Homère, l'Odyssée

Chronologie

Repères historiques : la Grèce au temps de l'Iliade et de l'Odyssée

La question homérique

bibliographie sur Homère

Structure de l'Odyssée

Nausicaa :

Chant I

Les voyages d'Ulysse :

  • Chant IX : les Lotophages, les Cyclopes, l'Éolie, les Lestrygons
  • Chants IX-X : Circé

Calypso :

La structure de l'Odyssée :

L'odyssée se compose de trois grandes parties :

1.      chants I à IV : les voyages de Télémaque ;

2.      chants V à XII : Ulysse chez Alcinoos ;

3.      chants XIII à XXIV : le retour d'Ulysse à Itaque.

chants I à IV : les voyages de Télémaque

I

Tandis qu'Ulysse est prisonnier dans l'île de Calypso, en l'absence de Poséidon fâché contre lui (il a aveuglé son fils Polyphème), les dieux décident de son retour ; Athéna conseille à Télémaque d'aller à la recherche de son père

II

Télémaque tente en vain d'obtenir l'aide des prétendants ; il part de nuit à Pylos.

III

Nestor, roi de Pylos, n'a aucune nouvelle d'Ulysse ; il décrit à Télémaque la mort d'Agamemnon.

IV

Télémaque se rend en char à Sparte, où il est reçu par Ménélas et Hélène ; à Itaque, les prétendants décident de tendre un piège à Télémaque

chants V à XII : Ulysse chez Alcinoos

V

Hermès demande à Calypso de libérer Ulysse ; celui-ci décide de partir ; Zeus lui fait savoir qu'il devra rejoindre l'île des Phéaciens, qui le conduiront à Itaque. Il s'embarque sur un radeau de fortune ; mais Poséidon le retarde par une tempête, et il ne peut accoster qu'après 32 jours de navigation

VI

Le lendemain, Ulysse rencontre Nausicaa, fille du roi Alcinoos, qui accepte de l'aider.

VII

Alcinoos reçoit Ulysse, qui ne révèle pas son identité, et décide de l'aider, avec l'aide d'Athéna

VIII

Alcinoos offre un banquet en l'honneur d'Ulysse ; un aède raconte la querelle d'Ulysse et d'Achille, puis l'épisode du cheval de Troie : Ulysse se trahit et avoue qui il est.

IX

Récit d'Ulysse : ses deux ans de navigation, du départ de Troie à l'arrivée chez Calypso : les Cicones, les Lotophages, Polyphème

X

Récit d'Ulysse : île d'Éole, les Lestrygons, et Circé, auprès de qui Ulysse resta un an.

XI

Récit d'Ulysse : la "nékuia", ou visite chez les morts

XII

Récit d'Ulysse : les Sirènes, Charybde et Sylla ; les compagnons d'Ulysse dévorent les chevaux du Soleil, et sont tués par Zeus ; Ulysse gagne seul, sur un radeau, l'île de Calypso, où il demeura huit ans

chants XIII à XXIV : le retour d'Ulysse à Itaque

XIII

Ulysse quitte l'île des Phéaciens et gagne Ithaque ; il y est accueilli par Athéna déguisée en berger. Elle l'informe des menées des prétendants, et l'invite à se déguiser en vieux mendiant. 

XIV

Rencontre avec son fidèle porcher, Eumée, qui refuse de croire qu'Ulysse est vivant.

XV

Athéna part chercher Télémaque à Sparte ; il échappe à une embuscade, et arrive deux jours plus tard à Ithaque.

XVI

Télémaque retrouve son père,  toujours déguisé. Tous deux décident d'un complot, pour se débarrasser des prétendants.

XVII

Télémaque informe sa mère qu'Ulysse est vivant, mais ne lui dit pas qu'il est revenu. Ulysse et Eumée se rendent à la ville ; le vieux chien d'Ulysse meurt de joie en le reconnaissant.

XVIII

Bagarre entre Iros, mendiant attitré d'Ithaque, et Ulysse, toujours déguisé, qui en sort vainqueur ; banquet au cours duquel les prétendants insultent Ulysse, et celui-ci voit Pénélope.

XIX 

Ulysse et Télémaque cachent les armes suspendues aux murs du palais ; Pénélope, qui n'a pas reconnu son mari, annonce qu'elle épousera celui qui sera capable de bander l'arc d'Ulysse, et de traverser 12 haches d'une flèche. La nourrice, elle, reconnaît Ulysse, mais garde le secret.

XX

Banquet en l'honneur d'Apollon ; les prétendants insultent Ulysse, mais un devin prédit leur mort.

XXI

Pénélope annonce sa décision ; mais aucun des prétendants ne parvient à bander l'arc. Ulysse, lui, réussit l'épreuve ; Télémaque vient le rejoindre.

XXII

Massacre des prétendants.

XXIII

Ulysse se fait enfin reconnaître de Pénélope, qui doutait encore, en lui donnant des détails connus d'eux seuls sur leur lit nuptial.

XXIV

Hermès conduit aux enfers les âmes des prétendants ; Ulysse retrouve son vieux père, Laërte. Les familles des prétendants veulent venger leur mort, mais Athéna fait cesser la bataille, et ordonne une réconciliation générale.

Les voyages d'Ulysse :

L’odyssée = un récit en 24 chants, racontant les suites de la guerre de Troie : un personnage, Ulysse, cherche pendant 10 ans à retourner chez lui - à Ithaque, ou plus probablement dans un royaume formé de plusieurs îles : la petite Ithaque, et sa grande voisine Céphalonie.

Qui est Homère ? probablement un aède, poète ambulant ayant fait de nombreuses « tournées » musicales dans tout le monde méditerranéen, et connaissant donc bien un certain nombre de pays, dont on retrouve des traces dans l’Odyssée

Ulysse, par ex. il a pu en entendre parler un peu partout au cours de ses tournées : Olig-sès, le « Petit Ver », appelé Odusseus en Crète. Par ailleurs, le périple que raconte Ulysse aux Phéaciens ressemble fort à celui de marins-commerçants-pirates ! (VIIIème siècle, début de la colonisation de la Grande-Grèce).

Un voyage réel ?

Dans la tradition de Victor Bérard, long voyage d’Ulysse à travers la Méditerranée (cf. cartes) : Charybde et Sylla = le détroit de Messine, les Cyclopes seraient les volcans (un seul œil et qui jettent des pierres… décrits comme des montagnes), Eole logerait… dans les îles Eoliennes ! ; Circé habiterait au Monte Circeo, sur la côte Tyrrhénienne - mais le nom lui a été attribué d’après Homère) : les Lestrygons mangeurs d’hommes seraient Sardes : l’Odyssée décrit précisément le mouillage de Porte Pozzo, dans les calanques de Bonifacio (chant X) ; l’île du Soleil, « aux trois pointes », serait la Sicile,  Calypso serait soit à Malte (port de Gozo, escale des cargos phéniciens), soit à Gibraltar ; quant aux Lotophages, ils seraient de Djerba, en Tunisie, autre escale des marins phéniciens… Ulysse ferait ensuite naufrage devant Corfou (l’île des Phéaciens) avant de revenir enfin dans sa patrie.

voyage_ulysse.jpeg (46332 octets)Le voyage d'Ulysse d'après Victor Bérard

voyage_ulysse_3.jpg (22102 octets)Le voyage d'Ulysse d'après Gabriel Germain

voyage_ulysse_islande.jpg (29492 octets)Le voyage d'Ulysse d'après Alain Bombard

Un voyage intérieur.

En réalité, interprétation symbolique : voyage à la rencontre de l’Ailleurs et de l’Autre (Ulysse = l’Homme « mangeur de pain » par excellence). 

-        L’Ailleurs = la mer, dangereuse, avec ses vents (Eole), ses tempêtes… « la mer sans moissons », ~ « la terre du blé », comme les hommes se définissent comme « mangeurs de pain »

-        l’Autre barbare, lotophage ou anthropophage : l’autre se définit par son régime alimentaire ; mais Scylla (XII), les Lestrygons (X, 80-124) et les Cyclopes (IX) vont plus loin dans le monstrueux : ils mangent les hommes eux-mêmes ; les Cyclopes surtout : IX, 112-115 : ils sont en dehors de tout droit, de toute vie civilisée ; ils ne respectent pas les Dieux (IX, 273-276). A l’inverse, le régime alimentaire des hommes est diversifié (pain, vin, eau, miel, farine, lait, viande du bétail) : c’est ce qui sert pour les sacrifices, c’est surtout ce qui provient de l’agriculture.

Pourtant Polyphème est presque un homme : c’est un éleveur, il boit du vin… Il y a forcément du même dans l’Autre et c’est ce qui le rend encore plus monstrueux.

-        l’Autre = la Femme (Circé, Calypso, Nausicaa). La féminité est dangereuse. Calypso et Circé tentent de séquestrer Ulysse (chant I et V : Calypso retient Ulysse depuis des années ; quant à Circé, elle transforme les hommes en bêtes = sexualité agressive, aliénante et castratrice. (X).  Cette sorcière a des dons de divination : elle met en garde Ulysse contre les Sirènes. Calypso et Circé sont déesse, mais l’une préfère un homme, et toutes deux habitent aux confins de l’humanité. Statut ambigu : mi-humaines, mi-divines, elles sont l’Autre de l’homme, parce que, comme pour Polyphème, il y a du même. Statut problématique de la femme : Pénélope est renvoyée à sa condition subalterne par son fils (I, 356-359 et XXI, 350-353) et Nausicaa disparaît sitôt sa mission accomplie ; mais Calypso et Circé montre que le féminin fait problème et mystère au sein de l’humanité. 

-        l’Autre = les morts (la « nékuia ») ; annoncé par Circé au chant X, 493-495. On ne revient chez soi que par un détour par l’ailleurs, et l’ailleurs radical est celui des morts. La plus rude confrontation, qui lui cause la plus vive douleur (X, 496-498) : elle confronte un mortel à sa condition de mortel. Visite à Tirésias = visite d’un mortel vivant à un mort vivant, car Tirésias a conservé l’incroyable privilège de la pensée. Tous les autres morts sont des êtres absolument déshérités, envers lesquels les vivants n’ont plus à faire preuve de solidarité agissante : Ulysse doit repousser les morts avec son épée - même sa mère ! Là encore, l’autre absolu c’est le mort, mais il n’existe que parce que l’homme est mortel. 

è L’Odyssée = le passage nécessaire par l’Autre et l’Ailleurs pour se retrouver chez soi. Le soi n’existe que par l’autre. Et les Phéaciens ? Lieu central dans le récit, où le récit intérieur peut se constituer. Les Phéaciens sont passeurs : ils ramènent Ulysse chez lui… mais en seront punis par Poséidon.

Et Ithaque ? En arrivant, Ulysse doit affronter les prétendants : même la patrie peut réserver la trahison. De même qu’il y a du même dans l’autre, il y a de l’autre dans le même.

Le prologue :

Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσε,
πολλῶν δ´ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω,
πολλὰ δ´ γ´ ἐν πόντῳ πάθεν ἄλγεα ὃν[1][1] κατὰ θυμόν,
ἀρνύμενος ἥν τε ψυχὴν καὶ νόστον ἑταίρων.                                 
ἀλλ´ οὐδ´ ὧς ἑτάρους ἐρρύσατο, ἱέμενός[2][2] περ·
αὐτῶν γὰρ σφετέρῃσιν ἀτασθαλίῃσιν ὄλοντο,
νήπιοι, οἳ κατὰ βοῦς Ὑπερίονος Ἠελίοιο
ἤσθιον· αὐτὰρ τοῖσιν ἀφείλετο νόστιμον ἦμαρ.
τῶν[3][3] ἁμόθεν γε, θεά, θύγατερ Διός, εἰπὲ καὶ ἡμῖν.                   



 

Traduction :

Muse, chante ce héros fameux par sa prudence, qui, après avoir détruit les remparts sacrés de Troie, porta de toutes parts ses pas errants, parcourut les cités de peuples nombreux, et s'instruisit de leurs mœurs. Sur les mers, en proie à des soins dévorants, il lutta contre les revers les plus terribles, aspirant à sauver ses jours, et à ramener ses compagnons dans sa patrie. Malgré l'ardeur de ce vœu, il ne put les y conduire ; ils périrent victimes de leur imprudence : insensés! ils osèrent se nourrir de troupeaux consacrés au Soleil, qui règne dans la voûte céleste, et ce dieu irrité n'amena point la journée de leur retour. Déesse, fille de Zeus, que nous entendions de ta bouche le récit des aventures mémorables de ce héros.

Commentaire :

Comme le prologue de l'Iliade, celui-ci est extrêmement court : 10 vers, et centré sur l'annonce du sujet : les aventures d'un héros "fameux par sa prudence", et qui n'est pas encore nommé. Le texte est encadré par l'invocation explicite à la "Muse", "fille de Zeus" : la muse Olympienne, l'une de celles que célèbrera Hésiode dans son célèbre prologue de la Théogonie, et dans celui des Travaux et les jours.



[1][1] ὃν[1][1] κατὰ θυμόν : « en son cœur ».  ὃν est ici un possessif.[1]
[2] ἱέμενός : « désireux de »[1]
[3] τῶν : génitif partitif, complément de εἰπὲ : « dis-nous l’une de ces aventures »