De quoi parle-t-on lorsque l'on parle d'image ? Écartons tout d'abord l'image, dessinée ou peinte, qui représente (ou non) une réalité : vignette, affiche, illustration, tableau...
Nous nous intéressons ici à l'image
Il s'agit d'une description ou d'une évocation : paysage, portrait, scène... Elle peut prendre la forme d'une hypotypose. L'image n'a qu'un sens, même si celui-ci peut avoir une valeur symbolique.
Ainsi, dans le poème "Automne" d'Apollinaire,
"Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux"
Le tableau entier peut apparaître comme le
Il y a image littéraire dès lors que s'introduit un
Une image est donc composée de deux éléments
L'isotopie est le domaine de réalité auquel renvoient les différentes parties du texte. Dans le cas de l'image
littéraire, l'isotopie est
Mais ce qui importe le plus dans l'analyse de l'image, ce sont les rapports sémantiques entre le thème et le phore, rapports plus ou moins évidents ou éloignés.
Toutes les recherches de la poésie moderne visent justement à revoir ces rapports, dans le sens d'un éloignement de plus en plus grand, afin de créer la surprise ou le mystère.
Parmi les textes essentiels sur l'image, relisons celui de Pierre Reverdy, paru dans la revue Nord-Sud n° 13, en mars 1913.
L'Image est une création pure de l'esprit.
Elle ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus on moins éloignées.
Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique.
Deux réalités qui n'ont aucun rapport ne peuvent se rapprocher utilement. Il n'y a pas création d'image.
Deux réalités contraires ne se rapprochent pas. Elles s'opposent.
On obtient rarement une force de cette opposition.
Une image n'est pas forte parce qu'elle est brutale ou fantastique – mais parce que l'association des idées est lointaine et juste.
Le résultat obtenu contrôle immédiatement la justesse de l'association.
L'Analogie est un moyen de création – C'est une ressemblance de rapports ; or de la nature de ces rapports dépend la force ou la faiblesse de l'image créée.
Ce qui est grand ce n'est pas l'image – mais l'émotion qu'elle provoque ; si cette dernière est grande on estimera l'image à sa mesure.
L'émotion ainsi provoquée est pure, poétiquement, parce qu'elle est née en dehors de toute imitation, de toute évocation, de toute comparaison.
Il y a la surprise et la joie de se trouver devant une chose neuve.
On ne crée pas d'image en comparant (toujours faiblement) deux réalités disproportionnées.
On crée, au contraire, une forte image, neuve pour l'esprit, en rapprochant sans comparaison deux réalités distantes dont l'esprit seul a saisi les rapports.
L'esprit doit saisir et goûter sans mélange une image créée.
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La création de l'image est donc un moyen poétique puissant et l'on ne doit pas s'étonner du grand rôle qu'il joue dans une poésie de création.
Pour rester pure cette poésie exige que tous les moyens concourent à créer une réalité poétique.
On ne peut y faire intervenir des moyens d'observation directe qui ne servent qu'à détruire l'ensemble en détonnant. Ces moyens ont une autre source et un autre but.
Des moyens d'esthétiques différentes ne peuvent concourir à une même œuvre.
I1 n'y a que la pureté des moyens qui ordonne la pureté des œuvres.
La pureté de l'esthétique en découle.
Pierre Reverdy, Nord-Sud, n° 13, mars 1918.
De même, Reverdy insiste sur la
Voir l'étude de l'image dans le premier texte des Jockeys camouflés de Reverdy.
Fondée sur un rapport d'inclusion logique, elle exploite la relation lexicale d'hypéronymie :
La synecdoque déplace également les limites de l'extension du mot ou de l'expression :
Elle substitue au signifié littéral un signifié dérivé, l'un étant traité, dans son entier, comme un élément de l'autre.
On peut observer que la métonymie prend parfois un caractère ethnologique, comparable aux aphérèses des lexiques spécialisés : Henri Suhamy cite dans son ouvrage Les Figures de style (Que Sais-je n°1889, 9ème édition, 2000, p. 47) les exemples suivants :
De telles expressions risquent d'échapper totalement à qui n'a pas un minimum de connaissances œnologiques, et notamment aux étrangers !
Cf. aussi le Songe d'Athalie : "C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit". Cf. Gradus, p. 17.
Tartuffe use souvent d'abstraction : "les vains efforts de mon infirmité" ; ou "mon néant" (v. 984) ; ou encore
"vos bontés"
On observe ici un phénomène d'intersection sémique entre les unités mises en jeu.
Il est parfois artificiel de séparer métaphores et comparaisons, l'une prenant souvent le relais de l'autre. Un ex. dans l'Espoir, p. 488 (également cité par H. Suhamy) :
"L'hôpital... Gratte-ciel morne et meurtrier, ruine de tour babylonienne, il rêve comme un bœuf parmi les obus qui le giflent de décombres."
Le verbe "giflent" est métaphorique ; il contient le sème /animé/ qui ne correspond ni à son sujet, ni au COD. "comme un bœuf" est une comparaison ; "ruine de tour babylonienne" est une métaphore. Mais il aurait suffi que Malraux écrive "Bœuf qui rêve" ou "comme une ruine" pour que le rapport soit inversé. On peut parler ici de séquence d'images.
"Bogaert sentit que la journée s'écoulerait bêtement et lentement, comme une rivière sans poissons devant l'ombre d'un pêcheur à la ligne". Pierre Mac Orlan, La Cavalière Elsa.
Ici la comparaison s'accompagne d'une syllepse, le verbe "s'écouler" ayant simultanément le sens abstrait et le sens concret.
Introduite par "comme si" ou "on eût dit", elle passe d'un premier terme donné comme réel, à un 2ème présenté comme irréel ou fantastique. On en trouve des exemples dès Shakespeare, mais elle est utilisée surtout à partir de Chateaubriand.
Elle transgresse la règle des ressemblances : "La terre est bleue comme une orange".
Elle est parfois de forme A = B : "Le sommeil est une fontaine / pétrifiante" (Cocteau, Opéra).
Comme Mallarmé, qui voulait "supprimer le mot 'comme' du dictionnaire", les Surréalistes tendent, dans la métaphore, à supprimer délibérément le thème, c'est à dire le terme imagé ; d'où l'hermétisme, et la création de véritables métaphores-énigmes.