1801-1825 | règne d'Alexandre Ier. Le Tsar choisit le camp de l'alliance contre Napoléon, et participe à deux coalitions. |
1807-1812 | Entrevue des deux Empereurs, et paix de Tilsitt. Alexandre Ier en profite pour attaquer la Suède et annexer la Finlande. |
1812-1814 | Reprise des hostilités entre la France et l'Empire ; campagne de Russie, qui s'achève par la débâcle française. Les troupes russes poursuivent les Français jusqu'à Paris avec les Prussiens. |
1825-1855 | Règne du très conservateur Nicolas Ier. |
Décembre 1825 | Insurrection décembriste. |
1826-27 | Guerre contre la Perse : la Russie conquiert les provinces arméniennes du Nagorno-Karabakh et du Nakhichevan ; 35 000 Arméniens s'installent en Russie. |
1830 | Les troupes russes interviennent pour écraser l'insurrection polonaise |
1846 | Les troupes russes écrasent l'insurrection de Cracovie ; Nicolas Ier persuade l'Empereur austro-hongrois de rattacher ce dernier lambeau de Pologne libre à son empire. |
1848 | Nicolas Ier aide le sultan ottoman à résister à la révolte des principautés roumaines de Moldavie et de Valachie. |
1849 | Nicolas Ier aide l'empereur Autrichien contre la révolte hongroise. |
1853-1856 | Guerre de Crimée, qui se termine par le siège de Sébastopol (sept 1854) ; chute de Sébastopol (sept 1855) |
1856-1881 | règne d'Alexandre II, qui succède à Nicolas Ier |
1861 | Suppression du servage ; promotion de l'enseignement primaire et secondaire ; allègement de la censure |
1863 | insurrection polonaise, durement réprimée |
1864 | réformes juridiques ; administration locale (zemtsvos) des gouvernements et des districts |
1877-1881 | procès contre les nihilistes |
1879 | Plékhanov condamne l'action individuelle des nihilistes, et introduit le marxisme en Russie |
1881 | Assassinat d'Alexandre II |
1881-1894 | Règne d'Alexandre III, retour à une brutale autocratie appuyée par l'Eglise et la police |
1881 | Fondation de l'Okhrana, police politique agissant par des agents provocateurs. Russification brutale dans les régions frontalières |
1881-1882 | progroms contre les juifs |
1894-1917 | règne de Nicolas II, qui reste fidèle à l'autocratie de son prédécesseur |
1898 | Fondation du parti ouvrier social-démocrate |
1903 | Le parti ouvrier social démocrate se divise en "mencheviks" et "bolcheviks", ces derniers dirigés par Lénine |
1904-1905 | Première guerre russo-japonaise |
1905 | Première révolution russe |
Au sortir du XVIIIème siècle, la Russie avait accompli des progrès considérables, sous l'influence de Tsars comme Pierre le Grand ou Catherine II. Mais ces progrès portaient la marque d'une forte influence occidentale, ce qui ne pouvait que chagriner l'esprit nationaliste, et susciter des résistances...
La première moitié du XIXème siècle se partage entre deux règnes : celui d'Alexandre 1er et celui de Nicolas 1er.
Alexandre 1er a seulement 23 ans lorsqu'il succède à son père, Paul 1er, après la déposition et l'assassinat de celui-ci. C'est un jeune homme énigmatique et plein de contradictions.
Dès son accession au trône, Alexandre 1er, éduqué par sa grand-mère Catherine II, donne au régime un tournant plutôt libéral. Il commence par rapporter les mesures de Paul 1er restreignant les voyages à l'étranger et l'entrée des livres et périodiques européens en Russie, relâche la censure, autorise les éditeurs privés, supprime la question préalable... On lui prête même l'intention d'abolir l'autocratie et le servage – deux réformes qui n'aboutirent pas.
Des réformes importantes furent engagées :
La seconde période de réformes entreprises par Alexandre 1er coïncide avec l'alliance franco-russe (1807-1812) ; elle est marquée par l'influence de Michel Spéranski (1772-1839), collaborateur de l'empereur. Celui-ci soumet au Tsar, en 1807, un projet complet de constitution, mais celui-ci ne fut jamais appliqué. Tout au plus fut-il créé un "conseil d'État" sur le modèle français. Mais ce Conseil, destiné à aider le souverain dans son travail législatif, sans limiter en rien ses pouvoirs, se montra extrêmement conservateur.
Pour des raisons à la fois dynastiques (les liens avec les monarchies anglaise et austro-hongroise), politiques et stratégiques, Alexandre 1er considère Napoléon comme une menace : il se rallie donc à la troisième coalition et entre dans la guerre. Le 2 décembre 1805, la bataille d'Austerlitz met les Autrichiens hors de combat ; la Russie continue la lutte avec un nouvel allié, la Prusse, qui sera défaite à son tour à Iéna et Auerstadt ; l'armée russe subit quant à elle une défaite cinglante à Friedland. Alexandre 1er signe alors la paix de Tilsit.
Libéré de la menace napoléonienne, Alexandre 1er en profite pour étendre son Empire : annexion de la Géorgie, guerre contre la Perse et conquête du Daghestan, conquête de la Bessarabie sur la Turquie, annexion de la Finlande, érigée en grand-duché autonome, dont le Tsar était le grand-duc, extension des territoires russes en Alaska et dans le nord de la Californie.
Cependant la tension croissait sans cesse entre Napoléon 1er et Alexandre 1er, rivaux pour la domination du continent européen.
La résistance des Russes se révèle bien plus solide que Napoléon ne l'avait prévu. Des batailles sanglantes eurent lieu à Smolensk, puis à Borodino, sous le commandement de Koutouzov. Si Napoléon parvint bien à gagner Moscou le 14 septembre, il n'obtint pas la paix, et Moscou, essentiellement construite en bois, fut incendiée. Isolé, Napoléon dut se résoudre à se retirer ; la retraite, compliquée par un hiver précoce et particulièrement rigoureux, commença le 19 octobre et se transforma rapidement en déroute. Fin novembre, ce fut la traversée de la Bérézina. Sur les 600 000 hommes qui avaient envahi la Russie, 35 000 à 50 000 seulement réussirent à s'échapper.
Cette guerre devint une véritable épopée nationale, comme en témoigne, entre autres, Guerre et paix, de Léon Tolstoï. Si les erreurs de l'armée française – en particulier l'incapacité à assurer l'intendance sur une ligne de front aussi étendue – expliquent en partie la défaite de Napoléon, ce fut une véritable "guerre patriotique" : à la détermination d'Alexandre 1er, de ses généraux, en particulier Koutouzov, s'ajouta celle de la population toute entière, et notamment des paysans, qui pour la première fois dans l'Histoire (à l'exception de l'Espagne), livrèrent des actions de guérilla par leurs propres moyens.
La bataille de Leipzig, dite "bataille des nations", réunit la Russie, la Prusse, l'Autriche, la Suède, la Grande-Bretagne ; à la fin de l'année 1813, les Alliés entrent en France, et le 31 mars 1814, Paris est occupé. Napoléon dut abdiquer sans condition et s'exiler sur l'île d'Elbe. Son retour temporaire, durant les Cent jours, ne changea en rien les projets du Congrès de Vienne (septembre 1814-8 juin 1815).
Si la Russie obtient bien un royaume de Pologne (dont le Tsar occupe le trône), elle est plus petite que prévu, la Prusse s'étant emparée des trois cinquième de la Saxe, et l'Autriche ayant récupéré la Galicie.
Alexandre 1er tente alors d'initier une véritable Alliance européenne, destinée à contrer toute révolution en Europe ; il alla jusqu'à proposer une forme de fédéralisme, et même une armée internationale ; mais des dissensions apparurent rapidement, l'Angleterre condamnant fermement toute forme d'intervention dans les affaires intérieures d'un autre État. Bien que violemment réactionnaire, et contraire au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la tentative d'Alexandre 1er peut néanmoins être considérée comme un embryon de gouvernance européenne.
Auprès de l'empereur, à Spéranski, libéral et francophile, avait succédé le général Araktchéïev, brutal et réactionnaire. Ce dernier fut l'inventeur des "colonies militaires", dans lesquelles les soldats, en temps de paix, étaient convertis en agriculteurs, et pouvaient se marier. Mais ils étaient soumis à des règlement si tatillons que de nombreuses révoltes éclatèrent, noyées dans le sang. Cette réforme fut abandonnée dès la mort de Tsar.
L'éducation, qui échappait à l'influence d'Araktchéïev, tomba sous la coupe de Golitsyne, mystique et piétiste ; celui-ci voulut réformer les Universités en expurgeant les bibliothèques et en limitant le savoir à la seule Bible !
Il s'agit d'un mouvement de jeunes Aristocrates libéraux, officiers dans l'armée russe. Déçus par les dernières années du règne d'Alexandre 1er, ils souhaitaient des réformes très libérales ; mais ils étaient isolés dans la société russe, à cause de l'ignorance et de l'impuissance des classes moyennes.
La mort soudaine d'Alexandre 1er, en décembre 1825, leur parut le moment d'agir ; sans descendants directs, le Tsar laissait le trône à l'un de ses frères ; mais l'aîné, Constantin, avait renoncé à ses droits sur la couronne. Ce fut donc le second frère, Nicolas, qui prit le pouvoir. Mais les "décembristes" voulurent profiter de la situation pour s'emparer du pouvoir ; mais l'insurrection fut dispersée par l'artillerie, et de nombreuses arrestations s'ensuivirent : le mouvement avait vécu, et Nicolas 1er se trouvait solidement installé sur le trône.
Militaire dans l'âme, élevé dans la haine des idées libérales, Nicolas 1er est à l'opposé de son frère aîné. Marié à une princesse prussienne, il est très proche de sa belle-famille, les Hohenzollern. Et c'est un fervent partisan de l'autocratie et de l'orthodoxie religieuse. Il établit donc un pouvoir militaire et bureaucratique.
Méfiant à l'égard de tout ce qui pouvait réduire son pouvoir, Nicolas 1er vida de leur contenu à la fois le Sénat, le Conseil d'État et les ministères ; il gouverna par des "comités" ad hoc, créés et dirigés par lui-même, et qui se caractérisèrent par leur totale inefficacité. Il créa également un Secrétariat particulier de Sa Majesté, plus efficace, divisé en "sections", dont la troisième constitua une véritable police politique capable d'intervenir partout, et sur tous les sujets : vie de famille, transsactions commerciales, mais aussi surveillance de la vie littéraire... La "troisième section" ne tarda pas à entrer en conflit avec la police officielle, et à accumuler les bévues ; elle témoignait cependant de la volonté du Tsar de contrôler dans les moindres détails la vie et les pensées de l'ensemble de la population.
Craignant par dessus tout un changement de l'ordre établi, qui pouvait amener une Révolution, Nicolas 1er ne put se résoudre à abolir le servage, bien qu'il comprît quelle misère il engendrait. De façon générale, il fut incapable des moindres réformes de fond. On peut noter cependant quelques réalisations :
Après 1848, Nicolas 1er, épouvanté par les Révolutions en Europe, s'enfonça totalement dans la réaction. Les voyages à l'étranger furent interdits, surtout pour les étudiants et les professeurs ; l'autonomie des Universités fut suspendue, et l'enseignement profondément revu, dans un sens obscurantiste (la logique et la psychologie furent enseignées par des théologiens, la philosophie disparut des programmes...) ; la censure prit des proportions hallucinantes.
partisan fanatique de l'autocratie dans son pays, Nicolas 1er se voulut aussi le "gendarme de l'Europe", déterminé à écraser toute forme de révolte. En 1833, il fut à l'origine d'un rapprochement entre les trois monarchies russe, prussienne et autrichienne qui aboutit à la "convention de Berlin" : tout souverain qui se sentirait menacé par des troubles intérieurs peut faire appel à l'intervention d'un autre monarque. Il ne put rien contre la Révolution française de 1848 (d'ailleurs, il n'aimait guère "l'usurpateur" Louis-Philippe), mais le mouvement gagna la Prusse et l'Autriche ; Nicolas 1er aida financièrement l'Autriche, intervint militairement en Moldavie et en Valachie, et surtout combattit avec une armée la révolution hongroise.
Cependant, si dans un premier temps il jouit d'un incontestable prestige, il s'aliéna durablement l'opinion publique européenne et indisposa même certains de ses alliés par sa brutalité et son intransigeance.
Nicolas 1er, ayant signé un accord avec la Grande-Bretagne à propos du maintien, et éventuellement du partage de l'empire Ottoman, était persuadé que sa politique proche-orientale était soutenue en Europe.
En 1850, un conflit religieux éclata entre la Turquie et la Russie, à propos des communautés orthodoxes de l'Empire ottoman. Nicolas 1er réagit avec brutalité ; après d'âpres négociations, la guerre éclata en 1853 ; le 30 novembre, les Russes anéantirent une escadre turque au large de Sinope ; or il était convenu que le Bosphore et les Dardanelles devraient rester fermés à tout navire de guerre étranger... En mars 1854, la Grande- Bretagne et la France s'allièrent à l'empire Ottoman, et le Piémont-Sardaigne les rejoignit l'année suivante : la Russie se retrouvait seule.
Les combats se déroulèrent essentiellement en Crimée, notamment autour de Sébastopol ; ils mirent en évidence à la fois l'impéritie de l'armée de Nicolas 1er, et l'héroïsme des défenseurs de la flotte de la mer Noire, et de la ville.
En mars 1855, Nicolas 1er mourut ; son successeur abandonna Sébastopol dès le début de 1856.
Fondée sur le servage, l'agriculture était peu susceptible d'évoluer, malgré l'accroissement de la demande et un début d'exportation; la Noblesse, seule autorisée à posséder des serfs, est terriblement endettée envers l'État ; la proportion de terres appartenant à des roturiers augmente. Les petits propriétaires s'appauvrissent. Les serfs, illettrés, non qualifiés, dépourvus de tout stimulant, ne pouvaient guère se montrer productifs ; aussi, à partir de 1840, la corvée (barchtchina, travail dû au propriétaire) tend à diminuer au profit du cens (obrok, redevance due au propriétaire) : une fois sa redevance payée, ce que gagnait le paysan lui revenait. Il pouvait même aller travailler ailleurs, chez un autre propriétaire ou en usine.
Quelques progrès apparaissent : certains domaines s'équipent de machines agricoles, utilisent des engrais et accroissent leur production. Les cultures se diversifient : céréales (froment, seigle), mais aussi des produits nouveaux : pommes de terre, raisin, betteraves à sucre. En 1803, on introduit en Russie une nouvelle race de mouton, qui produit de la laine de bonne qualité : le nombre de bêtes passe de 150 000 en 1812 à 9 millions en 1853.
Là aussi, l'économie de marché s'accroit. Le nombre de manufactures employant plus de 15 ouvriers double entre 1800 et 1860, passant de 1200 à 2818. La main d'œuvre augmente encore plus vite (100 à 200 000 en 1800, 500à 900 000 en 1860). C'est l'industrie du coton qui croît le plus vite ; et elle emploie des travailleurs libres, non des serfs.
Dans le second quart du siècle, l'emploi de la machine, essentiellement importées, et de la vapeur se généralisa.
Cependant, cet embryon d'industrie était confiné dans quelques grandes villes : Moscou, Saint-Pétersbourg, et la région de l'Oural et celle de la Baltique. Le reste de la Russie était un désert industriel.
Le commerce se développe ; certaines régions se spécialisent. Le Nord et le Centre échangent des produits industriels et artisanaux contre les céréales du Sud ; le Nord-Ouest produit du lin pour tout le pays ; l'Ukraine devient célèbre pour ses chevaux. Peu à peu, le paysan achète ses vêtements, au lieu de les produire à la maison.
Les foires se développent, comme celle de Nijni-Novgorod
Les transports s'améliorent ; ils sont essentiellement fluviaux – en particulier grâce aux nombreux canaux construits entre 1804 et 1810 ; en 1820 fut mis en place un service régulier de bateaux à vapeur sur la Volga. Mais il faudra attendre 1851 pour la première ligne de chemin de fer entre Moscou et Saint-Pétersbourg.
Cependant, le réseau de transports demeura notoirement insuffisant, en particulier les routes ; la défaite de Crimée s'explique notamment par l'incapacité de l'armée russe à communiquer avec ses bases.
Les échanges extérieurs croissent notablement : la Russie exporte essentiellement des produits bruts (bois, chanvre, lin, suif, céréales) ; le commerce des céréales par la mer Noire permit le développement de grands ports, comme Odessa ou Tarangog. Elle exportait peu de produits manufacturés (vers la Turquie, l'Asie centrale et la Chine), importait des produits tropicaux (fruits, café) et des machines.
La population russe s'accroît durant toute cette période :
Le nombre de serfs s'est accru durant tout le XVIIIème siècle, pour atteindre en 1811 le chiffre énorme de 58 % de la population totale en 1811 (soit environ 25 millions de serfs !) ; il se stabilisera ensuite autout de 45 %.
Les serfs, écrasés d'obligations, menaient une vie misérable.
Elle ne cesse de croître, mais reste très minoritaire : 4,1 % en 1800, 7,8 % en 1851.
Elle a connu son âge d'or sous Catherine II, mais elle décline et se différencie : à de grands propriétaires prospères s'oppose une masse de Nobles appauvris, incapables de s'adapter à l'économie de marché, endettés et parfois même indigents.
Si la Russie a connu quelques progrès, elle restait très arriérée par rapport aux autres États européens ; son industrie pesait peu et devait être protégée par des droits de douane très élevés ; la classe urbaine restait extrêmement faible, les transports totalement insuffisants, et l'armée russe était sous-équipée par rapport à ses adversaires.
Après la catastrophe de 1825, c’est Moscou qui devient, par opposition à Pétersbourg, la ville officielle et bureaucratique, le vrai centre de l’idéalisme et du libéralisme russes. On y crée de nombreux foyers intellectuels, cercles universitaires, salons et cafés littéraires. La vie intellectuelle n'est plus l'apanage exclusif d'une aristocratie ; elle tend à se démocratiser. De nombreux périodiques apparaissent alors. Ainsi, la période postdécembriste marque le début de l’histoire du journalisme russe : grâce aux efforts des journalistes de cette époque (gênés par la censure) se forge une opinion publique littéraire. Là encore, l’opposition entre Moscou et Pétersbourg est nette : une grande quantité de revues, brouillonnes, mais libres et pleines d’enthousiasme libéral, surgissent dans l’ancienne capitale tandis que, à quelques exceptions près comme Le Journal littéraire (où Gogol commence à être publié) puis Le Contemporain de Pouchkine (où paraîtra en 1836 « Le Nez »), la presse docile au pouvoir bénéficie d’un quasi monopole dans la capitale. Les années trente voient ainsi émerger un nouveau type d’auteur, s’adressant non pas à quelques-uns mais à tous. C’est dans ce contexte de renaissance et d’attente d’une littérature engagée et recherchant de nouveaux genres que s’inscrivent Les Nouvelles de Pétersbourg de Gogol. Si la période d’avant 1825, nommée “l’âge d’or de la poésie russe”, avait vu apparaître de grands poètes comme Pouchkine, dans les années trente, le besoin d’œuvres en prose se fait sentir.
Alexandre 1er puis Nicolas 1er développèrent l'enseignement ; le premier créa des universités et des écoles ; le second, tout en soumettant étudiants et professeurs à une surveillance tâtillonne jusqu'à l'absurde, développa des instituts spécialisés et améliora les conditions matérielles de l'enseignement. Cependant, celui-ci restait l'apanage d'une très mince frange de la population.
La doctrine officielle
Surtout prônée par Nicolas 1er, elle représentait le point de vue de la réaction. Elle pouvait, d'une certaine manière, témoigner de l'influence, en Russie, du Romantisme allemand. La pensée indépendante, qui s'oppose à elle, va être représentée par deux courants :
Les slavophiles
Ce groupe, composé de grands propriétaires fonciers instruits, tels qu' Alexis Komiakov, Constantin Aksakov, spécialiste de l'histoire et de la langue russes, ou encore de Georges Samarine, qui contribua à l'émancipation des serfs, fut actif entre 1840 et 1860 ; il privilégiait l'harmonie et la paix entre les hommes, et l'orthodoxie ; il rejetait les contraintes, notamment le rationalisme (et l'église catholique, coupable d'avoir préféré le rationalisme). Il fallait donc revenir sur l'Occidentalisation due à Pierre le grand. Ce rejet des Lumières fait du mouvement slavophile l'héritier du Romantisme européen. Dans la Russie de Nicolas 1er, ils s'opposèrent à la censure, à la bureaucratie, à l'interventionnisme du gouvernement dans la vie quotidienne.
Les Occidentaux
Ils s'opposent aux premiers, tout en étant divers et sans unité. D'abord modérés, comme Nicolas Stankévitch ou Timothée Granovski (1813-1855), professeur à l'Université de Moscou, ils se radicalisèrent ensuite.
Vissarion Bélinski (1811-1848) fut un très brillant critique littéraire, qui introduisit les critères sociaux et politiques dans le jugement des œuvres d'art.
Alexandre Herzen (1812-1870) fut journaliste engagé, souvent à l'étranger : il quitta la Russie en 1847. Son autobiographie, Passé et méditations, est restée célèbre
Michel Bakounine (1814-1876), enfin ; on le considère comme le père du nihilisme
L'architecture fut surtout néo-classique sous Alexandre 1er, plus éclectique sous Nicolas 1er
La musique surtout progressait. Avant le 19ème siècle, il n'y avait pas véritablement de musique russe, au sens où on l'entend en Occident. La musique se limitait à une musique sacrée, liée à la liturgie orthodoxe, d'une part, et à une musique profane, quasi clandestine, et réservée aux couches populaires. Quant aux élites, elles connaissaient et pratiquaient la musique occidentale, importée.
C'est Glinka (1804-1857) qui est considéré comme le "père" de la musique russe, alliant des emprunts à la musique italienne et allemande à une parfaite connaissance des musiques populaires.
La Russie de la première moitié du XIXème siècle est donc riche de promesses, et de réalisations ; mais un gouffre sépare la mince couche de la population cultivée, de l'énorme masse inculte et pauvre. La Russie attendait ses "grandes réformes"...
Le groupe des Cinq (Cui – Balakirev – Borodine – Moussorgski –/span> Rimski-Korsakov) poursuit l'œuvre de Glinka :
Tous ces musiciens sont plus ou moins des autodidactes, à l'inverse de Tchaïkovski, qui avait fait des études dans un conservatoire à l'occidentale.
Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893)