Rimbaud, Une Saison en enfer

PROLOGUE

« Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.

Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l'ai injuriée.

Je me suis armé contre la justice.

Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine c'est à vous que mon trésor a été confié !

Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l’espérance humaine. Sur toute joie pour l’étrangler j’ai fait le bond sourd de la bête féroce.

J’ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J’ai appelé les fléaux, pour m’étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime. Et j’ai joué de bons tours à la folie.

Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.

Or tout dernièrement m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clé du festin ancien, ou je reprendrais peut-être appétit.

La charité est cette clef.– cette inspiration prouve que j’ai rêvé !

«Tu resteras hyène, etc...», se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. «Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux. »

Ah ! j'en ai trop pris : – Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l’écrivain l’absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.

LES FIGURES MICROSTRUCTURALES :

Les figures de construction :

On trouve de nombreuses figures de construction reposant sur des parallélismes :

On peut noter que toutes ces figures se trouvent dans la première moitié du texte. Faut-il voir là une opposition entre l'unité et le désordre, introduit par le "or" et le "couac" ?

On trouve également d'autres types de figures de construction, notamment :

 

Les Figures de sens ou tropes :


A. Rimbaud, Une Saison en enfer.

«Alchimie du verbe », incipit.

À moi. L'histoire d'une de mes folies.

Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.

J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.

Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n'a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements.

J'inventai la couleur des voyelles! – A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. – Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d'inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre, à tous les sens. Je réservais la traduction.>

Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges.