Texte d'étude et traduction

Un discours séditieux

Fragment d'une statue de soldat romain (musée d'Orvieto, Italie)Informations[1]

Profitant de la mort d'Auguste en 14 ap. J-C, un soldat des légions de Pannonie, sur le Danube, nommé Percennius, appela à la révolte.

Dilapsis melioribus deterrimum quemque congregare1. Postremo promptis iam et aliis seditionis ministris uelut contionabundus2 interrogabat cur paucis centurionibus, paucioribus tribunis in modum seruorum oboedirent. Quando ausuros exposcere3 remedia, nisi nouum et nutantem adhuc principem4 precibus uel armis adirent ? [...] enimuero militiam ipsam grauem, infructuosam : denis in diem assibus5 animam et corpus aestimari ; hinc uestem arma tentoria, hinc saeuitiam centurionum et uacationes munerum redimi. At hercule uerbera et uulnera, duram hiemem, exercitas aestates6, bellum atrox aut sterilem pacem sempiterna7. [...] An praetorias cohortes, quae binos denarios acceperint, quae post sedecim annos penatibus suis reddantur, plus periculorum suscipere ? Non obtrectari a se8 urbanas excubias : sibi tamen apud horridas gentes e contuberniis hostem aspici.

Tacite, Annales, I, 16

Éclaircissements linguistiques

  1. congregare : infinitif de narration.

  2. uelut contionabundus : « comme s'il était à la tribune »

  3. à partir de cette phrase, Tacite reproduit le discours de Percennius au discours indirect libre, d'où l'infinitif. Le verbe introducteur, « interrogabat », n'est pas répété. On attendrait un subjonctif ; mais l'infinitive, à valeur affirmative, souligne le caractère purement rhétorique de la question.

  4. nouum et nutantem adhuc principem : allusion à Tibère, dont le pouvoir était encore récent (nouum) et fragile (nutantem : chancelant)

  5. denis assibus : 10 as chacun ; sur la monnaie romaine, voir ici.

  6. exercitas aestates : les étés consacrés à la guerre. En principe, les armées se battaient durant la belle saison, les combats s'arrêtant l'hiver ; mais durant celui-ci, les soldats pouvaient stationner dans des camps militaires, en pays hostile...

  7. sempiterna : terme neutre, reprenant « bellum atrox » et « sterilem pacem ». Il faut sous-entendre le verbe être.

  8. se renvoie au sujet principal, c'est-à-dire l'orateur.

Traduction

Comme les meilleurs s'étaient dispersés, il rassembla tous les pires. Enfin, alors que d'autres serviteurs de la révolte étaient prêts, comme à la tribune, il interrogeait les soldats : pourquoi obéissaient-ils comme des esclaves à des centurions peu nombreux, à des tribuns encore moins nombreux ? Quand oseraient-ils revendiquer des soulagements, s'ils n'allaient pas trouver, avec des prières et des armes, un prince nouveau et encore chancelant ? [...] De fait, le service militaire en lui-même était pénible, infructueux : leur âme et leur corps étaient estimés à dix as par jour ; avec cela il faut acheter un vêtement, des armes, des tentes, racheter la dureté des centurions et l'exemption des corvées. Mais, par Hercule, les coups et les blessures, le cruel hiver, les étés consacrés au combat, la guerre atroce ou la paix stérile, ce sont des maux perpétuels. [...] Est-ce que par hasard les cohortes prétoriennes, qui reçoivent deux deniers chacun, qui après seize ans sont rendues à leurs pénates, subissent davantage de dangers ? Non qu'il méprisât les gardes urbaines : mais lui, chez des nations épouvantables, de sa tente voyait l'ennemi.