Relever et classer les épithètes

Nous avons recopié ici le texte de Milan Kundera.

C'est à l'aube de l'antique culture grecque qu'est née "L'Odyssée", l'épopée fondatrice de la nostalgie. Soulignons-le : Ulysse, le plus grand aventurier de tous les temps, est aussi le plus grand nostalgique. Il alla (sans grand plaisir) à la guerre de Troie où il resta dix ans. Puis il se hâta de retourner à son Ithaque natale mais les intrigues des dieux prolongèrent son périple d'abord de trois années bourrées d'événements les plus fantasques, puis de sept autres années qu'il passa, otage et amant, chez la déesse Calypso qui, amoureuse, ne le laissait pas partir de son île.

Au cinquième chant de "L'Odyssée", Ulysse lui dit : "Toute sage qu'elle est, je sais qu'auprès de toi, Pénélope serait sans grandeur ni beauté... Et pourtant le seul vœu que chaque jour je fasse est de rentrer là-bas, de voir en mon logis la journée du retour !" Et Homère continue : "Comme Ulysse parlait, le soleil se coucha ; le crépuscule vint : sous la voûte, au profond de la grotte, ils rentrèrent pour rester dans les bras l'un de l'autre à s'aimer."

Rien de comparable à la vie de la pauvre émigrée qu'avait été Irena1 pendant longtemps. Ulysse vécut chez Calypso une vraie dolce vita, vie aisée, vie de joies. Pourtant, entre la dolce vita à l'étranger et le retour risqué à la maison, il choisit le retour. À l'exploration passionnée de l'inconnu (l'aventure), il préféra l'apothéose du connu (le retour). À l'infini (car l'aventure ne prétend jamais finir), il préféra la fin (car le retour est la réconciliation avec la finitude de la vie).

Sans le réveiller, les marins de Phéacie déposèrent Ulysse dans des draps sur la rive d'Ithaque, au pied d'un olivier, et partirent. Telle fut la fin du voyage. Il dormait, épuisé. Quand il se réveilla, il ne savait pas où il était. Puis Athéna écarta la brume de ses yeux et ce fut l'ivresse ; l'ivresse du Grand Retour ; l'extase du connu ; la musique qui fit vibrer l'air entre la terre et le ciel : il vit la rade qu'il connaissait depuis son enfance, la montagne qui la surplombait, et il caressa le vieil olivier pour s'assurer qu'il était resté tel qu'il était vingt ans plus tôt.

Question

Relevez tous les adjectifs épithètes du passage, et classez-les.

Solution

Adjectifs gradables

Adjectifs non gradables

antique

grand (4 occurrences)

fantasques

comparable

pauvre

vraie (2 occurrences)

aisée

dolce

risqué

passionnée

vieil

grecque

fondatrice

natale

autres

cinquième

seul

On notera plusieurs faits :

  • l'épithète "comparable" se rapporte au pronom indéfini "rien" ; mais celui-ci ne peut se construire directement ; il lui est donc lié par la préposition "de" ;

  • l'épithète "fondatrice" a elle-même un complément : fondatrice de la nostalgie ;

  • "seul" est gradable quand il indique un degré de solitude : un homme est "seul, très seul, plus seul que..." ; il devient non-gradable quand il indique l'unicité d'un objet, comme ici : "le seul vœu" est synonyme de "le vœu unique".