Tristan L'Hermite (1601-1655)

BIOGRAPHIE

NB : Nous nous appuyons sur le travail de Sandrine Berregard (voir bibliographie)

Enfance et premières œuvres : la poésie.

1601 : François L'Hermite, dit Tristan, naît au château du Solier, dans la Marche. Fils de Pierre L'Hermite, descendant probable de Tristan L'Hermite, grand prévôt de France sous Louis XI, il appartient à une noblesse ancienne, mais désargentée. Il a deux frères plus jeunes : Jean-Baptiste, qui publiera une "clé" du Page Disgracié, et Séverin, qui mourra au siège de Royan.

1606 : son père le présente à Henri IV, qui décide de l'attacher comme page à son fils naturel, Henri de Verneuil.

Il passe ensuite au service de Nicolas, puis Scévole de Sainte-Marthe, devient secrétaire du marquis de Villars, et participe en 1620 et 1621 aux campagnes de Louis XIII contre les Huguenots du Sud-ouest. C'est ce qu'il raconte, en le romançant, dans le Page disgrâcié.

1622 : il entre au service de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, et y restera jusqu'en 1634.

1625 : il commence une carrière de poète, avec La Maison d'Astrée (ode) ; puis il participe à des recueils collectifs.

1627 :  La Mer, en l'honneur de Gaston d'Orléans (reprise en 1648 dans les Vers Héroïques) ; Tristan est alors proche de l'inspiration de Saint-Amant (La Solitude, et surtout Le Contemplateur)

1629-1630 : il écrit des épitaphes et des consolations : Consolation à Marie de Gonzague, qui sera reprise dans La Lyre ; il s'inspire aussi de la pastorale dans la Plainte de l'Illustre pasteur.

1633 : Les Plaintes d'Acante (poèmes) est son premier recueil personnel ; son inspiration est à la fois élégiaque, galante et funèbre. On y retrouve l'influence de Pétrarque (mais sans la dimension philosophique néo-platonicienne) et de Marino : les "concetti", idée ingénieuse disséminée dans tout le poème, y sont nombreuses ; c'est un aspect important du maniérisme. L'héritage de Malherbe est également perceptible dans les formes : stances, odes, sonnets, sizains d'octosyllabes ou hétérométriques, dizains d'octosyllabes... Ce recueil contient deux poèmes très célèbres : "Les Plaintes d'Acante", qui donneront naissance au personnage de Tristan comme "poète mélancolique", et "Le Promenoir des deux amants".

1634 : il s'éloigne, pour des raisons mal élucidées, de Gaston d'Orléans, se lie avec les Béjart, proches de Molière. Il écrit Les Terreurs nocturnes, poème narratif et fantaisiste en dizains d'heptasyllabes, dédié à Marguerite de Lorraine. 

1636-1644 : Tristan polygraphe.

1636 : Marianne, tragédie parue la même année que le Cid, et qui connaît un grand succès ; en ces années 1630, le théâtre connaît une vague immense, et l'on débat des règles : les Modernes préfèrent la tragi-comédie, plus libre, et les Anciens défendent les règles. En 1634, Rotrou crée Hercule mourant ; la Sophonisbe de Mairet est la première tragédie parfaitement régulière. En 1635 paraissent La Mort de César de Scudéry, Médée de Corneille et la Mort de Mithridate de La Calprenède. La première pièce de Tristan respecte à peu près les règles, et l'on a pu voir en lui un précurseur de Racine.

1637 : il traduit du latin les Principes de Cosmographie du mathématicien Viète, ce qui traduit son intérêt pour cette science.

1638 : Panthée (tragédie), qui est un échec. Il abandonne momentanément le théâtre, et revient à la poésie avec Les Amours de Tristan, où l'on reconnaît l'influence de Pétrarque, de Ronsard, des "concetti" marinistes et de Malherbe.

1640-1642 : il revient brièvement à la cour de Gaston d'Orléans

1641 : La Lyre de Sieur Tristan est un recueil polygraphique, contenant des poèmes officiels (louanges, requêtes...), des pièces galantes et mondaines, des poèmes inspirés par l'Anthologie grecque, des vers funèbres, des poèmes amoureux et enfin des poèmes moraux et philosophiques. La polygraphie traduit la volonté de plaire à un large public, en particulier aux salons – Tristan fréquente celui de Rambouillet – Mais le public s'est détourné de la poésie, et s'intéresse surtout au théâtre : La Lyre connaît un succès mitigé.

1642 : Lettres mêlées (prose) : depuis les Lettres de Guez de Balzac (1624), le genre épistolaire connaît un vif succès. Une partie des Lettres mêlées sont fictives, d'autres ont un caractère autobiographique, telles que les lettres 71 (à Théophile de Viau), 79, 83...

1643 : Plaidoyers historiques (prose) et Le Page disgracié (roman)

1644-1648 : désir d'indépendance.

1644 : La Folie du sage (tragi-comédie) et La Mort de Sénèque (tragédie) ; la tragi-comédie est alors un genre en déclin, et qui tend à se rapprocher des règles de la tragédie ; seule diffère la fin, heureuse. Tristan en donne lui-même une définition dans le Page Disgracié (p. 92, chapitre I, 27) : "ces pièces de théâtre où la sérénité suit l'orage, et dont le commencement est mêlé de matières de troubles et d'inquiétudes, la plupart du reste plein de péril et de douleur, mais qui finissent toujours en joie."

1645 : La Mort de Chrispe (tragédie)

1646 : Tristan est au service du duc de Guise, mais celui-ci part à Rome faire annuler son mariage, puis est fait prisonnier des Espagnols en 1648 : Tristan se retrouve presque sans ressources. Il publie L'Office de la Sainte Vierge : pour démentir sa réputation de libertin, ou tout simplement par désir d'explorer une voie nouvelle pour lui ?

1647 : La Mort du Grand Osman (tragédie)

1648 : Vers Héroïques (poèmes) : les trois thèmes principaux sont l'héroïsme, l'amour et la mort, mais le recueil obéit à une esthétique de la diversité. On y trouve une dimension autobiographique, ainsi que des pièces burlesques (XXIV, XCVI, CXXVII) qui en font une continuation du Page disgracié.

1649-1655 : une consécration tardive

1649 : Le chancelier Séguier, devenu son protecteur, le fait élire à l'Académie française. Une consécration bien tardive, et qui le laisse un peu amer.

1650-51 : à la fin de la fronde, le roi revient à Paris ; le duc de Guise regagne aussi Paris, et Tristan retourne à son service. Amaryllis (pastorale) est une réécriture de la Célimène de Rotrou, faite après la mort de celui-ci (1650) à la demande de ses amis. Il expérimente ainsi un genre inédit pour lui, au moment où celui-ci, tombé en désuétude, connaît dans ces années un regain de faveur. Sa pièce est donc un succès.

1653 : Le Parasite (comédie) appartient encore à un genre inédit pour Tristan, mais ancien, puisqu'il remonte à la comédie latine et italienne ; le personnage-titre figurait déjà dans les Vers Héroïques (I, 3). Ce genre de comédie a alors des adeptes, notamment Rotrou avec Clarice (1643) et La Sœur (1647); elle sera reprise quelque dix ans plus tard par Quinault et Molière (Les Fourberies de Scapin, 1671). Profitant de la vogue de la poésie à cette époque, Tristan connaît un certain succès.

1654 : Le duc de Guise devient le mécène, et non plus le maître de Tristan : c'est une seconde consécration, fondée sur la reconnaissance mutuelle, et non sur l'échange de services. Il publie encore quelques poèmes épars, de circonstance ou dans des recueils collectifs.

1655 : il meurt de phtisie le 7 septembre, à l'hôtel de Guise.

C'est peut-être à lui que pense Boileau lorsqu'il publie sa première Satire, en 1666 :

Damon, ce grand auteur, dont la muse fertile
Amusa si longtemps et la cour et la ville,
Mais qui, n'étant vêtu que de simple bureau,
Passe l'été sans linge et l'hiver sans manteau;
Et de qui le corps sec et la mine affamée
N'en sont pas mieux refait pour tant de renommée;
Las de perdre en rimant et sa peine et son bien,
D'emprunter en tous lieux et de ne gagner rien,
Sans habits, sans argent, ne sachant plus que faire,
Vient de s'enfuir, chargé de sa seule misère...

Bibliographie :

Les oeuvres de Tristan :

Études sur Tristan :