Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, livre III

Combat entre Étrusques et Romains

Denys raconte dans son livre III comment Tarquin, cinquième roi de Rome (616-578), a successivement vaincu tous les peuples italiques voisins de Rome, en particulier les Sabins et les Étrusques, et établi une hégémonie romaine dans le Latium. Dans la réalité, à cette époque, la puissance étrusque est très loin d’être anéantie : Rome lui sera même soumise jusqu’en 509 av. J-C, et probablement au-delà…

§ 59 : une bataille décisive

[3,59] Τελευταία δὲ μάχη Ῥωμαίων καὶ Τυρρηνῶν ἐγένετο πόλεως Ἠρήτου πλησίον ἐν τῇ Σαβίνων γῇ. Δι´ἐκείνης γὰρ ἐποιήσαντο τὴν ἐπὶ τοὺς Ῥωμαίους ἔλασιν οἱ Τυρρηνοὶ πεισθέντες ὑπὸ τῶν ἐκεῖ δυνατῶν, ὡς συστρατευσομένων σφίσι τῶν Σαβίνων. Αἱ γὰρ ἑξαετεῖς αὐτοῖς περὶ τῆς εἰρήνης πρὸς Ταρκύνιον ἀνοχαὶ διεληλύθεσαν ἤδη, καὶ πολλοῖς τῶν Σαβίνων πόθος ἦν ἐπανορθώσασθαι τὰς προτέρας ἥττας ἐπιτεθραμμένης ἐν ταῖς πόλεσι νεότητος ἱκανῆς. Οὐ μὴν ἐχώρησέ γε αὐτοῖς ἡ πεῖρα κατὰ νοῦν θᾶττον ἐπιφανείσης τῆς Ῥωμαίων στρατιᾶς, οὐδ´ ἐξεγένετο παρ´ οὐδεμιᾶς τῶν πόλεων κοινὴν ἀποσταλῆναι τοῖς Τυρρηνοῖς συμμαχίαν, ἀλλ´ ἐθελονταί τινες ἐπεκούρησαν αὐτοῖς ὀλίγοι μισθοῖς μεγάλοις ὑπαχθέντες. Ἐκ ταύτης τῆς μάχης μεγίστης τῶν προτέρων γενομένης, ὅσας πρὸς ἀλλήλους ἐπολέμησαν, τὰ μὲν Ῥωμαίων πράγματα θαυμαστὴν ὅσην ἐπίδοσιν ἔλαβε νίκην ἐξενεγκαμένων καλλίστην, καὶ βασιλεῖ Ταρκυνίῳ τὴν τροπαιοφόρον πομπὴν κατάγειν ἥ τε βουλὴ καὶ ὁ δῆμος ἐψηφίσατο, τὰ δὲ τῶν Τυρρηνῶν ἔπεσε φρονήματα πάσας μὲν ἐξαποστειλάντων εἰς τὸν ἀγῶνα τὰς ἐξ ἑκάστης πόλεως δυνάμεις, ὀλίγους δέ τινας ἐκ πολλῶν τοὺς διασωθέντας ὑποδεξαμένων. Οἱ μὲν γὰρ ἐν τῇ παρατάξει μαχόμενοι κατεκόπησαν, οἱ δ´ ἐν τῇ τροπῇ δυσχωρίαις ἐγκυρήσαντες ἀνεξόδοις παρέδοσαν τοῖς κεκρατηκόσιν ἑαυτούς. Τοιαύτης μέντοι συμφορᾶς πειραθέντες οἱ δυνατώτατοι τῶν ἐν ταῖς πόλεσιν ἔργον ἐποίησαν ἀνθρώπων φρονίμων. Ἑτέραν γὰρ στρατιὰν ἐπ´ αὐτοὺς ἐξαγαγόντος βασιλέως Ταρκυνίου συναχθέντες εἰς μίαν ἀγορὰν περὶ καταλύσεως τοῦ πολέμου διαλέγεσθαι πρὸς αὐτὸν ἐψηφίσαντο καὶ πέμπουσι τοὺς πρεσβυτάτους ἄνδρας καὶ τιμιωτάτους ἐξ ἑκάστης πόλεως αὐτοκράτορας ἀποδείξαντες τῶν περὶ τῆς εἰρήνης ὁμολογιῶν.

Traduction

Le dernier combat des Romains et des Étrusques eut lieu près de la cité d’Eretos, en Sabine. C’est par là que les Tyrrhéniens en effet avaient attaqué les Romains, persuadés par les notables du lieu, qui affirmaient que les Sabins feraient campagne avec eux. En effet, la trêve de six ans en vue de la paix, conclue entre eux et Tarquin avait déjà été rompue, et beaucoup de Sabins désiraient réparer leurs échecs antérieurs, maintenant qu’une jeunesse capable avait été éduquée dans leurs cités. Mais la tentative n’alla pas pour eux comme ils l’avaient pensé, l’armée romaine étant apparue trop vite, et il n’était pas possible d’envoyer en commun auprès d’aucune cité assistance aux Tyrrhéniens ; mais certains leur portèrent secours d’eux-mêmes, attirés par de généreuses récompenses. À la suite de ce combat, le plus grand qui ait eu lieu auparavant, parmi tous ceux qu’ils avaient menés les uns contre les autres, la puissance des Romains, qui avaient remporté une magnifique victoire, s’accrut d’une manière remarquable, et le Sénat et le peuple romain votèrent le triomphe au roi Tarquin, tandis que le courage des Tyrrhéniens s’effondra, eux qui avaient envoyé au combat toutes les forces de chaque cité, et qui, de toute cette foule d’hommes, avaient récupéré peu de survivants. Les uns en effet, tombèrent en combattant sur le front, les autres, se trouvant dans la bataille engagés dans des difficultés sans issue, se livrèrent à leurs vainqueurs. Ayant fait l’expérience d’un si grand malheur, les dirigeants des cités agirent en hommes sensés. Le roi Tarquin ayant envoyé une autre armée. contre eux, ils se réunirent en assemblée générale,  votèrent des pourparlers pour mettre fin à la guerre, et envoyèrent les hommes les plus âgés et les plus prestigieux de chaque cité avec tout pouvoir pour discuter des conditions  de la paix.

§ 60 : la paix aux conditions de Tarquin

[3,60] Ὁ δὲ βασιλεὺς ἀκούσας αὐτῶν πολλὰ διαλεχθέντων ἐπαγωγὰ πρὸς ἐπιείκειαν καὶ μετριότητα καὶ τῆς συγγενείας, ἧς εἶχε πρὸς τὸ ἔθνος, ὑπομιμνησκόντων ἓν τοῦτο μόνον ἔφη παρ´ αὐτῶν βούλεσθαι μαθεῖν, πότερον ἔτι διαφέρονται περὶ τῶν ἴσων καὶ ἐπὶ ῥητοῖς τισι τὰς περὶ τῆς εἰρήνης ὁμολογίας πάρεισι ποιησόμενοι, ἢ συγγινώσκουσιν ἑαυτοῖς κεκρατημένοις καὶ τὰς πόλεις ἐπιτρέπουσιν αὐτῷ. Ἀποκριναμένων δ´ αὐτῶν ὅτι καὶ τὰς πόλεις ἐπιτρέπουσιν αὐτῷ καὶ τὴν εἰρήνην στέρξουσιν ἐφ´ οἷς ἄν ποτε δικαίοις αὐτῆς τύχωσι, περιχαρὴς ἐπὶ τούτοις γενόμενος, Ἀκούσατε νῦν, ἔφησεν, ἐφ´ οἷς καταλύσομαι τὸν πόλεμον δικαίοις καὶ τίνας ὑμῖν δίδωμι χάριτας· ἐγὼ Τυρρηνῶν οὔτε ἀποκτεῖναί τινα πρόθυμός εἰμι οὔτε φυγάδα ποιῆσαι τῆς πατρίδος οὔτε ἀφαιρέσει τῶν ὑπαρχόντων ζημιῶσαι τάς τε πόλεις ὑμῖν ἀφίημι πάσας ἀφρουρήτους καὶ ἀφορολογήτους καὶ αὐτονόμους πολιτείας τε κόσμον ἑκάστῃ φυλάττειν συγχωρῶ τὸν ἀρχαῖον. Διδοὺς δὲ ταῦθ´ ὑμῖν ἓν οἴομαι δεῖν ἀνθ´ ὧν δίδωμι πάντων ὑπάρξαι μοι παρ´ ὑμῶν, τὴν ἡγεμονίαν τῶν πόλεων, ἧς κύριος μὲν ἔσομαι καὶ μὴ βουλομένων ὑμῶν ἕως ἂν κρατῶ τοῖς ὅπλοις, παρ´ ἑκόντων δὲ μᾶλλον ἢ παρ´ ἀκόντων τυχεῖν αὐτῆς βούλομαι. ταῦτ´ ἀπαγγέλλετε ταῖς πόλεσιν, ἐγὼ δὲ ὑμῖν ἐκεχειρίαν ἕως ἂν ἀφίκησθε παρέξειν ὑπισχνοῦμαι.

Traduction

Le Roi, les ayant entendu  tenir des propos séduisants en faveur de l’équité et de la mesure, et rappeler sa parenté avec le peuple [étrusque], leur dit qu’il ne voulait apprendre d’eux qu’une seule chose : étaient-ils encore en lutte au sujet de l’égalité des droits  et étaient-ils là pour traiter de la paix à certaines conditions, ou bien se reconnaissaient-ils vaincus et lui livraient-ils leurs cités ? Lorsqu’ils lui eurent répondu qu’ils lui livraient leurs cités et qu’ils se résigneraient à la paix si elle était à de justes conditions, tout heureux il leur  dit : « Écoutez à quelles justes conditions je cesserai la guerre et quelles faveurs je vous accorde : je ne désire ni tuer un Tyrrhénien ni le condamner à l’exil, ni le punir en lui ôtant ses biens, mais je laisserai toutes vos cités sans leur imposer une garnison ni un tribut, et je permettrai à chacune de conserver son propre régime politique et son ordre social ancien. Pour ces dons, je considère que vous devez m’accorder en échange une seule chose, l’hégémonie sur vos cités, que je possséderai même contre votre gré tant que je serai puissant par les armes ; mais je préfère la posséder de votre gré plutôt que contre votre volonté. Allez annoncer cela à vos cité, quant à moi je vous promets un armistice jusqu’à votre retour ».

§ 61 : les insignes du pouvoir

[3,61] Ταύτας λαβόντες οἱ πρέσβεις τὰς ἀποκρίσεις ᾤχοντο καὶ μετ´ ὀλίγας ἡμέρας παρῆσαν οὐ λόγους αὐτῷ μόνον φέροντες ψιλούς, ἀλλὰ καὶ τὰ σύμβολα τῆς ἡγεμονίας, οἷς ἐκόσμουν αὐτοὶ τοὺς σφετέρους βασιλεῖς, κομίζοντες στεφανόν τε χρύσεον καὶ θρόνον ἐλεφάντινον καὶ σκῆπτρον ἀετὸν ἔχον ἐπὶ τῆς κεφαλῆς χιτῶνά τε πορφυροῦν χρυσόσημον καὶ περιβόλαιον πορφυροῦν ποικίλον, οἷα Λυδῶν τε καὶ Περσῶν ἐφόρουν οἱ βασιλεῖς, πλὴν οὐ τετράγωνόν γε τῷ σχήματι, καθάπερ ἐκεῖνα ἦν, ἀλλ´ ἡμικύκλιον. τὰ δὲ τοιαῦτα τῶν ἀμφιεσμάτων Ῥωμαῖοι μὲν τόγας, Ἕλληνες δὲ τήβεννον καλοῦσιν, οὐκ οἶδ´ ὁπόθεν μαθόντες· Ἑλληνικὸν γὰρ οὐ φαίνεταί μοι τοὔνομα εἶναι. ὡς δέ τινες ἱστοροῦσι καὶ τοὺς δώδεκα πελέκεις ἐκόμισαν αὐτῷ λαβόντες ἐξ ἑκάστης πόλεως ἕνα. Τυρρηνικὸν γὰρ εἶναι ἔθος δοκεῖ ἑκάστου τῶν κατὰ πόλιν βασιλέων ἕνα προηγεῖσθαι ῥαβδοφόρον ἅμα τῇ δέσμῃ τῶν ῥάβδων πέλεκυν φέροντα· εἰ δὲ κοινὴ γίνοιτο τῶν δώδεκα πόλεων στρατεία, τοὺς δώδεκα πελέκεις ἑνὶ παραδίδοσθαι τῷ λαβόντι τὴν αὐτοκράτορα ἀρχήν. οὐ μὴν ἅπαντές γε συμφέρονται τοῖς ταῦτα λέγουσιν, ἀλλὰ παλαίτερον ἔτι τῆς Ταρκυνίου δυναστείας πελέκεις δώδεκα πρὸ τῶν βασιλέων φέρεσθαί φασι, καταστήσασθαι δὲ τὸ ἔθος τοῦτο Ῥωμύλον εὐθὺς ἅμα τῷ παραλαβεῖν τὴν ἀρχήν. οὐθὲν δὲ κωλύει τὸ μὲν εὕρημα Τυρρηνῶν εἶναι, χρήσασθαι δ´ αὐτῷ πρῶτον Ῥωμύλον παρ´ ἐκείνων λαβόντα, κομισθῆναι δὲ Ταρκυνίῳ σὺν τοῖς ἄλλοις κόσμοις βασιλικοῖς καὶ τοὺς δώδεκα πελέκεις, ὥσπερ γε καὶ νῦν Ῥωμαῖοι τὰ σκῆπτρα καὶ τὰ διαδήματα δωροῦνται τοῖς βασιλεῦσι βεβαιοῦντες αὐτοῖς τὰς ἐξουσίας, ἐπεὶ καὶ μὴ λαβόντες γε παρ´ ἐκείνων ἔχουσιν αὐτά.

Traduction

Ayant reçu cette réponse, les ambassadeurs s’en allèrent, et quelques jours plus tard, ils étaient là, porteurs non seulement de simples discours, mais aussi des insignes du pouvoir, avec lesquels ils honoraient leurs rois, apportant une couronne d’or, un trône d’ivoire, un sceptre ayant un aigle au sommet, un manteau pourpre brodé d’or, une cape brodée de pourpre comme en portaient les rois de Lydie et de Perse, sauf qu’elle n’était pas de forme rectangulaire comme la leur, mais en demi-cercle. Ce genre de vêtement, les Romains l’appellent « toge », et les Grecs « tébenne », je ne sais d’où ils l’ont appris ; car ce nom ne me semble pas être grec. Selon certains historiens, ils lui apportèrent aussi les douze haches, une pour chaque cité. En effet, cela semble être une coutume étrusque, qu’un licteur précède chacun des rois de chaque cité, portant une hache en même temps que le paquet de tiges ; s’il y a une expédition commune des douze cités, celui qui reçoit les pleins pouvoirs se voit attribuer seul les douze haches. Mais tous ne sont pas d’accord avec ceux qui disent cela, mais il affirment que le fait de porter douze hache devant les rois est encore plus ancien que la dynastie des Tarquins, et que cette coutume avait été instaurée par Romulus dès sa prise de pouvoir. Mais rien n’empêche que cette trouvaille soit celle des Étrusques, et que Romulus s’en soit servi le premier en l’ayant reçue d’eux, et qu’elle ait été apportée à Tarquin avec les autres ornements royaux et les douze haches, comme maintenant les Romains font présent de sceptres et de diadèmes aux rois pour confirmer leur pouvoir, même s’ils les possèdent sans les avoir reçus d’eux.