LA BATAILLE D'AZINCOURT
:
la véritable histoire !
PETITE
CHRONOLOGIE DE LA GUERRE DE 100 ANS :
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1328 : Le dernier roi capétien, Charles IV,
meurt sans héritier mâle. Philippe de Valois, son cousin germain,
devient roi de France sous le nom de Philippe VI. Le roi d’Angleterre,
Edouard
III, dont la mère Isabelle était la s÷ur de Charles
IV, se trouve ainsi écarté du trône. Edouard III, qui
détient la Guyenne, reconnaît Philippe VI comme suzerain.
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1337 : rupture entre Edouard III et Philippe VI (ce
dernier ayant aidé l’Ecosse contre l’Angleterre).
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1339 : 1ère campagne d’Edouard III en France
: la Thiérache est ravagée, la Guyenne en état de
siège. En 1340, Edouard III prend le titre de « roi d’Angleterre
et de France ». Mais une trêve intervient.
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1346-1347 : nouvelle campagne d’Edouard III en France
: les Français sont écrasés à Crécy(cf.
Henri
V p. 131), et Calais est prise (qui restera anglaise jusqu’en 1558).
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1347-1350 : la peste noire ravage l’Europe
; en Angleterre et en France, entre 1/8 et 1/3 de la population périt
; c'est la pire catastrophe démographique que l’Europe médiévale
ait connue.
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1350 : mort de Philippe VI, remplacé par Jean
le Bon.
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1355 : chevauchée du Prince Noir, fils
d’Edouard III, à travers le Languedoc.
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1356 : nouvelle chevauchée du Prince Noir
: Jean le Bon est battu et fait prisonnier à la bataille de Poitiers-Maupertuis.
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1357 : le dauphin Charles (18 ans) devient régent
du royaume : soulèvement du roi de Navarre allié à
la bourgeoisie parisienne, menée par le prévôt des
marchands, Étienne Marcel. Celui-ci tente de s’allier les paysans
révoltés du Beauvaisis, les « Jacques » ? qui
sont écrasés par la noblesse ; Charles rentre triomphalement
à Paris.
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1359-1360 : Paix de Brétigny : Jean le
Bon libéré contre rançon ; l’Angleterre obtient Calais
et tout le sud-ouest aquitain, de la Loire aux Pyrénées.
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1364 : mort de Jean le Bon ; règne de Charles
V.
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1369-1373 : Charles V, grâce au connétable
Du Guesclin et au duc d’Anjou, reprend une grande partie de l’Aquitaine.
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1377 : mort d’Edouard III d’Angleterre, son
petit-fils, Richard II, est mineur.
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1380 : mort de Charles V ; son fils, Charles VI
est
mineur. Le pouvoir est exercé par ses oncles, les ducs Jean de Berry,
Louis d’Anjou et Philippe de Bourgogne. Charles VI prend effectivement
le pouvoir en 1388… mais connaît son 1er accès de folie en
1392.
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1396 : Richard II d’Angleterre épouse Isabelle
de France, fille de Charles VI
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1399 : Richard II est renversé par Henri de
Lancastre, qui prend le pouvoir sous le nom d’Henri
IV : il promet à sa noblesse la
reprise de la guerre, en sommeil depuis 1389.
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1407 : guerre civile
en France entre le duc d’Orléans
et les Armagnacs, d’un côté, et Jean de Bourgogne
dit Jean sans Peur, de l’autre. Armagnacs et Bourguignons feront tour à
tour appel au roi d’Angleterre.
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1414 : le nouveau roi d’Angleterre, Henri V, reprend
les ambitions d’Edouard III : Il veut récupérer la couronne
de France ; des négociations n’aboutissent
pas.
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1415
: chevauchée d’Henri V en France, et bataille
d’Azincourt :
victoire anglaise sans résultat politique.
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1417 : Henri V débarque en France et entreprend
une conquête méthodique de la Normandie, tandis qu’Armagnacs
et Bourguignons continuent de se déchirer ; Jean sans Peur et Isabeau
de Bavière organisent un gouvernement parallèle à
celui du dauphin, le futur Charles VII, qui se retire au sud de la Loire
en 1418 ;
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1419 : entrevue de Montereau entre le Dauphin et
Jean sans Peur : celui-ci est assassiné. Son fils Philippe le Bon,
duc de Bourgogne, s’allie à Henri V.
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1420 : Traité de Troyes
:
Henri V épouse la fille de Charles VI, Catherine ; à
la mort de Charles VI, il doit devenir roi de France. En attendant, il
conserve la Normandie, et exerce de fait la régence du royaume
(Charles VI est toujours en proie à des crises de démence).
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1422 : Mort de Charles VI et d’Henri V : il
y a désormais deux rois de France, Henri VI, fils d’Henri V et de
Catherine, et Charles VII. Le duc de Bedford exerce la régence au
nom d’Henri VI, allié aux Bourguignons.
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1429-1431 : Jeanne d’Arc intervient, débloque
Orléans assiégée, et fait couronner Charles VII à
Reims
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1435 : traité d’Arras : réconciliation
du duc de Bourgogne et de Charles VII, qui désavoue le crime de
Montereau. Paris est reprise aux anglais.
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1444-1449 : trêves de Tours.
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1449-1453 : rupture des trêves de Tours : Charles
VII reconquiert la Normandie et la Guyenne ; seule Calais reste anglaise.
QUELQUES
REMARQUES HISTORIQUES :
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Il ne faut pas considérer ces guerres comme
l’affrontement de deux nations : en réalité, pour chacune
des parties en présence, il s’agit d’accroître un fief, c'est
à dire un domaine privé. D’où les renversements d’alliances.
Armagnacs et Bourguignons faisant successivement
appel au roi d’Angleterre. De la même façon, l’occupation
anglaise n’a pas été ressentie comme une occupation étrangère,
mais bien plutôt comme un moyen de rétablir l’ordre ; la faction
des Armagnacs, à laquelle appartenait le Dauphin, était très
impopulaire. Jeanne d’Arc a été huée à Paris,
et d’ailleurs, elle a été jugée et condamnée
par un tribunal français. Il faudra attendre plusieurs siècles
avant qu’elle apparaisse comme une héroïne nationale (et plus
encore pour la récupération que l’on sait !)
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Il faudra une série de maladresses du duc
de Bedford et des Bourguignons pour qu’un renversement de situation se
produise : c’est leur impuissance à assurer l’ordre qui finira par
les chasser du pouvoir. La plus grande menace pour les populations était
moins la présence anglaise (d’ailleurs réduite à une
poignée d’hommes) que les ravages des Compagnies, ces soldats
embauchés pour un temps par les Anglais, puis libérés,
et qui s’organisaient en véritables bandes armées.
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Les armées en présence n’étaient
nullement des armées nationales : de part et d'autre, sous les
ordres de seigneurs locaux, on trouvait de très nombreux mercenaires
étrangers.
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Enfin, l’idée d’une double monarchie ne choquait
pas à l’époque : la monarchie autrichienne, par exemple,
regroupait l'Autriche et la Bohème depuis le XIIIème siècle.
Il ne faut donc pas considérer la guerre
de Cent ans selon des critères qui appartiennent à une époque
plus récente : c'est elle qui a contribué à faire
naître, très progressivement, l'idée de "nation"...
une idée qui ne pouvait donc être celle des contemporains
!
SHAKESPEARE ET L’HISTOIRE :
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La distance temporelle entre Shakespeare et les événements
qu’il décrit dans Henri V n’est que de 184 ans (1415-1599) ; mais
le contexte a changé. La Réforme d’Henri VIII a exacerbé
le sentiment national anglais… Le mépris affiché à
l’égard des Français était probablement totalement
étranger à un Henri V allié au duc de Bourgogne !
d’autre part, la nécessité de resserrer l’action pour des
raisons théâtrales conduit à transformer quelque peu
les événements :
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La prise d’Harfleur a duré un mois, du 18
août au 18 septembre, et il est d'ailleurs étonnant que les
troupes françaises n’en aient pas profité pour écraser
les troupes anglaises, épuisées et minées par la dysenterie
… Fatale erreur de tactique.
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C’est le 25 octobre qu’a lieu la bataille d’Azincourt…
et elle causa 1600 morts du côté anglais. Même si les
pertes françaises furent plus fortes, on est loin des… 25 morts
anglais de la pièce !
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En outre, pour importante qu’elle fut, cette bataille
ne décida rien, puisqu’il fallut la campagne de 1417 pour aboutir
au traité de Troyes.
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Enfin, Shakespeare ne dit rien de la situation de
Charles VI : en proie à des troubles mentaux répétés,
aux prises avec une guerre civile opposant les Armagnacs au puissant duc
de Bourgogne, c’était un monarque affaibli, hésitant, peu
en état de résister efficacement à la pression anglaise.
POUR COMPLÉTER :
- L’histoire n° 150 : un dossier
intéressant et éclairant de l'historien Georges MINOIS sur
« La France sous l’occupation anglaise » (p. 20-28).
- Azincourt, dossier présenté
par Philippe CONTAMINE, dans la collection Archives, Julliard, 1964. On
peut notamment y trouver le récit de la bataille d’Azincourt par
un chroniqueur anglais de l’époque.