils.
C – Je tremble encore de peur.
I – De ne pas m’avoir, alors que tu m’as ?
C – J’avais perdu toute espérance. Hélas, femme, d’où as-tu pris mon enfant dans tes bras?Quelles mains l’ont porté au temple de Loxias ?
I – Cela appartient au dieu. Mais pour le reste, réjouissons-nous du sort, autant que nous fûmes malheureux.
C – Enfant, tu n’es pas né sans larmes, tu fus dans les sanglots arraché des mains de ta mère ; maintenant, sur tes joues, je souffle, ayant trouvé le plus heureux plaisir.
I – Tu parles à la fois pour toi et pour moi.
C – Je ne suis plus sans enfant, ni stérile. Ma maison a un foyer, ma terre des rois. Érechthée rajeunit, le palais des autochtones n’est plus dans la nuit mais regarde les rayons du soleil !
I – Mère, que mon père aussi, présent, partage ce bonheur que je vous ai donné.
C – Mon enfant, que dis-tu ? Que dois-je donc avouer…
I – Quoi ? C – Tu es né d’un autre, d’un autre.
I – Hélas ! Moi, l’enfant d’une vierge, je suis un bâtard ?
C – Ni sous les torches, ni parmi les danses eut lieu ta conception…
I – Ah ! Je suis né de pauvre origine, mère. De qui ?
C – Je jure par celle qui tua la Gorgone…
I – Que veux-tu dire ?
C – Qui sur nos rochers, trône sur la colline où pousse l’olivier…
I – Tu prononces des paroles suspectes et peu claires.
C – Près de la roche aux rossignols, à Phoibos… Ι – Pourquoi parles-tu de Phoibos ?
C – Je m’unis en secret.
I – Parle, car tu vas dire quelque chose de bon et d’heureux pour moi.
C – Dans le dixième cycle du mois, je te mis au monde, fruit de douleurs cachées, pour Phoibos.
I – Ô très cher discours, si tu dis vrai !
C – Par crainte de ma mère je t’ai enveloppé de langes virginaux, tentatives de ma navette. Je ne t’ai pas nourri de mon lait ni de la nourriture du sein maternel, ni ne t’ai baigné de mes mains, dans un antre désert je t’ai livré aux becs des oiseaux, pâture à leur cruauté, et je t’ai voué à Hadès.
I – Ô terrible audace, mère.
C – sous l’emprise de la peur, enfant, j’ai perdu ta vie, je t’ai tué malgré moi.
I – Et toi aussi tu as failli mourir de manière impie, par ma faute.
C – Ah ! Terrible notre sort alors, terrible maintenant. Nous sommes ballottés ici et là dans le malheur, puis le bonheur, et les vents sautent sans cesse. Qu’il cesse ! C’est assez des malheurs de naguère. Maintenant, à la place des maux, qu’il y ait la brise.
CHŒUR – Devant ce qui arrive aujourd’hui, que nul ne croie que rien parmi les hommes ne soit sans espoir !
I – Ô toi qui changes la foule des mortels, et la rend malheureuse, puis à nouveau heureuse, Fortune, selon quelle stricte loi de la vie allions-nous tuer notre mère et subir un sort immérité ? Hélas ! Est-il possible que dans la lumineuse révolution du soleil, en un seul jour on connaisse tout cela ? J’ai donc fait en toi, mère, de chères retrouvailles, et cette naissance n’est pas pour moi méprisable ; mais je veux te dire à toi seule le reste ; viens ici. Je veux te parler à l’oreille et couvrir d’obscurité ces choses. Vois-tu, mère, égarée dans des noces secrètes par le mal qui arrive aux jeunes filles, n’as-tu pas ensuite attribué la faute au dieu, en essayant d’éviter que je te fasse honte, et ne dis-tu pas que c’est Apollon qui m’a engendré, alors que tu m’as enfanté d’un mortel ?
C – Par la déesse qui jadis combattit aux côtés de Zeus, sur son char, contre les géants, Athéna Nikè, il n’y a pas de mortel qui soit ton père, mon enfant, mais c’est le puissant Loxias, celui-là même qui t’a élevé.
I – Comment donc a-t-il donné son propre enfant à un autre père, et dit-il que je suis le fils de Xouthos ?
C- Non son fils, mais il t’offre, bien qu’il t’ait engendré. C’est comme si un ami donnait à son ami son propre fils comme maître de maison.
I – Le dieu disait-il vrai ou prédisait-il en vain ? Mon esprit en est vraiment troublé, mère.
C – Écoute donc ce qui me vient à l’esprit, enfant. Pour ton bien Loxias t’introduit dans une noble maison. Déclaré fils du dieu, tu n’aurais jamais pu hériter de la demeure, ni du nom de ton père. Comment en effet, puisque moi-même j’avais caché mon union et t’avais tué en secret ? Αlors lui, pour t’aider, te donne à un autre père.
I – Mon enquête est bien misérable ; mais je vais aller dans sa demeure interroger Phoibos, pour savoir si je suis né d’un père mortel ou de Loxias.
Ah ! Quel dieu montre son visage éclatant de soleil au faîte du temple ? Fuyons, mère, ne regardons pas les dieux, s’il ne nous est pas permis de les voir…
  • δεῖμα ατος (τὸ) : crainte, effroi
  • ἀμφίϐολος ος, ον : enveloppé de tous côtés, qui enveloppe
  • ἐνάπτω : attacher à ou dans (ne pas confondre avec ἔνηψα < νήφω, être sage, être sobre)
  • πλάνος, ου (ὁ) : course errante
  • γαμφηλαί ῶν (αἱ) : mâchoires d’animal ; ici « becs »
  • θοίναμα ατος (τὸ) : festin
  • τλάω : supporter avec courage, subir, avoir le courage ou la hardiesse de
  • καταδεθεῖσα = participe aoriste passif, féminin singulier, de καταδέω : lier, enfermer. « enfermée dans la peur »
  • ἑλίσσω : faire tourner, ramer, ballotter
  • μεθίσταμαι : changer, se déplacer
  • ἅλις adv. : assez, suffisamment
  • οὖρος, ου (ὁ) : vent favorable
  • παρ’ οἵαν ἤλθομεν στάθμην βίου, Ion 1514 : selon quelle stricte loi de la vie
  • σκότος, ου (ὁ) : ténèbres, obscurité
  • σφάλλω f. σφαλῶ, ao. ἔσφηλα, pf. réc. ἔσφαλκα Pass. f. σφαλοῦμαι, f.2 σφαλήσομαι, ao.2 ἐσφάλην,
    pf. ἔσφαλμαι faire glisser, d’où induire en erreur, égarer
  • μετέρχομαι f. μετελεύσομαι, ao.2 μετῆλθον, etc. : aller vers : τινα aller trouver qqn ; particul. aller chercher
  • θυοδόκος ος, ον : du temple de Delphes
  • ὑπερτελής, ές, : apparaissant au-dessus, (Eur. Ion 1549)
  • ἀντήλιος ος, ον : dans le soleil, illuminé par le soleil

V. 1553-1622 : Intervention d’Athéna et exodos.

Athéna – Athènes, Musée de l’Acropole

 

ΑΘΗΝΑ –
μὴ φεύγετ´· οὐ γὰρ πολεμίαν με φεύγετε
ἀλλ´ ἔν τ´ Ἀθήναις κἀνθάδ´ οὖσαν εὐμενῆ.
Ἐπώνυμος δὲ σῆς ἀφικόμην χθονὸς
Παλλάς, δρόμῳ σπεύσασ’ Ἀπόλλωνος πάρα,
ὃς ἐς μὲν ὄψιν σφῷν μολεῖν οὐκ ἠξίου,
μὴ τῶν πάροιθε μέμψις ἐς μέσον μόλῃ,
ἡμᾶς δὲ πέμπει τοὺς λόγους ὑμῖν φράσαι·
ὡς ἥδε τίκτει σ’ ἐξ Ἀπόλλωνος πατρός,
δίδωσι δ´ οἷς ἔδωκεν, οὐ φύσασί σε,
ἀλλ´ ὡς κομίζῃ σ’ οἶκον εὐγενέστατον.
Ἐπεὶ δ´ ἀνεῴχθη πρᾶγμα μηνυθὲν τόδε,
θανεῖν σε δείσας μητρὸς ἐκ βουλευμάτων
καὶ τήνδε πρὸς σοῦ, μηχαναῖς ἐρρύσατο.
ἔμελλε δ´ αὐτὰ διασιωπήσας ἄναξ
ἐν ταῖς Ἀθήναις γνωριεῖν ταύτην τε σήν,
σέ θ´ ὡς πέφυκας τῆσδε καὶ Φοίβου πατρός.
Ἀλλ´ ὡς περαίνω πρᾶγμα καὶ χρησμοὺς θεοῦ,
ἐφ´ οἷσιν ἔζευξ´ ἅρματ´, εἰσακούσατον.
Λαβοῦσα τόνδε παῖδα Κεκροπίαν χθόνα
χώρει, Κρέουσα, κἀς θρόνους τυραννικοὺς
ἵδρυσον. Ἐκ γὰρ τῶν Ἐρεχθέως γεγὼς
δίκαιος ἄρχειν τῆς ἐμῆς ὅδε χθονός,
Ἔσται δ´ ἀν´ Ἑλλάδ´ εὐκλεής. Οἱ τοῦδε γὰρ
παῖδες γενόμενοι τέσσαρες ῥίζης μιᾶς
ἐπώνυμοι γῆς κἀπιφυλίων χθονὸς
λαῶν ἔσονται, σκόπελον οἳ ναίουσ’ ἐμόν.
Γελέων μὲν ἔσται πρῶτος· εἶτα δεύτερος
Ὅπλητες Ἀργαδῆς τ´, ἐμῆς τ´ ἀπ´ αἰγίδος
ἔμφυλον ἕξουσ’ Αἰγικορῆς. Οἱ τῶνδε δ´ αὖ
παῖδες γενόμενοι σὺν χρόνῳ πεπρωμένῳ
Κυκλάδας ἐποικήσουσι νησαίας πόλεις
χέρσους τε παράλους, ὃ σθένος τἠμῇ χθονὶ
δίδωσιν· ἀντίπορθμα δ´ ἠπείροιν δυοῖν
πεδία κατοικήσουσιν, Ἀσιάδος τε γῆς
Εὐρωπίας τε· τοῦδε δ´ ὀνόματος χάριν
Ἴωνες ὀνομασθέντες ἕξουσιν κλέος.
Ξούθῳ δὲ καὶ σοὶ γίγνεται κοινὸν γένος,
Δῶρος μέν, ἔνθεν Δωρὶς ὑμνηθήσεται
πόλις κατ´ αἶαν Πελοπίαν· ὁ δεύτερος
Ἀχαιός, ὃς γῆς παραλίας Ῥίου πέλας
τύραννος ἔσται, κἀπισημανθήσεται
κείνου κεκλῆσθαι λαὸς ὄνομ´ ἐπώνυμον.
καλῶς δ´ Ἀπόλλων πάντ´ ἔπραξε· πρῶτα μὲν
ἄνοσον λοχεύεισ’, ὥστε μὴ γνῶναι φίλους·
ἐπεὶ δ´ ἔτικτες τόνδε παῖδα κἀπέθου
ἐν σπαργάνοισιν, ἁρπάσαντ´ ἐς ἀγκάλας
Ἑρμῆν κελεύει δεῦρο πορθμεῦσαι βρέφος,
ἔθρεψέ τ´ οὐδ´ εἴασεν ἐκπνεῦσαι βίον.
Νῦν οὖν σιώπα παῖς ὅδ´ ὡς πέφυκε σός,
ἵν´ ἡ δόκησις Ξοῦθον ἡδέως ἔχῃ
σύ τ´ αὖ τὰ σαυτῆς ἀγάθ´ ἔχουσ’ ἴῃς, γύναι.
Καὶ χαίρετ´· ἐκ γὰρ τῆσδ´ ἀναψυχῆς πόνων
εὐδαίμον´ ὑμῖν πότμον ἐξαγγέλλομαι.
ΙΩΝ –
ὦ Διὸς Παλλὰς μεγίστου θύγατερ, οὐκ ἀπιστίαι
σοὺς λόγους ἐδεξάμεσθα, πείθομαι δ´ εἶναι πατρὸς
Λοξίου καὶ τῆσδε· καὶ πρὶν τοῦτο δ´ οὐκ ἄπιστον ἦν.
ΚΡΕΟΥΣΑ –
τἀμὰ νῦν ἄκουσον· αἰνῶ Φοῖβον οὐκ αἰνοῦσα πρίν,
οὕνεχ´ οὗ ποτ´ ἠμέλησε παιδὸς ἀποδίδωσί μοι.
Αἵδε δ´ εὐωποὶ πύλαι μοι καὶ θεοῦ χρηστήρια,
δυσμενῆ πάροιθεν ὄντα. Νῦν δὲ καὶ ῥόπτρων χέρας
ἡδέως ἐκκρημνάμεσθα καὶ προσεννέπω πύλας.
A – ᾔνεσ’ οὕνεκ´ εὐλογεῖς θεὸν μεταβαλοῦσ’· ἀεί που
χρόνια μὲν τὰ τῶν θεῶν πως, ἐς τέλος δ´ οὐκ ἀσθενῆ.
K – ὦ τέκνον, στείχωμεν οἴκους.
A – στείχεθ´, ἕψομαι δ´ ἐγώ.
I – ἀξία γ´ ἡμῶν ὁδουρός.
K – καὶ φιλοῦσά γε πτόλιν.
A – Ἐς θρόνους δ´ ἵζου παλαιούς.
I – ἄξιον τὸ κτῆμά μοι.
ΧΟΡΟΣ–
ὦ Διὸς Λητοῦς τ´ Ἄπολλον, χαῖρ´· ὅτῳ δ´ ἐλαύνεται
συμφοραῖς οἶκος, σέβοντα δαίμονας θαρσεῖν χρεών·
ἐς τέλος γὰρ οἱ μὲν ἐσθλοὶ τυγχάνουσιν ἀξίων,
οἱ κακοὶ δ´, ὥσπερ πεφύκασ’, οὔποτ´ εὖ πράξειαν ἄν.
ATHÉNA –
Ne fuyez pas ; ce n’est pas une ennemie que vous fuyez, mais une déesse bienveillante,
ici comme à Athènes. Je suis Pallas, venue de ta terre qui porte mon nom, d’une course rapide, de la part d’Apollon, qui n’a pas jugé bon de vous apparaître, afin de ne pas
aller au-devant de reproches pour le passé, mais il m’envoie pour vous tenir ce discours : cette femme t’a enfanté de ton père Apollon, qui te donne à qui il t’a donné, qui ne t’a
pas engendré, mais afin que tu sois admis dans une demeure très noble. Lorsque fut révélée et dénoncée l’affaire, craignant que tu ne sois tué par les intrigues de ta mère, et elle par toi, il vous sauva par des ruses. Le seigneur s’apprêtait, après avoir gardé cela secret, à révéler à Athènes, à toi ta mère, et le fait que tu est né d’elle et de ton père Phoibos. Mais afin d’achever l’affaire, écoutez les prédictions du dieu, pour lesquelles j’ai attelé mon char.
Ayant reçu cet enfant, va, Créuse, sur la terre de Cécrops et fais-le asseoir sur le trône royal. En effet, né de la race d’Érechthée, il est juste qu’il gouverne ma terre. Il sera glorieux pour la Grèce. En effet ses quatre enfants nés d’une seule racine donneront leur nom au pays et aux peuples divisés en tribus, qui habitent ma colline. Géléon sera le premier, puis les deuxièmes seront les Hoplètes, et les
Argadès, et enfin, du nom de mon égide, les Egikorès. Et les enfants de ceux-ci, plus tard, coloniseront les Cyclades, cités insulaires, et les littoraux, ce qui donne sa puissance à ma terre ; ils coloniseront aussi les plaines, des deux côtés du détroit, sur les deux continents, Asie et Europe ; nommés de son nom Ioniens ils obtiendront la gloire.
Xouthos et toi aurez un enfant ensemble, Doros, grâce à qui sera célébrée la Doride sur la terre de Pélops ; le second, Achaios, qui sera le roi du pays maritime près du Rhion, et un peuple sera marqué pour briller par son nom. Apollon a bien mené son affaire ; tout d’abord il t’a fait accoucher sans douleur, afin que tes proches ne le sachent pas ; lorsque tu as eu cet enfant et l’as exposé dans ses langes, il a ordonné à Hermès de s’en emparer et d’apporter ici dans ses bras le nouveau-né, il l’a nourri et ne l’a pas laissé mourir. Maintenant ne dis pas que cet enfant est le tien, afin que ce don soit cher à Xouthos, et que toi, tu t’en ailles nantie de ton bien, femme. Et soyez heureux ; après ce soulagement de vos maux, je vous annonce un heureux destin.
ION – Ô Pallas, fille du très grand Zeus, nous accueillons avec confiance tes paroles, je suis convaincu d’être fils de Loxias et d’elle. Et avant cela, je n’aurais pas dû être incrédule.
CREÜSE – Écoute moi aussi. Je loue Phoibos, que je blâmais avant, car il me rend l’enfant qu’il négligea autrefois. Ces portes sont pour moi belles à voir, ainsi que les oracles du dieu, moi qui les haïssais auparavant. À présent, des deux mains avec plaisir je me suspends aux marteaux de ces portes et je leur dis adieu.
A – Je te loue, parce que tu célèbres Apollon, oubliant ta rancune ; la volonté des dieux tarde toujours, mais finalement elle ne fait pas défaut.
C- Mon enfant, allons à la maison.
A – Allez, je vous suis.
I – Escorte digne de nous !
C – Et qui aime notre cité.
A – Va sièger sur l’antique trône.
I – Possession précieuse pour moi.
CHŒUR – Apollon fils de Zeus et de Léto, salut ! Celui pour qui sa maison est poussée par les malheurs, il faut que, respectant les dieux, il garde courage ; à la fin en effet les bons recevront ce qu’il méritent, et les méchants, comme ils sont nés, ne pourraient jamais réussir.
  • ἀνοίγω impf. ἀνέῳγον, f. ἀνοίξω, ao. ἀνέῳξα, pf. ἀνέῳχα pf.2 au sens intr. ἀνέῳγα, pqp. au sens intr. ἀνεῴγειν
    Pass. impf. ἀνεῳγόμην ; f. Moy. au sens Pass. ἀνοίξομαι, f. réc. ἀνοιχθήσομαι ; ao. ἀνεῴχθην > inf. ἀνοιχθῆναι ;
    pf. ἀνέῳγμαι, pqp. ἀνεῴγμην, f.ant. Ἀνεῴξομαι : découvrir, révéler
  • μηνύω f. μηνύσω, ao. ἐμήνυσα, pf. Μεμήνυκα : dénoncer
  • γνωρίζω f. γνωρίσω, att. –ιῶ ; ao. ἐγνώρισα, pf. Ἐγνώρικα : faire connaître
  • ἱδρύω : faire asseoir
  • ἐπιφύλιος ος, ον : partagé en tribus, en nations
  • ἡ χέρσος (γῆ) : la terre ferme, le continent
  • πάραλος ος, ον : près de la mer, littoral
  • ἀντίπορθμος ος, ον : situé du côté opposé du détroit
  • ἐπισημαίνω : marquer par un signe
  • ἀναψυχή ῆς (ἡ) : rafraîchissement ; fig. soulagement ; action de reprendre son souffle
  • εὐωπός ός, όν : beau à voir
  • ῥόπτρον ου (τὸ) : marteau ou anneau de porte
  • κρήμναμαι seul. prés. et impf. Ἐκρημνάμην : être suspendu