[…] Nam quae meritoria somnum
admittunt? Magnis opibus dormitur in Vrbe.
Inde caput morbi. Raedarum transitus arto
uicorum in flexu et stantis conuicia mandrae
eripient somnum Druso uitulisque marinis.
Si uocat officium, turba cedente uehetur
diues et ingenti curret super ora Liburna
atque obiter leget aut scribet uel dormiet intus ;
namque facit somnum clausa lectica fenestra.
Ante tamen ueniet : nobis properantibus obstat
unda prior, magno populus premit agmine lumbos
qui sequitur ; ferit hic cubito, ferit assere duro
alter, at hic tignum capiti incutit, ille metretam.
Pinguia crura luto, planta mox undique magna
calcor, et in digito clauus mihi militis haeret.
Nonne uides quanto celebretur sportula fumo ?
Centum conuiuae, sequitur sua quemque culina.
Corbulo uix ferret tot uasa ingentia, tot res
inpositas capiti, quas recto uertice portat
seruulus infelix et cursu uentilat ignem.
Scinduntur tunicae sartae modo, longa coruscat
serraco ueniente abies, atque altera pinum
plaustra uehunt ; nutant alte populoque minantur.
Nam si procubuit qui saxa Ligustica portat
axis et euersum fudit super agmina montem,
quid superest de corporibus? Quis membra, quis ossa
inuenit ? Obtritum uulgi perit omne cadauer
more animae. Domus interea secura patellas
iam lauat et bucca foculum excitat et sonat unctis
striglibus et pleno componit lintea guto.
Haec inter pueros uarie properantur, at ille
iam sedet in ripa taetrumque nouicius horret
porthmea nec sperat caenosi gurgitis alnum
infelix nec habet quem porrigat ore trientem.
Respice nunc alia ac diuersa pericula noctis :
quod spatium tectis sublimibus unde cerebrum
testa ferit, quotiens rimosa et curta fenestris
uasa cadant, quanto percussum pondere signent
et laedant silicem. Possis ignauus haberi
et subiti casus inprouidus, ad cenam si
intestatus eas : adeo tot fata, quot illa
nocte patent uigiles te praetereunte fenestrae.
Ergo optes uotumque feras miserabile tecum,
ut sint contentae patulas defundere pelues.
Ebrius ac petulans, qui nullum forte cecidit,
dat poenas, noctem patitur lugentis amicum
Pelidae, cubat in faciem, mox deinde supinus :
ergo non aliter poterit dormire ; quibusdam
somnum rixa facit. Sed quamuis inprobus annis
atque mero feruens cauet hunc quem coccina laena
uitari iubet et comitum longissimus ordo,
multum praeterea flammarum et aenea lampas.
Me, quem luna solet deducere uel breue lumen
candelae, cuius dispenso et tempero filum,
contemnit. Miserae cognosce prohoemia rixae,
si rixa est, ubi tu pulsas, ego uapulo tantum.
Stat contra starique iubet. Parere necesse est ;
nam quid agas, cum te furiosus cogat et idem
fortior? « unde uenis ? » exclamat, « cuius aceto,
cuius conche tumes ? Quis tecum sectile porrum
sutor et elixi ueruecis labra comedit?
Nil mihi respondes? Aut dic aut accipe calcem.
Ede ubi consistas, in qua te quaero proseucha? »
Dicere si temptes aliquid tacitusue recedas,
tantumdem est : feriunt pariter, uadimonia deinde
irati faciunt. Libertas pauperis haec est:
pulsatus rogat et pugnis concisus adorat
ut liceat paucis cum dentibus inde reuerti.
Nec tamen haec tantum metuas ; nam qui spoliet te
non derit clausis domibus postquam omnis ubique
fixa catenatae siluit compago tabernae […].
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En effet, quels appartements loués permettent le sommeil ?
Il faut avoir beaucoup d’argent pour dormir dans la Ville.
Là est la principale cause de nos maladies. La circulation
des voitures dans les sinuosités des rues étroites
et le vacarme des troupeaux qui n’avancent plus arracheront
le sommeil à Drusus et à des veaux marins. Si une
affaire l’appelle, le riche se fera porter à travers
la foule qui s’ouvre devant lui ; il progressera rapidement
au-dessus des têtes dans sa vaste litière
liburnienne, et, chemin faisant, il lira ou écrira ou bien
dormira à l’intérieur ; car, fenêtre
close, une litière fait dormir. Pourtant il arrivera avant
nous : à nous qui nous hâtons, le flot qui nous
précède fait obstacle, le peuple qui nous suit en
une gigantesque colonne nous presse les reins ; celui-ci nous
frappe de son coude, un autre nous frappe rudement avec une
poutre, celui-ci nous cogne la tête avec une solive,
celui-là avec une jarre. Mes jambes sont grasses de boue,
bientôt je suis piétiné par un large pied, et
un clou de soldat se plante dans mon orteil. Ne vois-tu pas par
quelle fumée on se presse autour de la sportule ? Cent
convives, chacun suivi de sa batterie de cuisine. Corbulon aurait
grand-peine à transporter tant de vases gigantesques, tant
de choses posées sur sa tête, que porte, la nuque
raide, un malheureux petit esclave, et dans sa course il avive le
feu. Voilà en lambeaux des tuniques qui venaient d’être
reprisées, sur un chariot qui s’avance oscille une
longue poutre, un autre véhicule un pin ; ils se balancent
en hauteur et menacent la foule. Si l’essieu qui transporte
des pierres de Ligurie vient à rompre et que, perdant
l’équilibre, cette montagne se déverse sur les
passants, qui reste-t-il des corps ? Qui en retrouve les membres,
qui les os ? Écrasé, le cadavre du commun disparaît
tout entier comme un souffle. Pendant ce temps, bien tranquille,
la maisonnée lave déjà les assiettes, attise
le feu en soufflant dessus, fait résonner les strigiles
huilés et, le vase à huile rempli, prépare le
linge. Les esclaves s’activent au milieu de ces préparatifs,
mais lui, déjà, est assis sur la rive, et, nouveau
venu, est horrifié par l’effroyable nocher, et il
n’espère pas, le malheureux, la barque sur le gouffre
fangeux, car il n’a pas dans sa bouche le tiers d’as à
lui tendre. Considère maintenant des périls d’une
autre sorte la nuit : le vaste espace [qui nous sépare] des
toits suspendus en l’air d’où un tesson vient
nous frapper le crâne, combien de fois des vases fêlés
et ébréchés tombent des fenêtres, de
quelle trace profonde ils marquent et entament le pavé
qu’ils frappent. On pourrait être tenu pour mou et
imprévoyant des accidents soudains, si l’on se
rendait à un dîner sans avoir fait son testament :
tant il est vrai qu’il y a autant de risques mortels, quand
tu marches, qu’il y a cette nuit-là de fenêtres
ouvertes, où l’on ne dort pas. Donc, fais des vœux
et puisse ce souhait modeste s’accomplir pour toi, qu’elles
se contentent de vider de larges chaudrons ! Un homme ivre et
agressif, qui par hasard n’a frappé personne, se sent
puni, souffre la nuit d’Achille pleurant son ami, se couche
sur le ventre, puis sur le dos : il ne pourra dormir autrement, il
y a des gens qu’une rixe fait dormir. Mais bien qu’effronté
par sa jeunesse et échauffé par le vin, il prend
garde à celui qu’un manteau écarlate, une fort
longue escorte, quantité de flambeaux et une lampe de
bronze conseillent d’éviter. Moi, qu’accompagnent
d’ordinaire la lune ou une petite lumière, dont je
règle et économise la mèche, il me méprise.
Apprends les préludes d’une fâcheuse bagarre,
si c’est une bagarre, quand on frappe, et que moi je me
contente d’encaisser. Il se plante devant moi et m’ordonne
de m’arrêter. Il faut obéir ; car que faire
quand un furieux, et en plus plus fort que toi, te contraint ?
“d’où viens-tu, hurle-t-il, chez qui es-tu allé
te gonfler de vinaigre et de fèves ? Quel savetier a mangé
avec toi son poireau coupé et son museau de mouton bouilli
? tu ne réponds rien ? Parle ou reçois un coup de
talon ! Avoue où tu as ton poste, dans quelle synagogue je
te cherche ?” Que tu essaies de dire quelque chose ou que tu
t’en ailles sans un mot, c’est pareil : ils frappent
également, et, en colère, ils vous assignent en
justice. Telle est la liberté du pauvre : frappé,
blessé à coups de poing, il demande et supplie qu’il
lui soit permis de s’en retourner avec quelques dents. Bien
d’autres mésaventures sont à redouter ; en
effet il ne manquera pas de gens pour te dépouiller quand
les maisons sont closes, quand tout partout se tait, le verrou de
la taverne barricadée étant tiré…
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